Société

La diabolisation par les médias : faire peur pour mieux faire vendre ?

Si la diabolisation prend historiquement ses racines dans la propagande, elle est aujourd’hui banalisée. Le lecteur contemporain possède davantage de sens critique que ses prédécesseurs n’en avaient lors de la Première Guerre mondiale, à la lecture du portrait journalistique d’un Allemand ennemi déshumanisé et monstrueux. Néanmoins, ce recours courant à la diabolisation dans les médias reste problématique : si elle engage une division du lectorat, elle s’appuie également sur des schémas de pensée mythologique sacralisant le dangereux au lieu d’y apporter des solutions.

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Politique

Touche pas à mon net!

 
« La neutralité du Net est l’essence même d’Internet depuis sa création, mais c’est aussi un principe que nous ne pouvons pas prendre pour acquis. » C’est en ces mots que s’est exprimé Barack Obama le lundi 10 novembre. Face à la Federal Communications Commission, – autorité de régulation du marché des télécommunications aux États-Unis – le président américain a tenu un discours sans équivoque en faveur d’un internet ouvert et des libertés individuelles, pressant la FCC d’appliquer des règles strictes pour préserver le web.

Le gendarme américain des télécoms change les règles du jeu
Pour comprendre la raison de ce rappel à l’ordre, il faut revenir en mai 2014, le 15 plus précisément. L’autorité de régulation a alors approuvé un texte qui prévoit la mise en place « d’un traitement préférentiel » entre les différents maillons constituant Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui. Pour résumer, les opérateurs pourront faire payer les sites web pour assurer un débit de connexion optimal à leurs utilisateurs. Ceux qui refusent de payer se verraient attribuer une vitesse de connexion bien plus lente. Alors qui se cache derrière ces décisions ? Qui met la neutralité du net en danger ? Pour ceux qui ne seraient pas tout à fait familier avec le concept de neutralité, l’article « Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre » devrait vous aider à y voir un peu plus clair.
Barack Obama poursuit: «ni les câblo-opérateurs ni les opérateurs télécoms ne devraient se comporter comme des gardiens de passerelle, en restreignant ce qu’il est possible de voir ou de faire sur Internet.» Cette volonté de réglementation émane de fournisseurs d’accès très imposants sur le marché des télécoms comme Verizon, AT&T ou Comcast. Ces trois entreprises ont d’ailleurs été incriminées dans l’affaire de la NSA suite aux données d’utilisateurs qu’elles auraient communiquées au gouvernement via le fameux programme informatique PRISM. La démocratie paraît presque contre-productive pour leur modèle économique. En plus d’interdire toute forme de priorisation, la neutralité du net passe également par l’exigence d’une transparence accrue, possible avec un internet respectueux de l’anonymat de ses utilisateurs. Pourtant, la conjoncture actuelle campe à des kilomètres d’une vision éthique du web…

« La loi, c’est moi. »
La position de force revient avant tout aux fournisseurs d’accès qui ont su faire entendre leur voix dans le cadre de la législation, bien plus que les utilisateurs ou leurs représentants politiques. TAFTA, c’est sous ce doux nom que se cache la potentielle mort programmée du net libre. Cet accord commercial transatlantique de libre-échange entre l’Union Européenne et les États-Unis, qui est en discussion depuis 3 ans maintenant, pose les fondements du net idéal – pour les multinationales. Peu médiatisé, les réglementations qu’il contient ont de quoi faire pâlir plus d’un défenseur des cyber-libertés.
Parmi les acteurs les plus influents de ces négociations, les multinationales, dont la coalition du commerce numérique (Digital Trade Coalition) qui regroupe des industriels du net et des hautes technologies. Cette coalition – ou plutôt ce lobby, bouscule les négociateurs pour qu’ils abolissent les barrières empêchant une circulation fluide des flux de données personnelles de l’Europe vers les États-Unis. L’USCIB, le conseil américain pour le commerce international, qui réunit des sociétés similaires à Verizon va plus loin. Il affirme que cet accord de libre- échange chercherait « à circonscrire les exceptions , comme la sécurité ou la vie privée afin de s’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves au commerce déguisées ». Cette tendance qui vise à libéraliser l’Internet à outrance s’inscrit dans une tradition politique « récidiviste ». TAFTA est le fruit de propositions précédentes similaires, très mal accueillies par la société civile.
Ainsi, entre 2007 et 2010, ACTA, l’accord commercial anti-contrefaçon imposait aux acteurs du net des sanctions pénales et des mesures répressives pour les forcer « à coopérer » avec les industries créatives (cinéma et musique principalement), dans le but de surveiller et censurer les informations délivrées sur la toile, sans passer par l’organe judiciaire. Négocié secrètement, il regroupait 39 pays dont les 27 de l’Union Européenne, les États-Unis et le Japon. Ce traité a été massivement refusé par le Parlement Européen.

