Apple - Think different
Société

Apple : Comment rester cool en vendant plus que Microsoft ?

 
Apple est parvenue depuis sa création en 1976 à s’imposer comme une marque haut de gamme à la fois branchée et élitiste. Fruit d’une stratégie marketing admirablement conduite, cette constitution d’une véritable marque de luxe spécifique au secteur informatique semble aujourd’hui en péril du fait de son vaste succès commercial. Ainsi, durant le dernier quart 2013, et pour la première fois de son histoire, Apple a presque vendu autant de terminaux que Microsoft[1].
Apple peut-elle garder son image élitiste alors même que son succès commercial est tel qu’il tend à banaliser sa marque, l’éloignant de la hype au profit du mainstream ? A quel revirement s’attendre de la part de la firme ?
Le délicat rapport entre maintien l’exclusivité et popularité
Prix élevés, design distinctif, et identité de marque forte sont autant de composantes de la stratégie d’Apple, laquelle se retrouve chez l’ensemble des acteurs du luxe. Toutefois, pareille stratégie n’est a priori viable que dans une situation de maintien de l’exclusivité, qui actuellement s’effrite au profit d’une popularité croissante.

Comment Apple peut donc faire pour rester une marque spéciale, alors qu’elle se démocratise ?
Deux alternatives semblent s’offrir à la firme de Cupertino :
1. Solution radicale, limiter cette démocratisation en augmentant drastiquement les prix et en supprimant le paiement en plusieurs fois, de sorte à devenir une pure marque de luxe.
Jugé illogique en termes de rentabilité et de pénétration des marchés émergents, ce choix n’a manifestement pas été retenu par Apple.
2. Segmenter l’offre de la marque en proposant de nouveaux produits plus accessibles, tout en conservant ceux qui ont fait son succès.
Segmenter l’offre entre luxe et entrée de gamme
Si la firme continue en effet toujours à produire du très haut de gamme, à l’image du nouveau Mac Pro proposé entre 3 000 € et 9 600 €, Apple s’est également engagée sur un terrain qui lui était jusque-là inconnu : le développement de produits plus abordables, et la baisse significative des prix de ses produits postérieurement à leur lancement.
Cette solution permet, intérêt non négligeable, une meilleure pénétration des marchés émergents pour lesquels Apple a de grandes ambitions, mais rencontre de sévères difficultés. Autre avantage : celui de gêner à l’échelle mondiale l’ensemble de ses concurrents en proposant des produits aux prix plus proches des leurs. Une telle stratégie n’est toutefois pas sans risques.
Le risque principal est indubitablement de voir Apple se banaliser au point de perdre sa fonction de distinction sociale : l’ensemble de son offre en souffrirait considérablement, ce qui profiterait immédiatement à Google en particulier, qui a su se constituer également une image jeune et innovante.
L’iPhone 5C, acte de naissance d’une stratégie nouvelle ?
Bravant ce risque, Apple a procédé à de multiples baisses de prix et surtout, a lancé l’iPhone 5C. Alternative plus abordable à son homologue haut de gamme, ce modèle n’a toutefois pas rencontré le succès escompté[2], comme le montre le graphique ci-dessous présentant le taux d’usage actuel des différents iPhones, mesuré par Fiksu.

Il serait cependant hâtif de conclure à l’inconvenance de cette stratégie. Ces mauvaises ventes de l’iPhone 5C semblent davantage liées à des erreurs dans la manière dont ce produit a été marqueté : prix trop proche de son homologue 5S et spécifications techniques largement identiques à celles de son prédécesseur l’iPhone 5 ne sont pas étrangères à la mésaventure du terminal.
Apple pourrait rogner davantage sur ses marges afin de proposer un prix de vente plus bas pour ses terminaux entrée de gamme. Cependant est-ce vraiment dans son intérêt ? Un coup d’œil aux marges réalisées sur les deux derniers iPhones permet de douter du sens de cette stratégie par rapport à l’identité de la marque.

