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Société

Inauguration du MuCEM : une communication en béton ?

Désormais, les voyageurs qui arrivent par les flots à Marseille ne seront plus emprunts de tristesse provoquée involontairement par le Fort Saint-Jean, dévasté il y a un demi-siècle par les bombardements. A tribord, ils peuvent admirer le Fort entièrement rénové, à côté duquel se dresse sur l’esplanade du J4 le Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), habillé d’une fine dentelle de béton. Ce cube minéral, admirable geste architectural de Rudy Riccioti, fait face à la mer ainsi qu’au mistral et côtoie le Vieux-Port qui ne perd pas de son charme face à la modernité apparente du MuCEM. Révélé à la presse mardi dernier avec comme invité d’honneur le président de la République, puis ouvert officiellement au public le vendredi, le MuCEM ouvre la seconde saison du programme des festivités proposées dans le cadre de Marseille-Provence 2013.
Quel rôle peut jouer l’inauguration très médiatisée du MuCEM dans la promotion des manifestations culturelles qu’accueille Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013 et sa région ? Comment ce nouvel espace culturel a-t-il été promu au sein du territoire régional et national ?
Le MuCEM en campagne
« Les Marseillais sont enchantés par ce lieu qui masque une sensibilité territoriale, (qui) exprime un autre horizon plus marin. C’est un lieu qui est poreux à l’imaginaire » déclare Rudy Riccioti à propos du MuCEM. Reste à savoir si les responsables chargés de la campagne de communication pour l’inauguration du MuCEM ont été aussi sensibles à cet imaginaire que ne le prédit l’architecte.
« Vous aussi, rejoignez la campagne du MuCEM ! »
Le MuCEM était entré en campagne dès Décembre 2012, sous l’égide de l’agence Dream On. A cette période, les Marseillais ont pu voir les rues de leur ville envahies par des affiches sur lesquelles figuraient des portraits de Marseillais accompagnés d’un slogan qui résumait ce que le MuCEM représente pour eux. Ainsi, Paul, photographe de La Plaine, déclarait « En Juin 2013, on arrête de mettre les grands musées à Paris » ou Fabrice, poissonnier-restaurateur, annonçait qu’« En juin 2013, la Méditerranée sera un vrai bouillon de culture ».

Dream on a souhaité impliquer les marseillais dans ce projet culturel en mettant en scène leur propre parole délivrée dans l’espace public. Cette campagne s’est faite à l’issu d’un concours qui proposait aux Marseillais de personnaliser leur photo au moyen d’une application Facebook dédiée, pour ensuite proposer un slogan individuel qui traduisait la façon dont ils percevaient le MuCEM. Les dix photos qui ont obtenues le plus de like sur le réseau social ont été sélectionnées pour participer à la campagne.
Ainsi, les Marseillais se sont fait les portes paroles de leur cité. Une parole souvent irrévérencieuse, humoristique et même polémique, avec un accent toujours marseillais. “Nous avons fait ce choix car nous souhaitons que les Marseillais s’approprient le MuCEM” explique Julie Basquin, responsable du département Communication et du Mécénat du musée.
En souhaitant privilégier le marketing participatif, cette campagne a au moins eu le mérite d’investir les habitants de Marseille et de la Provence dans ce chantier phare de MP 2013, duquel ils avaient pu se sentir exclus lors des débats concernant sa construction. On peut également parler de crowdsourcing, c’est-à-dire de la mobilisation d’un grand nombre de personnes pour favoriser une certaine forme de créativité dans l’argumentation publicitaire. L’intérêt de cette campagne est qu’elle ait stimulé une parole, consensuelle ou non, autour de ce lieu. Dans un premier temps, il était nécessaire que le MuCEM soit l’occasion de « faire parler » avant de « faire agir », d’autant plus que son inauguration en juin laissait le temps à cette campagne de pouvoir fonctionner. Bien évidemment, la campagne empreinte également quelques caractéristiques au story-telling, avec l’idée majeure que le MuCEM délivrerait un récit mythique, social, historique sur les civilisations européennes et méditerranéennes. Cette parole est toujours fortement encrée dans un cadre spatio-temporel, en étant sans cesse accompagnée du leitmotiv « en juin 2013 ».
« Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM »

