Publicité et marketing

Evian, l'eau extraordinaire

L’eau, entre ordinaire et extraordinaire
En France, un individu boit en moyenne deux litres d’eau par jour. Ce n’est malheureusement pas le cas sur toute la surface de la planète, l’eau se fait rare et un homme sur trois n’a pas accès à l’eau potable.
Mais dans les pays riches et développés, les individus n’ont qu’à ouvrir leurs robinets pour obtenir autant de litres d’or bleu qu’ils le souhaitent. Ainsi, pour le consommateur, l’eau paraît être une ressource fondamentale, mais bien ordinaire. Mais alors comment une marque d’eau minérale peut défier la concurrence, en rendant son produit « ordinaire » extraordinaire ? Evian a relevé défi.
«Live Young »: une eau haut de gamme
Evian est connue depuis 2009 pour avoir mis en scène des bébés dans ses publicités avec son fameux slogan « Live Young ». La marque les a ainsi fait plonger tout nus dans une piscine, leur a fait faire du roller, les a fait danser, et devenir des supers-héros. Aujourd’hui, l’agence de publicité BETC a réinventé cette idée en mettant en scène des bébés dans des spots vidéos, et sur des affiches, où ils sont vêtus de tenues allant de celle de sportifs de haut niveau à celle d’hommes d’affaire. Certains spots mettent même en scène des personnalités telles que Madison Keys ou Maria Sharapova (ambassadrices de la marque) qui se transforment en bébé après avoir bu quelques gorgées d’Evian. La marque continue ainsi à jouer avec les codes de la jeunesse, déjà mis à l’honneur dans ses précédentes campagnes : « Live Young ». Evian se présente comme une sorte d’élixir d’éternelle jeunesse, qui s’invite aussi sur Snapchat avec des filtres pour mieux toucher ses jeunes consommateurs.

Evian ne s’arrête pas là, et a aussi développé un partenariat avec la marque de vêtements en ligne Rad, pour proposer une collection de vêtements oversize estampillés Evian, présentés comme « des vêtements pour adulte dans lesquels on se sentirait comme des… bébés ». La marque diversifie les canaux de diffusion de sa campagne. Elle semble ainsi chercher à s’insérer dans une sphère pop culture, où la marque n’est plus qu’une marque de bouteilles en plastique, mais bien le symbole d’un style de vie jeune et décontracté. Ainsi, la marque née en 1790, avec la commercialisation d’eau thermale prescrite par des médecins a su se construire une image de marque jeune et dynamique.
Evian, eau haut de gamme
Cependant, Evian ne se cantonne pas à son image « young », et avance ses pions de manière plus en plus prononcée sur le marché des eaux haut de gamme. Evian dispose bien évidemment d’une gamme diversifiée de bouteilles d’eau en plastique, mais ne s’arrête pas là. En effet, la marque propose aussi à ses consommateurs des conditionnements plus « premium », avec des bouteilles d’eau en verre aux lignes épurées présentées comme « élégantes, tendances et modernes ».  Ces produits s’invitent ainsi dans les bars, hôtels et restaurants haut de gamme, proposant à leurs clients des bouteilles au design en accord avec le prestige de leurs établissements. Ces produits s’inscrivent dans les « fondamentaux » que la marque a mis en place en 2016 qui sont « Innovation, pureté et design ». Cela a été l’occasion pour la marque de développer aussi une bouteille, en plastique cette fois, au format « Prestige » pour les « belles tables » rendant ainsi hommage « à l’origine et à la pureté d’Evian ». Evian affirme aussi son positionnement sur le marché de l’eau premium, au travers de son service de bouteilles personnalisées. Cela lui permet ainsi d’apposer des messages sur les bouteilles, pour des occasions exceptionnelles tels que les mariages ou les baptêmes.
Toujours dans sa lignée de production haut de gamme, Evian a lancé en mars 2016 une gamme d’eaux aromatisées « Evian Fruits & plantes ». Nous connaissions déjà l’eau aromatisée Volvic mais ici Evian joue la carte premium avec une bouteille « goute » de 37 Cl, à la ligne épurée vendue 2,50 euros, et d’abord distribuée dans les Monoprix et des restaurants chics. La marque profite aussi de cette gamme pour se donner une image healthy et naturelle, très à la mode actuellement.
Ces spots publicitaires donnent à l’Evian des propriétés qui sont dans la ligne de désirs des consommateurs d’aujourd’hui : la jeunesse, le dynamisme, voire un corps sain. Or, comme le souligne D. Bougnoux : « Le consumérisme est un donjuanisme (et Dom Juan le héros au fond mélancolique de ce marché qui nous fait ironiquement passer, de plus en plus vite et sur les mêmes objets, du point d’hypnose au déchet). La marchandise est une promesse qui ne peut être tenue. ». Les consommateurs achètent des promesses et des idées, et non plus de l’eau.  Des notions positives et inspirantes sans lien direct avec le produit sont au service de la création d’un univers pour les marchandises.

