Whitney Houston sur ABC News
Flops

Crack is whack

Dans la nuit de samedi à dimanche, une superstar de la musique est décédée, la grande Whitney Houston. Et bien sûr s’en est un suivi un rabâchage médiatique intense dans la presse, à la télévision, à la radio, sur internet, bref, partout, comme le veulent les règles du très lucratif marketing des célébrités disparues. Nous avons donc eu droit à quantité de témoignages larmoyants, d’hommages vibrants, tout ça arrangé avec la sauce nostalgique adéquate. Mais plutôt que de nous intéresser à tout cela, examinons de plus près la vie de cette femme qui, si elle a connu des hauts très hauts, a également connu des bas vraiment bas. Et les médias étaient toujours là pour nous les exposer.
Cette chère Whitney appartenait au catalogue des Pop Stars, mais elle avait tout d’une vraie Rock Star, dans le comportement et dans les excès. Surtout les excès.
Car, on le sait tous, la vie de Whitney n’a pas toujours été rayonnante.
Rapide retour en arrière. A la fin des années 90, Miss Houston est au sommet. Elle est admirée par le public et encensée par les critiques, elle est mariée et a une petite fille, tout va pour le mieux dans le meilleur des monde.
Puis soudainement, au début des années 2000, c’est le début de la chute. En janvier, la sécurité de l’aéroport d’Hawaii trouve de la marijuana dans ses valises et celles de son mari, mais les deux filent en avion avant l’arrivée des autorités et s’en sortent blancs comme neige. Peu de temps après, elle doit chanter pour les Oscars une version du légendaire « Over The Rainbow » du magicien d’Oz, mais se fait virer par son ami Burt Bacharach, car elle est incapable de produire un son potable. Ca s’annonce mal.
Et puis en 2002 survient la célèbre interview avec Diane Sawyer, prévue à la base pour la promotion de son prochain album. C’est lors de cet échange que Whitney parlera en public de son addiction aux drogues (et oui, les stars prennent de la drogue des fois). Mais elle ne prend pas n’importe quel type de drogue. En effet lorsque Diane Sawyer insinue que l’artiste prend du crack, Whitney répond directement, un peu offusquée tout de même, avec cette formule restée dans les mémoires : « Je me fais bien trop d’argent pour fumer du crack. Le crack c’est naze ». Argument qui se vaut, d’un certain point de vue.
Donc à ce moment là, pour Whitney, ce n’est pas la grande forme. Cette interview va être diffusée un nombre incalculable de fois et faire des records d’audiences.
Même si son album se vend bien, elle prend des décisions assez peu banales. Comme son voyage en Israël en 2003 avec un groupe sectaire, les « Black Hebrews », qui sont des végétariens de l’extrême. En revenant quelque temps plus tard, elle certifie qu’en Israël, elle se sent « chez elle ». La spiritualité est partout.
Est-ce que c’est ce voyage qui l’a incitée à accepter de faire une téléréalité sur sa vie avec son mari Bobby Brown ? Dieu seul le sait … Mais en tout cas le résultat laisse le doute subsister, tant les critiques ont cloué au pilori ce show, qui n’a jamais connu de seconde saison.
Elle avait tenté récemment de faire son come-back, suite à son divorce. En 2009, pour son nouvel album, elle fait une grande tournée promotionnelle, en passant même par la case France en chantant au Grand Journal, se montrant dans une grande forme vocale. En si bonne forme qu’au lieu de répondre aux questions, elle se contentait de chanter. Et tout le monde applaudissait. Avec le temps, elle a vraiment appris à y faire avec les médias.
Malgré nombre de performances désastreuses qui lui ont attiré les foudres des fans et des critiques, elle tentait tant bien que mal de revenir sur le devant de la scène, avec succès parfois.
Et donc Whitney est partie. Clairement, elle était une icône, et on peut choisir de se rappeler d’elle ainsi, ou comme la chanteuse à qui notre Gainsbourg national avait si délicatement déclaré « I want to fuck you » devant un Michel Drucker ma foi un tantinet surpris. Pour se consoler, on pourra toujours se gaver des futures rediffusions du Bodyguard.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ABCnews

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Couverture du livre de Jacques Séguéla, Le pouvoir dans la peau, paru en octobre 2011
Politique, Société

