Société

L’édition à l’ère du numérique: entretien avec Ugo Bardeau, co-fondateur de Novelle

« C’est dingue, les gens lisent sur smartphone ! » s’exclame avec stupéfaction le personnage incarné par Pascal Greggory dans Doubles Vies. Le nouveau film d’Olivier Assayas, dans les salles depuis le 16 janvier, dépeint un monde de l’édition au tournant du numérique. Les craintes et interrogations qui y sont évoquées sont-elles légitimes ou trop caricaturales ? Les technologies numériques signent-elles l’arrêt de mort de l’édition, du livre voire de la lecture ?
Le numérique est un sujet récurrent dans le monde de l’édition. À tort ou à raison ? Pour alimenter ma réflexion à ce propos, je suis partie à la rencontre d’Ugo Bardeau, co-fondateur de Novelle.

Culture

Qui me lira ?

Le livre est un objet bien particulier. Attachant, symbolique, intime, il raconte parfois plus d’une histoire : la sienne et la nôtre. Partage, échange et lecture semblent alors former un cocktail qui va de soi. S’inspirant des campagnes de partage de livres qui agissent au Royaume Uni, The Fair, une société basée à Pékin, lance l’initiative Mobook : plus de 10 000 livres sont éparpillés près des transports en commun dans les grandes villes de Chine, prêts à être cueillis par d’avides lecteurs… Mais la réception manque curieusement et véritablement de poésie !
L’échec Mobook : une histoire qui finit mal
L’association Books on the Underground, fondé au Royaume-Uni, nous reconnecte avec la notion d’échange interpersonnel, émanant du livre. Le principe est simple : des livres sont déposés dans le métro presque tous les jours par des membres de l’association. Cette dernière est soutenue par de nombreux auteurs, éditeurs, mais aussi réalisateurs et acteurs. La participation d’Emma Watson à cette campagne en est l’exemple le plus récent. En novembre 2016, l’actrice a déposé dans le métro londonien une centaine d’exemplaires du même livre, Mom & Me & Mom de Maya Angelou, accompagnée d’une petite note explicative écrite de sa propre main. L’initiative est admirable mais surtout elle fonctionne ! Les passants étaient intrigués, l’échange s’est alors fait en toute habileté.

Mais lorsque le partage dépasse les frontières de l’Europe pour atteindre la Chine, le résultat s’avère moins positif, et de loin. Effectivement, The Fair lance sa propre campagne de bookcrossing dans les villes de Shanghai, Pékin, et Guangzhou, avec pour projet de l’étendre encore plus. Passant de 100 livres déposés par Emma Watson dans les métros londoniens à 10 000 livres répartis dans les transports publics de Chine, cette volonté d’incitation à la lecture prend une toute autre forme. Non seulement les passagers ne se sont pas emparés des livres mais surtout des plaintes ont fusé de toute part ! Et ce pour de multiples motifs : le manque de place dans le métro, le manque d’originalité, et la provenance trop occidentale de ce modèle… En résulte une campagne d’abord très réussie qui se transforme en un fiasco total.
La Chine, dépourvue de lyrisme ?
La démarche de bookcrossing, mise en place plus intensivement en Chine, en devient presque excessive et contraste avec la subtilité des actions menées par l’association anglo-saxonne. En cachant uniquement cent livres dans le métro et en invitant au partage, Emma Watson confère un aspect unique à chaque exemplaire et à la personne qui le trouvera. Poétique et attrayante, cette démarche communicationnelle joue sur l’effet boule de neige : un petit noyau de livres et de lecteurs qui se propage et s’agrandit. Dès lors, le côté brusque et soudain de la campagne Mobook détonne avec l’atmosphère offerte, originellement, par cette initiative. Le cœur du problème est rapidement identifié : l’idée est bonne, mais la cible ne lui correspond pas. D’une part, les métros circulant dans les grandes villes de Chine sont surpeuplés et ne permettent pas une activité de lecture paisible. Les réactions, intransigeantes et austères, dénoncent le « trouble de l’ordre public » ; et de ce fait de nombreux livres sont récupérés par le service de nettoyage du réseau de transports.

D’autre part, la Chine est l’exemple même d’une société qui ne lit plus (ou très peu), notamment parce qu’elle privilégie la technologie. Un sondage mené par l’Académie Chinoise de la Presse et de l’Édition montre qu’un citoyen du pays a lu en moyenne moins de 5 livres au cours de l’année 2015, chiffre radicalement supérieur aux États-Unis, au Canada mais aussi en Corée du Sud, avec 11 livres lus par an, et 9 au Japon. Le concept marketing de Mobook est estimé illusoire et vain, dans la mesure où les communicants autour du sujet, tel que l’acteur Huang Xiaoming, ne lisent vraisemblablement pas non plus. La démarche tourne alors au ridicule et n’est plus considérée que comme une activité marketing, visant à promouvoir la société The Fair. Ce manque d’intérêt et ces conditions sont décidément peu propices à l’expansion et à la réussite d’une telle campagne.
Livre versus smartphone : une page qui se tourne ?
Autre facteur, autre problématique : la technologie a pris la relève depuis de nombreuses années dans de nombreux domaines. Le livre pourrait-il être dépassé ? Si le monde de l’édition tend à nous prouver que non, l’obsession pour les smartphones semble pourtant justifier en partie l’échec de Mobook. Les transports sont, par excellence, des lieux propices à la lecture et nous voyons constamment des voyageurs plongés dans leurs livres. Mais désormais les portables occupent bien souvent les mains des passagers, et cela se fait particulièrement ressentir en Chine. Les citoyens, le nez rivé sur leurs smartphones, préfèrent suivre les réseaux sociaux, regarder des émissions ou jouer à des jeux vidéos. La lecture se raréfie car elle n’est ici plus vue comme un plaisir, mais uniquement comme un moyen de réaliser des objectifs professionnels ou intellectuels.