Magnifier l’offre plutôt que la démocratiser
In fine n’est-il pas plus logique que l’entrée de gamme Apple coûte relativement cher puisqu’elle propose un véritable plus-produit du fait de son homologue de luxe ? Continuer sur la voie de cette segmentation sans baisser les prix de l’entrée de gamme permet de préserver l’image d’exception de la marque, de sorte que même ces produits bénéficient de ladite identité.
Dans le même temps, accroître le prix des produits haut de gamme de sorte à créer une véritable différenciation entre gammes paraît indispensable. La firme pourrait continuer ainsi à préserver ses marges confortables sur cette nouvelle offre.
L’entrée de gamme permettrait à Apple de croquer les marchés émergents qu’elle convoite tant, mais sur lesquels son implantation se fait si difficile. Cependant, seule l’élévation du niveau de vie global des pays concernés permettrait un véritable succès commercial pour la marque. Vouloir trop baisser les prix – à moins de le faire dans une très faible mesure et à l’échelle locale pour certains marchés uniquement – ne peut être que préjudiciable pour l’image d’Apple.
 
Teymour Bourial
[1]Par terminaux de personnal computing Apple, on entend : Macs, iPads, iPhones, Ipod Touch.
Par terminaux de personnal computing Microsoft, on entend : PC Windows, Surface, Windows Phone.
[2]Même sur les marchés émergents, l’iPhone 5C a réalisé de très mauvaises ventes (Source AppleInsider)
Sources : 
Graphique Quarterly Device Sales infra, réalisé par Benedict Evans
Article de Tero Kuittinen pour Forbes : What was the iPad ASP Decline ?
Article de Sam Frizell pour Business Time : Apple has a secret weapon to continue growing: China
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize

Crédits photos :
LesNumeriques.com

consoles dernières génération
Société

Le bug des consoles dernière génération : la communication

 
Cette année 2013 aura été fortement marquée par un retour sur le devant de la scène des questions liées au genre et à l’éducation des enfants, et ce dans des domaines très variés, du plus sérieux au plus léger. Les débats sur l’égalité des genres ont fait rage jusque dans le monde du jeu vidéo, où la moitié des joueurs, et même 52% en France, sont désormais des joueuses. Vous l’aurez compris, les nombreux consommateurs de jeux vidéo, premier produit culturel vendu en France, ont changé. Ainsi, cette période de Noël où les géants du jeu vidéo ne rêvent que de voir leur console sous notre sapin est l’occasion de voir si ceux-ci ont su faire évoluer leur stratégie pour s’adapter à l’évolution de leur cible.
Sony : rien de nouveau sous le soleil
Pour savoir si la communication des industriels du jeu vidéo a changé, il faut comparer la stratégie marketing et les campagnes publicitaires dans le temps. Chez Sony, la tactique est simple et n’a pas évoluée depuis les années 90. Dans un premier temps, on mise sur le taux de testostérone supposé du public : on montre des hommes pour vendre la PS1. Dans un deuxième temps, une femme avec une paire de sein en plus dans le dos pour vendre la PS Vita avec le slogan « doublement tactile, doublement excitant ». Puis pour faire parler de sa petite dernière, la PS4, Sony utilise Twitter pour prévenir le joueur qu’il peut embrasser sa copine pour la dernière fois. On montre aussi quelques publicités artistiques pour gagner en crédibilité (une collaboration avec David Lynch notamment).

Nintendo : des consoles pour tous
Chez Nintendo, on observe aussi une certaine constance dans la communication autour de ses consoles de salon, qui a toujours été orientée vers un public familial. À l’inverse, on observe un changement de stratégie concernant leurs consoles portables. Alors que tout le marketing des consoles portables était orienté pour cibler le jeune mâle, et ce dès le nom dans le cas des Gameboy, on constate à présent que la marque cherche aussi à toucher un public féminin avec les variantes de la Nintendo DS puisqu’elle n’hésite pas à mettre sa console aux couleurs de licences de jeux « pour filles » comme Animal crossing, là où ses concurrents s’en tiennent à un noir « viril ».
Microsoft fait tricoter les femmes
Microsoft prend le contrepied de Nintendo en allant d’une communication assez neutre, pour la Xbox 360, à une communication jouant sur les stéréotypes genrés pour la Xbox One. Cette dernière a provoqué un bad buzz tel que l’entreprise s’est vu contrainte de revenir sur ses propos. Le constructeur de consoles a en effet pensé qu’il était pertinent d’envoyer une lettre au joueur lui expliquant comment convaincre sa copine, qui « préfère tricoter que de dégommer du zombie » pour reprendre les termes du mail, qu’il fallait acheter la Xbox One.

