Environnement

Burger King : Roi des Forêts

Ah Burger King ! Son fameux Whopper et ses coups de com géniaux ! Franchement, qui n’aime pas Burger King ? Qui ? Eh bien laissez-moi vous éclairer : les arbres ! En effet, Mighty Earth et plusieurs autres ONG ont accusé le géant du burger de participer fortement à la déforestation en Amérique du Sud, mettant en danger espèces et autochtones. Alors, pas si cool BK ?
Com c’est drôle

La firme au célèbre Whopper s’attire régulièrement la sympathie des consommateurs grâce à ses campagnes originales et bien pensées. Associée à l’agence Buzzman depuis 2014, elle ravie les amateurs de communication décalée et humoristique. Une com au poil à laquelle, jusqu’à alors, on ne reprochait rien. On pense notamment aux bâches lors de l’aménagement de leurs restaurants qui reprenaient les tweets d’internautes promettant de faire n’importe quoi si un restaurant ouvrait vers chez eux. Ou encore de leur petite gué-guerre avec McDonald’s au travers d’affiches et de spots. Dernier en date, le dentifrice au goût Whopper pour le premier avril : le buzz assuré. La chaîne de restaurants commettait alors un sans-faute. Mais…

Faites entrer l’accusé
Mais en mars dernier, dans la quasi indifférence générale, on apprenait qu’une ONG lançait une sérieuse alerte sur la politique de développement durable de Burger King. En effet, les filières de production de soja qui nourrissent le bétail à l’origine de leur fameux steak cuit à la flamme, participent à une déforestation systématique au Brésil et en Bolivie. Car la demande en soja, importée en Europe car fameuse pour l’élevage des bovins de nos contrées, ne cesse d’augmenter. Et pour satisfaire la demande, il faut de la place, ainsi les entreprises d’agro-alimentaire achètent d’immenses territoires de forêt vierge et les brûlent pour remplacer le tout par des champs de soja. L’ensemble avec l’aval des gouvernements. Ces entreprises vont d’ailleurs jusqu’à encourager les fermiers locaux à faire de même. Enfin, cela passe par des traders (opérateur de marché) et des marchés financiers. 50% de la végétation de Cerrado, la zone où opèrent les fournisseurs de Burger King, Bunge et Cargill (entreprises de négoces de matières premières), a disparu.

 

Mighty Earth souligne que grâce à ses recherches, les observations de terrain, la géolocalisation et les images satellites, les liens sont très clairs. Quid des pesticides répandus en avion sur de larges zones menaçant paresseux, jaguars et tapirs. Mais aussi les tribus habitants la forêt. Pratiques d’un autre siècle. En cause également, l’huile de palme utilisée dans leurs produits, responsable de déforestation massive en Indonésie.
Com des idiots
Burger King, détenu par le fonds d’investissement brésilien 3G Capital, a refusé d’arrêter d’acheter des matières premières produites sur des zones déforestées ou rasées. En clair : on ne change rien. Bunge, n’a pas jugé opportun de faire de déclaration. Qui en a quelque chose à faire après tout ? Seul Cargill a rappelé ses objectifs en termes de développement durable : fin de la déforestation pour 2030. Des dégâts peuvent encore être faits d’ici là ! Burger King fait donc l’autruche : son capital sympathie est énorme et sa communication tellement habile. En quoi quelques milliers d’hectares de forêt changeraient quelque chose ? Sur leur site internet, aucune mention de leur politique de développement durable, pas d’objectifs, rien. Burger King n’y prête donc pas la moindre attention, alors même que notre période est heureusement au développement durable et à la responsabilité sociétale. OSEF comme disent les jeunes.
McDonald’s, bien plus controversé que Burger King, possède pourtant une telle politique, des objectifs et tente de réduire son impact écologique. Je cite : « Nous nous engageons à sensibiliser le public à l’échelle mondiale, peut-être pouvez-vous participer à un effort significatif ? ». D’autres s’y sensibilisent également, à l’instar de KFC ou encore de Subway.