Une question, quelque peu inquiétante, se pose : est-ce réellement la campagne Mobook qui est à l’origine de ce flop, ou bien le livre lui-même ? Murong Xuecun, écrivain chinois renommé, souligne le manque d’intérêt pour la lecture de la part de ses concitoyens. Néanmoins, il est loin de décrire une situation désespérée ; il encourage la poursuite d’initiatives de ce type, lesquelles sont, après tout, la clé pour retrouver l’essence même de la lecture, fondée sur l’échange et le partage. Alors attention ! Le livre n’a pas dit son dernier mot.
Madeline Dixneuf
Sources :
Books On The Undergroud, site officiel, consulté le 29/01/2017
http://booksontheunderground.co.uk/
French-china.org, Le partage de livre dans le métro fait un flop, publié le 17/11/2017, consulté le 29/01/2017
http://m.french.china.org.cn/french/doc_1_26361_2153068.html
ActuaLitté, Dans le métro la chasse aux livres façon Emma Watson finit mal, Nicolas Gary, publié le 19/11/2016, consulté le 29/01/2017
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/chine-dans-le-metro-la-chasse-aux-livres-facon-emma-watson-finit-mal/68124
The Guardian, Emma Watson leaves free copies of Maya Angelou book on tube,
Alison Flood, publié le 3/11/2016, consulté le 30/01/2017
https://www.theguardian.com/books/2016/nov/03/emma-watson-free-copies-maya-angelou-books-on-tube-harry-potter
Crédits photos :
Actualitté.com
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Au boudoir écarlate, sur ecommerce & co
French.China.org

Politique

"Un président ne devrait pas dire ça": quand la langue présidentielle se lit et se délie

12 octobre 2016. L’Obs publie un entretien avec le Président de la République. Il y délivre une parole formelle, sérieuse, qui lance (peut-être ?) sa campagne pour 2017 avec sa déclaration « Je suis prêt ». Mais, coup de théâtre : le même jour, la parution du livre Un président ne devrait pas dire ça, Les secrets d’un quinquennat de Fabrice Lhomme et Gérard Davet produit l’effet d’une bombe. Ce livre est d’un tout autre registre que l’entretien dans L’Obs, celui de la confession. Tout ce que l’entretien construisait, ce livre le déconstruit, voire l’anéantit. Alors, coup de grâce ou coup de maître communicationnel ? Tout le monde s’interroge. Un véritable coup d’éclat médiatique, ça c’est sûr.
Un président qui n’a pas sa langue dans sa poche
La parution de Un président ne devrait pas dire ça questionne l’essence même de la parole présidentielle. À la maîtrise verbale normalement attendue d’un président, François Hollande y oppose une logorrhée qui interroge. Le président a en effet un devoir de contrôle de sa parole, car celle-ci représente la parole de l’Etat. Sa fonction de président impose une maitrise absolue de ses propos pour une communication efficace, qui incarne notre pays. Or, dans ce livre, il se prononce sur tous les sujets, parle sans filtre et longuement, puisque l’ouvrage fait 600 pages environ ; autrement dit, c’est un livre fleuve. Mais gare à la crue : quand le président parle trop, on ne l’écoute plus, et sa parole est discréditée. En communication politique, le silence est d’or.
Sur Radio Notre-Dame, l’avocat Louis Soris déclare « On a l’impression que c’est un candidat de télé réalité qui va dans le confessionnal et se livre sur son aventure présidentielle ». Sa parole n’est alors plus considérée comme la parole officielle, celle qui prend les grandes décisions et dirige la France. La confession ne fait pas partie des fonctions de la parole présidentielle, et le devoir de silence pour mieux communiquer s’impose. Il avoue ainsi avoir organisé des assassinats ciblés, ce qui relève pourtant d’une opération top secrète ! C’est un véritable strip-tease médiatique où le chef de l’Etat se met à nu, et permet à tous d’observer ses failles et de les fragiliser. Car au niveau de la réception du livre, il n’y a pas non plus de maîtrise de la situation. Les citoyens sont dans l’incompréhension d’une telle démarche, les personnalités politiques récupèrent l’événement pour achever politiquement François Hollande et prendre l’aval sur lui. Son blabla incessant devient un brouhaha de réactions, de polémiques. Débandade de mots, débandade de réactions, décidément tout lui échappe. Les auteurs du livre expliquent à ce sujet : « Il était inquiet, il ne maîtrisait pas le processus. C’est exactement ce qu’on voulait, qu’il ne maitrise pas le processus, il ne nous a pas choisis, c’est nous qui l’avons choisi ». Le problème majeur est que l’on attend justement du président qu’il maitrise son action, ce qui passe avant tout par une maitrise accrue de sa parole.
« Petit traité du parfait suicide politique » ?