Une fois la machine infernale des traités lancée, elle ne s’arrête plus. 2012 marque la naissance du projet SOPA (Stop online Piracy Act) qui permet au procureur d’imposer aux entreprises américaines de « cesser toute activité avec un site accusé de violer les droits d’auteur. » Dans la pratique, cela se traduirait par l’interdiction pour Google de référencer tout site proposant du contenu piraté. La mesure principale du texte imposait aux fournisseurs d’accès américains de rendre inaccessibles les sites incriminés. Il a été refusé par la majorité des entreprises du net…
Le mode opératoire est le même d’un traité à l’autre : des négociations tenues dans l’opacité, avec une tentative quasi-systématique d’écarter l’appareil démocratique. L’ennemi reste le même : la culture du partage. Les mises en garde de la société civile face à ces textes de lois n’ont visiblement pas été suffisantes, puisque les membres européens du parlement ne sont pas opposés au manque de transparence de ces dites négociations, et n’ont même pas exigé leur suspension pendant l’affaire d’espionnage des hauts responsables européens par la NSA…
La confusion est donc totale pour la population. Difficile de s’opposer à une machine aussi bien huilée en tant que simple individu, même si, depuis 2009, l’Union Européenne possède le droit de veto contre ce genre de traité. Le recours politique reste le seul levier que les citoyens européens aient entre les mains pour faire entendre leur mécontentement – mais encore une fois l’opacité des négociations complique la donne. Une solution serait d’adapter la nature des discussions dans un cadre démocratique, loin des pratiques actuelles, qui alimentent la désinformation et les fantasmes autour de ces textes de lois.
Ces conflits d’intérêts montrent à quel point les frontières qui définissent l’Internet sont floues. S’agit-il d’un média, d’un instrument de pouvoir, d’un espace supplémentaire aux luttes géopolitiques ? Un accès démocratisé ou régi par les lois du marché ? Une réglementation plus stricte en faveur d’un Internet considéré comme un service public ferait considérablement avancer les choses, mais la nonchalance des parlementaires ne favorise en rien un avancement dans ce domaine.

Karina Issaouni
Sources
Lemonde.fr
Nytimes.com
Laquadrature.net
Obsession.nouvelobs.com
Crédits Images
Revolution-news.com
Whitehouse.gov
Cagle.com
Oneworldsee.org