Subway par exemple n’utilise plus que de l’huile de palme certifiée et « souhaite se […] concentrer sur des initiatives durables concernant […] la traçabilité et la gestion de sa chaîne d’approvisionnement. ». À l’identique de Nutella qui, ancien gros déforestateur en Indonésie, a changé son fusil d’épaule en 2015 pour n’employer plus que de l’huile de palme certifiée. KFC, plus radical, l’a supprimé de sa chaîne de production afin de lutter contre la déforestation.
Oui, Burger King, c’est plutôt bon et c’est sympa, ça fait rire. Mais aujourd’hui chacun doit faire un effort et participer à créer un monde plus juste, plus sain. Une enseigne aussi importante que Burger King a donc un véritable devoir de transparence et de réponse : d’où proviennent vos matières premières ? Pourtant il semble que ce genre d’exactions soit tellement courant que personne n’en a plus rien à faire. Il est vrai que l’Amérique du Sud c’est très loin, mais tout de même. Cessons d’accorder notre confiance à des marques qui mettent en péril notre bien commun, ce sont des milliers d’hectares de forêt qui disparaissent, impactant forcément la vie de chacun, accélérant le réchauffement climatique. Voilà ce qui devrait faire le buzz.
Alexane DAVID
Sources :
• VALO Martine, « Burger King, « roi de la déforestation » », Le Monde. Posté le 07/03/17. Consulté le 03/04/17.
• McDonalds. Consulté le 03/04/17.
• Subway. Consulté le 05/4/17.
• Emmanuel Perrin, « Huile de palme : KFC s’engage à lutter contre la déforestation », Maxisciences Posté le 11/01/11. Consulté le 05/04/17.
• « Burger King achète des farines animales dans d’anciennes forêts tropicales », Pieuvre.ca. Posté le 02/03/17. Consulté le 03/04/17.
• Sabine Rabourdin, « Soja : de l’Amazonie à l’entrecôte », Zéro Déforestation Consulté le 05/04/17.
 
Crédit photos :
• Image 1 : Buzzman
• Image 2 : Buzzman
• Image 3 : Mighty Earth
• Image 4 : McDonald’s
• PHOTO DE COUVERTURE : Capture d’écran du compte Twitter de Sum of Us