Se confesser à des journalistes, de nombreux présidents l’avaient fait avant lui. Valéry Giscard d’Estaing, par exemple, était coutumier de cette pratique. Dans le cas actuel, la dissonance entre ses révélations dans le livre et ses propos officiels en tant que président est problématique. Ses confessions télescopent son travail politique, et c’est là que le bât blesse. Ses propos politiques sont alors discrédités et son action en tant que président de la République perd de sa crédibilité. Par exemple, ses dires sur l’immigration «Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là », sont en décalage avec sa politique à ce sujet.
Et dans sa forme même, l’ouvrage est un ovni politique. Le président choisit une expression indirecte, qui passe par la plume des journalistes, alors qu’on attendrait du premier représentant de l’Etat une expression directe avec les citoyens français. Les règles de l’oralité avec lesquelles s’exprime François Hollande sont sujettes à la déformation. La compréhension des propos passe par plusieurs prismes : celui des journalistes, puis celui des lecteurs. À la fin de ce processus, les paroles initiales sont faussées. De la même manière, ses révélations sont sujettes à la dérive quand elles sont sorties de leur contexte, certains journaux publiant même les « bonnes feuilles ». La phrase « La femme voilée d’aujourd’hui sera la Marianne de demain » a par exemple suscité une grande polémique du fait de son ambigüité. Tout un imaginaire est créé au sujet de ses propos supposément tenus, et le résultat est désastreux.
Parler c’est bien, faire c’est mieux. Le président parle beaucoup, mais agit-il vraiment ? Peut- être veut-il, à travers la chronique de son quinquennat, donner l’illusion d’avoir accompli beaucoup ? Le dessein d’ensemble n’est pas clair et les critiques sont plutôt sombres.
Un franc parler pour parler de la France

Mais cet exemple n’est-il pas la preuve d’une nouvelle communication en politique, d’un nouveau mode d’expression ? Le dessein des deux auteurs était de lutter contre la langue de bois politique. Pari réussi. Le temps d’un parler vrai des politiques a sonné, et François Hollande en est peut-être le pionnier. Ce livre donne à voir une nouvelle parole politique, portée par la recherche de la vérité.
Le chef de l’Etat se livre avec une franchise troublante. Cet ouvrage issu de longues discussions sur une durée de cinq ans permet à François Hollande de s’exprimer plus librement, et surtout plus profusément que dans une interview classique. Le discours n’est pas formaté, le président s’exprime sans filtre, sans contrainte, sans préparation antérieure. La longueur du livre permet de resituer l’action du président dans une chronologie, et dès lors de voir la cohérence – ou l’incohérence – de son action politique.
Alors, suicide politique ou avènement d’une nouvelle ère de communication politique ? La côte de popularité en baisse du chef de l’Etat a peut-être déjà tranché.
Diane Nivoley
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Sources:
« Pour la première fois, c’est sur sa personnalité que François Hollande désespère même ses proches », Le Huffington Post, 14/10/2016, Romain Herreros
«Un président ne devrait pas dire ça» : ce livre empêchera-t-il François Hollande de se pré- senter ? », RT, 14/10/2016
« « Un président ne devrait pas dire ça » : « la veille de la publication, François Hollande était inquiet » », Non stop politique, 13/10/2016, Ambre Lefeivre
« L’opération mea culpa de François Hollande (et ses limites) », Le Huffington Post, 12/10/2016, Geoffroy Clavel
« Les confessions de Hollande navrent ses amis », Le Monde, 14/10/2016, Cédric Pietralunga et Bastien Bonnefous
« Hollande se permet encore de carboniser les lambeaux de popularité qui lui restent », Le Monde, 15/10/2016
Crédits photos:
Europe Israël News
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Dessin de Cambon pour Urtikan.net

Société

Je suis un vrai, un dur, un tatoué

A l’occasion de la sortie de son livre « Why does Mommy have tattoos » en avril 2016, l’artiste Marilyn Rondón revient sur les motivations qui l’ont poussée à publier un ouvrage pour enfants destiné à briser les préjugés liés aux tatouages. L’occasion de se pencher sur une pratique ancestrale encore mal aimée par beaucoup.

Le tatouage, des préjugés qui lui collent à la peau
Si le tatouage est aujourd’hui particulièrement mis en lumière par les médias, il existe une diversité des savoir-faire et des perceptions qui est souvent occultée. En Polynésie Française comme dans les Îles Marquises – très belle exposition à ce sujet au musée du Quai Branly actuellement !-, le tatouage est un véritable rituel qui permet de distinguer les classes sociales et l’âge de chacun de ses membres : plus on est tatoué, plus on accède aux privilèges de la société et plus on est respecté. En ce sens, le tatouage est un acte sacré qui s’incarne dans des motifs comme le Tiki, le dieu créateur qui veille sur ses peuples.

