Just don’t do it
Afrique du Sud, le mercredi 14 février dernier, Reeva Steenkamp, célèbre mannequin, est retrouvée morte dans sa salle de bains, avec quatre balles dans le corps. Et l’accusé numéro un sur la liste des suspects est son compagnon, Oscar Pistorius. Il tente de se défendre en racontant qu’il a pris Reeva Steenkamp pour un cambrioleur et l’a poursuivie. Nous ne mènerons pas une enquête à la Hercule Poirot, mais nous verrons comment, en une soirée, Pistorius devient à la fois la cible préférée de la police et surtout celle des médias.
Rappelons-le, Oscar Pistorius, le 1er athlète amputé à courir avec les valides aux JO de Londres, est né sans fibula (péronés). Amputé des deux tibias à l’âge de onze mois, il apprend à marcher avec des prothèses à deux ans et s’entraîne à courir avant de devenir le 1er médaillé handisport. Pistorius est à la fois une figure emblématique en Afrique du Sud, un modèle à suivre pour les sportifs handicapés et le symbole même du courage, de la ténacité. Ses exploits ont donné un nouvel élan à l’handisport et aux Jeux Paralympiques. Au début de l’année 2013, le magazine Times le classe parmi les 100 personnes les plus influentes du monde et le présente comme « la définition même de l’inspiration au niveau mondial. » De quoi parfaire son image de l’athlète que rien n’arrête.
Quatre balles plus tard et le mythe s’écroule : « Blade Runner » perd toute son envergure de héros national, en devenant aux yeux de tous le « Bad Runner ».
L’affaire n’éclabousse pas seulement le sportif mais aussi ses sponsors, éléments moteurs de la célébrité… Oakley, British Telecom, Össur, Thierry Mugler et Nike plus particulièrement.
Celui-ci vient de retirer de son site une campagne publicitaire produite par l’agence Wieden+Kennedy en 2011. Campagne qui comparait les exploits de Pistorius sur une piste à ceux d’une balle tirée d’une arme. Le slogan très justement trouvé à l’époque : « I am the bullet in the chamber », sonne désormais comme le glas. Certains y voient la préméditation de l’acte de Pistorius, ce qui ne fait qu’empirer l’image de l’athlète et de son sponsor. Leur étroite dépendance devient risquée et même si Nike n’est pas accusé de meurtre, il ne semble pas y avoir de différenciation entre l’homme et la marque qui le promeut.
Ironie du sort, Nike n’en est pas à son premier épisode douteux : Tiger Woods et ses aventures extraconjugales, Lance Armstrong et le scandale du dopage. Et le slogan « Just do it » ne fait qu’accentuer ces polémiques, comme si la marque encourageait les athlètes à commettre des actions répréhensibles. Or, toute la stratégie de communication de Nike repose sur l’athlète qui est mis en scène dans un combat personnel pour faire du sport à tout prix. Pour donner cette envie au consommateur, la stratégie adoptée par Nike est de lui montrer le parcours du sportif qui servira de modèle de réussite dans l’imaginaire du consommateur.
Le risque pris par la marque est énorme. D’une part, rien n’est fixé à l’avance, l’homme est faillible et d’autre part, une campagne de publicité représente un coût considérable. L’argument économique s’impose aussi aux autres sponsors, qui sont intervenus de manière implicite il y a quelques jours en déclarant qu’ils attendaient les résultats du procès pour décider de poursuivre ou de rompre leurs contrats avec l’athlète. La marque
Nike espère gagner du temps en jouant la carte de la présomption d’innocence. Peut-être espère-t-elle que les avocats de Pistorius, connus pour être des ténors du barreau, réussiront à l’innocenter. Ou peut-être veut-elle partir sur la pointe des pieds et se détacher de l’image entachée d’Oscar Pistorius.
Pour l’heure, les marques qui sponsorisent l’accusé ne se précipitent pas et restent sur leur garde en attendant l’issue du procès : wait and see est leur mot d’ordre.
Félicia de Petiville
Sources :
Site officiel d’Oscar Pistorius
Stratégies
Le Monde