« J’apprécie plus le pain, le pâté et le saucisson, que les limitations de vitesse »
… Jacques Chirac
Le 15 décembre, le tribunal correctionnel de Paris a rendu une décision historique : la condamnation de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac, à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris de 1990 à 1995. Cette décision, bien que relayée par tous les grands médias, ne semble pas particulièrement choquer l’opinion publique française.
En effet, Jacques Chirac et les français c’est une longue histoire d’amour, qui dépasse les clivages politiques. Il est leur personnalité préférée depuis la fin de son mandat en 2007.
Parallèlement, la popularité de N. Sarkozy souffre des affaires Karachi et Bettencourt. Certes la crise économique rend la question de l’argent plus sensible, mais il est aisé d’observer un phénomène de deux poids deux mesures dans ces scandales. Existerait-il une tolérance particulière de l’opinion publique française à l’égard de Jacques Chirac ?
La réponse est certainement positive. La communication chiraquienne autour de ce scandale, couplée à la construction de son personnage médiatique pendant sa carrière, lui ont permis de conserver une certaine aura malgré les différentes affaires qui ont émaillé son parcours.
A l’automne 2010, Chirac, la ville de Paris, et l’UMP ont signé un accord les engageant à rembourser la mairie de Paris à hauteur de 2,2 millions d’euros. Celle-ci, en échange, ne se constituera pas partie civile. Un arrangement rendu public sous forme d’aveu de culpabilité, qui a pourtant reçu l’adhésion de l’opinion. Jacques Chirac rembourse, accepte la sanction (en refusant de faire appel) et dit prendre ce jugement « avec sérénité » bien qu’il se défende toujours d’être coupable.
Une histoire ancienne, qui semble être vue comme une erreur de parcours tout au plus. Pourtant, certaines personnalités politiques ont chuté pour bien moins que ça. Le personnage sympathique, jovial, convivial et en accord avec l’inconscient français fonctionne bien comme une protection pour l’ancien Président.
Jacques Chirac, toujours plus capitaine que réel acteur. Des hommes susceptibles de sauter à sa place : Dominique de Villepin pour le CPE, Alain Juppé pour l’affaire de la mairie de Paris. Jamais de petites phrases. Homme politique à l’ancienne, cultivé, distingué. Une vraie hauteur de vue en somme.
A l’ancienne peut-être, mais toujours préoccupé par le fait d’être en accord avec la France et ses aspirations. En 2003, il dit non à la guerre en Irak et rassure l’orgueil français. Nous sommes encore de ces nations qui peuvent dire non à la première puissance mondiale nous insuffle t-il.
Aujourd’hui malade, il n’inspire pourtant pas la pitié. Il garde cette étiquette un peu gaullienne de grand homme politique, qui savait faire passer ses décisions avec intelligence et diplomatie et qui n’allait jamais en force contre la rue.
Jacques Chirac aimait le pouvoir, l’argent et les femmes. Les Français ne lui en veulent pas car il n’a jamais rompu publiquement le contrat qu’il avait passé avec eux. Peu importe que les politiques dérogent à la loi, tant qu’ils le font dans les règles de l’art. La communication politique entre alors en jeu pour perpétuer le mythe.
Ludivine Preneron