Publicité et marketing

Les singes: les meilleures égéries ?

En novembre dernier le groupe américain Coldplay révélait le clip de son dernier single « Adventure of a Lifetime ». Cette vidéo est issue d’une collaboration avec la marque Beats, qui promeut ici son dernier modèle d’enceintes. Le clip et la publicité représentent d’ailleurs la même séquence, une spécialité de la marque qui effectue régulièrement des partenariats de la sorte avec des artistes musicaux. Réalisé en motion capture, on peut y voir des singes danser sur le titre de Coldplay. Si ce choix de figurants a beaucoup fait réagir les internautes et les fans du groupe sur le web qui se sont amusés à démasquer derrière chaque singe un membre, il n’en demeure pas moins nouveau. En effet, nos confrères les primates sont bien loin de leurs premiers pas dans la pub.
Des primates mythiques
Dans les années 1990, la marque de lessive Omo introduit dans ses publicités des singes habillés de vêtements humains. Elle se démarque des autres vendeurs de lessive en mettant en scène des animaux, qui ne sont par ailleurs pas réputés pour être très propres, et invente également son propre langage : le « poldomoldave ». C’est du jamais vu et le succès est immédiat. Même sans comprendre la totalité des phrases prononcées par les singes, les récepteurs – quelque soit leur âge – saisissent le message. Car, avec cette publicité décalée, le but d’Omo est aussi de toucher un public plus large que les simples ménagères : elle amuse les plus grands comme les plus petits.
On joue ici sur l’humour et l’autodérision, on ne parle plus de l’efficacité du produit.
Sébastien Genty analyse pour Le Figaro : « Les concepteurs-réalisateurs de la saga des chimpanzés ont été les premiers à avoir créé un territoire et un langage induisant un attachement à la marque. »
Mais pourquoi des singes ? Car prononcé par des humains, le poldomoldave donnait un ton moqueur à la vue du public lors des tests, les publicitaires ont alors inséré les primates, qui rendent insolite une scène très ordinaire de la vie quotidienne.
Les singes d’Omo et leur poldomoldave deviennent mythiques et donnent à la marque une réelle identité. Mais en plus d’avoir fait rire des générations avec ses petits personnages, Omo a aussi grâce à eux rajeuni son image, gagné en notoriété et augmenté ses ventes de 25%.

Outre manche on peut citer deux exemples devenus légendaires : PG Tips et Cadbury.
Les chimpanzés de PG Tips ont placé leur marque au premier rang des vendeurs de thé en Grande Bretagne pendant plus de 30 ans. Même si derrière ces publicités se cachent des campagnes de communication de dizaines de millions de livres, les petits singes devenus Al et Monkey (un homme et une singe en peluche) en 2007 y sont pour beaucoup en ayant fait l’unanimité dans le cœur des consommateurs pendant plusieurs décennies.  
 

Pour Cadbury, son Gorille a aussi été le sauveur de la marque qui souffrait, avant le lancement de cette publicité en 2007, d’une importante perte de vitesse à cause d’un scandale de salmonelle. Avec ce singe plus vrai que nature, la marque joue la carte de l’entertainement sans aucune référence au produit. Le succès est immédiat : des centaines de milliers de personnes intriguées par l’agilité de l’animal, qui joue dans ce spot de la batterie au son de Phil Colins (« In the Air Tonight »), se ruent sur internet pour en percer les secrets se demandant même s’il s’agit d’un réel gorille.
Augmentation des ventes de 9% par rapport à l’année précédant le lancement, hausse de 20% d’opinions favorables quant à la marque, première place au « Gun Report 2008 » (un classement annuel des campagnes, des réseaux de communication et des agences les plus primés au monde)… Bref encore un singe qui fait le boulot.

Dans ces trois exemples les singes sont personnifiés en étant mis dans des situations humaines ou assimilés à des personnes réelles. Le singe étant l’animal qui se rapproche le plus de l’homme, il est donc facile de le faire passer pour une personne le temps d’un spot. Il est aussi un animal amusant, attendrissant et attachant tout comme insolent et malin, qui est donc susceptible de conquérir le public rapidement.
Mais il n’apparaît pas toujours ainsi à l’écran. Les publicitaires utilisent aussi de vrais animaux, comme lors d’une publicité Ikea lancée en 2015 où, au milieu de leur environnement naturel, des singes testent la fonctionnalité d’une cuisine. En s’amusant avec les meubles et les ustensiles, les petites bêtes incarnent le slogan employé par l’enseigne suédoise, « Redécouvrez les joies de la cuisine ».
Pour la publicité Peugeot 308 GTi, c’est le célèbre petit singe du film à succès Very Bad Trip qui est mis au centre d’une course poursuite tout au long de la réclame.
D’autres égéries animales
Mais les singes ne sont pas les seuls animaux utilisés dans les publicité, on connaît également les animaux sauvages aux formes humaines d’Orangina, ceux utilisés pour représenter des marques de céréales, les lapins Duracell ou bien la Vache qui rit.
Alors pourquoi utilise-t-on les animaux en publicité ? Pourquoi une marque peut-elle s’appuyer sur l’un d’eux pour en faire son image dans le temps comme la vache Milka ?
L’utilisation d’animaux est un basic, parfois même une valeur sûre pour assurer le succès ou la sympathie d’une annonce. Outre une raison économique, car l’emploi d’un animal coûte souvent moins cher qu’un figurant, il est parfois plus facile de faire passer un message avec un animal par exemple pour des messages délicats ou controversés qui seraient mal perçus venant d’une personne.
Aussi, le spectateur peut avoir une meilleure confiance en un animal, qui serait un être fidèle et honnête.
Selon le ton du message et de la publicité, les annonceurs qui souhaitent jouer la carte de l’émotionnel peuvent y arriver plus facilement avec un animal, par exemple des hommes s’occupant de bébés animaux pour le site adopteunmec.com en 2013, ou des histoires d’amitiés entre des animaux d’espèces différentes pour Samsung et Android en 2015.
Ce n’est donc pas un hasard si selon le classement des publicités les plus virales de 2015 réalisé par Unruly, les quatre premières vidéos arrivant en tête mettent en scène des animaux.

