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Ladies First !

Ça y est, le mandat de Barack Obama prend fin et apporte avec lui son lot d’incertitudes en vue de la future présidence de Donald Trump. En plus de tourner la page Barack Obama, les Américains vont également devoir dire au revoir à sa femme Michelle. Car pour nos amis transatlantiques, on ne peut omettre Michelle Obama quand on évoque le double mandat de son mari. Femme populaire, femme engagée, cette First Lady restera une figure mémorable de la Maison Blanche, peut-être grâce à une communication efficace. Dans une Amérique qui n’a toujours pas eu sa femme présidente, la figure de la First Lady intrigue, fascine, interroge. Si certaines femmes se sont faites discrètes lors de la présidence de leur mari, d’autres se sont saisies de cette fonction avec brio. Mais que se cache-t-il vraiment derrière ce titre si insolite ?
To be or not to be First Lady, that is the question
La First Lady occupe avant tout une fonction non officielle, entendons qu’elle ne touche aucun salaire. Elle peut donc n’être qu’une présence, sans aucun rôle à proprement parler, hormis celui d’hôtesse de la Maison Blanche. Étant dans une position de visibilité, la First Lady peut alors s’emparer de cette fonction pour soigner son image, et par là jouer un rôle essentiel dans la communication du président, jusqu’à être son meilleur atout.
À partir du moment où son mari est élu président des États-Unis, la première dame a cependant le devoir implicite de s’impliquer dans la vie politique de son pays, en défendant notamment des causes qui lui tiennent à cœur. On observe bien cet engagement forcé dans le gros titre des Inrocks « Quelle première dame sera Melania Trump ? », supposant par là que cette femme s’engagera du fait de la fonction qu’elle s’apprête à occuper. D’ailleurs, le mystère entourant Mrs Trump et sa discrétion dans la campagne présidentielle de son époux, lui ont presqu’ôté son titre de première dame au profit d’Ivanka Trump, fille de Donald, considérée plus légitime au titre de First Lady car beaucoup plus présente médiatiquement.
L’alter ego féminin du président ?
Directement liée au président des États-Unis – étant sinon sa femme, du moins une proche parente ou amie – la First Lady    a une fonction de représentation. Plus qu’une figurante dans le générique de l’histoire des États-Unis, la première dame porte des valeurs pour les Américains, représentant une certaine idée de la femme américaine. C’est pour cela que l’équipe de campagne de Donald Trump aurait insidieusement modifié le parcours académique de Melania Trump sur son site internet, afin qu’elle apparaisse plus instruite aux yeux de l’Amérique.
Sa communication est donc intrinsèquement liée à celle de l’homme d’État. Par effet de miroir, au président cool qu’a représenté Barack Obama, Michelle s’est illustrée comme étant une première dame aussi cool que son mari, enchaînant danses, rap et plateaux télévisés. Cette communication à l’unisson est donc doublement efficace, en témoigne l’imaginaire autour du couple Obama qui s’est soldé en août 2016 par le film First Date autour de leur première rencontre.

La First Lady peut avoir un rôle d’équilibre, pour combler les lacunes d’une communication imparfaite. On peut se souvenir du discours de Melania Trump sur les propos sexistes de son mari, essayant ainsi de rectifier le tir, de le transformer en honnête homme aux yeux du monde. Peine perdue, car ses propos interfèrent avec le discours clairement assumé du colosse Trump, décrédibilisant les propos de la fébrile Melania.
La First Lady est donc assimilée à son mari, pour le meilleur et pour le pire. Face aux futures réjouissances que promet Donald Trump, sa femme Melania déchaine les critiques et est régulièrement moquée sur son passé, sur son physique et sur ses propos, enregistrant un chiffre record d’impopularité pour une première dame. Elle est d’autant plus mal aimée qu’elle a été prise en flagrant délit de plagiat d’un discours de Michelle Obama lors de la convention républicaine de Cleveland.