Mais le tatouage prend une toute autre dimension dans certaines sociétés où il est synonyme de honte et de stigmatisation. Dans le Japon du VIème siècle, il servait à marquer les criminels qui conservaient la trace de leur forfait à vie, sans oublier l’Allemagne nazie, qui marquait les déportés d’un numéro indélébile qui les réduisait à un code, à un produit.
Laissez vos tatouages au vestiaire je vous prie
Cependant, depuis la fin du XXème et le début du XXIème siècle et devant l’afflux massif de personnes se faisant tatouer (une partie ou le corps entier), la question du tatouage s’est reposée différemment : permet-il d’appartenir à un groupe particulier ? Est-il seulement à visée esthétique de sorte que le tatoué le réalise tout d’abord pour soi et non pour l’opinion publique ? Si le tatouage, dépourvu de toute dimension sacrée comme nous l’avons énoncé plus haut, est pour beaucoup le moyen de conserver à vie un motif qui lui est cher, il reste toutefois assez mal vu dans le monde du travail et en particulier par les recruteurs qui l’associent à un « mauvais genre », qui renvoie une image de fantaisie et même de subversion qui n’a pas lieu d’être dans le milieu professionnel. Lors d’une interview pour Konbini, Marilyn Rondón raconte comment le fait d’être une femme tatouée influence l’opinion : une femme doit incarner la beauté, la finesse, là où le tatouage serait une vulgaire tache sur une pureté supposée. Elle revient sur l’esclandre provoquée par sa patronne le jour où elle se tatoua le visage alors qu’elle-même était tatouée. A ce titre, Grazia s’était amusé à publier une série de photographies retouchées par Cheyenne Randall reprenant des personnalités telles que Jackie et John Fitzgerald Kennedy ou encore Kate Middleton et le Prince William, en leur imaginant de nombreux tatouages : en touchant à de telles icônes, il s’agit de questionner nos a priori et nos convictions : Jackie aurait-elle été si respectée si elle avait été tatouée ?

L’art du tattoo
Mais si le monde du travail préfère laisser de côté la fantaisie, la publicité quant à elle la reprend à son compte : le tatouage n’est alors plus vu comme vulgaire ou sale mais comme un atout de charme et de séduction. Prenons l’exemple des parfumeurs : un homme tatoué incarne la force voire la domination, tandis qu’une femme tatouée se voudra sexy, mystérieuse, inaccessible et surtout inoubliable : le tatouage est un moyen d’ « encrer » sa différence, mais avec style.

Ces mises en scène des tatouages tentent elles aussi de surmonter les idées préconçues qui corsètent encore ces derniers dans une image de gribouillis qui ne ressemblera plus à rien des décennies plus tard. Elles ont aussi pour vocation de leur rendre leurs lettres de noblesse et de les montrer tels qu’ils sont : des œuvres d’art.
C’est d’ailleurs ce que les tatoueurs défendent ardemment à travers de nombreux salons et en opposition aux détracteurs, à l’image de l’émission « Tattoos fixers » diffusée sur Channel 4. Il s’agit de filmer des personnes regrettant leur tatouage ou s’étant fait tatouer à leur insu, et de le « rattraper » en tatouant un autre motif par-dessus. Les tatoueurs britanniques se sont insurgés car selon eux cela retire toute la dimension artistique du tatouage en le présentant comme un vulgaire collage, dénué d’inspiration et de création. Les tatoueurs de l’émission, également accusés de plagiat, bafouent l’éthique des tatoueurs et la marque de chacun. Le tatoueur Paul Taylor a alors lancé une pétition contre l’émission et qui fut massivement soutenue par les amoureux du tattoo.

Si le tatouage peine encore à se faire accepter comme art et surtout comme un choix individuel qui n’entache en rien ni la personnalité ni la profession des adeptes, le travail et la finesse d’un bon nombre d’artistes tatoueurs tend à redorer son blason. Et puis, Angélina Jolie reste la preuve vivante que l’on peut être belle, élégante, et tatouée.
Ludivine Xatart
Sources
-Konbini, « Pourquoi Maman a des tatouages ? », Olivia Cassano, Mai 2016
-Konbini, « Une émission de téléréalité agace l’industrie du tatouage britannique », Kate Lismore, Avril 2016
-Kustom Tattoo : L’histoire du tatouage
-Grazia, « Pourquoi maman a des tatouages? » : un livre à l’assaut des préjugés, Chloé Friedmann, 22 Avril 2016
-www.mondialdutatouage.com
Crédits photos
-Konbini, « Why does Mommy have tattoos ? »: © Marilyn Rondón
-Marie Claire, “Les plus beaux tatouages repérés sur Pinterest”: © Pinterest/DR
-corion.over-blog.com
-Grazia : photos tatouages numériques par Cheyenne Randall
-deleardebeauté.wordpress.com
-bloodisthenewblack.com
-vice.com

Publicité et marketing

MangAttaque : coeur d'une stratégie de communication

Le 30 novembre 2015, le bureau du mangaka Shigeru Mizekula nous annonçait sa mort. Connu et vénéré pour ses œuvres aussi exigeantes qu’innovantes, le festival d’Angoulême lui a attribué, en 2007, le prix du meilleur album pour NonNonBâ.  Cet événement constitue une consécration du manga en France. Pourtant, ce média fut pendant longtemps sous-estimé. Comment se fait-il que des auteurs tels que Mizekula rayonnent aujourd’hui dans l’hexagone ?
Un média à l’aise sous le soleil levant
En tant que consommateurs, nous sommes destinés à nous concentrer sur les produits qui ont été spécifiquement créés pour nous. Les mangas n’échappent pas à cette règle. Or, lorsqu’on lève la tête, on observe une incroyable diversité de mangas. On peut distinguer des formats et des genres pouvant prétendre toucher tous les démographies d’une société. Le manga prend, tour à tour, la forme d’aventures trépidantes pour les enfants, d’histoires sentimentales à l’eau de rose et même de récits érotiques destinés à toutes les sexualités.
De manière générale, les étrangers vivant au Japon peuvent se répartir en deux catégories : ceux qui restent quelque peu perplexes face à la fascination suscitée par ce phénomène et ceux qui affirment que ce sont les mangas qui les ont poussés à apprendre le japonais. En tous cas, la culture japonaise ne laisse pas indifférent : les jeux télévisés japonais délirants et les serveuses de café déguisées en personnages de dessins animés  participent à la formation d’un mythe autour de la culture japonaise.
Les mangas constituent un média sous-estimé et méconnu en France. Au Japon, ils sont très rarement édités directement sous forme de volumes reliés. Ils paraissent tout d’abord dans des magazines de prépublication. Les séries y sont souvent publiées par chapitres d’une vingtaine de pages. Ces magazines, bon marché, s’écoulent en millions d’exemplaires pour certains et se lisent partout : ils sont consommés de la même manière que les journaux. Le Weekly Shōnen Jump, magazine le plus influent, est vendu à hauteur de 3 000 000 d’exemplaires par semaine.  Sa performance est fondée sur la publication de mangas à succès comme One Piece ou Assassination Classroom.
Si une série rencontre du succès, elle se matérialise en volume reliés ( appelés tankōbon ) vendus dans le monde entier.

