Société

#myNYPD, plus qu'une balle dans le pied, une bombe à retardement

 

La gestion des communautés, ou community management, est l’art de fédérer les internautes autour d’une marque, d’une société, d’un service. Lorsque l’artiste au clavier est aussi malin qu’il a de la répartie, le community management peut générer beaucoup de trafic et parfois même faire le buzz. Cependant, il peut aussi devenir fatal lorsqu’il est mal exécuté, ou simplement pas assez réfléchi.
Le 22 avril, les community managers de la NYPD (police de New York) ont pris l’initiative d’orchestrer une opération de communication participative : les habitants de la Grosse Pomme ont en effet été invités à poster sur Twitter une photo d’eux avec un ou plusieurs membres de la police de New York, en apposant quelque part dans leur tweet le hashtag #myNYPD. A la clef pour les participants un repost sur Facebook, et pour la police de New York une campagne corporate impactante, 100% vraie et surtout gratuite.
L’idée était simple, pas révolutionnaire, mais efficace. Confiante sur son image de police moderne et proche des habitants de sa ville, la NYPD n’a pas douté une seule seconde et on peut dire que l’opération a très bien fonctionné, certainement même au delà de toutes les espérances. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, les quelques clichés flatteurs reçus se sont retrouvés noyés dans un flot de photos humiliantes voir choquantes, et de commentaires hautement sarcastiques, dénonçant les pratiques et la violence du fameux département.

Plus qu’un mauvais coup de com, cette opération est un flop, qui s’est rapidement transformé en fail, et enfin en badbuzz. Le mot est dit, mais ce n’est pas tout. Car en effet si la police de New York, après s’être tirée une véritable balle dans le pied, a tenté de noyer maladroitement le poisson en postant quatre photos plutôt avantageuses de bons citoyens célébrant ceux qui les protègent et les servent, le phénomène de dénonciation ne s’est pas arrêté aux portes de la ville.
En quelques heures, l’erreur de communication et devenue un phénomène national et en quelques jours, un phénomène mondial. Comment ? Tout simplement grâce à une réplication sauvage du hashtag adapté à des polices locales :
#myLAPD pour Los Angeles, #myBPD pour Boston, #myOPD pour Oakland, #myTPS pour Toronto, #mySPVM pour Montréal, images et légendes à l’appui.
Si dans certains pays comme la France, le hashtag #MaPoliceNationale peine à s’inscrire dans les Trending Topics, d’autres pays comme le Brésil ont profité de l’aubaine pour se lancer dans une dénonciation virulente des violences policières sur lesquelles le gouvernement ferme les yeux. Grâce au hashtag #minhaPM, qui a depuis laissé la place à un tumblr, les brésiliens semblent avoir redonné de l’élan à cette revendication de longue date qui prend, en ces temps de crise, la tournure d’une véritable revendication sociale politique.

La NYPD risque de se souvenir longtemps de la bourde de ses community managers, et elle risque certainement d’avoir à rendre des comptes aux départements de police affectés par ce badbuzz.
S’il est certain que celui-ci disparaitra tôt ou tard, ne laissant aux forces de l’ordre qu’un lointain souvenir et le goût amer d’une mauvaise blague, il aura au moins eu le mérite de réinscrire dans l’agenda politique de différents états cette question délicate et gênante qu’est celle de la violence policière.
Ne reste plus qu’à espérer que celle-ci ne sera pas balayée et oubliée aussi vite que le dernier Top Tweet.
 
Clémence Lépinard
Sources :
Le Monde
Kombini
Le Parisien
Le Point