Société

Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre

 
La « neutralité du Net »… on en a déjà entendu parler, c’est le genre d’actualité à laquelle on ne prête pas vraiment attention, un peu comme le conflit israélo-palestinien et toutes ces autres choses qui paraissent beaucoup trop compliquées pour que l’on daigne ouvrir nos écoutilles. Et pourtant, ce n’est pas faute de couverture médiatique, de nombreux travaux journalistiques tentent d’expliciter cette affaire et de sensibiliser le public à cette cause, sans grand succès.
Alors la neutralité du Net, qu’est-ce que c’est ? C’est l’un des principes de base de l’Internet : un Internet neutre où toutes les informations circulent à vitesse égale à travers les « bandes passantes », ces immenses tuyaux qui font circuler l’information en ligne. Ainsi, que l’on soit un membre des « GAFA » ; acronyme désignant à l’origine Google Apple Facebook et Amazon, mais qui est de plus en plus utilisé comme un synonyme pour désigner tous les géants du Net à mesure qu’ils se multiplient, comme Twitter et Youtube par exemple ; ou une petite entreprise, ou une association, ou encore un particulier, nous empruntons tous la même autoroute de l’information. Seulement, il y a de plus en plus de poids-lourds sur la route, Youtube par exemple occupe 13% des bandes passantes pour ses contenus vidéos volumineux et très fortement consultés. Cela entraîne un surcoût pour l’entretien et le développement des bandes, et c’est ainsi qu’aux Etats-Unis, l’organisme en charge des télécommunications, la Federal Communications Commission (FCC), entreprend de réformer l’accès à aux bandes, notamment par la création d’offres différenciées.
Certes, aujourd’hui le débat est centralisé dans le pays de l’oncle Sam, c’est à cause de l’arrivée de Netflix et de son accaparement de 32% des bandes passantes, selon le cabinet Sandvine, mais puisqu’Internet est partout, sa neutralité nous concerne tous. En 2012 par exemple, les spécialistes du numérique s’interrogeaient déjà sur le sujet sur le site Owni.
AVOIR FACEBOOK SANS AVOIR INTERNET
La fin de la neutralité du Net ce serait donc des offres différenciées, un système de péage, amenant à un Internet à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer plus cher un débit de connexion plus rapide et un accès illimité, et les autres.

Concrètement, cela instaurerait un filtre dans lequel seuls les grands groupes marchands, comme les GAFA, pourraient entrer. Les petites boutiques en ligne et les sites à but non-lucratif (associations, forums, blogs) n’auraient pas les moyens de s’offrir la voie rapide sur Internet et seraient relégués sur les petites routes départementales. L’accès à Internet ne leur serait pas refusé mais leurs sites seraient si longs à charger qu’à terme ils finiront par perdre en visibilité et par disparaître. En effet, les internautes ont perdu l’habitude d’attendre que la page charge et ne tardent pas à aller voir ailleurs. De nos jours, Internet et rapidité vont de pair, alors ralentir quelque-chose revient pratiquement à le faire disparaître. Quant à nous, internautes, nous aurons à choisir entre plusieurs forfaits Internet. Comme le vendeur en informatique nous demande ce que nous recherchons comme type d’ordinateur, le fournisseur d’accès nous demanderait quel usage on souhaite faire de l’Internet : les mails, Facebook, Wikipédia, les sites d’information, Youtube… Vous pourriez avoir Facebook sans avoir Internet, ou envoyer des mails qui, pris dans les embouteillages, mettront plusieurs heures voire jours avant d’atteindre leurs destinataires.
