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Mélenchon, le modèle de communication à suivre pour les syndicats ?

L’opposition à la loi travail a mis en lumière les dissensions existantes entre les Insoumis et leur leader, Jean-Luc Mélenchon, et les principaux syndicats représentatifs français.
  
 
Les ordonnances réformant le Code du Travail ont connu une opposition populaire bien faible, en comparaison avec les manifestations anti-loi El Khomri. Si plusieurs manifestations se sont succédées partout en France, elles n’ont pas réuni suffisamment de protestataires pour obtenir une résonnance médiatique. Cet échec de la contestation sociale s’explique entre autres par les dissensions qui règnent entre les principaux leaders de l’opposition. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et les principaux syndicats français n’ont fait preuve d’aucune unité, alors que leurs positions idéologiques restent proches pour ce sujet. Dans leur affrontement pour le leadership de cette protestation, leurs stratégies de communication jouent un rôle primordial.
 
Des syndicats dépassés…

 
Les syndicats français sont en crise, c’est un fait. Le taux de syndicalisation en France ne cesse de décroître, et frôle dangereusement la barre des 10% (11% en 2013, 8,7% dans le privé). Et la communication syndicale ne sort pas assez de l’ordinaire pour leur permettre de séduire à nouveau le salariat français. Leur présence médiatique est quasi inexistante, hors période de manifestations et de grève. En clair, ils n’existent que dans l’action de protestation classique : dans l’entreprise, ponctuellement dans la rue et les médias, mais leur présence n’est pas suffisamment variée tant en termes de forme et de fond. Sur la forme, leur absence quasi-totale des médias numériques leur empêche de toucher la nouvelle génération de travailleurs. Leurs sites internets respectifs, très classiques (voire imbuvables) tranchent avec la modernité et la clarté de la page d’accueil des Insoumis. Leur absence de résonnance sur les réseaux sociaux, pourtant un canal idéal pour toucher la jeunesse, prouve aussi que les syndicats peinent à se renouveler.
 

 
Les codes et symboles très utilisés ne varient que trop peu, depuis le poing levé jusqu’à la couleur rouge prédominante chez les trois principaux syndicats (CGT, CFDT, FO). Cette absence de renouvellement de la forme participe forcément au désamour des français pour les syndicats, pourtant des piliers essentiels de la démocratie sociale.
 
En contraste avec un Mélenchon moderne
A contrario, Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a parfaitement su gérer sa communication, et ne pas s’essouffler après une campagne présidentielle réussie. Il incarne l’ultra-modernité qui manque aux syndicats. Pendant sa campagne déjà, il a rompu avec les codes usés par le temps, avec notamment, l’abandon de la couleur rouge prédominante (bien que subtilement présente) sur son affiche de campagne (contrairement à 2012). Surtout, il a su réinventer de manière très efficace les vieux codes de la campagne politique. Il a redonné un coup de projecteur sur les meetings politiques grâce à l’utilisation de son hologramme. Un simple coup de communication sans énorme plus-value ? Surtout une belle vitrine de modernité pour un candidat de 66 ans engagé politiquement depuis 41 ans.
Le vrai coup de génie de Mélenchon et de son équipe de communication aura été sa présence sur YouTube. Ce média aura été d’une rare efficacité pour toucher les jeunes durant la campagne, mais aussi après. La « Revue de la semaine » de Mélenchon rassemble ainsi près de 110 000 vues hebdomadaires. L’utilisation de YouTube par Mélenchon, une vraie première de cette campagne présidentielle, a été une franche réussite. Il totalise ainsi presque 370 00 abonnés aujourd’hui. À titre de comparaison, la chaîne CGT (oui, oui, elle existe) en totalise 1274, celle de la CFDT 423, et celle de la Force Ouvrière 386.
Certes, Mélenchon vise un public plus large que les syndicats cités de par la différence entre politique et syndicalisme. Cependant, leur base idéologique est proche. Mélenchon a su rendre de nouveau attractif pour la jeunesse un message que les syndicats peinent à faire entendre. Il est plus que temps qu’ils se penchent sur la question, car la France a besoin de partenaires sociaux modernes et rassembleurs. Elle en manque cruellement aujourd’hui.
 