Pourquoi une telle stratégie de la part de Microsoft ? Était-ce une tentative de brosser dans le sens du poil les joueurs endurcis qu’une console multimédia, plus seulement orientée vers le jeu pur et dur, aurait fait fuir ? Dans ce cas, pourquoi faire une console destinée à un public plus large que le stéréotype du joueur acharné, si la cible n’en veut pas ? Cette dernière question est peut-être la plus importante après l’échec commerciale de la console familiale Wii U, qui n’a pas su trouver son public alors que 54% des parents affirment jouer aux jeux vidéo avec leurs enfants.
Ce qui est sûr, c’est que dans cette lutte au coude à coude entre Sony et Microsoft, le public féminin pourrait bien faire la différence. Ainsi selon DFC Intelligence, il est probable que Sony vende plus de consoles que Microsoft malgré le lancement réussi de la Xbox One. En voyant à quel point la PS4 se vend bien tout en évitant simplement de dénigrer ses acheteuses potentielles, on se demande si elle ne pourrait pas établir un nouveau record de vente si elle se permettait d’essayer de les séduire. L’actuel record est toujours détenu par la Nintendo DS qui avait gagné le cœur des joueuses à partir de 2004.
 
Alexia Maynart
Sources :
Dfcint.com
Snjv.org
Gamalive.com

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PS4 Sony
Les Fast

This is for the players

 
Le vendredi 29 novembre 2013 est une date qui restera longtemps marquée dans les esprits des gamers. Et pour cause : sept ans après la sortie de la PlayStation3, le géant Sony a lancé celle qui a pour vocation de devenir la nouvelle star du monde du jeu vidéo, j’ai nommé la PlayStation4.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes (virtuels) si cet événement ne coïncidait pas, à une semaine près, avec l’entrée sur le marché de la Xbox One, nouveau produit phare de Microsoft. Ce lancement simultané est inédit et annonce une lutte acharnée entre les deux marques pour séduire le public, d’autant plus que le Japonais Nintendo semble être hors jeu, sa Wii U ne rencontrant pas le succès escompté.
Pour pouvoir se démarquer, les deux concurrents ont donc mis en place différentes stratégies de communication. Ainsi, le 21 novembre, Microsoft avait convié environ mille personnes dans le bâtiment vert (judicieux rappel du logo Xbox) de la Cité de la Mode et du Design. La riposte de Sony ne s’est pas faite attendre. Les quotas de prévente ayant été atteints chez les principaux revendeurs, le magasin Sony Store de Paris (Avenue Georges V) a permis à huit cents chanceux supplémentaires d’acquérir le petit bijou dès le vendredi 29 novembre à 11h. Cerise sur le gâteau, le PDG du groupe, Andrew House, était présent lors de la remise de ce nouveau Saint Graal.
Sony semble avoir gagné la bataille de la communication en se focalisant sur le jeu et les joueurs assidus tandis que Microsoft tentait d’attirer un public très large. Mais dans un contexte où de nouveaux produits ne voient le jour que tous les sept ans environ, le business des consoles est une véritable guerre de tranchées. Que le meilleur gagne.
Margaux Putavy
Sources :
Challenges.fr
Tf1.fr

Flops

C is for Cheeky

 
Il y a une petite semaine, Microsoft uploadait sur Youtube une énième vidéo parodique envers Apple et ses Smartphones : deux minutes de montage frénétique, faisant se succéder des réunions fictives où Tim Cooks et Jony Ive [1] recevaient les explications ridicules et humoristiques de deux designers sur les fonctionnalités controversées des nouveaux Iphones.
Car comme pour toutes les sorties attendues, la mise en vente des Iphones 5s et 5c était une occasion trop belle pour ne pas se fendre d’une pique, et certainement attirer l’attention sur un Windows Phone qui ne dépasse pas les 4% du marché. Après tout, la dernière image de la vidéo affiche un fringant « #timetoswitch ».
Qu’il ait été stratégique ou machinal, l’humour lesté de la vidéo n’aurait pas pu causer grand mal, si l’acteur choisi pour représenter Cooks de dos n’avait pas furieusement évoqué Steve Jobs. Or, il n’y a rien de plus vulgaire que d’entacher l’aura christique du regretté fondateur de la marque à la pomme.
Un enragement de la twittosphère et quelques émois journalistiques plus tard, Microsoft en était réduit à s’excuser et à retirer le clip de la chaîne Youtube du Windows Phone.
(Nulle crainte cependant, car de grandes âmes sont parvenues à la sauver et la garder en ligne) :