Collaborer pour rayonner
Cette année Evian a choisi la blogueuse mode, aux 10 millions de followers, Chiara Ferragni pour dessiner sa nouvelle édition. Le lancement de cette nouvelle bouteille a eu lieu à la boutique Colette, temple parisien de la mode qui s’apprête à fermer ses portes. Le magasin dispose d’ailleurs d’un bar à eau connu mondialement qui propose des eaux venant des quatre coins du monde. Grâce à cette collaboration Evian pénètre le milieu de la mode et de ses influenceurs, qui ont un impact considérable sur les jeunes générations qui les suivent quotidiennement. La campagne de lancement de la bouteille a été très active sur les réseaux sociaux, et la marque a même lancé sur son site internet un compte à rebours pour le lancement des ventes des bouteilles sur sa plateforme d’achat en ligne.
Evian excelle ainsi dans l’art de la création de valeur, grâce à une stratégie marketing qui dépasse le modèle de la jeunesse et du dynamisme, afin d’imposer ses produits comme des créations haut de gamme. La marque rend ainsi un produit ordinaire extraordinaire, en proposant une expérience sensorielle au consommateur qui semble alors consommer bien mieux qu’une simple bouteille d’eau.

Guillaume Duverger
Sources:
Spot de la campagne « Evian Oversize » :

 
Pontiroli Thomas. BETC voit les choses en grand pour Evian, Stratégies.fr 24/05/2017. Consulté le 19/10/2017. 
Bajos Sandrine. Et maintenant, les bébés Evian vont faire du surf !, Leparisien.fr. 25/04/2016. Consulté le 19/10/2017. 
Site Evian. Consulté le 19/10/2017. 
Site Rad. Consulté le 19/10/2017. 
Daniel Bougnoux, Le Consumérisme est un donjuanisme. 
Crédits photos :
Affiche publicitaire Evian – Photo de BENNI VALSSON pour BETC Paris Mai 2017
1ère capture d’écran:  Evian Fruits & Plants
2ème capture d’écran: Evian x Chiara Ferragni
 

Société

Le Vendée Globe ou l’écriture épique du Grand large

 
Le 10 novembre dernier, les vingt skippeurs au départ de la course du Vendée Globe nous avaient embarqués dans une rêverie collective que l’exploit de François Gabart, le vainqueur, a transformée en fantasme national.
 
Ces héros qui communiquent : la fabrique de mythes
Le périple de ces Conquistadores contemporains, aux compétences techniques et informatiques incroyables, a fasciné un demi-million de passionnés rassemblés sur la course en ligne Virtual Regata, mobilisé plus de 900 000 personnes au Sables-d’Olonne  venues acclamer leurs champions, généré plus de 650 000 ouvertures de session de lecture sur le flux vidéo du site officiel de la course à l’arrivée du vainqueur le 27 janvier.
Pour cette nouvelle édition, chacun des bateaux avait embarqué une caméra, ce qui a profondément renforcé l’intérêt pour cette course, permettant un flux d’images ininterrompu.  « Probablement que l’image est la nouvelle écriture du large. »  explique Kito de Pavant (Groupe Bel, abandon quelques heures après le départ). Au travers de résumés quotidiens, on a assisté lors de cette édition du Vendée à une véritable sérialisation du temps  réel. « Il semble que la voile, ou du moins le Vendée Globe, soit définitivement rentrée dans un processus de « sportification ». Ce barbarisme désigne ces sports qui ne l’étaient pas complètement, mais le sont devenus et sont totalement intégrés à la culture de la webcam et des réseaux sociaux» avance Cardon, sociologue et spécialiste des images. Le récit du large nous est désormais livré bien avant que les marins reviennent à terre, un virement de bord à la fois progressif et  incroyable pour ceux qui, avant, attendaient au ponton le récit d’une épopée inédite délivrée par les navigateurs, seuls détenteurs des péripéties de leurs traversées.
 
