Quand l’ellipse se fait de moins en moins subtile…
Durant ces dernières semaines vous avez certainement eu le plaisir de vous retrouver face à une nouvelle tendance dans l’affichage que j’aime à surnommer « Parce que les publicitaires prennent leur pied ». En effet, je doute que les affiches du film Les Infidèles vous aient échappé, ou encore celles de Virgin pour son opération Love spéciale Saint Valentin (of course).
Par ces temps si froids, toutes ces jambes dénudées ont attiré mon regard (sans sous-entendu aucun). C’est d’abord l’ellipse qui m’a intéressée, le fait de montrer la partie pour le tout et d’exprimer ainsi bien plus qu’un banal message de publicité pour rasoir. Oui les jambes sont jolies, fines, épilées de près mais ce n’est pas tout. Elles sont coupées afin de laisser le reste du corps à l’imagination. L’esprit formule ainsi une image certainement bien plus crue que celle que l’on aurait pu afficher. Et pourtant cela est déjà en montrer trop il semblerait.
Dans le cas de Virgin, on reste dans du soft avec la présence à la fois d’une jeune fille et d’un jeune homme, à en juger par le teint et la tonicité de leurs peaux, ainsi que par une minceur souvent associée au bel âge. Le fait que les deux protagonistes pieds nus soient mis sur un pied d’égalité laisse penser à une relation amoureuse stable et respectueuse. Accrochés à leurs chevilles, ayant fait leur chemin le long de leurs jambes nues, reposent deux sous-vêtements, étrangement identiques. Nous avons là une première ellipse, au niveau des jambes coupées afin de ne pas heurter la bienséance, précisée par une seconde d’autant moins subtile. Dans l’espace qui sépare nos deux amoureux, le mot « Love » trouve sa place, racontant l’histoire de ces deux corps à la fois par ses multiples sens, par le choix d’une typographie féminine via sa couleur et masculine via son épaisseur imposante sans empattement. Certains parlent de vulgarité, d’autres ne voient rien à redire mais il semblerait tout de même que ce type de visuel ne passe pas encore inaperçu malgré une certaine démocratisation de l’acte sexuel.
Pour Les Infidèles le verdict aura été plus tranché. Je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que les féministes reprochent aux affiches… Il semblerait que nous n’ayons pas eu le plaisir de voir toutes les déclinaisons à ce jour car certaines ont été censurées avant même d’arriver dans les rues. A la différence de l’affiche de Virgin, nous avons là une très nette supériorité de l’homme sur la femme qui se retrouve, elle, réduite à un simple objet sexuel destiné à souligner le titre de « l’œuvre ». Comme si le nom du film n’était pas assez clair, les publicitaires ont jugé bon de le représenter, sans la moindre métaphore. On parlera encore sûrement d’un coup de buzz par provocation pure et simple mais si cela jouera peut-être en faveur du film qui verra ses entrées augmenter, ce ne sera pas forcément le cas d’un de ses acteurs principaux, Jean Dujardin. En effet, « The Artist » pourrait bien voir lui échapper son bel oscar en raison de toute cette affaire sordide (surtout aux yeux des américains).
Si l’ellipse n’est pas forcément l’une des meilleures techniques pour déjouer la censure, il en reste encore quelques unes qui pourraient bien faire le bonheur des publicitaires : une petite métonymie ? Qui sait…
En tout cas, je ne demande qu’à enrichir ma collection d’affiches « Parce que les publicitaires prennent leur pied » donc si vous en avez d’autres, envoyez !
Marion Mons
Crédits photo : ©Virgin – ©Mars Distribution/JD Prod