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Les bandes passantes sont saturées, elles demandent plus d’entretien, la FCC a besoin de lever de nouveaux fonds, sa réforme tient, en tous cas sur le papier. Dans les faits, elle se heurte à plusieurs réalités.
– A terme, cet Internet à deux vitesses se transformerait en une immense galerie marchande, où tous les sites se devraient d’être ou commerciaux, ou bardés de publicité, pour rentabiliser le péage versé aux « FAI » pour fournisseurs d’accès à Internet.
– Il n’y aurait plus d’Internet du savoir, d’Internet des connaissances, d’Internet citoyen et participatif. Cet Internet-ci serait tellement lent que les internautes finiraient par ne plus s’en servir.
Et pour une fois, citoyens et grandes entreprises se rangent du même côté : comme Google qui a récemment pris position pour la défense de la neutralité du Net, la plupart des entreprises de la Silicon Valley ont un système économique qui est fondé sur les contenus postés par les utilisateurs. Ce sont les « UGC » pour User Generated Content, dont ces entreprises se font les curateurs, les éditeurs, les hébergeurs et les distributeurs. Comme Youtube qui attend qu’un internaute poste une vidéo et nous oblige à visionner des publicités avant de pouvoir y accéder, toutes ces entreprises ont besoin de la créativité des internautes pour la monétiser et être rentables. Sans la masse d’internautes elles ne seraient rien. Ainsi, sans la neutralité du Net elles ne seraient rien non plus.
Et c’est ainsi que le 10 septembre 2014, le mouvement Internet Slowdown a été lancé : aux Etats-Unis, des milliers de sites se sont mis à fonctionner au ralenti le temps d’une journée, afin de montrer à leurs utilisateurs à quoi ressemblerait l’Internet de demain et les sensibiliser à la cause. Parmi eux : Tumblr, Netflix, Digg, Mozilla, YouPorn, Etsy, Kickstarter, Vimeo… Google a également récemment pris position pour défendre l’Internet innovant et citoyen qui est permis par la neutralité du net.
En définitive, imposer un accès différencié, autant dire discriminé, au Net, irait à l’encontre des principes fondamentaux de l’Internet et des libertés. Internet construit comme outil de démocratisation de la culture, permettant au savoir et à la connaissance de circuler à travers les distances géographiques mais surtout par-delà les frontières sociales, serait bafoué. Et l’opinion publique qui se forme en ligne, serait complètement modulée par les acteurs dominants du réseau, soit, pour poursuivre le raisonnement précédent, de grands groupes commerciaux. C’est pour toutes ces raisons que depuis le 12 mars 2012 le Conseil National du Numérique – CNNum – invite le gouvernement français à reconnaître le principe de neutralité du Net comme « principe fondamental nécessaire à l’exercice de la liberté de communication et de la liberté d’expression ».
Internet est un réseau de communications où freiner revient, ni plus, ni moins, à censurer.
Marie Mougin
@Mellemgn
 
