Politique

La droite en débat, premier round

Après plusieurs bandes annonces attrayantes diffusées quotidiennement sur les chaînes TF1 et LCI, le premier débat de la primaire de la droite s’ouvrait enfin devant 5,638 millions de téléspectateurs le jeudi 13 octobre dernier à 20h45, pour plus de deux heures d’antenne. L’un des évènements majeurs de la vie politique française en cette fin d’année 2016 est ici imagé pour la première fois : ce premier débat rassemble les sept candidats à la primaire qui a pour but d’élire le représentant de la droite et du centre à l’élection présidentielle de l’année 2017. Seul objectif, donc : conquérir un électorat.
Plusieurs voix, une seule voie
Après une brève présentation digne d’un show télévisé prononcée par Gilles Bouleau, un générique dynamique et ambitieux sur fond de musique entraînante laisse apparaître un par un les visages des candidats à la primaire des 20 et 27 novembre prochains. Comme si l’on assistait à l’ouverture d’une émission de télé-réalité ou de jeu télévisé, les candidats sont présentés succinctement : alors que les couleurs patriotiques que sont le bleu, le blanc et le rouge jaillissent aux yeux des téléspectateurs, chacun voit son identité dans la campagne présidentielle résumée peu ou prou par la diffusion d’une phrase choc, prononcée auparavant lors de meetings politiques.
Le débat ne pourra commencer qu’après l’énonciation des règles à suivre durant celui-ci : le show est réglé au millimètre, presque de manière scolaire. Chaque candidat dispose du même temps de parole : une minute pour chaque réponse, trente secondes pour rebondir sur l’intervention d’un adversaire.
Après avoir précisé que l’emplacement des candidats ainsi que l’ordre de prise de parole avaient été tirés au sort, Gilles Bouleau introduit auprès du public ses deux voisins pour la soirée : Elizabeth Martichoux de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Selon eux, les objectifs sont, pour les candidats, de « clarifier leurs propositions pour la France ». Ainsi, Isabelle Martichoux ouvre le bal avec cette question : « Pourquoi voulez-vous devenir Président ou Présidente de la République ? ».
Le classique et le moderne connectés
Parmi les sujets abordés lors de ce premier débat, l’originalité n’est pas au rendez-vous ; l’économie et le régalien, eux, si. Pour chaque candidat, il s’agit moins d’affaiblir ses rivaux que de gagner des points en exposant ses propositions : aucune annonce n’est réellement novatrice, l’objectif principal étant de faire connaître ses idées. Selon Alexandre Lemarié, journaliste au Monde, en charge du suivi de la droite et du centre, on parle plus de « round d’observation » que de débat.
Toutefois, le format du débat, lui, est novateur et se distingue par sa modernité. Là aussi, le modèle social de la pratique des médias s’impose : participation, interactivité et commentaires sont les bienvenus et l’importance des réseaux sociaux est ici soulignée. En effet, durant toute la durée du débat, les téléspectateurs ont pu réagir et adresser leurs questions grâce au hashtag #primaireledébat, ainsi que sur les pages Facebook TF1, RTL et LeFigaro. En outre, le plateau lui-même prend une forme inédite : rappelant plus celui du Maillon Faible que celui des précédents débats politiques, celui-ci donne à ce débat de la primaire un caractère moderne et innovant. La stratégie est claire : on attend des questions simples, émanant de tous et accessibles à tous, pour des réponses simples, claires et concises, également audibles par tous.
Quand l’habit fait le moine
Stratégie médiatique, certes, mais aussi stratégie de l’image. En effet, l’image est un élément fondamental de la communication : au-delà du discours, elle véhicule un message, qui diffère de candidat en candidat. Sept candidats, six couleurs : chacun de nos prétendants s’est choisi une apparence bien à lui, dans un effort de différenciation par la tenue vestimentaire, et plus particulièrement par la couleur de celle-ci.