En ce moment même et depuis quelques semaines, une seconde vague d’affichage est destinée à exposer le positionnement de l’institution, en mettant en scène des figures qui incarnent les peuples du bassin méditerranéen. Etendue au territoire national, la campagne montre tantôt une femme d’un certain âge coiffée d’un hijab, tantôt un enfant habillé d’une tunique. En arrière plan se distingue des paysages méditerranéens, et les portraits sont accompagnés de slogans comme « Toute la Méditerranée s’émerveille au MuCEM », « Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM », ou encore « Toute la Méditerranée s’expose au MuCEM ». L’usage de verbes pronominaux, qui permettent de faire des peuples méditerranéens les acteurs de ce musée avant l’institution elle-même, reste pertinent. En revanche, on ne peut qu’être déçu face à la pauvreté esthétique des visuels, qui reposent essentiellement sur un imaginaire populaire archétype et ne délivre rien du véritable « imaginaire » dont parlait Riccioti à propos du MuCEM.
On ne peut également que regretter le fait que la campagne ne réinvestisse pas l’incroyable effet visuel qu’offre l’architecture du MuCEM (et celle de ses collections), notamment la résille de béton aux formes sensuelles et poétiques. En France, il y a quelques jours encore, le MuCEM ne bénéficiait pas d’une grande visibilité. Cette campagne n’aura certainement pas encouragé la population ni à s’y intéresser ni à venir découvrir ce lieu si incroyable, cet événement à ce point majeur pour la ville de Marseille et MP 2013 qu’est l’inauguration de cet espace culturel.
Mais quoi qu’on puisse penser de la campagne, l’ouverture du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, fortement relayée dans les médias, aura réactualisé les manifestations de Marseille-Provence 2013, et constitue à elle seule un levier médiatique et communicationnel incroyable pour Marseille et la Provence, qui n’ont pas fini de nous faire rêver.
Sources :
Site officiel du MuCEM
Site de la campagne de communication du MuCEM 
Site de l’Agence Dream on
Article sur le Monde.fr
Margaux le Joubioux
Annexe :
 
Le MuCEM en quelques chiffes :
167 millions d’euros pour construire ce monstre architectural
44000 m2 pour partager la Méditerranée
250000 œuvres exposées
300000 curieux et passionnés attendus pour l’année 2013
12 ans de discussions, débats, polémiques pour arriver à l’ouverture de cette incroyable bâtisse.
4 années de construction, travaux, études de terrain pour parvenir à ce cube minéral.
3 sites : le Fort Saint-Jean rénové, le Centre de Conservation et de Ressources dans le quartier La Belle de Mai et l’espace construit sur le J4, dessiné par Rudy Riccioti
1 ville : la Cité Phocéenne pour accueillir ce fabuleux espace culturel

Invités

Marseille 2013, potentiel buzz ou flop avéré ?

On n’en entendait pas parler. Et, si l’on n’avait pas un œil outrageusement attentif, on aurait pu passer à côté. Alors oui, « Marseille 2013, capitale européenne de la culture », ne date pas d’hier. Le projet a été déposé en 2004 et officialisé en 2008, mais il est pour demain. On nous avait discrètement promis que la campagne de communication serait pour bientôt, nous en avons aujourd’hui les premières ébauches.
 
Marseille 2013, c’est avant tout fonder la communication sur le capital culturel déjà présent de la future capitale culturelle ; un constat qui, à l’écrit, a de quoi embrouiller l’esprit, mais qui est loin d’être incohérent. Marseille mérite son futur titre et c’est à la ville et à ses habitants de le prouver. Quand on pense à la cité phocéenne, on plante calanques pour décor, cigale et accent du sud pour fond sonore. Mais au fond, la culture marseillaise, non, l’Olympique Marseillais n’est pas une bande d’artistes. Ce n’est pas cela qui nous vient spontanément à l’esprit lorsque l’on pense à Marseille. Et pendant de longues années, Marseille n’a rien fait de visible, en termes de communication, pour légitimer son statut de 2013. Le logo, pourtant vite affiché par les localités, n’a apparemment pas marqué les esprits, malgré le choix des couleurs vives et de la typographie simple et percutante, tout à fait déclinable.
 
Cependant, elle se rattrape, petit à petit. Si l’on fouille un peu, en particulier sur le net, où les sites dédiés à Marseille 2013 fleurissent, et où les premiers extraits de la campagne de communication annoncent la couleur : humour et clichés sont au rendez-vous. S’il s’agit de donner mon avis, je dirais que l’accroche est osée, mais pas désagréable, puisque Marseille affiche désormais sur Internet un fier slogan « Descendez à la capitale » sur fond de paysages de carte postale – choix tout à fait délibéré selon Christophe Imbert, directeur de la communication de l’association Marseille-Provence 2013.