Il n’y a rien de surprenant à ce que le manque de tact de la référence ait causé une si vive réaction. Mais que dire de l’aveuglement de Microsoft ? Le support tenait certes plus du Community Management que de la publicité à proprement parler, mais il était légèrement naïf de penser que la réaction des fans de la marque éclipserait celle des internautes choqués.
Moralité : la diffusion sur Internet ne touche pas que les fanboys. Cette bête vérité semble pouvoir échapper même à des structures aussi rompues aux stratégies digitales que Microsoft, mais trahit une nouvelle fois un essoufflement intéressant dans la bataille infinie entre les deux géants. Outre une relative fébrilité de la part d’Apple dans ses choix de positionnement (les moqueries sur l’orientation résolument cheap – voire hypocrite – du Iphone 5c ne manquent pas), ce fail laisse à penser que Microsoft est lui aussi à court d’idées lorsqu’il s’agit de relancer l’intérêt autour de produits qui sont continuellement repoussés par Android.
Les imaginaires geeks, toujours friands d’anecdotes cocasses sur la rivalité médiatique entre constructeurs de Smartphones, en sont devenus suffisamment prometteurs pour que Microsoft risque l’hallali sur du simple contenu Youtube ; et ce dérèglement finit par créer une collision improbable entre communication digitale et marketing. Il y a toujours des leçons à tirer des plus grands.
 
Léo Fauvel
Sources :
Mashable
The Verge
Computer World.com
Comscore.com
 
[1] respectivement PDG et Vice-président du design de la compagnie

Com & Société

Windows ne tient plus la chandelle

 
Le pitch
C’est un fait, aujourd’hui les smartphones sont préférés aux appareils photos lors des gros événements. Microsoft et les agences Crispin Porter et Bogusky Boulder jouent sur cette affirmation dans le dernier spot télévisé pour Windows Phone, « Don’t Fight ».
Lors d’un mariage, tous les invités sortent leur téléphone pour immortaliser le moment. De chaque côté de l’allée, tous lèvent les bras, mobile en main, jusqu’à ce qu’un membre de l’assistance (allée de droite) ose se lever pour un meilleur angle de vue. Une première remarque (allée de gauche) fuse, sur la taille démesurée du Smartphone de l’autre : « Excusez-moi, pouvez-vous bouger votre énorme téléphone ». Ni une ni deux, l’allée de droite se défend « vous voulez dire l’énormément génial Galaxy ? ». Et le mariage vire alors à une bataille acharnée entre détenteurs d’Iphone versus détenteurs de Galaxy. Aucun Windows Phone à l’horizon. Remarques acerbes et ironie agressive sont mises à l’honneur, reprenant les immuables répliques que l’on entend souvent, quand deux personnes vantent les mérites de leur mobile et déprécient celui d’en face.

La bonne vieille tactique de l’humour
Microsoft se sert des deux clans assis et affirmés qui se sont formés parmi les consommateurs du marché Smartphone pour mettre en valeur son nouveau produit, Le Nokia Lumia 920. Plus que cela, la marque ridiculise ses deux concurrents, Apple et Samsung, en pointant du doigt les défauts de leur produit dans des mises en scène minutieuses. Car la réussite de ce spot réside aussi dans la subtilité des dénonciations. L’humour permet d’amoindrir l’attaque de la marque. Ainsi peut-elle se défendre de chercher à faire rire plus qu’à critiquer. Les défauts ne sont pas seulement affichés tels quels, mais aussi cachés dans des scénettes cocasses noyées d’humour. Remarquez : lorsqu’un invité donne un petit coup sur son ennemi, ce dernier parcourt la moitié de la salle de réception dans un vol plané faramineux… il avait en effet une arme de qualité dans la main, l’ « énorme » Galaxy, que l’on entraperçoit seulement.
Rien de tel que des petits clins d’œil aux partisans de chaque clan pour mettre tout le monde dans son panier. Entre « Isheep » ( Imouton) et « Copymachine » (photocopieuse) chacun s’y reconnaît (en termes d’insultes), et c’est Windows Phone le gagnant. La signature de ce spot reste très simple : « Ne vous battez pas. Changez de téléphone. » Telle la Suisse proposant une alternative à ces disputes sempiternelles et lassantes.
Un petit peu d’air frais dans les publicités de Smartphones
Stratégiquement, Microsoft a très bien joué. Car comment attirer l’attention sur ce podium où l’on ne remarque que l’or et l’argent ? l’Iphone et le Samsung Galaxy S3 sont les deux smartphones les plus vendus au monde, et leur rivalité fait souvent le buzz (cf l’article de Pauline Legrand) Et bien, se servir de la notoriété de ces deux marques est une technique payante. Dans un combat qui ne se joue qu’à deux depuis de nombreuses années, Microsoft réussit une percée remarquable. Le challenge reste osé car sur une minute de spot, 45 secondes sont réservées aux produits des concurrents… Mais les spectateurs ont bien compris l’enjeu de cette publicité et sa créativité puisque, depuis sa publication sur Youtube le 29 avril dernier, la vidéo montre un nombre de vues et commentaires très satisfaisant. Et cette note humoristique détone dans les publicités de smartphones souvent très minimales et portées sur la modernité technologique. Ici le 
Nokia Lumia 920 est jaune ou rouge, et la vidéo mise sur l’action et l’énergie. Chez Windows, on ne se prend pas au sérieux, et ça fait plutôt du bien.
 
