Publicité et marketing

La nature et le végétal : une rhétorique marketing pour les produits de soin et de beauté

Y a-t-il moins naturel que nos cosmétiques industriellement produits ? Pourtant, les discours de marque qui accompagnent ces produits de soins et de beauté puisent largement dans un imaginaire de naturalité pour séduire les consommateurs. On peut en effet distinguer au moins deux types de produits de soins sur le marché français : ceux qui se positionnent davantage comme des produits à la formule « scientifiquement » élaborée, jouant la carte de l’innovation technique, et ceux arborant fièrement des composants naturels sur leur étiquette comme si cela suffisait à en garantir l’efficacité.

La rhétorique naturalisante des marques de produits de soins
Sans même parler des produits bios qui ont un discours marketing très spécifique, nombreuses sont les marques de grande consommation qui appuient l’ensemble de leur communication sur l’idée qu’elles offrent aux consommateurs le meilleur de la nature dans leur produits.
« On extrait [de l’abricot] une huile, véritable concentré de bienfaits nourrissants et adoucissants pour la peau. » nous explique Le Petit Marseillais sur son site. « Ce shampooing, sans paraben, contient des extraits d’origine naturelle et une base lavante d’origine végétale. Il respecte et lave vos cheveux en douceur » peut-on lire à l’arrière d’un de leur shampooings.
Le discours marketing repose bien sur une valorisation des vertus d’éléments « naturels » intégrés aux produits.
En outre, l’ensemble des codes visuels reprennent des couleurs pures, assez douces ou un peu plus acidulées, dans des tons généralement floraux, évoquant une fraîcheur végétale, ou plus chaleureux pour suggérer une idée de chaleur nourrissante. Les marques jouent en effet totalement la carte du naturel, comme si la Nature servait d’argument d’autorité et pouvait suffire à assurer les consommateurs des qualités du produit.

Un discours toujours construit sur un même modèle de pseudo-démonstration
En étudiant un peu les promesses formulées par les marques sur leurs produits, on constate que le message suit très souvent la même structure :
1. Vous avez besoin de …
2. Tel élément naturel a justement telle vertu formidable !
3. Vous obtiendrez donc …
Pourtant le consommateur ignore globalement l’efficacité réelle des ingrédients. Qui sait véritablement ce qu’apportent le beurre de karité, l’huile d’argan, le zeste de citron, le miel, etc. ? Les vertus supposées de ces produits ne sont finalement pas vraiment fondées sur autre chose qu’un imaginaire construit en partie par les discours marketing, puis inconsciemment intégré. On se contente de croire ce qu’avancent les marques :

« Pour développer la recette unique de cet après-shampooing, nous avons associé la richesse de la Pulpe de Grenade et de l’Huile d’Argan. Pulpe de Grenade : gorgée de soleil, notre grenade à la couleur éclatante est récoltée dans le bassin méditerranéen.
Huile d’argan: les noyaux d’argan renferment un bien précieux, une amande qui une fois pilée, libère une huile rare. La brillance de votre couleur est préservée, vos cheveux sont soyeux et lumineux. »
Sans accuser les marques de vendre des produits mensongers – la question n’est nullement là ! – on peut toutefois interroger la logique marketing sous-jacente. Cette rhétorique apparaît clairement comme un ultime outil de vente.
En effet, revendiquer une origine naturelle permet d’occulter la part artificielle de la production, de maquiller le processus chimique qui pourrait inquiéter les consommateurs de plus en plus méfiants envers les produits industriels. Et rien de plus simple et de plus rassurant que d’avoir l’impression d’utiliser un produit « pur », directement issu de la nature !

Une vision utilitariste et anthropocentrée de la nature
Ce processus d’utilisation marketing de la nature, comme simple argument de vente pour des produits de soins, traduit en fait le paradigme quasi philosophique de notre conception actuelle de cette dernière.
Dans cette optique elle apparaît comme productrice de ressources exploitables par l’homme. Cette conception trahit un regard marqué par l’égoïsme et l’anthropocentrisme : l’homme se rend « comme maître et possesseur de la nature » en en exploitant les ressources qui l’intéressent, en la commercialisant.
Dans l’optique de Baudrillard on pourrait ainsi dire que la nature, en gagnant cette valeur symbolique, entre dans notre culture et devient un objet de consommation. A tel point que, telle que nous la concevons, elle n’est peut-être plus autre chose qu’un pur produit de la société de consommation.
Finalement, cette forme d’opportunisme commercial ne véhicule plus qu’une idée culturellement construite de la nature. Et, si l’on poursuit cette logique, ne pourrait-on pas même penser que la nature est dénaturée par ces stratégies marketing qui en exploitent la symbolique ?
Maïlys VYERS
Linkedin
Crédits :