Ensuite, elle peut entamer une troisième carrière en étant adaptée à la télévision sous la forme de dessins animés, autrement appelés « anime ». Le mot manga recouvre ainsi deux désignations distinctes : la version papier et la version animée d’une série. Cette constatation fait apparaître les déclinaisons qui font la spécificité de ce média. De cette manière, le contenu est communiqué de différentes manières et a de ce fait, plus de chance de toucher sa cible.
Aujourd’hui, le manga a trouvé sa place dans la culture française mais dans les années 90, un éditeur comme Glénat bataillait pour importer la culture japonaise en France. « J’étais un extraterrestre », se souvient Jacques Glénat. Aujourd’hui, l’éditeur affirme que cette tentative était trop avant-gardiste pour une époque où l’État français arrêtait les magnétoscopes japonais à Poitiers.
Mais alors, comment résoudre ce blocage ? Inébranlable, il décide de séduire les lecteurs plus en douceur avec un manga « occidentalisé ». Ainsi, il choisit de publier son auteur fétiche dans des albums cartonnés. Les onomatopées, propres au manga, sont traduites et les dessins sont coloriés. Par dessus tout, le sens de lecture est inversé. Malgré cet effort, le manga a toujours mauvaise presse.
C’est Goldorak puis Dragon Ball z qui réussiront à convertir les Français au milieu des années 90. Les autres éditeurs français lancent d’autres mangas pour concurrencer leur succès. Dans la foulée, le studio Ghibli commence à se faire connaître dans l’hexagone. De la publicité aux dessinateurs français, la société s’empare de ce nouveau phénomène. 
Selon Glénat, le manga serait une passerelle vers des auteurs européens de bandes dessinée plus classiques dont les adolescents se détournaient. Ainsi, le média manga favorise le « cross-média », autrement dit, il met en réseau différents médias au sens où il a redynamisé le marché de l’édition.
D’un pays émergent à un pays « cool »
L’erreur originelle est de voir le manga comme un simple objet destiné aux enfants et aux adolescents prépubères. D’abord, il est important de comprendre les statistiques : elles prouvent que le manga est un média consommé par toutes les tranches d’âges. Au Japon, 88% des lecteurs sont des adultes. Autrement dit, le manga ne se destine pas à un seul pan de la société. D’ailleurs, il suffit d’observer une classification des mangas pour le constater. Les mangas visent des gens de tout âges, touchent aussi bien à la fantasy qu’à la pornographie et se déclinent sous différents formats.
En réalité, le manga est à analyser comme un outil essentiel de communication pour la culture japonaise. En effet, la « Cool  Japan », dont le manga est un vecteur, est l’une des principales stratégies de communication du ministère japonais de l’Économie, du commerce et de l’industrie. Cette politique fut instaurée dans le but d’encourager le rayonnement culturel du Japon. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le montant des subventions allouées aux chercheurs s’intéressant aux mangas.
La bande dessinée japonaise est un détour qu’utilise la culture nippone pour se faire connaître. C’est lui qui transmet le goût des Rāmen ou la vision idéale des cerisiers japonais. Dans les années 80, le Japon s’enrichissait en exportant des voitures et des appareils électroniques mais n’arrivait pas à se séparer de son image de « pays émergent ». Aujourd’hui, avec cette communication, on voit le Japon comme un pays à la pointe de la technologie. En fait, la « Cool Japan » est un moyen habile d’imposer l’image d’un Japon moderne, autrement dit elle est un « soft power ».
Les effets du « Cool Japan » se font ressentir jusque dans les relations diplomatiques. Par exemple, l’ancien Président de la République française, Jacques Chirac, s’est appuyé sur sa passion pour l’art du sumo pour se rapprocher d’un certain nombre de premiers ministres japonais. Les relations diplomatiques entre la France et le Japon ont ainsi été facilitées. Un centre d’intérêt commun est un lien communicationnel non négligeable.