Capucine Olinger
Sources :
Le Figaro, 20 ans de spots TV: Omo singe la pub, 14/10/2007
Ionis Brand Culture, Cas n°46: Omo « les singes »
La libre, Un gorille au secours de Cadbury, 3/12/2007
Le Figaro, Pub:  » le gorille » de Cadbury emporte tous les suffrages, 12/11/2008
Planète GT, Peugeot 308 GTi: la pub qui va vous surprendre !, 15/12/2015
La Réclame, Des singes se déchaînent dans une cuisine IKEA en pleine jungle
Capital, Publicité: pourquoi les animaux font vendre, 10/04/2014
La Réclame, Musique de la pub Beats Pill 2015 
Crédits images :
Tuxboard.com
Dailymail.co.uk
The Guardian
Lareclame.fr

Publicité et marketing

Milka dans tous ses états

 
Vous souvenez-vous de la tablette de chocolat au bon lait du pays alpin méticuleusement enveloppée d’aluminium et d’un papier mauve par une marmotte ? Ce chocolat est la propriété de Kraft Foods depuis 1990. Le géant américain de l’agro-alimentaire a également racheté les biscuits LU à Danone en 2007. Suite à une scission intervenue en 2012, c’est désormais un groupe nommé Mondelez International qui gère, entre autres, les fameux biscuits et le célèbre chocolat. La force de frappe biscuitière de LU combinée à la notoriété de Milka en France, telle est l’offensive que compte mener Mondelez dans la guerre qui se déroule aux linéaires biscuiterie.
C’est d’abord une diversification monstrueuse qu’ont mise en œuvre les équipes marketing, permise notamment par le savoir-faire des biscuiteries françaises : Choco Moooo, Choco Suprême, Mini Tablettes, Choco Twist, Cake and Choc, Mini Cônes, Crispy Snax, Cônes, Cônes Daim… Autant de biscuits et de glaces brandés Milka qui habillent les rayonnages de leur mauve tendre. Beaucoup de ces références existaient déjà chez les concurrents ou… chez LU, à l’exemple du Napolitain ou des Princes. Oui mais voilà : les marques distributeurs ont développé leur offre au point de proposer pour moins cher des biscuits équivalents avec une qualité qui tend à rejoindre celle des marques nationales. Dans ces conditions, et lorsque l’on surveille son budget, pourquoi choisir les biscuits les plus onéreux… Bonne Maman est vraisemblablement à l’abri puisque la marque joue sur une gamme très différente : Bonne Maman, c’est le biscuit des parents. Mais les biscuits LU, grand public et copiés à tout va par les marques distributeurs, ne peuvent plus se prévaloir d’une compétitivité hors prix suffisamment solide. La solution toute trouvée par Mondelez, c’est de capitaliser sur la notoriété du chocolat au pays alpin pour apporter une nouvelle valeur ajoutée perçue aux produits : ce n’est pas n’importe quel chocolat, M. le Consommateur, c’est l’inimitable chocolat Milka.
Or s’il a bien une chose que les marques distributeurs ne pourront pas copier, c’est le chocolat Milka. De même que le Kinder Bueno et son cœur nutellesque demeurent à l’abri des imitateurs, Milka apporte aux biscuits la différenciation qui commençait à manquer à LU. C’est donc à un véritable raz-de-marée que l’on assiste, une offensive qui s’appuie sur des corners dédiés en magasins, des affiches, des jeux concours… Le merchandising est travaillé, en témoignent une grande vache gonflée à l’hélium et une fausse pelouse encore plus verte qu’au pays alpin dans l’espace animation du Monoprix de l’avenue des Ternes.
La stratégie de Mondelez International est intéressante à plusieurs titres : elles révèlent le paradigme nouveau qui régit les marques nationales dans la grande distribution, où les marques distributeurs rencontrent le succès et laissent de moins en moins de place à leurs concurrentes. Elle montre aussi comment une acquisition peut démultiplier le potentiel d’une marque et comment la conjoncture peut stimuler l’innovation.
Il y a évidemment fort à parier que toutes ces nouvelles références ne seront pas d’égales réussites, c’est le début de l’offensive qui commande d’investir massivement les linéaires. Par la suite, c’est probablement les références qui fonctionnent le mieux qui seront conservées.
A noter que la diversification de Milka ne touche pas qu’au rayon biscuits ou glaces : on remarque l’apparition du Milka/Philadelphia, nouvelle pâte à tartiner qui vient chasser sur les terres du baron Nutella, le Milka aux Oréos… Cette montée en puissance doit évidemment s’accompagner d’un regain de valeur : ces références sont vendues bien plus chères que les marques distributeurs. Elles risquent toutefois de phagocyter les produits LU existant en multipliant artificiellement l’offre sur des produits à peu de choses près identiques. Si la perte sur les produits LU est compensée par le gain en valeur sur les produits Milka, le pari est réussi. On risque aussi d’ajouter de la confusion à un rayon déjà bien garni et concurrentiel ; auquel cas le prix dictera le produit.
 
Oscar Dassetto