Nicolas Sarkozy choisit de rester classique : cravate de couleur bleue marine, celle d’un ancien Président de la République, mais aussi celle de sa campagne de 2012. Couleur de la sagesse, écho d’un certain passé.
François Fillon porte une cravate violette, couleur de la vérité, de l’honnêteté, valeurs qu’il défendait déjà en 2007 avec L’Etat en faillite.
Alain Juppé opte pour le noir, une couleur qui rassemble par sa neutralité et sa sobriété.
Jean-François Copé, lui, fait le choix d’une cravate bleu ciel : il s’agit d’attirer le regard, de
rappeler sa présence et sa légitimité.
Tout comme la cravate de Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet arbore une couleur non moins attirante : le rouge du pouvoir et de la conquête, s’éloignant des six costumes masculins.
Enfin, Bruno Le Maire, candidat du renouveau, choisit de se démarquer par l’absence de cravate, mettant ainsi en valeur le blanc immaculé de sa chemise et soulignant l’atout qu’il brandit le plus souvent : sa jeunesse. Alors, à chacun sa stratégie : se démarquer ou s’affirmer, se faire connaître ou se faire reconnaître, par l’image ou par la gestuelle chez un Juppé calme et serein ou un Sarkozy tendu et agité

 
Si ce débat a pu prendre les aspects d’un évènement de télé-réalité ou de show télévisé, les couleurs politiques ont su rester au garde à vous. Entre continuités et nouveautés, celui-là a su annoncer la forme inédite que prend la campagne présidentielle à venir. Certains en sortent renforcés, comme Jean-Frédéric Poisson qui a su apparaître aux yeux des Français comme un candidat légitime, d’autres moins, mais rien n’est joué : la suite aux prochains rounds, les 3 et 17 novembre prochains.
Diane Milelli
LinkedIn Diane Milelli
 
Sources :
– LeMonde.fr : «Bilan du débat de la primaire à droite, C’était un peu le round d’observation » par Alexandre Lemarié
–  LeMonde.fr : « Sept candidats, deux droites »
– Le Nouvel Obs : «Primaire de droite : les coulisses du premier débat sur TF1»
– Europe 1 : « Débat : l’analyse politique d’Antonin André »
Crédits photo :
– LCI, Primaire de la droite et du centre, revivre le débat en 2 minutes
–    L’express, Primaire à droite: le premier débat télévisé était-il raté?

bernie for president
Politique

Bernie Sanders, l'autre versant de l'American Dream

Nous avions déjà fait le portrait d’un autre candidat à la présidentielle américaine, celui de Donald Trump, qui se distingue par sa bouffonnerie et son étonnante visibilité médiatique. Aujourd’hui, nous vous présentons l’un des hommes politiques qui s’en distingue sans doute le plus nettement: le sympathique Bernie Sanders. À soixante-treize ans, le sénateur du Vermont rebat les cartes de la primaire du parti démocrate, et par extension celles de l’élection présidentielle. Candidat de plus en plus sérieux face à Hillary Clinton, sa popularité grandissante s’explique par un discours qui se veut aux antipodes de l’habituelle « langue de bois », et une attitude qui séduit par son authenticité. Sanders se revendique  « socialiste », un terme qui ne fait habituellement pas recette chez les Américains. Et pourtant ils sont nombreux à le soutenir, avec un pourcentage d’opinions favorables de près de 40% dans la population générale.
Good guy Bernie: un programme optimiste 