Un genre codé mais non moins populaire
Après les catastrophes naturelles du 11 mars 2011, les médias japonais remplissaient leur rôle et s’en tenaient à l’information. En revanche, le manga, en tant qu’objet culturel, était un espace où il était possible de se reconstruire et de repenser la société nippone. À notre époque, le rôle de la culture est de créer une communication sur une autre mode que celui de l’entreprise ou de la nation. Pour Jacqueline Berndt, une sommité dans les études académiques sur le manga, il ne faut pas voir la bande dessinée japonaise comme un outil de l’impérialisme japonais mais comme un moyen de tisser du lien.
Si les Japonais considèrent le manga comme un simple média familier, il n’en n’est pas moins un incroyable objet de communication. Il fait partie intégrante du quotidien des Japonais et sa capacité à se faire oublier montre à quel point il a réussi en tant que média : sa valeur n’est pas à prouver.
Le manga est un média traditionnel au Japon. Mais sans devenir un objet quotidien, le manga s’impose dans d’autres pays. La France est le deuxième plus gros consommateur de manga au monde en termes de volume. Par quel enchantement la bande dessinée japonaise arrive à transcender les mentalités et les contextes culturels ?
À l’évidence, la lecture est un moyen de communiquer avec une pluralité d’individus. Or, la traduction permet une diffusion plus large de la bande dessinée japonaise. La disposition des cases et les lignes de vitesses sont autant de particularités cultivées par le manga. Elles lui permettent de se singulariser et de communiquer de manière originale et inimitable.
Ainsi, le manga fédère ses lecteurs autour de codes bien précis. En France, il existe une communauté de passionnés de mangas. Ce phénomène saute aux yeux lorsqu’on se penche sur le succès des expositions destinées à la culture japonaise : la Japan Expo ou bien le « Paris Manga & Sci-Fi Show » en sont de bons exemples. Ces festivals permettent de regrouper les lecteurs autour des mêmes codes. À l’époque d’internet, les échanges entre mangaphiles sont facilités. Ce n’est pas par hasard au demeurant que le manga est devenu global à ce moment précis.
Le manga est d’autant plus fédérateur qu’il ne crée pas de barrières. Les personnages de manga se sont développés sous l’influence de la bande dessinée américaine. Il suffit de les regarder pour constater qu’ils ne sont pas typiquement japonais. De cette manière, les barrières sont brisées : les personnages dépassent le cadre de la race, de la couleur, de la sexualité, des genres …
Cela n’empêche pas que le manga soit extrêmement codé. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Des livres pour apprendre à dessiner à la manière des mangakas sont devenus incontournables lorsque le phénomène manga est devenu mondial. Le manga est ainsi un média accessible qu’il est possible d’imiter.
Bouzid Ameziane
Sources :
– Critique internationale 2008/1 (n° 38), P.37,  Iwabuchi Koichi, « Au-delà du « Cool Japan », la globalisation culturelle…. » :
– « Le rôle du manga au titre de la « culture » », Nippon.com, Yata Yumiko, 15/06/2012 :
– « Mort du mangaka Shigeru Mizuki, raconteur de l’indéchiffrable », Frédéric Potet, Le Monde, 30/11/2015 :
– « Pourquoi le manga est-il devenu un produit culturel global », Jean-Marie Bouissou, Eurozine, 27-10-2008 :
– « Le manga en France », Xavier Guilbert, du9 l’autre bande dessinée, 07-2012 :
Crédits images :
– Photo de couverture : Shigeru Mizuki
– Weekly Shōnen Jump
– Sipa, Le Figaro
– Bleach

Société

Complot de l'atmosphère ou atmosphère de complot ?

Une heure après la fusillade du 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo, une centaine d’arguments « pro-complot » émanent d’Internet : comment quelqu’un pouvait se trouver, juste au même moment, sur le toit d’un immeuble pour filmer la scène ? Comment se fait-il que les auteurs de l’acte terroriste puissent oublier leur carte d’identité dans leur voiture abandonnée ? Comment se fait-il que le président Hollande arrive si vite sur les lieux – sinon qu’il ait été prévenu à l’avance du drame ? Autant d’interrogations auxquelles de plus en plus de gens semblent préférer la thèse d’une vaste conspiration plutôt que celle de la folie meurtrière et idéologique. Problème : on y trouve pas le début d’une preuve rationnelle.

Le mythe du complot ne date pas d’hier. Il est né, en France, avec la Révolution de 1789 : preuve qu’il émerge d’événements des plus violents. Il a cependant changé de nature. Presque devenu anodin, on le voit surgir non plus seulement à chaque événement dramatique (attentat, crashs…), mais aussi à l’occasion de n’importe quel fait avéré de notre monde, pour peu qu’il soit inédit. Ainsi le changement climatique, dont nous ressentons pourtant les effets, est traité par certains comme le produit d’un vaste complot.
La vérité est ailleurs…
Une contradiction demeure : on voit surgir, dans une société hyper informée, une forme de paroxysme  de la rumeur. La faute, justement, à la surabondance de médias ?
Préférant la polémique à la pédagogie, ils alimenteraient le sentiment collectif d’une conspiration, d’une vaste supercherie concernant les problèmes de fond de notre société. L’éclairage médiatique, quand il est provoqué par un détracteur, ou un pourfendeur d’une  thèse, peut-il mener à autre chose qu’a la suspicion ?
Rien n’est moins sûr. Sur des sujets comme la réchauffement climatique, la « machine à clash » dont nous parlions ici même, pousse les gens non pas à l’action, mais à la résignation. On se réjouit que certains se demandent s’il faut vraiment continuer à inviter les climatosceptiques sur les plateaux télé, ou si ceux-ci font du bien à la science et au débat démocratique.
Car la crise climatique devrait provoquer  un sentiment d’urgence des décisions, et non l’agitation  stérile – souvent à l’initiative, il faut bien l’avouer, des politiques. Celle ci  n’amène qu’à la défiance, et deux choix s’offrent alors à nous : la résignation devant « ces choses qui nous dépassent », ou  la préférence paresseuse pour le complot.