Sources:
HBO – Last Week Tonight with John Oliver: Net Neutrality
France 4 – Internet va t-il coûter plus cher ?
France Culture Plus – La neutralité du net, cheval de Troie de la Silicon Valley ?
Le Monde blogs – Netflix et YouTube seront-ils épargnés par la remise en cause de la neutralité du Net ?
Le Monde blogs – Neutralité du Net : Google sort enfin de son silence
Libération – L’Internet pour les riches, des JPG pour les pauvres
Les Echos – La neutralité du Net sur la sellette
Slate – Pourquoi ça rame quand je veux regarder une vidéo YouTube avec Free
RTBF – Internet Slowdown Day
La Quadrature du Net – Les failles fatales de la neutralité du Net selon le CNNum
La Quadrature du Net – Net Neutrality
Owni – La guerre des tuyaux
Owni – La neutralité cachée d’Internet
CNNum – Avis sur la neutralité du net
Sénat – Union européenne et monde numérique
Crédits Gifs:
Conférence Cross Campus (Santa Monica)
Battleforthenet.com

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Société

Il faut sauver les Internets

 
Le World Wide Web existe depuis bientôt vingt ans. C’est sur ce système de liens hypertextes que nous nous connectons chaque jour. Il s’est largement démocratisé jusqu’à devenir synonyme d’Internet. Jusqu’en 2010, Internet s’est popularisé. Durant cet âge de la découverte, nous avons entretenu un rapport naïf, enthousiaste, émerveillé face au réseau. Il y avait une sorte d’effusion dans cet usage, encouragé par les idéaux et imaginaires d’Internet. Il était vu comme un objet presque magique.
Or, depuis trois ans son usage s’est complètement banalisé. Se pose alors la question de sa survie. Maintenant que ses fonctionnalités sont considérées comme acquises, il pourrait apparaître dérisoire de les défendre encore. Pourtant nous n’avons jamais eu autant besoin d’un volet législatif sur la question. Heureusement, après des années de méfiances envers le réseau, le gouvernement se décide enfin à agir. Jean-Marc Ayrault a annoncé jeudi 28 janvier, après un séminaire sur le numérique, une feuille de route expliquant dix-huit points sur lesquels le gouvernement va agir. Il s’articule autour des questions de la pédagogie, en lien avec la réforme sur l’Education, mais aussi autour des données personnelles et l’accès au très haut débit. Une loi était nécessaire, mais ces dix-huit points sont-ils suffisants ?
Deux choix fondamentaux
Nous sommes pourtant face à deux choix. Le réseau est de plus en plus surchargé. C’est ce qu’expérimentent par exemple les utilisateurs du fournisseur d’accès Internet (FAI) Free lorsqu’ils utilisent Youtube. Pour retrouver un accès rapide à ces sites utilisant beaucoup de bande passante, il faudrait payer plus. Internet finirait alors par être scindé en deux. La problématique d’un Internet à deux vitesses créerait une nouvelle fracture numérique, entre ceux ne pouvant s’offrir qu’un accès aux fonctionnalités essentielles – mail, moteurs de recherches – et ceux pouvant se permettre un accès aux réseaux sociaux, sites de vidéo, etc. L’Internet à deux vitesses serait contrôlé par les géants du net et par les FAI. L’accès à l’ensemble d’Internet deviendrait une exception. Ce serait la mort d’une de ses premières règles : la liberté d’y avoir accès.
L’autre choix viserait à perpétuer les idéaux d’Internet comme ils furent pensés par les premières communautés – avec la défense de la liberté sous toutes ses formes en tête de file. C’est pour un tel Internet qu’une loi est nécessaire. Ce serait un Internet libre mais encadré, fait et pensé pour les utilisateurs et non pour l’enrichissement de certains par le traitement des données privées.
Internet, une « zone de non droit »
Il est extrêmement urgent que les gouvernements agissent d’une manière concrète et efficace.  Il faut prendre en compte les idéaux d’Internet  et les défendre en les encadrant par une loi ferme, en dépit du lobby formé par les FAI et les géants d’Internet. C’est maintenant qu’il faut légiférer : les abus sur les utilisateurs sont de plus en plus fréquents. Citons par exemple le dernier rapport de la CNIL sur Google ou le blocage des publicités par Free qui a montré ainsi qu’il pouvait avoir de manière très facile un contrôle sur l’Internet de ses utilisateurs.
Il était donc temps qu’une série de lois soit enfin envisagée, surtout sur le point des données privées, de plus en plus grignotées par la récolte des big-datas.
Cependant, en dépit de cette position forte, la neutralité du net et sa protection brillent par son absence. Vite dénoncée par la Quadrature du Net et son porte parole Jérémie Zimmermann, l’absence de cette loi va même à l’encontre de l’avis du Conseil National du Numérique et de son nouveau président, Benoît Thieulin, qui doit présenter le 12 Mars un dossier sur ce sujet à Fleur Pellerin, Ministre chargée du Numérique. Pourtant cette dernière avait annoncé en septembre qu’elle ne voyait pas la nécessité d’une telle loi, position répétée lors d’une table ronde en janvier où Fast’N’Curious était présent.
Philippe Breton en 2001 publie dans Libération une tribune montrant qu’Internet est une « zone de non-droit ». C’est-à-dire que face à l’absence de lois, le territoire numérique est celui des abus et de la délinquance. Cette tribune a inspiré beaucoup de personnes, de Nicolas Sarkozy à Marie-Françoise Marais (actuelle présidente de l’HADOPI). Dans cette optique, Internet n’est vu que dans ses aspects négatifs. Cette vision unilatérale refuse fondamentalement d’envisager Internet dans sa complexité. De comprendre ses mécanismes et de légiférer en fonction de cela.
C’est certes une avancée que le gouvernement entreprenne enfin un volet de lois sur le numérique, en dépit de l’absence sans doute provisoire de la neutralité du net. Nous sommes désormais loin de l’incompétence du gouvernement en matière de numérique, qui trouvait probablement son origine dans cette vision dichotomique. On ne peut que s’en réjouir.
Mais face à ce premier pas, il est urgent que le gouvernement cesse d’entretenir ce climat d’insouciance face aux questions numériques. Il est temps qu’il se positionne sur des questions résolument modernes et qu’il mette fin à une vision simpliste et archaïque d’Internet.
 