La parole suspendue
« Le silence est la condition de la parole. » écrivait le philosophe JB Pontalis. L’image, comme la performance, parle d’elle-même sans que le marin ait besoin d’en évoquer les contours. Le récit du large serait voué au romanesque et à la rhétorique de la parole suspendue. Suspendre le temps du discours comme pour laisser vibrer les rafales de vent dans les voiles et les vagues sur la coque. L’indicible du large suggérait- il que la rationalité de la parole doive céder le pas à la poésie de l’image? Ou au contraire, l’image « prêt-à-consommer » dissout-elle le mythe et la dimension romanesque de l’écrit ? Peut-on faire confiance à ce récit imagé, livré et produit par le héros lui-même ? La construction du mythe, issue de la fabrique audiovisuelle, ne serait qu’une illusion, dans la mesure  où « le marin donne à voir ce qui peut nourrir la couverture de la course. Mais il peut aussi en cacher une partie », sourit Kito de Pavant. En effet, suivant de près la stratégie de son mentor Michel Desjoyeaux, Gabart a préféré ne pas révéler le problème technique qu’il a rencontré dès le début de la course avec la pompe à injection de son hydrogénérateur de secours, une turbine permettant de faire de l’électricité avec le déplacement de l’eau et du bateau.
 
La Paris-matchisation des vainqueurs : une rafale médiatique inédite
Cette édition du Vendée Globe aura été la plus rapide (78j 02h 16min) mais également la plus couverte par la presse qui s’est appliquée à construire cette admiration que suscitent les marins du Vendée Globe. Le philosophe Laurent de Sutter expliquait dans Libération : « L’admiration est une étrange émotion. Elle consiste à ressentir comme un bien le fait qu’il y ait  plus grand que soi. (…) Puisque nos héros, dans le cas des stars, nous semblent de plus en plus fabriqués, nous préférons nous tourner vers ceux qui restent, à nos yeux, porteur d’une aura d’authenticité. » Mais quand bien même nos derniers héros seraient ces marins à l’allure authentique, il semblerait que cette édition aurait également annoncé le processus irrémédiable de « peopolisation », ou de « paris-matchisation » de ces figures mythiques. En témoigne le numéro hebdomadaire de Paris-Match du 30 janvier, où figure en couverture la famille Gabart enfin réunie avec François, Henriette et Hugo (tel Ulysse, Pénélope et Télémaque) sous le titre «  Le Petit Prince des Océans ».
Pour poursuivre sur cette vague homérique, voici comment la présentatrice de France 2, Catherine Ceylac, accueillit Gabart et Le Cléac’h (dauphin du Vendée) sur le plateau de Thé ou Café le 9 février dernier :
« Nous avons deux invités, alors vraiment des invités, euh très performants. Ce sont des héros. Vous en avez entendu parler, nécessairement, vous les avez déjà peut-être vu, déjà entendu, mais je pense qu’ils vont nous dire des choses différentes. Ce sont nos héros du Vendée Globe : c’est François Gabart et Armel Le Cléac’h. (…) et je me suis dit en le voyant (Gabart) dans les coulisses, en fait, il est normal le garçon! On imaginait un surhomme, 2,20m, 100kg. »
 La présentatrice entendait peut-être par « dire des choses différentes » des révélations sur la libido des deux marins durant la course quand elle leur a posé sobrement la question « Pratiquez-vous l’onanisme en mer ? », qu’elle a dû traduire de façon plus explicite aux jeunes hommes qui ne comprenaient pas le terme biblique employé pour parler de masturbation. On peut se demander si cette question a véritablement sa place sur une chaîne du service public et plus encore dans un média généraliste de masse.
Cette médiatisation s’éloigne du personnage silencieux, rugueux, de la figure littéraire, comme avait pu l’incarner Tabarly et comme l’incarne toujours Francis Joyon (qui avait été victime d’un accident en mer suite à son refus d’accoster à Brest à son arrivée de la traversée de l’Atlantique pour éviter les journalistes et les fans). Ces jeunes navigateurs, charismatiques et hypercommuniquants, ont dû affronter des océans déchaînés et des tempêtes indomptables. Mais c’est en passant la ligne d’arrivée qu’ils se seront confrontés à la plus redoutable des intempéries : la rafale médiatique.
Pendant ce temps, les retombées médiatiques de cette Odyssée ont été évaluées à près de 145 millions d’euros. Double performance : sportive et médiatique ; qui devient ainsi mythique.
 
Margaux. Le Joubioux – envoyée très spéciale  du Celsa Voile aux Sables-d’Olonne.
                    
Le Celsa voile est l’association de voile du Celsa qui rassemble une quinzaine d’étudiants engagés dans la 45eme édition de la Course Croisière EDHEC. Cet évènement sportif étudiant se déroulera à Brest en Avril, et sera l’occasion de porter les couleurs et les valeurs de leur école sur l’eau, aux manœuvres d’un Dufour 34, ainsi qu’à terre lors de tournois sportifs. Si vous souhaitez soutenir le Celsa Voile, n’hésitez pas à rejoindre l’équipe sur Facebook et à nous contacter par mail celsa.voile@gmail.com
 
 
Sources :
-Libération- articles du journaliste sportif Jean Louis Le Touzet
– Emission du Thé ou Café sur France 2
– Le site officiel du Vendée Globe