Certains penseront aussi que les médias « ne disent pas tout, et que tout ce qu’ils ne disent pas se trouve sur internet ». C’est d’ailleurs parfois vrai… Mais, le nouveau réflexe de l’opinion commentant, instantanément, un événement fait qu’elle bascule vers des explications complotistes – ce au même titre que les médias traditionnels.
Quand chacun y va de sa propre interprétation, le citoyen est perdu. Le désordre du web conduit à un ordre factice. Le complotiste vous donnera en effet l’illusion d’apporter un peu de cohérence à ce désordre, uniquement par la réfutation méthodique d’arguments avérés par les médias et/ ou par les politiques. Pour cela, il utilisera la même logique que ceux qu’il critique : titres racoleurs, preuve par l’image… (On pense, dans le cas de Charlie Hebdo, à la polémique autour des rétroviseurs de la voiture des terroristes).
Séduisant, non ? La rhétorique du « on vous ment », on le sait, est aujourd’hui fructueuse. Même pour des domaines scientifiques, comme pour celui du climat,  elle fait  recette.
Climatosceptiques : du complotisme actualisé
Il n’est pas étonnant, de nos jours, de voir certains acteurs profiter d’un moment particulier pour faire valoir leur arguments – souvent vides – en faveur d’un complot organisé. Cela offre une « fenêtre d’écoute » très convoitée. En ce qui concerne le climat, ce moment, c’est évidemment la COP21. Les climatosceptiques, eux non plus, ne datent pas d’hier: seulement, on observe un retour sensationnel de leurs théories, à la veille de la conférence mondiale des Nations Unies.
À la source de ce scepticisme, on trouve la même défiance envers les institutions, médiatiques et cette fois scientifiques. D’une part, on observe en effet un certain catastrophisme à l’oeuvre dans les médias quand il s’agit de traiter un événement climatique. Images chocs, témoignages tristes et effrayants, bref, la « fin du monde » ne semble jamais loin. Là aussi, on préfère la polémique à la pédagogie, le sensationnalisme à l’information. Le sentiment d’impuissance prend le pas sur celui de la volonté d’agir, de trouver des solutions, de s’adapter.
D’autre part, le GIEC (Groupe Intergouvernmental d’Experts sur les Effets du Climat, crée en 88 par deux instances de l’ONU) a beaucoup de mal à se faire entendre : les accusations d’une trop grande complexité des rapports (même pour les Etats…) s’ajoutent aux accusations d’erreurs scientifiques – même quand elles sont corrigées ; et aussi au scandale sexuel qui a touché le président du groupe l’année dernière. Pas étonnant que le complotisme y trouve un terrain particulièrement intéressant.

 
Les climatoscpetiques ont par ailleurs une lourde responsabilité : la chimère du complot dissimule la réalité. En attendant, on compte à ce jour les réfugiés climatiques à 23 millions de personnes. Quand on parle de réchauffement, on ne parle pas seulement de la fonte des glaces – à des milliers de kilomètres de chez nous. On parle de morts, de drames, de catastrophes ; bien réels. Nier tout cela est à la limite de « l’indécence », selon Emmanuelle Cosse, élue EELV.
Le cas Philippe Verdier : quand monsieur météo fait dans le climat…
Tout cela n’enchante pas vraiment notre vision du monde. Quelle meilleure réponse à ce désenchantement que sa réfutation complète, par le biais de révélations des plus gargantuesques ? Il s’agit de « magnifier » l’événement pour le rendre soi disant plus intelligible ; tout ça en masquant allègrement des vérités que chacun peut pourtant voir de ses propres yeux (quand la pollution de l’air ne les pique pas…).
Le scandale médiatique autour du livre de Philippe Verdier, Climat Investigation, témoigne de la gêne occasionnée par ce genre de discours conspirationniste, le plus souvent dénué de toute preuve. En effet, le livre ne contient ni notes, ni bibliographie. Mais ! Pas de panique, « quand les températures sont plus confortables, nos modes de vie s’adoucissent », nous dit Philippe Verdier. Avec un tel postulat, qui a besoin de preuves, après tout ?

Personne n’a véritablement besoin d’avoir un doctorat en sciences climatiques pour comprendre, à la vue de cette vidéo « trailer » du livre, qu’ici le complotisme (même s’il est nié) est utilisé uniquement à des fins marketing. On voit mal en effet comment un sujet aussi sérieux peut être traité de manière crédible et scientifique, quand il est présenté sur la bande originale du film Interstellar, en images accélérées –  ou encore quand le champ lexical de la guerre (« machine de guerre », « peur », « otages »…), mêlé à celui de la tromperie (« manipulation », « corruption », « conflit d’intérêt »… Oui oui, tout ça en même temps) laisse entendre une volonté de dénonciation, plutôt que d’investigation.
On ne sait pas, alors, s’il faut se réjouir ou pleurer de ce changement de nature du conspirationnisme. Le cas Philippe Verdier nous montre qu’il peut parfois être risible – donc peu crédible.
Reste que nier l’évidence est plus apaisant que s’accoler à la résoudre, et il est désolant de voir cette négation prendre plus d’ampleur dans les médias que les solutions mises en œuvre face au changement climatique. On peut cependant constater que malgré cet espace médiatique offert au complotisme, il ne trouve toujours pas de place au sein des décisions étatiques ; sauf si ceux qui s’en nourrissent arrivaient un jour au pouvoir…
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources
Revue Esprit, La passion du complot, Novembre 2015
http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-l-art-du-mensonge-44-theories-du-complot-la-fabrique-de-la-mefiance-2015-11-0
http://www.franceinter.fr/emission-le-79-emmanuelle-cosse-les-climatosceptiques-me-font-penser-aux-negationnistes-du-sida-des-