Robin Labouérie
Linkedin : Robin Labouérie
 
Sources :

Etude DARES pour le ministère du Travail n°025 Mai 2016 : La syndicalisation en France
Jean-Christophe Chanut, Le taux de syndicalisation se maintient à 11% en France, La Tribune.fr, le 17 mai 2016.
Jean-Luc Mélenchon, Les leçons d’une hyper communication digitale, French Web.fr, le 02 mai 2017.

 
Crédits Photos :

Capture d’écran du site La France Insoumise (responsive design)
Capture d’écran du site CGT (responsive design)
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon Front de Gauche – Présidentielle 2012
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon La France Insoumise – Présidentielle 2017

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La cause animale sur le grill de la campagne présidentielle

L’homme est un animal politique… mais quid des animaux en politique ? La question se pose plus vivement que jamais depuis ces derniers mois de course à la présidentielle. Longtemps réservées à des cercles restreints de vegan marginaux, les revendications pour le bien-être animal tendent depuis peu à se démocratiser, à faire la une, et à devenir omniprésentes sur nos fils d’actualité. Elles émergent même sur la grande scène des débats présidentiels. Cette tendance, encore assez timide, fait pourtant parler à l’heure de grands scandales qui ont pu alerter l’opinion. Retour sur ce qu’on a pu entendre à ce sujet de la bouche des candidats, entre véritable prise de conscience collective et gros enjeu communicationnel…
Une cause au delà des clivages
Vous n’avez pas pu les rater, elles hantent la toile : ces vidéos souvent clandestines et sordides de poussins étouffés dans des sacs, d’exécutions interminables de vaches, de poules qui se dévorent entre elles… Ce qui devrait se passer loin de nos yeux et des assiettes apparait dans toute sa réalité morbide, à toute heure, sur notre fil d’actualité Facebook, ou à l’ouverture d’un journal. « Pas de chance, on était filmés », pouvait-on lire dans Libération la semaine dernière, où l’un des inculpés pour acte de cruauté dans le procès de l’abattoir de Vigan regrettait cyniquement la présence de caméras…
Les conditions de mise à mort des bêtes mais aussi les questions de souffrance psychologique et morale des employés d’abattoirs semblent, plus que jamais, représenter une cause propre à rassembler l’opinion. 80% des Français ont affirmé en mars 2017* que la protection animale représentait pour eux une cause importante. Le sujet gagne parallèlement la sphère politique. Entre 2002 et 2007, seulement 10 propositions de loi pour la cause animale ont été déposées au Sénat et à l’Assemblée Nationale, mais ce chiffre a plus que triplé au cours du quinquennat de François Hollande.
Le sujet est donc fédérateur, révèle un sentiment commun d’injustice et de compassion, aux résonances écologiques non négligeables. Bref, il semble taillé sur mesure pour devenir un excellent argument de campagne.
Des propositions qui manquent de sel… 
Et pourtant, force est de constater que face à cet engouement de l’opinion, les propositions sont présentes mais frileuses. On trouve certes des avant-gardistes, comme Jean-Luc Mélenchon, « bon élève » dès qu’il s’agit d’écologie. La palme de la communication habile lui revient peut-être, avec son interview « recette » pour Gala, où il livre sur fond de musique champêtre sa préparation personnelle du taboulé au quinoa, profitant de l’occasion pour glisser mine de rien son désir de réduire sa consommation de viande. Nul hasard dans cette déclaration passionnée au « quinoa », selon lui « vraiment la plante de l’année » et aux « petits bouts de concombres et puis aux petits bouts de tomates ». La stratégie, soufflée au candidat par l’agence Médiascope, est de faire subtilement entendre son engagement. Belle réussite, puisque la vidéo a fait un carton.