Gamme Pure et Natural de Nivéa
Le Petit Olivier
Palmolive
Yves Rocher
L’Oréal
Garnier 
Le Petit Marseillais

Sources :

Site du Petit Marseillais. Consulté le 03 février 2017
Site Kibodio. Consulté le 04 février 2017, « Soins Natura Sibérica »

aerie
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Jacques a dit : natural is the new black

 
Alessandra Ambrosio, Tyra Banks, Gisele Bündchen, Miranda Kerr, Adriana Lima, Natalia Vodianova, Kate Moss…
A la lecture de ces noms, même les moins « modeux » d’entre nous voient à peu près de qui il s’agit. Si l’identité d’une marque repose en partie sur ceux et celles qui la représentent, on peut d’ores et déjà avancer que les grandes marques prennent rarement le risque de miser sur autre chose que des physiques franchement avantageux. Bien sûr, un certain nombre de scandales éclatent de temps à autres et remettent en cause l’image que véhiculent les über-mannequins, en témoigne le scandale provoqué par un cliché photoshoppé de Miranda Kerr.

Alors, pas cap’ d’être top sans photoshop ?
C’est pourtant le pari pris par Aerie, marque de lingerie appartenant à l’enseigne American Eagle, dans sa dernière campagne publicitaire. En faisant poser de jeunes femmes en face de l’objectif sans en retoucher l’image, la marque espère ainsi redonner confiance à un public (15-21 ans) qui ressent souvent une compétition face à la beauté prônée par le papier glacé.
Le mot d’ordre est simple : « The real you is sexy. » Le naturel fait son grand retour : pas besoin de gommer quoi que ce soit lorsque l’on se sent bien dans sa peau !

Il en ressort une campagne dans le même esprit que les feel-good movies, différente des autres et pleine de fraicheur.
D’autres marques n’ont pas attendu beaucoup plus longtemps pour exposer elles-aussi des modèles différents, se donnant une image toute nouvelle aux yeux des consommateurs.
Ainsi, Diesel a demandé à Jillian Mercado, blogueuse de mode new-yorkaise, de poser pour la marque. Petit détail qui a son importance ici, Jillian est atteinte de dystrophie musculaire et se déplace en fauteuil roulant. Autant dire que ce n’est pas dans les habitudes de la marque, qui s’offrait dernièrement Ashley Smith comme visage du parfum Loverdose.

Forever Yours, boutique de lingerie canadienne, n’hésite pas elle non plus à soutenir la beauté sous tous ses angles, dans tous ses visages. Elle a dernièrement mis en lumière son égérie, qui, atteinte d’un cancer, pose tête nue : « que vous vous entrainiez pour un marathon ou que vous bottiez les fesses au cancer, vous avez besoin d’un bon soutien. »

On pourrait citer encore une fois American Apparel qui a récemment publié sur Instagram une photo de leur nouvelle lingerie portée par l’actrice Jacky O’Shaughnessy et en dessous de laquelle on pouvait lire « Sexy has no expiration date. » L’actrice a 62 ans. Cette fois-ci, c’est le corps âgé qui est sublimé. Un clin d’œil aux carrières éclairs des über-mannequins ?

Ces différentes marques ont récemment montré des corps qui ne sont ni ceux des anges de Victoria’s Secret ni ceux des muses inspirant les grands créateurs de mode. Au contraire, on voit ici une beauté qui sort des normes habituelles mais qui divise déjà le public.
D’une part, on peut saluer l’initiative de sortie du lot et la promotion de la femme « normale » que Dove avait déjà mise en valeur en 2013 dans sa campagne Dove real beauty sketches. Ces campagnes s’adressent plus aisément à toutes les femmes, sans établir l’habituelle frontière imposée par les photos vernies. La mode se donne un visage plus humain, sans jugement, que les consommateurs et consommatrices voient encore trop rarement.
D’autre part, même si l’on peut vouloir croire à la bonne volonté et à l’amour inconditionnel pour l’être humain, cette mise en lumière des femmes normales commence à prendre de plus en plus d’ampleur. La real woman, qui n’était au départ qu’une tendance mineure allant à contre-courant des idées préconçues, pourrait bien être en train de devenir un artefact marketing des plus efficaces…
Accordons-lui encore quelques temps le bénéfice du doute, ne serait-ce que pour respirer un peu de cet air frais.
 
Annabelle Fain
Sources :
Huffingtonpost.com
Huffpost.com
Iletaitunepub.fr
Madmoizelle.com (1)
Madmoizelle.com (2)
Lovelace-media.imgix.net
Hercampus.com (1)
Hercampus.com (2)
F3.thejournal.ie