Flops

Manger du Nutella c'est pas bien

 
La commission des Affaires sociales du Sénat a adopté le 7 Novembre dernier un « amendement Nutella », présenté dans le cadre du projet sur la sécurité sociale. Cet amendement vise à taxer à 300 % l’huile de palme. L’argument écologique est avancé pour justifier les 40 millions d’euros qui entreraient dans les caisses de l’Etat. Ferrero, inventeur et distributeur de la fameuse pâte à tartiner, monte alors très vite une cellule de crise. Le 16 Novembre, il publie dans divers journaux un communiqué de presse sous le titre « Nutella, parlons-en » accompagné d’un site internet. Le 21 Novembre, on apprend que l’amendement est  refusé mais qu’il sera réexaminé dans le cadre d’un projet de loi sur la santé en 2013. Pourtant la campagne papier de Ferrero continue. Un compte Twitter est ouvert le 2 Décembre. Le communiqué continue d’être publié, comme dans le Libération du 3 Décembre augmenté d’un lien vers le compte Twitter.
Le fait que l’entreprise continue sa campagne alors que l’amendement a été refusé intrigue. Comment expliquer la réaction de Ferrero à un bad buzz relativement faible comparé aux moyens mis en œuvre pour le contenir ? Le danger est là : à force de vouloir le contenir, la marque attire l’attention du consommateur occasionnel qui aurait pu passer à côté du débat.
Il sera ici question d’analyser cette campagne pour soulever un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur : le lobbying orchestré directement vers les consommateurs.
Le publi-communiqué
Ce communiqué semble s’adresser aux consommateurs, qui seraient directement touchés par la taxe. Sur le ton de la transparence, Ferrero clarifie la situation en répondant point par point au débat « injuste et opportuniste » dont il se clame victime.
En somme, la marque rassure les consommateurs autour d’un communiqué qui se veut simple, explicatif, transparent (ce qui est d’autant plus surprenant de la part de Ferrero, entreprise réputée pour son opacité) et scientifique, comme le prouvent les deux renvois en bas de page et le graphique nutritionnel. Le tout rédigé sur un ton bienveillant : le consommateur est rassuré. Et Ferrero se positionne en tant que victime d’un débat illégitime. Il est curieux de voir que la marque décide de se tourner vers les consommateurs au lieu de toucher directement le gouvernement. Au-delà de la volonté de rassurer les consommateurs, nous assistons ici à une véritable campagne de lobbying d’un nouveau genre, tournée vers les clients.
Un lobbying d’un nouveau genre
Par lobbying, j’entends une action visant à se positionner comme victime et à appeler un groupe de personnes à créer un collectif de soutien à la marque. Dans notre cas, le groupe est le client. Et la victime Ferrero. Dans le communiqué, les mots « injuste », « idées reçues », « opportuniste » et « communication opportuniste » sont employés. Les écologistes et dans une certaine mesure l’Etat Français feraient un abus de pouvoir, illégitime et infondé face à une marque transparente contre laquelle on ne peut alors plus adresser de reproches.
Ainsi, au-delà des arguments visant à redorer l’image de la marque, Ferrero joue la carte du digital. Grâce à ce communiqué et à sa stratégie digitale, la marque tente de créer un lien direct avec les consommateurs. Cela entre dans la stratégie plus globale de transparence caractérisant cette gestion de crise.  Est-ce que ça marche ?
Le résultat est contrasté. Quatre jours après la création du fil Twitter on compte 195 Followers. En revanche sur Facebook, un groupe de clients s’est formé sous le nom « touche pas à mon pot ». Ce groupe, très actif, reprend systématiquement l’actualité relative au Nutella, en France et en Belgique. On y trouve des débats entre les « pro »-Nutella et ses détracteurs. Le groupe compte 1 984 fans. Cependant, l’argument central n’est pas une préoccupation environnementale ni nutritionnelle, mais budgétaire. C’est contre l’augmentation en elle même que ce groupe se positionne. L’approche du groupe Facebook est clairement ego-centrée : ce qui compte c’est le prix en augmentation de ce produit tant chéri, ce n’est pas la marque ni son image. Même si elle ne sera que de 5 centimes pour un pot familial de 850 grammes.
On peut cependant discerner une seconde cible : les journalistes. Le publi-communiqué insère des informations facilement réutilisables par les journalistes. Le fil Twitter, lui, semble être exclusivement dirigé vers eux. Il suit des comptes de grands journaux et tweet à chaque fois qu’un article est publié sur ce sujet. Ainsi, Ferrero montre qu’il est actif dans le débat, prêt à répondre à toutes accusations. Cette présence réduit fortement les critiques des journalistes dans la mesure où ils savent qu’ils devront nécessairement répondre de leurs publications.
On assiste donc à une forme de double lobbying, de plus en plus fréquente. Séphora et son communiqué à propos de l’heure de fermeture de son magasin des Champs Élysée en est le plus récent exemple. Dans notre cas, Ferrero tisse un lien ténu avec les consommateurs qu’il touche directement grâce à une logique fondée sur la bienveillance. Cependant l’effort de transformer le bad buzz en quelque chose de positif semble vain : il y a une certaine passivité chez les clients, uniquement concernés par l’augmentation du prix. La marque touche aussi les journalistes, auxquels elle fournit une ligne d’informations et un suivi systématique des articles, leur laissant peu de marge de manœuvre pour répondre.
 
Arthur Guillôme
Sources :
Rue89
Paroles De Géographes – Le Monde
Huffington Post
France TV Info