Mais lorsqu’il s’agit de parler plus précisément des propositions faites par les candidats, le tableau est moins joyeux. Jean-Luc Mélenchon est le seul à réclamer un changement radical dans la considération même de l’animal. Il entend mettre en place « une règle, pour toujours, comme une preuve de notre amélioration collective : la règle que les animaux ne sont pas des choses ». Le candidat va jusqu’à affirmer que « la consommation de viande n’est pas une nécessité vitale dans l’alimentation humaine ». Il prône dans ce cadre la réduction jusqu’à disparition des fermes industrielles, mais veut aussi stopper l’appauvrissement des sols et se positionne pour une règlementation plus sévère de la chasse. Moins radical et déjà plus timide, Benoît Hamon ne se prononce pas sur la question d’accorder ou non des droits aux animaux, posant à la place une seule opposition de principe à la cruauté inutile. Il entend mettre en place  un « Comité national d’éthique » qui se pencherait sur la question. Et puis il y a les candidats qui prennent l’enjeu à revers pour flatter une autre partie de l’opinion : la frange agacée par toutes ces considérations sur la souffrance animale. François Fillon n’a pas peur des contradictions, exposant sa volonté de faire de la protection animale « une cause nationale », tout en maintenant son soutien à la corrida, à la chasse, et affirmant à de multiples reprises son mépris pour les associations de protection animale, les qualifiant par exemple d’ « associations qui ne représentent qu’elles-mêmes. » lors d’un congrès de la FNSEA. Pire encore, Nicolas Dupont-Aignan qui confond allègrement cause animale et combat identitaire, ciblant exclusivement les abattoirs halal qui refusent d’étourdir les animaux avant de les abattre. Et puis il y a ceux qui ne veulent pas changer grand chose : Emmanuel Macron, au programme duquel ces préoccupations sont quasiment  inexistantes. La candidate qui se démarque aux côtés de Jean-Luc Mélenchon à ce sujet est, étonnamment (ou pas) Marine le Pen. Même si le FN marche sur des oeufs puisque le parti veut à tout prix éviter de heurter son électorat chasseur et de mouvance traditionaliste, la candidate a tout de même flairé l’enjeu de communication autour de la question de la souffrance animale et condamne en vrac les fermes à fourrure, les expériences sur les animaux, les combats de coq, l’élevage en cage… Le tout minutieusement relayé par les équipes de communication du parti, comme pour ces photos presque attendrissantes postées sur les comptes Twitter de Marine et Jean-Marie Le Pen le jour de la journée du chat.

 

Le constat est donc assez amer quand on s’y penche. Les propositions réelles sont rares, en revanche les prises de position bruyantes un peu moins… Globalement, le tout demeure assez flou et peu concluant. Les politiques ne semblent pas avoir pris conscience de l’urgence pourtant indéniable de notre situation contemporaine et de notre façon de consommer les animaux.
S’il s’agit d’un sujet dans l’air du temps, et qui peut s’avérer porteur pour le capital sympathie des candidats, la cause animale est irréductible à cela. Elle porte une part émotionnelle, certes, mais n’en est pas moins une problématique indispensable voire vitale pour l’avenir. « Cette préoccupation n’est pas superficielle ; c’est un mouvement de fond », estime Corine Pelluchon, professeure en politique et éthique de l’animalité à l’Université de Marne-La-Vallée. Le sujet n’est donc pas près de disparaître de la scène politique.
Violaine Ladhuie
Sources :
* Sondage IFOP, LA SENSIBILITÉ DES FRANÇAIS À LA CAUSE ANIMALE À L’APPROCHE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2017, 16/03/2017, consulté le 07/04/2017 http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=3690