Marie-Hortense Vincent
 
Sources :
La réclame.fr

Société

Toujours connectés, jamais écoutés ?

 
Le ras le bol des utilisateurs envers la « surconnexion » ne date pas d’hier. L’addiction des Français à la nouvelle technologie et son aspect menaçant a déjà défrayé les médias. Selon l’Ifop, 42% des Français se considèrent dépendants de leur mobile, mais la majorité développe des stratégies d’auto-discipline quant à son utilisation. Selon le même sondage, 59% des Français se sentent dépendants de leur écran. Et les polémiques sur l’utilisation des données se multiplient, la dernière en date nous provenant de Facebook (une fois n’est pas coutume), avec son nouveau service GraphSearch, qui permet de rentrer en contact avec des utilisateurs en fonction de leurs préférences ou de leurs « likes ».
La semaine dernière, un accrochage supplémentaire est venu rajouter de l’huile sur le feu de l’hyperconnexion. Nous vous avions parlé lors d’un article précédent  de l’annonce de la PS3 et de la futur Xbox de Microsoft. Et c’est cette dernière qui est à présent sur la sellette. Il faut dire que Microsoft garde jalousement sa console (nom de code : Durango) secrète. Mais personne n’est à l’abri d’une fuite, ce que le géant de Redmont a appris à ses dépens, dans une conversation sur Twitter entre Adam Orth, un ingénieur de la marque, et un développeur de jeu vidéo. Dans cet échange, Adam Orth avoue publiquement que la future console de Microsoft devra être en permanence connectée pour pouvoir jouer, regarder un film, ou même accéder aux différents menus.

Avec cette annonce, le net s’est emballé, les parodies accompagnées du hashtag #dealwithit (faites avec) se sont multipliées. En effet, cette console toujours en ligne enregistrera vos moindres achats et connexion. Mais elle est également dotée d’une caméra qui filmera vos mouvements pendant que vous jouez ou naviguez dans les menus. Nous ne sommes donc pas loin du télécran imaginé par Georges Orwell dans 1984, et on imagine sans difficultés les conséquences si ces données venaient à tomber entre des mains mal intentionnées. Seulement voilà, les données sont devenues une véritable mine d’or pour ces géants du numérique : elles peuvent être revendues, utilisées à des fins commerciales ou publicitaires…
Un autre problème, trop souvent oublié, est pointé par le développeur dans cette conversation : Internet est loin d’aller de soi. La fracture numérique existe toujours, non seulement entre différents pays dans le monde, mais aussi à l’intérieur même d’un pays comme les Etats-Unis, où tous les Etats ne sont pas équitablement desservis en connexion et en débit. Et même lorsque l’on dispose d’une connexion stable, rendre obligatoire le « online » pour l’utilisation d’un appareil pose problème, un surengorgement pouvant surgir. C’est ce que pointe ici du doigt Manveer Heir en mentionnant Diablo III ou SimCity (que nous avons abordé ici), deux jeux qui nécessitaient une connexion à Internet, et qui ont connu d’énormes problèmes lors de leur lancement.
Adam Orth répond à ces soucis par une moquerie, ce qui prouve bien que le but n’est ici pas de contenter l’utilisateur, qui devient produit plus que client. Mais ce bad buzz et la folie qu’il a généré sur le web a fait au moins une victime : Adam Orth lui-même, qui s’est vu remercié de son poste chez Microsoft. La marque américaine n’a cependant pas démenti dans son communiqué les propos avancés par son développeur, ce qui équivaut presque à un aveu quand à ce « always online ».
Microsoft espère attirer plusieurs centaines de milliers de joueurs vers sa nouvelle console, mais sur la terrain de la communication, la marque devra faire d’énormes efforts pour faire oublier ces multiples gaffes. Rendez-vous le 21 mai, date à laquelle la console sera présentée au grand public.
Clément Francfort
 

