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#OscarsSoWhite: Black Artists Matter

Les Oscars blanchis ?
Tout a commencé avec l’annonce des nommés aux Oscars 2016, le 14 janvier 2016. 71.5% d’hommes blancs, 20% de femmes  blanches et 7% d’hommes de couleur, toute catégorie confondue. Pour la deuxième année consécutive, aucune présence de femmes et d’hommes issus de minorités n’est à noter dans les catégories reines que sont le meilleur réalisateur, meilleure actrice et meilleur acteur.
Quelques jours plus tard, des stars hollywoodiennes comme Michael Moore et Will Smith appellent au boycott de la cérémonie des Oscars, accusés d’être trop blancs, via le hashtag #OscarsSoWhite. Spike Lee en tête de file réclame l’instauration de quotas pour assurer plus de diversité parmi les nommés. Il met en accusation l’organisation qui préside aux Oscars, soit l’Académie des arts et des sciences du cinéma et ses 6 000 membres.

 
Le 21 janvier, la présidente de l’Académie Cheryl Boone Isaacs, seule femme noire du comité de direction, annonce de nouvelles mesures prises dans ce sens. L’objectif est de doubler d’ici 2020 le nombre de femmes et de personnes provenant de minorités ethniques. Il faut en effet souligner que parmi les 6 000 membres, 93% sont des hommes blancs. Il s’agit donc d’une politique d’ouverture, qui se refuse à l’instauration de quotas ethniques.
La question de la discrimination ou non dans le processus de désignation des nommés fait depuis toujours débat malgré ces nouvelles mesures. Cette question fait lien avec celle de la représentativité des minorités et des femmes dans les productions culturelles et médiatiques américaines : concourent-elles à la persistance des clichés sur ces minorités et à leur exclusion des processus de création culturelle ?
Des clichés construits par les médias ?
Si la discrimination au sens de ségrégation a officiellement disparu aux Etats-Unis, c’est maintenant face à un phénomène de stéréotypie que doivent faire face ces communautés. Un phénomène relayé par les médias, notamment dans les films et séries. Concernant la représentation des minorités dans les séries américaines, Olivier Esteves et Sébastien Lefait (1), deux enseignants chercheurs, montrent qu’une logique quantitative est privilégiée par les producteurs et réalisateurs. Ils cherchent avant tout une représentativité de ces minorités en termes de nombre d’acteurs dans la série plutôt qu’une représentativité qualitative, qui échappe aux stéréotypes. Ainsi les représentations de musulmans assimilés à des terroristes (NCIS) perdurent sur le petit écran. Au-delà de la fiction, les reportages sur les arrestations et décès de membres de la communauté noire ont suscité des réactions sur les réseaux sociaux. Après la mort de Michael Brown en 2014, certains médias ont décidé de diffuser sa photo lors de sa cérémonie de diplôme, d’autres d’une photo le présentant dans une allure « gangsta ». CJ Lawrence, une avocate, lance alors le hashtag #IfTheyGunnedMeDown (s’ils m’abattaient) en montrant deux photos différentes d’elle : laquelle serait choisie par les médias ? Ce choix est déjà une prise de position : une défense ou une mise en accusation du policier responsable de sa mort.