Delmas « Les animaux dans la campagne politique, tous au poil », Libération 03/04/17, consulté le 07/04/17, http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/03/les-animaux-dans-la-campagne-politique-tous-aux-poils_1560301
Annabel Benhaiem « La cause animale arrivera-t-elle à s’imposer dans les thèmes de campagne de la présidentielle 2017 ? », Le Huffington Post, 27/12/17, consulté le 07/04/17, http://www.huffingtonpost.fr/2016/12/27/la-cause-animale-arrivera-t-elle-a-simposer-dans-les-themes-de/
Jean-Luc Mélenchon « Encore un peu de quinoa ? », L’ère du peuple, 06/09/17, consulté le 07/04/17, http://melenchon.fr/2016/09/06/encore-un-peu-de-quinoa/
Charlotte Cielzinski « Défendre la cause animale, un passage obligé dans la course à l’Elysée ? », L’Obs, 22/11/17, consulté le 07/04/17, http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20161121.OBS1510/defendre-la-cause-animale-un-passage-oblige-dans-la-course-a-l-elysee.html
Politique et animaux, consulté le 07/04/17 https://www.politique-animaux.fr/marine-le-pen

Crédit photo/vidéo :

Ouest France, 17/01/17 http://www.ouest-france.fr/bretagne/morbihan/emmanuel-macron-moustoir-remungol-dans-un-elevage-porcin-4740312
Gala, 02/09/16 http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/video_jean-luc_melenchon_les_secrets_de_son_regime_372576
Marianne, 08/08/16 https://www.marianne.net/politique/dialogue-de-chats-dans-la-famille-le-pen

 

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Comment médiatiser le féminisme ? Le cas Femen.

Le 25 janvier dernier éclatait le « PenelopeGate », l’affaire de l’emploi fictif dont aurait bénéficié Pénélope Fillon auprès de son mari, le candidat Les Républicains à la présidentielle, lorsqu’il était alors parlementaire. Le lendemain de la sortie du Canard Enchainé, qui a révélé le scandale, « Femen » publie sur Facebook une lettre à l’humour corrosif « en soutien » à la principale intéressée, lançant les hashtags #supportPénélope et #bringbackmyjob (référence au #bringbackourgirls, soutien aux lycéennes nigériennes enlevées par Boko Haram en 2014).

Un moyen humoristique de rappeler les combats du féminisme au 21ème siècle, dans un monde où Donald Trump occupe le bureau ovale, où la Russie dépénalise les violences faites aux femmes et où une des rares candidates à l’élection présidentielle en France n’est autre que la représentante d’un parti patriarcale souhaitant revenir sur les droits fondamentaux des femmes. Face aux périls, et si « la femme est l’avenir de l’homme », quel est l’avenir de la communication militante et féministe ?
Petite histoire du féminisme.
Le féminisme naît véritablement à la fin du 19ème siècle avec le mouvement des suffragettes – qu’on nomme également a posteriori « première vague du féminisme » – revendiquant le droit de vote pour les femmes. La « seconde vague » sera celle de la revendication de la liberté du corps de la femme. L’IVG représente l’une de ses plus grandes victoires. Au cours des années 80, on arrive à la « troisième vague ». Le féminisme élargi ses combats en défendant les minorités ethniques et sexuelles autour du concept d’ « intersectionalité », développé par Kimberlé Crenshaw. Par cette ouverture, l’idée est de se débarrasser du concept de « femme » beaucoup trop essentialisant pour aller vers une compréhension ouverte des individualité. Les différentes vagues du féminisme sont marqué par un activisme s’illustrant par des manifestations pacifique mais aussi l’usage de la violence tant physique que symbolique pour mettre en lumière leurs revendications. Actuellement, nous serions dans un quatrième moment, inscrivant les combats des anciennes vagues dans la logique « accélérationniste » pour moderniser et développer la médiatisation à l’heure des nouvelles technologies de l’information et de la communication de la cause féministe. Maintenant qu’on est au clair sur l’histoire, penchons nous sur la communication des Femen.
Les Femen, une communication a double tranchant.
Les Femen, une communication a double tranchant. « Les manifestations qui réussissent ne sont pas nécessairement celles qui mobilisent le plus de gens, mais celles qui intéressent le plus les journalistes. […] cinquante personnes astucieuses, capables de faire un happening réussi qui passe 5 minutes à la télévision, peuvent avoir autant d’effet politique que 500 000 manifestants ». Les Femen répondent parfaitement à cette « loi des médias » proposée par Bourdieu avec leurs actions où elles apparaissent seins nus, le corps recouvert de slogans, dans l’Église de la Madeleine à Paris en 2013, ou encore lors du meeting du Front National le 1er mai 2015. Un féminisme « pop », s’inscrivant dans le « sextrémisme », néologisme mélant « sexe » et « extrémisme » pour décrire ce nouveau féminisme qui n’hésite pas à employer des méthodes particulières comme l’utilisation du corps féminin, qu’on nomme également « Riot Grrrl ». Elles utilisent la provocation, la moquerie ainsi que l’auto-dérision dans des moments et des lieux stratégiques pour relayer leur revendication principale : dé-sexualiser le corps féminin pour en faire un corps politique à l’égal de l’homme. C’est là qu’il y a un hic. Car en manifestant seins nus, elles utilisent la même logique que la publicité, se servant du corps féminin comme support d’un message. D’où le bashing dont elles sont victimes. Elles sont ainsi critiquées et perçues comme des filles sans message qui ne font qu’exhiber un corps dont elles sont fières. Les féministes « anti-femen » s’indignent donc, dénonçant l’utilisation de la beauté et du corps sexualisé pour critiquer les actions des Femen, argument qu’elles entendent justement démonter. Au fond, les anti-femen sexualisent la provocation de Femen. Paradoxe quand tu nous tiens ! Alors dénonciation d’un système ou asservissement ? FastNCurious vous laisse vous faire votre avis. Reste que le message derrière le médium ne semble plus audible. Ce qui pose problème pour le militantisme quand on considère que « le message, c’est le médium ». McLuhan viens nous en aide ! On rappelle ici que Femen ne fait pas que des happenings. Conférences, débats, livres, campagnes sur les réseaux sociaux, le mouvement utilise tous les moyens de communication disponibles pour sensibiliser sur la question féministe.
#SUPPORTPENELOPE