Montage photo de Steve Jobs sur une tablette Ipad
Société

Saint Steve, priez pour nous

Ah les fêtes ! Temps d’amour, de réconciliation, de paix, de communion, de présents et… d’ennui profond. Ne le nions pas, nous avons tous regretté un jour de n’avoir plus six ans pour aller jouer dans la neige et échapper ainsi à Tatie racontant à Mamie les problèmes d’Albert, son pékinois préféré depuis la mort de Pachou, splendide bichon maltais écrasé par un conducteur de poids lourd peu scrupuleux. Heureusement, est arrivé un jour sous le sapin un nouveau jouet, le téléphone intelligent aka smart phone, grâce auquel nous pouvons désormais profiter de la vue déclinante de nos aînés pour discrètement retrouver, en plein dîner, notre espace transitionnel préféré: le Web !
 
D’ailleurs, le moment est propice. L’année se termine et blogueurs et médias la fouillent frénétiquement afin de nous attirer à eux à coups de rétrospectives, bilans et classements. Le besoin de sens génère du trafic, et ce jusque chez les publicitaires. Ainsi, Adweek propose depuis le 20 décembre un classement des campagnes virales de grandes entreprises ayant rencontré le plus de succès sur le Net, où les géants des télécommunications trustent presque parfaitement le podium et ses environs. Google y est premier, Apple troisième, Microsoft quatrième et Motorola cinquième. L’hégémonie serait totale sans la présence de Nike sur la deuxième marche.
 
Mais au fait, qu’est-ce que le viral ? De la publicité tout simplement, dont la spécificité et l’intérêt est d’être diffusée par ses destinataires eux-mêmes, sur les réseaux sociaux principalement. Pas d’espaces publicitaires à acheter pour les annonceurs mais une séduction devenue par contre impérative. En effet, il ne s’agit plus de profiter de temps de cerveau rendu disponible par les médias mais d’attirer ces cerveaux vers soi, ou plutôt vers ses annonces. Google a donc engagé Lady Gaga, Nike l’équipe de Retour vers le Futur et Microsoft un type assez inconscient pour se lancer du haut d’un tremplin savonneux dans une piscine de jardin en plastique placée vingt mètres plus loin. Motorola a lui été plus intellectuel et choisi la satire, avec une savoureuse référence au fameux clip réalisé par Ridley Scott  pour Apple en 1984 : « 2011 looks a lot like 1984 ».
 
Et, qu’en est-il d’Apple justement ? Il parle de lui, ou plutôt de la dernière déclinaison de lui : l’iPhone 4S. L’égocentrisme n’est rien de bien séduisant a priori, mais ici ça marche. Plus de 60 millions de personnes ont été voir la vidéo présentant la dernière version de l’iPhone, bien que celle-ci soit 5 fois plus longue que ses concurrentes. Cela soulève nécessairement des questions, sans réponses définitives bien entendu. Parmi les hypothèses avancées : l’amour. C’est la théorie de certains neuro-marketers, popularisée par le reportage Apple, la tyrannie du cool, diffusée le 13 décembre sur Arte. Les utilisateurs entretiendraient avec leur petit engin un rapport fait de crainte d’être abandonné et de jouissance de le retrouver à chaque fois qu’il se signale à leur attention. Certains en viendraient même à le caresser…
 
Mieux encore, cette relation n’est pas seulement bilatérale, elle est aussi communautaire. La pomme croquée serait en fait le symbole d’une nouvelle religion. A l’heure où les croyances traditionnelles déclinent, les marques prendraient le relais et chercheraient à répondre à leur place à nos besoins de liens horizontaux et verticaux. Du coup, rien d’étonnant à ce que la simple présentation d’un nouveau produit rassemble les foules. Si nous adorons la nouveauté, nos reliques doivent être des innovations. Les queues à l’entrée des Apple Stores les jours de lancement ressemblent d’ailleurs assez furieusement aux processions religieuses d’antan.
Vous ne savez pas à quoi ressemble une procession religieuse ? Demandez donc à Tatie et Mamie, elles se feront une joie de vous l’expliquer.
 
Romain Pédron