Culture

Johnny : Une vie après la mort

Le mercredi 8 mars 2017, la rock star Johnny Hallyday annonce qu’il souffre d’un cancer des poumons. Le clan Hallyday, qui a toujours été très actif sur les réseaux sociaux, publiait depuis des photos de familles et des messages d’amour. Ils sont unis, et lancent un hashtag en guise de message à la maladie : #fuckcancer. Malgré tout, le chanteur nous quitte le 6 décembre dernier, laissant dans le deuil son épouse, ses enfants, ses proches et de nombreux admirateurs. Ce samedi, nous avons été témoins de la vague humaine qui a descendu les Champs Élysées venue dire adieu à son idole. Mais heureusement, son œuvre continuera de nous accompagner.

Publicité Benefit
Publicité et marketing

Benefit, Too Faced, the Balm, Buly… : le rétro-marketing des cosmétiques

Le 1er avril 2014, Paris a vu renaître la boutique Buly (anciennement Bully) rue Bonaparte, près des quais de Seine. Ramdane Touhami, touche-à-tout du monde de la mode et de la parfumerie (qui a notamment créé une marque de parfum, deux marques de vêtements et a révolutionné l’univers de la bougie chez Cire Trudon) et son épouse Victoire de Taillac, blogueuse beauté de référence, ont fait renaître de ses cendres la très ancienne officine apothicaire du parfumeur parisien phare du XIXe siècle : Jean-Vincent Bully. Son travail en cosmétique et en parfumerie avait à l’époque fait de la France le centre de l’Europe en matière de beauté.
Selon ces (nouveaux) créateurs, l’objectif est avant tout de faire de très bons produits à l’aide des secrets de beauté traditionnels du monde entier : de la poudre de Yunohana japonaise à l’huile de fruit d’açai d’Amazonie, tout y est pour satisfaire les besoins du client qui cherche l’efficacité des produits cosmétiques contemporains mais sans parabens, phenoxyetanol ou silicone, et fidèles aux recettes anciennes. Ce phénomène est ainsi conforme à la tendance du marché qui promeut le retour à davantage de « naturel » dans les produits. Mais Buly se distingue surtout par un marketing vintage extrêmement pointilleux : des noms de produits surannés (pommade concrète, eau rectifiée, opiat dentaire) sur des flacons en porcelaine pastels et décorés de scènes bucoliques, aux tubes en aluminium dont le packaging, minutieux jusqu’aux bouchons, nous fait penser à nos (arrières) grands-mères, en passant par les étiquettes calligraphiées des flacons de parfum : tout semble venir droit du siècle d’or de la beauté en Europe. Et malgré le grand écart qui semble apparaître entre la commercialisation de produits exotiques mais d’origine naturelle, et le marketing très « chic à la française », on retrouve une certaine unité dans la démarche de la marque : la recherche absolue de l’authentique.

Et même la boutique semble d’époque ! Pourtant, il y a encore quelques mois, elle n’était qu’une galerie d’art aux murs et au sol entièrement vierges. Chaque détail du magasin a été minutieusement « marketé » vers une tendance haut de gamme : robinet en bec de cygne anglais chiné chez un collectionneur, grands comptoirs recouverts d’un marbre rare, pierres de Toscane au sol, meubles élaborés comme au XVIIIe, portraits de beautés anciennes prêtés par la famille de Taillac ornant les murs… Tout est fait pour que le client soit plongé dans l’authenticité de l’univers du haut de gamme cosmétique et chic à la française.

Cosmétiques et vintage : une grande histoire d’amour
Le marketing vintage – ou rétro-marketing – n’est pourtant pas nouveau dans le secteur des cosmétiques. De nombreuses enseignes, telles que Too Faced, Benefit ou the Balm en ont fait un argument de vente, et même une part essentielle de leur identité de marque.
Palettes de fards à paupière Too Faced

Une partie de la gamme de produits The Balm
Si la nostalgie est clairement devenue un facteur marketing puissant, c’est qu’en période d’incertitude, elle renvoie le consommateur à des valeurs sûres. Buly choisit de s’inscrire dans la grande tradition de la parfumerie française du XIXe, alors que ses concurrents tournés vers le grand public font le choix de s’inspirer des années 50 et 60, des Trente Glorieuses, perçues comme une ère de prospérité et de bonheur. Dans un monde où l’inquiétude domine, la marque et son produit deviennent les symboles d’une époque plus rassurante. En outre, l’esthétique publicitaire et marketing de ces années est d’autant plus vendeuse aujourd’hui qu’elle est positivement connotée : très vite sont convoquées des figures emblématiques de la beauté et de la mode telles que Marylin Monroe ou Brigitte Bardot. On retrouve également ce type de représentations dans des séries telles que Mad Men, dont le dress code inspire de nouveau (les créateurs de Louis Vuitton autant que Mattel et la Barbie Mad Men). Ces codes esthétiques donnent à voir des couleurs pastels réconfortantes ou des couleurs vives symboles de joie et de bonne humeur – à l’exact opposé de la période « grise » que nous connaissons actuellement. Toujours au service de l’identité de la marque, le « rétro-marketing » est également mobilisé lors d’actions ponctuelles : Bourjois a ainsi réédité à l’occasion de son 150e anniversaire en 2013 sa mythique poudre de riz de java, s’ancrant à la fois dans cette tendance du marketing de l’authentique et réaffirmant dans le même temps sa légitimité dans le monde des cosmétiques.