Arthur Guillôme
Sources :
France Info
Ecrans.fr
La Quadrature du Net

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Politique

Liberté, liberté chérie…

 
C’est un débat vieux comme Internet qui mobilise aujourd’hui la justice française : celui de la neutralité du Web.
Les dérives
Internet doit-il rester un espace vierge de toute contrainte ? A première vue, l’idée peut paraître séduisante. Après réflexion, cette idée l’est beaucoup moins. Particulièrement lorsque l’on voit apparaître sur Twitter des hashtags intitulés « #unbonjuif » « #sijetaisnazi » ou « #simonfilsestgay ».
En quelques heures, chacun de ces hashtags s’est imposé comme un trending topic, attirant aussitôt l’attention des médias qui ont massivement relayé l’affaire comme preuve des dérives xénophobes de la toile. Twitter -qui est on le rappelle deuxième plus grand réseau social mondial derrière Facebook- avait alors retiré les tweets à caractère racial mais s’était fermement opposé à communiquer les coordonnées personnelles des utilisateurs ayant posté ces messages. Ce choix a provoqué la colère de plusieurs associations antiracistes parmi lesquelles l’Union des Etudiants Juifs de France qui, quelques jours après l’affaire « #unbonjuif » a porté plainte en référé contre la plate-forme.
Les attentes
La requête de l’association est double. Dans un premier temps, elle demande au site de fournir à la Justice française les coordonnées des comptes mis en cause. Dans un second temps, elle souhaite que les démarches pour signaler les tweets à caractère raciste soient simplifiées.
 Les résultats de l’audience du 8 janvier qui faisait se rencontrer l’UEJF et Twitter n’ont pas été ceux espérés par l’association. Ainsi, la plate-forme dont le siège social se situe à San Francisco, s’abrite derrière la loi américaine pour protéger ses données. On peut voir dans ce geste une volonté du site de protéger le droit à la liberté d’expression sur internet. Mais il ne faut pas oublier que Twitter est avant tout une entreprise qui souhaite maximiser son chiffre d’affaire. En protégeant ses utilisateurs, le site s’assure de maximiser le nombre de personnes fréquentant son réseau et il devient alors plus facile d’augmenter les ventes des tweets sponsorisés.
Cette dimension commerciale est d’autant plus importante que Twitter vient d’ouvrir en décembre dernier des locaux à Paris. Face à l’indignation générale provoquée par les hashtags xénophobes, le gouvernement français a voulu faire preuve de fermeté. Ainsi, Fleur Pellerin,  Ministre en charge du numérique, Najat Vallaud Belkhacem, porte-parole du gouvernement ou encore Bertrand Delanoë se sont exprimés afin d’inviter la firme à prendre ses responsabilités. Entre les lignes, le message de ces personnalités politiques est clair : si Twitter souhaite s’installer durablement en France, ses dirigeants feraient mieux de reconsidérer leur politique de confidentialité des données.
Les affaires
Si le site ne change pas son mode opératoire pour des raisons éthiques ou morales, peut-être le fera-t-il pour des raisons commerciales. Hormis les incitations du gouvernement français qui ne pèsent probablement pas très lourd dans les prises de décision de l’entreprise, il se peut que l’oiseau bleu soit effrayé par ses partenaires commerciaux. Et s’il est nécessaire pour une marque d’être présent sur Internet, il y a fort à parier que nombre d’entreprises réfléchiront à deux fois avant d’associer leur image à un site dont les trending topics incitent à la haine raciale.
Tant qu’il existera des plateformes existant en marge du système, la libre expression perdurera sur Internet, avec ce que cela comporte de bonnes et de mauvaises surprises. Mais Twitter, Facebook et consorts ont souhaité donner un tournant commercial à leur activité. Et pour être considéré comme des interlocuteurs sérieux par les marques, il faut accepter de se comporter en adulte. Et cela commence par faire des choix.
 
Angélina Pineau
Sources :
Très bon article de Rue 89 résumant la complexité de la situation  actuelle
Recontextualisation du problème par Ecrans
Tribune de l’UEJF sur le site du Nouvel Obs

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