La nouvelle campagne de Femen remet au coeur de la campagne la question féministe, invisible dans les programmes des candidats. Au point où Libération a publié le 7 février dernier une tribune d’un collectif de citoyen et d’élus pour appeler les candidats Mélenchon, Jadot et Hamon à entendre la voix des femmes. Et #SupportPénélope de rappeler le rôle émancipateur du travail pour tout individu. On notera cette phrase de Femen : « si jamais, un jour, une de tes filles veut avorter, auras tu seulement les moyens de lui acheter un cintre ». L’humour noir pour dénoncer le recul du progrès face aux politiques misogynes et conservatrices. Petit rappel que nos droits fondamentaux sont toujours à défendre. Choquer ou ne pas choquer, reste qu’il faut communiquer pour prolonger la cause féministe.
Charles Fery
Crédits photos :
– photo de Femen sur Facebook
– lettre de Femen #supportpénélope sur Facebook
– dessin Luz publié dans Charlie Hebdo le 6 mars 2013
Sources :
– page Facebook Femen https://www.facebook.com/femenmovement/?fref=ts
– Julie Mazuet, #Supportpénélope: Les Femen « soutiennent » Penelope Fillon, lefigaro.fr, publié le 30/01/2017, consulté le 06/02/2017. http://madame.lefigaro.fr/societe/supportpenelopepenelopegate-les-femen-soutiennent-penelope-fillon-300117-129452
– RTBF, publié le 06/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_femenla-troisieme-vague-du-feminisme-aux-seins-nus-est-partie-d-ukraine?id=7942852
– Mona Cholet, Femen partout, féminisme nul part. Le Monde Diplomatique, publié le 12/03/2013, consulté le 06/02/2017 https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

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Jean-Luc Mélenchon à la conquête de YouTube : la construction d'une nouvelle image médiatique