Mais la First Lady peut aussi se détacher de l’image de son mari et voler de ses propres ailes politiques.
Lorsque l’engagement politique est fort, la First Lady est individualisée comme une femme politique à part entière. C’est le cas de Michelle Obama qui a allié ses forces à celles d’Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2016. La rumeur a ainsi couru que l’actuelle First Lady se présenterait à l’élection présidentielle de 2020 – rumeur vite démentie par Barack Obama. Cette femme laisse derrière elle un héritage propre, indépendamment de celui de l’actuel président. Elle a par exemple milité en faveur de l’accès à l’éducation pour toutes les jeunes filles dans le monde et est à l’origine de la campagne Let’s move pour lutter contre l’obésité.
De la même manière, Hillary Clinton a failli passer de la fonction d’ancienne First Lady à celle de First Woman President. La proximité avec la politique dans le passé de First Lady permet dans certains cas d’acquérir des compétences politiques et donc une légitimation pour se présenter à l’élection présidentielle.
Chic & politique : un cocktail gagnant ?
A l’ère de l’hypermédiatisation, la communication par l’image est essentielle pour une fonction caractérisée par sa visibilité médiatique. Déployer ses plus beaux sourires, arborer ses plus belles tenues; être First Lady c’est aussi un ton, un style original pour une communication à la hauteur.

Le mélange détonnant « cool et sérieux » de Michelle Obama a su porter ses fruits, et le capital sympathie qu’elle a su rassembler est probant. La mode a également son mot à dire dans le style de la First Lady. Mais il ne s’agit pas seulement de « faire beau », la First Lady n’étant certainement pas réduite à un physique ! La déclaration de Donald Trump « Ma femme ferait joli sur les portraits officiels ! » a fait parler d’elle, cristallisant son image de candidat sexiste. Caractérisée comme une « icône de la mode », Michelle Obama a fait le bonheur de grands couturiers, heureux que leurs vêtements portent les valeurs de la première dame. Et c’est à ce titre que de grands stylistes tels que Sophie Theallet et Tom Ford ont refusé d’habiller la nouvelle First Lady Trump, ne voulant pas associer leur marque à un président au discours raciste, sexiste et xénophobe.
Ce titre, aux limites bien floues, a donné lieu à des First Ladies différentes les unes des autres. Bavarde ou discrète, présente ou effacée, politicienne aguerrie ou aversion pour la politique, il y en a pour tous les goûts – et pour toutes les époques. Et comme dirait Beyoncé : « Who runs the world ? » Girls !
Diane Nivoley
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Sources :
• DANCOURT Anne-Charlotte, « Quelle première dame sera Melania Trump ? », Les Inrocks, mis en ligne le 13/11/2016, consulté le 04/12/2016.
• LAURENT SIMON Caroline, « Qui est vraiment Melania Trump ? », Elle, mis en ligne le 01/12/2016, consulté le 04/12/2016.
• KUCINSKAS Audrey, « Michelle Obama, les adieux d’une première dame exemplaire », L’Express, mis en ligne le 20/10/2016, consulté le 04/12/2016.
• PARIS Gilles, « Melania Trump, une First Lady qui tranchera avec Michelle Obama », Le Monde, mis en ligne le 11/11/2016, consulté le 04/12/2016.
• GBADAMASSI Falila, « Michelle Obama : une First Lady devenue très influente », FranceInfo, mis en ligne le 08/11/2016.
Crédits :
• Lawrence Jackson Abidjian911.com

Michelle Obama
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#BringBackOurGirls : l'opération du tout digital