Il reste cependant un élément important à souligner: comme l’explique Dominique Lévy-Saragossi, directrice générale d’Ipsos marketing France, « il y d’ailleurs une chose amusante : nous sommes nostalgiques d’une époque qui avait les yeux braqués sur nous. ». En effet, si nous nous tournons aujourd’hui vers les publicités et le marketing des Trente Glorieuses (au-delà même des cosmétiques : il suffit de voir que Perrier a rediffusé ses publicités les plus connues plus de 25 ans après leur création), il ne faut pas oublier que la publicité de l’époque s’efforçait alors d’imaginer le téléphone de l’an 2000, la voiture de l’an 2000, voire la ménagère de l’an 2000 ! Du futurisme publicitaire d’antan au rétro-marketing actuel, ou quand la communication retourne vers le futur…
Léa Lecocq
@: Léa Lecocq
Sources :
Le Supplément de Canal +
ispsos.fr
gestion.he-arc.ch
buly1803.com
next.liberation.fr
obsession.nouvelobs.com
Crédits images :
benefitcosmetics.com
d210vlyat54t3c.cloudfront.net
referentiel.nouvelobs.com
generationcosmethique.com
missbudgetbeauty.co.uk
bourjois.fr

Société

Jacques a dit que c’était le bon temps…

 
La nostalgie est de mise ces derniers temps. Les anciennes stars remontent sur scène et font salle comble, les films parlent de stars décédées pour raconter leurs vies… Tout est bon pour fuir la crise et ce monde bien compliqué qui oblige à réfléchir sur l’essentiel. Les gens sont submergés de problèmes, le chômage monte, la délinquance est partout et la peur s’installe vite. Et si on reproche aux politiques de ne pas parler assez de la crise, on ne reproche en revanche pas aux publicitaires de tout faire pour nous en éloigner (ce qui est après tout leur rôle). Par exemple, le métro se couvre depuis quelques jours d’affiches sur la (re)sortie au cinéma du Roi Lion, mais en 3D cette fois. Disney est l’un des maîtres de cette publicité de la nostalgie, ressortant notamment en DVD remastérisé tous les Disney un à un, replongeant les enfants et les anciens enfants devenus parents dans la douceur d’un monde où la fin est toujours heureuse.
Un autre exemple, le dernier en date, est celui d’Hollywood chewing-gum. Si vous avez allumé votre télévision dernièrement, vous n’avez pas pu manquer cette publicité qui commémore 60 ans de pubs télévisuelles de la marque.

On commence par voir un amoncellement de vieux postes TV sur lesquels défilent toutes les publicités des fameux chewing-gums depuis la création de la marque. Puis, au moyen d’une mise en abîme, la caméra nous fait entrer dans l’un des écrans et nous présente un paquet de chewing-gums Hollywood mentholés, les plus classiques qui soient. Ce paquet reviendra ensuite entre chaque extrait publicitaire durant les 30 secondes du spot, à la manière d’un message subliminal : moins d’une seconde à l’écran, seul élément visible sous la forme d’un de ces « freeze » d’image qu’avaient les anciennes télévisions. Ce vieil écran un peu détraqué dans notre télévision HD moderne, ainsi que ce paquet vert reconnaissable entre tous, sont les premiers éléments nostalgiques de la publicité et présentent la cible : ceux qui ont connu ces grosses et lourdes télévisions, bien avant les écrans plats et les dimensions extravagantes. Un petit retour dans le passé donc, tant par la forme que par le thème, et qui est récurrent grâce à ce « freeze » que l’on retrouve tout au long du spot publicitaire.
Ensuite, différents moments se suivent ponctués par les dates des différentes pubs : 1985, 1988, 91 et 99, 2006 puis 2009 et enfin, bien que la date ne le mentionne pas, la dernière image est celle d’aujourd’hui avec le nom de la marque et le sigle des 60 ans. L’idée de « toujours là » est parfaitement véhiculée, et en 30 secondes Hollywood chewing-gum parvient à faire revivre aux anciens enfants, désormais adultes d’une quarantaine d’années, les différents moments de vie qui ont accompagné ces différents concepts publicitaires. Pour ma part, la première fois que ma zapette m’a amenée sur ce spot, j’ai senti une bouffée nostalgique m’envahir en voyant la statue de la Liberté jeter sa culotte et plonger dans la baie de New-York : combien de fois ai-je pu voir cette publicité étant enfant ? C’est d’ailleurs l’extrait le plus long de la courte vidéo (7 secondes contre 2 à 5 secondes pour tous les autres), ce qui montre bien son impact à l’époque de sa sortie. Le retour du slogan musical « fraîcheur de vivre » à la fin est un autre rappel de ce temps qui passe et de la mémoire qui accompagne les slogans publicitaires (et donc de leur efficacité !).
Cette célébration médiatique est ainsi parfaitement adaptée non seulement par rapport au contexte mais aussi dans sa forme même. Nombreuses sont les publicités qui ont traversé les âges et que l’on évoque entre amis ou en famille (la marmotte qui emballe le chocolat notamment, qui est un grand classique). Par ce moyen, Hollywood chewing-gum aide ces réminiscences et s’ancre dans le temps médiatique comme une marque inébranlable et incontournable, mais aussi ancrée dans le présent car les trois derniers extraits sont les plus longs, comme pour bien montrer que l’évolution a été positive et que ces publicités sont les plus importantes. Il y aurait beaucoup à dire sur l’évolution des concepts publicitaires, mais un regard rapide sur la forme cette publicité nous apprend déjà  beaucoup à propos d’une stratégie communicationnelle qui fonctionne et qui dure.
 
Héloïse Hamard