 
Suivent des vidéos d’une trentaine de secondes publiées au compte goutte, où là aussi, la vision pastis et soleil est de rigueur. La première vidéo par exemple, nous présente des joueurs de pétanque, dont l’un d’entre eux pose la sempiternelle question « Tu tires ou tu pointes ? ». C’est là qu’on est surpris ; le joueur répond par une réflexion philosophique dithyrambique, dont l’incongruité est soulignée lorsque son compagnon rétorque que, lui, aurait sans doute « pointé ». Re-belotte (sans insister sur les clichés), une deuxième vidéo nous présente deux femmes sous une pergola méditerranéenne, dont l’accent marseillais presque trop prononcé (aurait-on demandé à des parisiennes de jouer des provinciales ?!), est couvert par des bruits de travaux, et les deux protagonistes en parlent comme d’une symphonie riche en émotions. De quoi traiter les clichés avec humour, en mêlant réflexions culturelles et vision parisienne de la région.
 

 
On aurait pu craindre que le manque budgétaire pour la communication conduise à un irrémédiable flop, et j’y ai pour ma part cru pendant un temps. Mais la campagne ne manquera probablement pas de réussir si elle gagne en visibilité, car le pari du projet « Marseille Provence 2013 » ne manque pas d’attraits. Le contenu, plus de 400 évènements, est audacieux dans la mesure où il joue sur l’histoire culturelle extrêmement riche de la cité phocéenne et du pourtour méditerranéen et sur l’image, plus actuelle mais tout à fait justifiée, d’une forte identité urbaine, propice au street art. Des projets solidaires, comme l’OFF Marseille 2013, visant à promouvoir des artistes méconnus, ont été mis en place. Et pourtant, le quasi silence médiatique relatif à l’évènement, a failli nous faire rater ce programme prometteur.
 
Mais à l’approche de 2013, si bien sûr, nous survivons à la fin du monde, « Marseille 2013 » gagne enfin petit à petit ses lettres de noblesse. Les premiers souffles de la campagne de communication, bien que discrets, ne manqueront pas de séduire les plus attentifs : si l’humour n’atteint pas des sommets de finesse, il reste plaisant et tend à ménager la susceptibilité légendaire des Marseillais ; cependant certains d’entre eux semblent sceptiques. Si l’on observe un peu les commentaires marseillais relatifs à la campagne, on se rend compte que les plus outrés, ce sont les Marseillais, d’autant plus qu’on ne sait pas si le directeur de la campagne est marseillais (se moque-t-il de l’œil parisien ?) ou parisien (affirme-t-il les clichés parisiens comme justifiés ?). Christophe Imbert travaillant en Rhône-Alpes, il préfèrerait sans doute qu’on lui prête la première intention.
On compte d’ailleurs probablement sur le sens de l’autodérision des parisiens pour accepter la petite boutade provinciale, qui reste une modeste revanche sur la monopolisation culturelle de Paris du point de vue touristique. Car Marseille, dans sa campagne, vante aussi bien son patrimoine culturel que son identité pittoresque. Sur certains encarts publicitaires, ce ne sont pas des œuvres qui sont présentées, mais des paysages, présentés comme des œuvres. Marseille et toute la Provence sont une œuvre qui en abrite d’autres, nous hurle cette campagne, et malavisé serait celui prompt à  contredire cela.

 
Il est donc sans doute trop tôt pour parler d’un flop de la campagne, même si elle ne fait pas l’unanimité, en particulier auprès des Marseillais. Il en va de même pour affirmer un buzz, mais n’était-il pas la finalité de l’arrivée tardive de la campagne ? La suite nous le dira, et je l’attends avec impatience, d’autant plus que les premières affiches ne devraient pas tarder à fleurir sur les quais de métro, arrêts de bus et autres gares.
 