 
Tout a commencé par une vidéo de quelques minutes postée le 5 mai dernier par l’organisation terroriste nigériane Boko Haram, dont le leader revendique l’enlèvement de 276 lycéennes le 14 avril en vue de les vendre comme esclaves. Un mois après le drame, la propagation du hashtag #BringBackOurGirls constitue un véritable témoignage de soutien envers les jeunes filles détenues et leurs familles.
La réaction est planétaire, mais le plus impressionnant dans cette opération reste que la mobilisation est quasi exclusivement numérique.
La réaction des internautes aux évènements internationaux et nationaux n’est pas un phénomène nouveau : on se souvient du terrible tsunami qu’a connu le Japon en 2011, face auquel Lady Gaga avait appelé ses fans à donner aux sinistrés par Twitter. Ce type d’engagement virtuel – Jacques Ion parlait déjà « d’engagement distancié » en 1997* – a fait couler beaucoup d’encre et pose la question du sens donné à ces formes de participation. Les multiples pétitions en ligne, photos de soutien et rassemblements virtuels sont souvent dénoncés comme faciles et ne serviraient pour beaucoup qu’à se donner bonne conscience. Comment dès lors aborder de la façon la plus neutre ces interventions sous le signe du buzz ?
Si le hashtag #BringBackOurGirls déferle dans le monde entier, il vient à l’origine d’une cérémonie qui s’est tenue fin avril dans le cadre de la nomination de Port Harcourt (Nigéria) comme capitale mondiale du livre par l’Unesco. Lors du discours d’Oby Ezekwesili, vice-présidente de la section africaine de la Banque mondiale, qui demandait la libération des jeunes nigérianes, deux hommes ont alors tweeté la formule, qui depuis a fait du chemin…
Quelques jours après la publication sur Youtube de l’annonce de Boko Haram, Michelle Obama s’est pour la première fois exprimée à la place du Président des Etats-Unis dans une vidéo hebdomadaire de la Maison Blanche : elle y affirme l’indignation et l’immense chagrin du couple face à la situation, à la veille du « Mother’s Day » américain.
On peut notamment en retenir ces mots :
« I want you to know that Barack has directed our government to do everything possible to support the Nigerian government’s efforts to find these girls and bring them home. In these girls, Barack and I see our own daughters. We see their hopes, their dreams, and we can only imagine the anguish their parents are feeling right now. » **
La première dame a également publié une photo et un message, retweetés plus de 50 000 fois : « Our prayers are with the missing Nigerian girls and their families. It’s time to #BringBackOurGirls. » ***
L’implication des politiques les plus hauts placés a également touché la France : Najat Vallaud-Belkacem ou encore Christiane Taubira se sont elles aussi emparées des réseaux sociaux pour affirmer leur soutien aux victimes et rappellent la mobilisation du pays pour retrouver les auteurs de l’enlèvement.

Plusieurs pages Facebook, une pétition de quelques 900 000 signatures sur change.org et un Tumblr lancé par Amnesty International… Jamais la marque du digital ne se sera autant faite sentir pour un événement localisé de ce type.
Plus anecdotique, Angelina Jolie, Alexia Chung, Emma Watson ou encore Whoopi Goldberg se sont manifestées sur Twitter, où les messages de soutien et les portraits affichant le hashtag se multiplient… Même le très connecté Pape François a fait appel à l’oiseau bleu pour appeler à la prière !
Les mauvaises langues pourront juger tout cela comme le seul moyen de pallier le manque d’investissement ou d’actions des gouvernements. Néanmoins, le tweet permet tout au moins de maintenir en haleine la communauté internationale et de diffuser l’information en masse.
La révolte est mondiale, certainement parce que l’enlèvement de ces jeunes écolières n’est pas le premier au Nigéria et relance le débat du droit à l’éducation et de la violence envers les femmes. Ces deux causes trouvent un écho bien au delà des frontières du pays et amènent certains à s’engager dans le mouvement #BringBackOurGirls, depuis leur écran ou leur smartphone.
Le hashtag viral aura in fine eu l’avantage -et pas des moindres- de réveiller les médias, qui ont fait fin avril leur mea culpa : à la surprise générale, les internautes sont à l’origine du buzz, suivis après plusieurs semaines par les médias qui ont tardé à parler de l’affaire. Boko Haram n’a pas eu besoin d’eux pour poster sa vidéo, pas plus que les millions de followers pour s’engager (?). #BringBackOurGirls laisse donc envisager un retour en force du soutien citoyen et communautaire dans l’action sociale, aux dépens des grands titres de l’actualité.
 Laura Pironnet
* Jacques Ion, La fin des militants ?, 1997, L’Atelier
**  « Je veux que vous sachiez que Barack a tout fait pour que notre gouvernement soutienne les efforts du gouvernement Nigérien afin qu’il retrouve ces filles et les ramène chez elles. Au travers de ces filles, Barack et moi voyons nos propres filles. Nous savons leurs espoirs, leurs rêves et nous ne pouvons qu’imaginer l’angoisse que leurs parents vivent à cet instant. » (http://www.youtube.com/watch?v=PAncJ3nuczI)
*** « Nos prières vont vers les jeunes filles nigérianes disparues et leur famille. Il est temps de #BringBackOurGirls ».
Sources :
Atlantico.fr
Lesoir.be
Madmoizelle.com
Crédits photos :
Twitter.com