L’homme politique se doit d’être l’asymétrique

On se sent de plus en plus citoyen à mesure que les dimanches de vote approchent. On écoute les propositions des candidats et au passage, on regarde comment ces gens se montrent. A ce propos, je vous recommande la lecture du dernier livre de Jacques Séguéla, le publicitaire de la « force tranquille ». D’abord parce que c’est assez amusant de voir comment on peut parler en slogans, c’est-à-dire en mettant des allitérations et des formules chocs à tous les coins de pages et ensuite parce qu’on y trouve des jolies perspectives communicationnelles.
« Gauche droite, tous pareils ! … », On a tous déjà entendu ça. Quoi qu’il en soit, dans le domaine de la com’ politique Séguéla transpose ce constat en écrivant que « Tous les candidats se ressemblent, mêmes complets gris, bleus ou noirs, mêmes tics, mêmes phrases, mêmes pensées, triste reflet de l’uniformité humaine. » (p. 97). Cruel constat. Plus tôt, il a cette formule surprenante au premier abord « Les mots porteurs ont une durée de vie que la surmédiatisation abrège. Hier, les slogans duraient des siècles : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Aujourd’hui, ils survivent le temps d’une campagne, et encore ! » (p. 93).
Ces passages résument une grande partie de ce que l’on voit aujourd’hui dans les médias. Les candidats cherchent à créer l’asymétrie pour  être vus, reconnus et sortir du lot aux yeux des électeurs.
Rapide revue loin d’être exhaustive des asymétries possibles :
On peut décider de parler avec un accent et des lunettes caractéristiques (Eva Joly), avec des allures d’orateur charismatique et bourru surmontées d’une dose de mépris pour les journalistes (Jean-Luc Mélenchon) sur Twitter (Nadine Morano), depuis sa cuisine (Hervé Morin) ou en flirtant avec la xénophobie (Marine le Pen).
On peut aussi proposer de nouveaux mots. Sans parler de la « bravitude », en 2007, Ségolène Royal revendiquait son « Désir d’avenir ». Le mot « désir » n’avait jusque là jamais été utilisé en politique et connote quelque chose de vraiment impliquant, presque animal.
François Hollande opte d’abord pour l’image sage et réfléchie face aux attaques déstabilisantes de Martine Aubry lors des primaires socialistes. Le candidat veut aussi montrer qu’il incarnerait une Présidence plus rationnelle que celle qu’il dénonce aujourd’hui en exhibant sa simplicité. Le plus urgent pour lui est de prouver qu’il a du caractère pour sortir de cette mollesse qu’on lui reproche (notamment avec le discours du Bourget du 22/01/2012).
Créer l’asymétrie pour sortir du lot, c’est-à-dire exister aux dépens des autres. Cela implique donc d’interpeler et de discréditer les autres… Tous le tentent (ou presque) via les petites phrases pour déstabiliser et critiquer par médias interposés. Pourtant, c’est sans doute un débat de fond qu’il faudrait à la France. D’ailleurs, laissons les derniers mots à Séguéla. Après avoir parlé de cruauté et de calomnie : « De quoi dégoûter les Français. Dans ce carnage médiatique, la surprise pourrait bien venir de celle ou celui qui saura incarner une France digne. » (p. 134)
 
Thomas MILLARD
Crédits photo et source : Le pouvoir dans la peau, Jacques Séguéla, octobre 2011

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Micro et chronomètre
Société

Le CSA comme arbitre des joutes médiatiques de 2012

2012 ! La rubrique Asymétrie vous souhaite une très bonne année ! Profitez bien de ces trois centaines de jours à venir, on entend certains dire que ce sont les derniers… Mais avant la fin du monde, les citoyens prendront le temps d’élire celui ou celle qui présidera la  France jusqu’en 2017. Le pays ne prendra pas tant de temps que ça puisque le scrutin a lieu dans moins de cinq mois maintenant !
Dans un souci de démocratie et de représentation du pluralisme politique, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a défini les règles de la campagne de 2012. Elles sont entrées en vigueur hier !
 
Les règles* 
 
Pour les quelques temps à venir, l’opposition n’a donc plus seulement le droit à 50-70 % du temps de parole de la majorité (N. Sarkozy + UMP) :
• Jusqu’au 20 mars, les candidats « déclarés » et « présumés » doivent avoir un temps d’antenne (c’est-à-dire une visibilité médiatique) et un temps de parole (c’est-à-dire d’expression directe de leurs messages dans les médias) équitables (« en rapport avec leur notoriété et leur influence, leur représentativité et leurs activités de campagne » selon les mots de l’ancien président du CSA, Dominique Baudis).
• Ensuite, jusqu’au 9 avril, les candidats ayant obtenu au moins 500 signatures devront disposer de temps d’antenne équitables et d’un temps de parole égaux.
• Enfin, le 10 avril s’ouvre officiellement la période de campagne officielle pendant laquelle temps d’antenne et temps de parole devront être rigoureusement identiques. Les conditions de programmation devront évidemment être comparables (pas de candidat à 3h du matin pour compenser un prime time sur un autre candidat…).
Cette équité se fait au sein de chaque chaîne sur des périodes bien délimitées. En somme, ce sont les mêmes règles que pour la campagne de 2007 à cette différence près que ces règles avaient été appliquées un mois plus tôt lors du précédent scrutin présidentiel.
Ah non, il y a un changement !
 
Une nouveauté importante
 
Jusqu’à hier, les temps de parole des soutiens  des candidats n’étaient pas comptabilisés s’ils n’appartenaient pas au parti du candidat. Maintenant : si ! Toutes les expressions d’opinion, toutes les analyses exprimées qui sont « manifestement favorables » à un candidat, que celles-ci émanent d’un spécialiste politique ou non sont comptabilisées.
Cette règle peut contribuer à améliorer la visibilité des « petits » candidats qui ont moins de soutien de grande notoriété que les principaux candidats. Le CSA espère peut être ainsi rééquilibrer la visibilité de tous les candidats.
 
Les choses sérieuses démarrent
 
Jusqu’au scrutin, la distribution du temps de parole va être surveillée avec plus de précision par le CSA, et ce de manière accrue à mesure que l’on approchera des échéances. On peut donc espérer que les candidats tenteront de rationaliser leur temps d’apparition médiatique en jouant moins le jeu des petites phrases -parfois amusant, certes, mais dont l’aspect guéguerre est indigne de l’importance du scrutin à venir- et en insistant d’avantage sur les questions de fond. Autrement dit, avec l’arbitrage du CSA qui vise à plus d’équité puis à plus d’égalité, un candidat ne peut plus s’en tenir aux phrases futiles pour se démarquer. En ces temps de crise, peut-être faut-il mieux briller par les compétences plutôt que par le succès lors des joutes verbales parfois superficielles et enfantines.
 
Thomas Millard

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