On connaît l’aversion quasi légendaire de Mélenchon pour les journalistes. Il semble que dans les médias traditionnels, le candidat de la France Insoumise ne convainc pas : souvent trop virulent et trop énervé, il n’a pas la figure de l’homme présidentiable habituel. Son discours manque d’éléments de rassemblement et le registre de la dénonciation est usé jusqu’à la corde. Aussi, l’utilisation de YouTube présentait tous les avantages pour Jean-Luc Mélenchon, et devait lui permettre de renouveler son image en évitant son habituel et tant de fois reproché manque de contrôle face aux questions incisives des journalistes; seul face à la caméra, l’homme peut maîtriser ses dires et ses émotions. On ne peut pas non plus négliger la conquête potentielle d’un nouvel électorat plus jeune, très présent sur ce média.

Une pluralité de formats
Comme dans une anthologie médiatique, l’internaute peut retrouver sur la chaîne « Jean-Luc Mélenchon » de grandes catégories, plus classiques, telles que « Discours et meetings » ou « Emissions et passages média ». Mais des formats plus innovants dans le champ médiatico-politique se distinguent, comme la Revue de Presse, support d’une nouvelle communication politique pour Mélenchon.
Pari réussi ou fiasco communicationnel ?
Les chiffres parlent en faveur du premier schéma : dans la Revue de Presse n°3, on peut entendre Mélenchon parler de sa chaîne comme étant la « première chaîne [YouTube] politique de France », avec près de 51 000 abonnés. De plus, il ajoute qu’un pic d’abonnés coïncide avec chaque publication de revue de presse, révélant le succès du format choisi.
Alors qu’en est-il? Comment Mélenchon réconcilie-t-il la supposée objectivité inhérente à une revue de presse et la partialité propre aux discours politiques?
Dans une vidéo d’environ 20 minutes, le fondateur du Parti de Gauche revient sur les faits marquants de la semaine – qu’ils touchent à la France ou à l’international – et saisit l’occasion pour présenter les grandes convictions de son programme.
La création d’une nouvelle rhétorique politique
Ce qui saute aux yeux lorsque l’on compare l’homme de YouTube à l’homme des plateaux télé, c’est l’élargissement du panel émotif du candidat. On ne saurait deviner si c’est dû à l’absence de journalistes ou de spectateurs directs, mais le « Youtubeur » de l’extrême gauche parvient enfin à mobiliser le registre du pathos, si important en politique.
La subjectivité est alors davantage mise en scène : Mélenchon laisse entrevoir de nouveaux sentiments, comme la sollicitude et l’empathie pour les Français, à l’inverse de la colère et du registre de la trahison politique qui régissent les discours mélenchonnistes dans les médias traditionnels. Les faits divers les plus tristes (‘une nouvelle que je juge terrible’, ‘un événement bouleversant’…) sont autant d’occasions pour Mélenchon de montrer une nouvelle facette de sa personnalité – plus calme et sereine – en contradiction avec l’image que pouvaient véhiculer ses anciennes prises de parole médiatiques, plus houleuses.
YouTube : un média démocratique ou son contraire ?
La forme aussi est symbolique : Mélenchon se lance à la conquête d’un média sans médiateur, un média où l’homme politique est en prise directe avec ses électeurs. L’homme qui dénonce souvent «le prisme calamiteux des médias officiels » jouit alors d’un espace où nul journaliste ne déforme ses propos ni ne le pousse dans ses retranchements.
C’est que YouTube représente une occasion rare pour les politiques aujourd’hui : selon l’utilisation qu’on en fait, le média peut être réduit à un simple canal qui ne permet qu’une communication unidirectionnelle. Le viewer de YouTube n’a pas la possibilité d’intervenir directement, là où le présentateur télé ou le chroniqueur radio se font les relais de la contradiction. Sur YouTube, la parole de l’homme politique résonne seule. Il n’y a aucun contrepoint, aucun débat véritablement institutionnalisé. S’il existe bien une section « commentaires », ceux-ci ne peuvent être exprimés qu’après la publication de la vidéo et il n’existe donc pas de véritable dialogue.