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/11/09/s-il-y-a-eu-un-echec-du-giec-c-est-sur-la-communication_4805927_1650684.html
http://libelalettredorion.blogs.liberation.fr/2015/11/06/un-refugie-climatique-debarque-du-service-public-televisuel/
http://www.liberation.fr/planete/2015/10/15/climat-une-bonne-dose-antisceptique_1404928
http://www.slate.fr/story/110803/urgence-climatique-quarante-trois-ans 
Crédits photos
http://www.joewebbart.com/
http://www.mondesetranges.fr/spip.php?article91
9gag

Société

L'affaire Virgin

 
Les faits
La catastrophe avait pourtant été annoncée. Le 7 janvier 2012, la direction de Virgin réunit un comité exceptionnel d’entreprise. Ca y est, l’entreprise est en cessation de payement. Et les choses ont continué. Personne ne semblait remarquer l’absence de ces vitrines, au Louvre ou sur les Champs. Une grève des employés avait bien eu lieu, dès décembre, suite à la résiliation du bail du magasin phare de l’enseigne sur la grande avenue parisienne, mais en vain. Virgin devrait subir la valse des repreneurs et propositions, comme une entreprise traditionnelle. Pourtant, l’entreprise a bien connu son heure de gloire, même si les profits n’étaient plus au rendez vous (« plus que » 286 millions d’euros en 2011). Lors de son ouverture il y a quinze ans sur les Champs Elysées, Virgin était déjà décrit comme « le plus grand magasin de musique du monde ». Mais on en aurait presque oublié ce paradis tombé en ruine… Jusqu’à cette semaine, qui signèrent les derniers soubresauts d’une lente agonie.
Le 13 mai à minuit, l’enseigne qui cherche à rentabiliser le peu de temps qui lui reste à vivre, et pensant attirer par cette opération d’avantage de repreneurs décide d’organiser une grande braderie. Jusqu’à -50% sur tout le magasin, et -20% supplémentaire pour les détenteurs de sa carte de fidélité. La suite se passe de commentaires :
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Virgin, cadavre exhalant, est maintenant surmédiatisé. L’article de Rue89 met en lumière les nombreuses violences de cette journée de folie : magasin pillé, modèles d’exposition arrachés, vitrines détruites… Mais surtout, l’effet sur les salariés, traités comme de vulgaires coursiers. L’enseigne a du fermer ses portes a 19h pour filtrer l’intégralité des clients restant, et les employés n’ont vraiment terminé leur journée qu’à 22h.

Le bilan ? Une offre vite retirée, et une agonie qui n’en finit plus. En effet, le lendemain de la vente, le potentiel principal repreneur de la marque, Rougier et Plé, a retiré son offre. Cette dernière concernait notamment la survie du principal magasin parisien. Et aucun autre repreneur ne s’est fait connaître à ce jour.
A qui profite le crime ?
Il est relativement simple d’expliquer cette descente aux enfers de Virgin. « Le plus grand magasin de musique du monde » existe toujours, mais dans nos ordinateurs. L’iTunes Store a explosé, là où la marque écarlate a peiné à prendre le virage, préférant se spécialiser, sur la téléphonie mobile par exemple.
Mais bien plus que le simple prix des loyers de ses magasins pointé du doigt par la direction, il y a un grand coupable. Son nom est sur toutes les lèvres : Amazon. En effet le géant américain propose des prix défiant toute concurrence, et pour cause : grâce à de l’optimisation fiscale et diverses astuces, le groupe ne paye que de modiques sommes d’impôts à des pays où il emploie pourtant des centaines de personne et possède plusieurs grosses infrastructures. Et cela commence à irriter. En Angleterre, la marque au sourire a décidé de rendre publique son imposition. Et celle-ci fait réagir : Amazon a payé 2,4 millions de livres (2,8 millions d’euros) d’impôt sur les sociétés l’an dernier alors que le chiffre d’affaires de sa filiale britannique s’est élevé à 320 millions de livres. Il semble alors impossible pour des groupes comme Virgin de rester compétitif en face de telles marques, omniprésentes en ligne.
Qui est le suivant ?
Virgin n’est pas seul. Une autre enseigne vacille et pourrait bien connaître le même sort. La FNAC est elle aussi en danger. Depuis 2007, le groupe multiplie les plans sociaux, et ses bénéfices continuent à chuter. Au total, plus de 1500 salariés ont déjà été reclassés ou licenciés. Depuis 2009 une épée de Damoclès plane sur le groupe. Son propriétaire, François-Henri Pinault a annoncé son intention de vendre le groupe au Wall Street Journal. Malgré de nombreuses offres et une présence importante en ligne, la FNAC n’arrive pas à endiguer la saignée de ses clients vers l’eldorado Amazon. La bataille pour la survie des enseignes de distribution culturelle n’est donc pas finie. Elle ne fait que commencer.
 
Clément Francfort