Si dans l’inconscient américain et donc dans les médias, les minorités sont construites comme des types, il s’agit d’une construction également visible dans l’histoire du cinéma hollywoodien. Pour anecdote, la première actrice noire à être oscarisée en 1940, Hattie McDaniel, l’a gagné pour le rôle de la gentille bonne dans Autant en Emporte le Vent. Elle n’aura d’ailleurs joué quasiment que des rôles de domestique pendant toute sa carrière. Les femmes également subissent une certaine discrimination, fondée elle aussi sur le physique. En témoignent les très nombreux commentaires visibles sur les réseaux sociaux sur le physique vieilli de Carrie Fischer, de retour dans Star Wars 7. Sans s’attarder sur le nombre de rôles accordés aux uns et aux autres, l’industrie elle-même, c’est-à-dire tous les métiers du cinéma dits techniques, restent relativement hermétiques aux minorités et aux femmes, par manque de formation et de possibilité d’intégration.
Pour optimiser les profits ?
On observe aujourd’hui dans la production culturelle américaine actuelle l’émergence d’un certain communautarisme, en réaction à l’échec du Melting Pot. Il semble en effet qu’aujourd’hui les interactions ne suffisent plus pour désenclaver les communautés dans la société américaine. La notion de race existe toujours, et dans le vocabulaire, et dans l’inconscient américain et ce associé à un caractère et à un comportement, bref à un type de population. Ainsi, les chaînes de télévision, les émissions, la musique et le cinéma sont produits à destination d’un certain type de public, de communautés qui revendiquent leurs origines et leurs traditions. Les acteurs sont sélectionnés en fonction des publics visés et doivent y correspondre, que ce soit pour le secteur privé ou public (hôpitaux, supermarchés, écoles etc.). L’implicite de cette démarche étant que si l’on est noir, on connait les attentes de la communauté noire et on sera plus à même d’y répondre. L’objectif est bien sûr économique : maximiser les profits.
Dans le cinéma ainsi que dans les séries, on observe majoritairement que deux types de rôle majeur sont accordés aux acteurs et actrices noires. Tout d’abord les rôles où la couleur de peau noire est nécessaire, comme Chiwetel Ejiofor acteur principal de 12 Years a Slave, et puis les rôles secondaires auprès d’acteurs blancs, en tant que complice, comme Tyrese Gibson dans Fast and Furious. Dans l’industrie du cinéma prime en effet la rentabilité pour la majeure partie des films. L’acteur blanc est ainsi considéré comme plus bankable au détriment d’acteurs et d’actrices issus de minorités.
Ainsi, le cinéma, tout comme les médias, n’évitent pas cette stéréotypie inconsciente, même si de réels progrès sont à noter, notamment grâce à l’émancipation de la production de séries des grandes chaînes américaines (cf. Netflix). Nombre de contre exemples peuvent être trouvés. De même, la généralisation s’avère dangereuse sur ce type de sujet. Une réforme des structures de production culturelle – notamment cinématographique et médiatique – s’avère cependant nécessaire pour calmer les esprits et montrer que les médias peuvent être plus qu’un simple miroir de la société mais qu’ils peuvent également la faire avancer sur le terrain de l’égalité de tous, sans distinction de sexe ou de couleur de peau.

La question raciale dans les séries américaines (2014)

Julie Andréotti 
Sources :
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18649968.html
http://ecrannoir.fr/blog/blog/2016/01/23/oscarssowhite-face-a-la-polemique-les-oscars-se-reforment-en-profondeur/
http://www.dailyherald.com/article/20160122/entlife/160129647/
http://www.dailymail.co.uk/news/article-3415127/The-entire-country-racist-country-Danny-DeVito-Don-Cheadle-latest-celebrities-wade-Oscar-s-race-row.html
http://www.atlantico.fr/decryptage/oscars-trop-blancs-derriere-polemique-racisme-realite-pas-moins-inquietante-segregation-fait-modes-consommation-culturelle-aux-2556572.html/page/0/1
http://www.lexpress.fr/styles/vip/star-wars-carrie-fisher-en-colere-contre-les-critiques-sur-son-physique_1749757.html
http://www.lesinrocks.com/2014/12/05/series/question-raciale-les-series-us-politique-quota-permet-den-faire-moins-possible-11539654/

#iftheygunnedmedown, le hashtag qui dénonce la représentation des Noirs dans les médias aux Etats-Unis


Crédits photos :
http://images.huffingtonpost.com/2016-01-25-1453753889-3241573-oscars.jpg

#iftheygunnedmedown, le hashtag qui dénonce la représentation des Noirs dans les médias aux Etats-Unis

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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Woody Allen sans jamais oser le demander