Chassez le naturel, il revient au galop
Il ne faut pas pour autant oblitérer complètement le pouvoir de contradiction qu’ont les commentaires YouTube. A eux-seuls, ils arrivent à révéler l’attitude défensive d’un Mélenchon pourtant en quête d’une nouvelle image médiatique.
En dépit de l’objectif premier de la revue de presse, à mi chemin entre la pédagogie et la persuasion, l’homme ne peut s’empêcher de revenir sur les quelques commentaires belliqueux que suscitent ses prises de parole, et retombe malheureusement dans ses travers habituels : virulence du discours qui accuse et moralise («Les gens qui ont l’habitude de ridiculiser tout ce qu’ils voient […] ont ricané et n’ont rien écouté au fond de l’affaire.», «Les mesquins, les méchants qui attendent pour pouvoir déverser la bile.»), apostrophes alarmistes («Alors vous n’avez pas compris que si vous ne changez pas l’alimentation […] nous sommes tous condamnés à tout détruire autour de nous ?», «Vous avez compris ça, les gens ? »)..En retombant dans ses mauvais penchants communicationnels, Mélenchon échoue à    mobiliser le registre du rassemblement, à diffuser un message fédérateur, si essentiel à la rhétorique du présidentiable.
Bilan mitigé de l’initiative : Mélenchon face à l’imaginaire français du présidentiable
Finalement, le véritable échec de cette nouvelle campagne politique 2.0 réside dans le fait que jusqu’ici, elle peine à conquérir de nouveaux électeurs. Les 50 000 abonnés de Mélenchon ne suffisent pas à lui offrir une visibilité suffisante sur YouTube. Il suffit de jeter un œil aux commentaires où le hashtag #JLM2017 règne, pour comprendre que son public est un public de convaincus, de militants. YouTube serait-il alors inadapté vis-à-vis de cet objectif de conquête électorale?
Entre conquête d’un électorat plus jeune et connecté, et création d’une nouvelle rhétorique politique, Mélenchon s’est approprié les codes de YouTube avec une certaine facilité : l’absence de médiateur lui réussit relativement bien, tandis que l’éviction du journaliste confère à l’homme politique une transparence et une franchise face à ses électeurs.
Néanmoins, si l’appel au pathos se fait plus présent dans le discours de Jean-Luc Mélenchon, son ancien pilier communicationnel demeure, malgré son apparente fragilité. Certes, les apostrophes fréquentes aux auditeurs forment une composante fondamentale de son identité communicationnelle puisqu’elles participent à la création d’une rhétorique de la participation et de la responsabilité citoyennes. Mais la convocation permanente du registre virulent et alarmiste ne semble pas judicieuse à l’heure des présidentielles, éloignant une partie des électeurs en quête d’un homme plus fédérateur et paisible.
Une constante se dégage néanmoins : le choix du canal médiatique dans la construction de sa communication politique en révèle long sur le candidat. Là, où Alain Juppé favorise encore le mail pour une communication plus ciblée et trahit ainsi son manque d’innovation dans le champ communicationnel, Mélenchon se distingue de plus en plus comme le candidat du numérique et de la jeunesse. Or, en privilégiant ce média pour échapper à la contradiction qui le dessert parfois, il prend peut-être le risque de diminuer sa visibilité auprès d’un électorat plus classique, habitué des plateaux télé et des émissions radio.
A croire que nos hommes politiques ne peuvent être présents sur tous les fronts médiatiques.
Hélène Gombert
Sources :

Chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon
MELENCHON Jean-Luc, « La revue de la semaine #1 : pauvreté, Hayange, démocratie, Alstom, Juppé et retraites. » mise en ligne 08/10/2016 https://www.youtube.com/watch?v=ynfJBfJKzFw

Crédits :

Jean-Luc Mélenchon à la fête de l’Humanité en 2011. Photographie d’Olivier Coret pour french- politics.com
AURENT HAZGUI pour FRENCH-POLITICS.COM
Photographie de Nicolas Krief