Noémie Sanquer
http://www.mp2013.fr/

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Marseille-Provence-2013-capitale-europeenne-de-la-culture

http://www.marsactu.fr/culture-2013/marseille-provence-2013-la-capitale-des-boules-29532.html

http://www.mediaterranee.com/0312012-france-marseille-provence-2013-lance-sa-campagne-de-communication.html#.UMDhAGfSE_I

http://www.marseille2013.com/

le cliché de Gérard Julien durant la manif Alliance Vita à Marseille
Agora, Com & Société

Papa trouve un slogan, Maman fait la banderole…

 
Sur les réseaux sociaux et les journaux en ligne le débat est lancé. Ou plutôt que le débat, c’est la fustigation de manifestations qui fait rage.
Les militants et membres de l’association Alliance Vita, créée en 1993 par la célèbrissime Christine Boutin, particulièrement réputée pour ses prises de positions radicales sur des sujets allant de l’avortement au Pacs en passant par un avis expert sur les causes du 11 septembre, ont choisis de reprendre le titre d’une chanson du Soldat Rose pour illustrer leur revendications récentes. « Un papa, une maman : on ne ment pas aux enfants », un slogan explicite pour des revendications que nous n’allons pas ici remettre en cause. Essayons de nous limiter à porter un regard le plus objectif possible, sur le phénomène communicationnel lancé par les manifestants et sur les réseaux sociaux. Un échec, un bide et de l’autre côté du miroir un succès croissant auquel doivent faire face les militants contre le projet de loi du mariage pour tous initialement prévu pour novembre.
Des « mêlées symbolisant un œuf », selon l’organisation, ont été formées avant de s’ouvrir pour laisser sortir un jeune portant des ailes, sur lesquelles figuraient les mots « papa » et « maman ». Alors oui un effort créatif a été produit, dans 75 villes de France la chorégraphie a été reprise simultanément. Une mise en scène qui ne fait pas tout à fait l’unanimité, un homme en latex qui vacille entre un groupe rose (les mamans) et un groupe sombre, vert bouteille (les papas), un oiseau qui cherche à prendre son envol grâce aux soutien de son papa et de sa maman qui scandent à tour de rôle « papa, papa… », « maman, maman… » le tout sur fond de « Mamma mia » de Queen, et Abba. Une anecdote qui fait sourire. Et c’est précisément ce à quoi doivent faire face les anti-mariage et adoption pour tous, une reprise spontanée des marqueurs qu’ils souhaitaient mettre en jeu. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #unpapaunemaman n’a pas desservi bien longtemps la cause de l’association Alliance Vita, il est repris instantanément par leurs opposants et la plupart du temps c’est le second degré qui prime. Les internautes sympathisants de la cause gay et favorables au projet de loi du mariage pour tous, réutilisent le hashtag pour discréditer et tourner en ridicule leurs opposants. Une stratégie payante qui reste pourtant spontanée contrairement à l’initiative lancée par Alliance Vita. Retournement de situation, le sérieux et le ton grave voir alarmiste des militants contre la nouvelle loi se font baffer par les utilisateurs des réseaux sociaux.
Pour le plaisir, voici un tweet à titre d’exemple « à l’origine #unpapaunemaman devait être #UnPapaQuiCoucheAvecLaBonneUneMamanQuiBaiseLeProfDeTennis, mais c’était trop long ».
Il n’y a pas que ça qui déstabilise la stratégie de l’association. C’est au cœur même de leur mouvement que les manifestants ont été le plus déstabilisés. Pendant la manifestation scénarisée, à Marseille, deux jeunes filles de 17 et 19 ans se sont embrassées pendant de longues minutes afin de montrer le plus spontanément du monde, leur soutien à la cause gay, et de ce fait, leur opposition aux manifestants d’Alliance Vita. Le cliché pris par Gérard Julien, photographe de l’AFP, fait déjà le tour de l’Europe et du monde sur internet par le biais des réseau sociaux. La spontanéité des jeunes filles concorde avec les mouvements d’internautes sympathisants de la cause homosexuelle. Dés sa parution sur Tweeter, l’image est ré-expédiée plus de 2000 fois, sans compter les re-tweets… Un joli pied de nez à une organisation bien rodée, une manifestation numériquement très forte au départ, que quelques secondes savamment partagées par deux personnes auront suffi à déséquilibrer. Certains journalistes la comparent déjà à la photographie de Robert Doisneau, « Le Baiser de l’hôtel de ville ». Une symbolique puissante qui suscite l’émoi sur les réseau sociaux, et n’a pas fini de perturber les récalcitrants au mariage pour tous.
 
Margot F.
Vidéo bonus, Le Petit Journal du 24/10/2012
Sources :
Europe1.fr
Twitter
LeNouvelObs.fr
LePoint.fr
Crédits photo : © Gérard Julien / AFP