 
Scoop
Il y a quelques jours, Dylan Farrow, fille adoptive du fameux cinéaste Woody Allen, a publié un témoignage dans le New York Times où elle raconte qu’il a abusé d’elle alors qu’elle avait 7 ans. Des allégations que le réalisateur juge « fausses et honteuses ». Retour sur une dénonciation qui fait polémique, à quelques semaines des Oscars pour lesquels le réalisateur est nominé pour son dernier film Blue Jasmine.
En janvier, lorsque Woody Allen s’était vu décerner un Golden Globe pour l’ensemble de son œuvre, son fils adoptif, Ronan Farrow, rédigeait un tweet pour le moins ironique : « Missed the Woody Allen tribute – did they put the part where a woman publicly confirmed he molested her at age 7 before or after Annie Hall ? »* Il fait ici référence à sa sœur, Dylan, qui déjà en octobre dernier affirmait avoir été victime d’abus sexuels lorsqu’elle était jeune.
La lettre ouverte de Dylan Farrow, parue dans le New York Times, explicite largement cette affirmation : « Quand j’avais sept ans, Woody Allen m’a prise par la main et menée dans un grenier sombre, qui ressemblait à un placard, au deuxième étage de notre maison. Il m’a dit de m’allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Puis il m’a agressée sexuellement. Pendant ce temps-là il me parlait, me murmurant que j’étais une bonne petite fille, que c’était notre secret. » Ce récit, à la fois témoignage et accusation, par sa précision, n’est pas sans revêtir un caractère réaliste.
La question que pose une telle dénonciation est celle de la vérité : pourquoi l’accusation est-elle dévoilée aujourd’hui ? Simple cas de conscience ou perverse stratégie de communication à quelques jours des Oscars ? Mia Farrow, mère biologique de la victime, ne fait qu’attiser les braises en alimentant son compte Twitter. Vengeance d’une ancienne compagne, manipulation du cinéaste pour le voir évincé de la course aux Oscars, ou soutien d’une mère pour sa fille ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser suite à cette révélation.
Woody dans tous ses états

Leslee Dart, porte-parole de Woody Allen, a affirmé que le cinéaste avait lu l’article et le considérait comme faux et honteux. Selon elle, une enquête avait déjà été menée par des experts indépendants mandatés par la Cour. Ceux-ci avaient conclu qu’il n’y avait aucune preuve crédible de l’agression. Et d’ailleurs, le réalisateur a reçu le soutien sans faille de l’un des enfants qu’il avait adopté avec Mia Farrow. Dans un entretien au magazine People, Moses Farrow accuse en effet sa mère d’avoir implanté de faux souvenirs dans l’esprit de sa sœur. Il lui paraît donc évident que Woody Allen n’a pas agressé sa sœur Dylan.
Mieux, le 7 février dernier, Woody Allen publie à son tour dans le New York Times une lettre ouverte en réponse à celle de Dylan Farrow en affirmant les propos qui suivent : « Bien sûr je n’ai pas agressé Dylan (…) J’espère qu’un jour elle saisira comment elle a été privée de la présence d’un père aimant et exploitée par une mère plus intéressée par sa colère putride que par le bien-être de sa fille ».
Ce conflit médiatique et médiatisé semble bien poser ces questions : à quelle fin faut-il utiliser les médias ? Permettent-ils de prescrire ou sont-ils le moyen de proscrire ? Doivent-ils informer, déformer ou bannir ?
La seule réponse qui soit pour le moment est la suivante : la course aux Oscars pour le réalisateur américain et son héroïne Cate Blanchett semble bien compromise.
Règlement de compte interconjugal ou dénonciation d’un crime juridique ? Telle est l’interrogation qui reste encore sans réponse à ce jour.
 
Juliette Courtillé
Sources :
Lefigaro.fr
Leparisien.fr
Francetvinfo.fr
Lemonde.fr
Crédits photos :
Actucine.com
Awfulannouncing.com
* « J’ai raté l’hommage à Woody Allen. Est-ce qu’ils ont mis le moment où une femme a publiquement confirmé qu’il avait abusé d’elle à l’âge de 7 ans, avant ou après Annie Hall ? »