« Bernie », comme le surnomment affectueusement ses sympathisants, apparait presque comme un héros des temps modernes. Dés le début des années 1960, alors qu’il est âgé d’une vingtaine d’années, ce « good guy » milite activement contre la ségrégation des logements universitaires dans la ville de Chicago où il étudie. En 1981, il est élu maire de Burlington; en 1987, il est décrit par U.S News comme étant l’un des meilleurs maires des États-Unis.
Sanders devient ensuite sénateur du Vermont, où il est réélu à huit reprises consécutives. Antiguerre et pro-sécurité sociale, il reçoit tôt le soutien des jeunes. Aujourd’hui, sa campagne électorale s’oriente surtout autour de la classe moyenne avec un agenda progressiste qui propose, entre autres, de créer de nombreux emplois, d’augmenter le salaire moyen, de protéger l’environnement, de développer davantage le rôle de l’état par la rénovation du système éducatif et de la protection sociale…  Des problématiques relativement classiques, mais associées à une dénonciation de l’influence de l’argent en politique et d’un « gouvernement des milliardaires, par les milliardaires et pour les milliardaires ». La sphère financière est le coeur de cible ses attaques; Sanders oppose les « lucky few » aux « 99% », le gros de la population américaine qui ne jouit que marginalement des fruits de la croissance. La référence aux mouvements de Podemos ou de Syriza est évidente, Sanders leur a d’ailleurs rendu hommage à de nombreuses reprises notamment sur sa page officielle de sénateur : « La victoire de Syriza en Grèce nous prouve que, partout dans le monde, les gens n’accepteront plus une austérité subie par des familles au travail alors que les riches continuent à s’enrichir toujours plus ».
Une communication percutante 
La foule de partisans convaincus et enthousiastes que Bernie Sanders rassemble à chacun de ses meetings s’explique au moins en partie par l’efficacité de sa communication. Il cumule à la fois l’image d’un grand-père chaleureux, que l’âge a rendu sage et digne de confiance, et une énergie rafraichissante dans la défense de ses idéaux. Son statut d’ « indépendant » donne l’impression d’un homme détaché des querelles partisanes, au-dessus de cette « politique politicienne » qu’il méprise. Ces deux deniers mois, la visibilité de Sanders a augmenté de manière exponentielle, notamment sur les réseaux sociaux. Près de 2 millions de « j’aime » sur Facebook, plus de 800.000 followers sur Twitter… Ce succès est attendu dans une certaine mesure, quand on sait qu’une large partie de ses partisans est âgée de moins de 30 ans, et qu’elle est par conséquent plus encline à utiliser ces voies de communication. Avec un sens de la formule indéniable, comme la fameuse invitation : « Feel the Bern! », Bernie Sanders se distingue aussi par le respect qu’il porte à ses concurrents: « Jour après jour, on me demande de critiquer Hillary Clinton…(…) Je l’apprécie, et je la respecte » a-t-il affirmé à des journalistes lors d’un meeting dans l’Iowa en août dernier. Paradoxalement, cette douceur place H.Clinton dans une situation délicate; en critiquant Sanders trop agressivement, elle risquerait d’écorner sa propre image.
Une avancée progressive dans les sondages et dans les consciences

Bien qu’Hillary Clinton demeure favorite de la primaire du parti démocrate, la campagne de Bernie Sanders est en pleine expansion. Il est tout de même nécessaire de l’envisager avec lucidité: depuis 1852, seuls des candidats appartenant aux partis républicain et démocrate ont été élus à la présidence. Mais même si, selon toute vraisemblance, Bernie Sanders ne remporte pas cette élection, il aura laissé une marque durable dans la politique américaine en proposant une alternative courageuse à des jeunes qui rejettent massivement Donald Trump, et de manière générale un parti républicain largement porté par des idéaux et des représentations d’un autre temps. Sanders avait d’ailleurs le soutien de Barack Obama quand celui-ci n’était encore qu’un jeune sénateur démocrate prometteur. En mars 2006, celui qui deux ans plus tard allait devenir le président des Américains pour deux mandats consécutifs se rend au Vermont pour participer à la campagne sénatoriale de B. Sanders. Il y livre un discours passionné, qui rappelle ceux que Bernie prononce aujourd’hui: « Quand des gens ordinaires décident qu’ils veulent un avenir différent pour eux-même, pour leurs enfants et pour leurs petits enfants, et quand ils se rassemblent et construisent ensemble un projet à partir de rien, peu importe combien d’argent est dépensé ».
Finalement, qu’il s’agisse d’une stratégie de communication mûrement étudiée ou de sa bonhomie naturelle, Bernie Sanders arrive à convaincre. Tant et si bien qu’il pourrait surprendre en novembre 2016 !
https://www.youtube.com/watch?v=rtBVuye4fZQ
Mariem Diané 
Sources:   
http://feelthebern.org/who-is-bernie-sanders/ http://www.rollingstone.com/politics/news/the-case-for-bernie-sanders-20151103
http://elections.huffingtonpost.com/pollster/bernie-sanders-favorable-rating
http://www.huffingtonpost.com/entry/bernie-sanders-media_55dde96ae4b08cd3359e29a2 http://mic.com/articles/122011/watch-young-senator-barack-obama-campaign-for-berniesanders-in-2006  
Crédits Photos : 
http://berniesanders.com
http://mic.com/articles/122011/watch-young-senator-barack-obama-campaign-for-bernie-sanders-in-2006