Société

L'Opinion : on change tout et on recommence

 
En 1996, le Monde Diplomatique lançait son site Internet, où l’on retrouvait, avec une esthétique très épurée, le contenu de ses articles papier. Depuis, toute la presse a épousé cette stratégie. Émotion, émulation, excitation d’un nouveau canal chargé d’un imaginaire fort en utopies : les années 2000 furent marquées par une fantastique idée du tout gratuit et du libre accès aux connaissances. Hélas, ce modèle, comme on le sait, s’est avéré peu rentable, a nui aux journalistes comme au journalisme tout court ; l’impératif du clic engendrant une course au « buzz » et au contenu vain et vaguement amusant, le LOL. Face à cette double crise dont on nous a déjà bien trop parlé, quelles alternatives ?
Certains décidèrent d’adapter le journalisme à cette nouvelle matière qu’est Internet, plutôt que d’opérer un simple transfert. Ils se saisirent des possibilités qu’il offrait : interactivité, objets dynamiques… C’est l’histoire de cette curieuse soucoupe que fut OWNI, un « pure player » (un média n’existant que sur Internet), avec un aspect graphique, fortement artistique et qui a été repris même dans les journaux papiers désormais. Un média qui prétendait à une information différente, en exploitant le mythe des données, supposées neutres et révélatrices de vérités. Le contenu n’en était pas moins intéressant, et l’on doit à cette initiative beaucoup d’innovations et une nouvelle conception de ce que peut être l’information à l’ère du Web. Seulement, OWNI a fermé cette année.
Quant aux autres grands titres, des déboires de Libération aux difficultés du Monde, en passant, si l’on fait un petit détour à l’international, par la fermeture de Newsweek, le modèle qui saurait concilier écrit et écran semble encore bien flou. Il y a bien le New York Times qui a adopté un “paywall”, un mur payant où l’on peut ne peut lire que le début des articles gratuitement – la page d’accueil se présentant comme une sorte de Une cliquable, assez surprenante. Mais n’importe qui n’est pas le New York Times, et il est peu probable que cette solution soit applicable à tous les médias.
Pourquoi ces échecs ?
Eh bien peut-être parce que les médias traditionnels ne se sont toujours pas saisis d’Internet. Ils l’interprètent encore comme un faible écho aux productions écrites. Certains prennent tout de même acte du fait que leurs lecteurs ont changé d’usage. Le Monde a récemment refondu sa page d’accueil, plus dynamique et mouvante, plus adaptée à la rapidité d’Internet tout en proposant en parallèle un temps propre à la réflexion avec des articles qui se rallongent dans son journal. On peut y trouver une carte qui permet de visualiser ce qui se passe dans le monde, ce qui serait impossible à réaliser sur papier.
L’Opinion tente d’aller encore plus loin. A l’heure où cet article est écrit (13 mai), on peut lire sur la page de présentation de ce tout nouveau journal : « ce média sera à la fois un site Internet, une application pour mobiles et tablettes, une chaîne vidéo et un journal papier. » Les sites d’information ont forgé un nouveau terme pour en parler : c’est un « média web-papier ».
Pour la première fois, les deux supports sont mis sur un pied d’égalité. Même, selon France Culture, c’est Internet qui prend le dessus : « son modèle économique est inédit, puisque pour la première fois, le papier n’est que l’extension d’un support web majoritairement payant. » Nicolas Beytout, créateur de ce nouvel ovni, souligne son caractère radicalement nouveau. L’Opinion sera présenté sous forme d’une grille radio : on donnera des rendez-vous à heures fixes aux lecteurs (une méthode qu’applique déjà le Huffington Post avec le 13h de Guy Birenbaum par exemple). On y trouvera des mini JT vidéo, où les journalistes se filmeront, et le journal à 22h pour les abonnés. Quant à la ligne éditoriale : « libérale, pro-business et pro-européenne », pour se démarquer.
Coup de com’ ou nouveau modèle économique viable ? Le magazine sortira en kiosque demain, distribué gratuitement. Ensuite, affaire à suivre…
 
Virginie Béjot
Sources :
Le Nouvel Economiste : L’aventure de l’Opinion, le nouveau journal de Nicolas Beytout
BFM TV : l’Opinion, nouveau site d’info pensé comme une grille de radio
France Culture : l’Opinion, nouveau modèle économique de la presse en ligne ?

Société

La rumeur technologique

 

Mediapart et Libération se sont récemment entrechoqués en marge de l’affaire Cahuzac. Le premier reprochait au second d’avoir voulu générer de l’audience en relayant une rumeur ; rumeur selon laquelle Laurent Fabius aurait eu un compte à l’étranger. Mediapart a vertement critiqué son homologue papier pour ce manque flagrant de professionnalisme, et en vertu d’une déontologie journalistique.
On peut alors s’étonner, dans les médias plus spécialisés sur les nouvelles technologies, que la rumeur, bien loin d’être honnie, fournit massivement du contenu et génère une audience considérable.
Très nombreux sont les sites d’actualité qui, comme Zdnet, Cnet, Monwindowsphone, Macg, Frandroid, Consomac et bien d’autres relaient des rumeurs sur les produits à venir.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le travail que font quotidiennement les journalistes de ces différents sites, mais plutôt de s’interroger sur l’importance de la rumeur dans le marché des nouvelles technologies. Une importance telle que les journalistes hi-tech anticipent sur les faits et les informations. On ne compte plus le nombre d’articles qui débutent par « Une information à prendre avec des pincettes ».
Apple depuis plusieurs années, mais aussi Samsung plus récemment, font l’objet de rumeurs insistantes à l’approche de la sortie d’un nouvel appareil. On observe d’ores et déjà quantité de rumeurs circulant au sujet de l’iPhone 5S, comme il y en avait eu pour le Samsung Galaxy SIII et le Samsung Galaxy S4. On connaît bien la volonté de discrétion d’Apple, qui compte sur l’effet de surprise quand elle dévoile ses produits. Il devient alors facile d’envisager tout l’intérêt de la rumeur : information et non-information, elle simule une incursion derrière la barrière du secret érigée par l’entreprise. Recevoir cette information, c’est entrer dans un cercle de privilégiés, faire partie du petit nombre qui dispose avant tout le monde d’informations censées demeurer cachées.
Par le biais de la rumeur, l’entreprise technologique génère une attention médiatique gratuite : puisqu’il s’agit de rumeur, elle n’a aucune obligation de réaction, n’a aucune obligation d’être à la hauteur des innovations qu’on lui a prêtées. Sans engager ni sa réputation ni son image, et de surcroît à peu de frais, Samsung, Nokia, Google, Apple ou Microsoft attirent vers eux tous les regards.
Dans le cas de l’affaire Cahuzac, une rumeur est le degré zéro de l’information, la honte du journalisme professionnel, le signe d’une déontologie entachée et trop peu respectée. Dans le cas de l’iPhone, une rumeur est un outil aussi banal qu’efficace, aussi journalistique que commercial. Relayer la rumeur c’est se montrer toujours en pointe sur l’information, toujours aux premières loges. La rumeur est le support évident et incontournable d’une industrie technologique toujours en quête de vitesse et de surprise. La surprise fait partie de l’ADN de l’informatique : quand le monde change comme il a changé ces trente dernières années grâce aux ordinateurs et à Internet, quand chaque avancée semble un pas de géant, comment pourrait-il en être autrement ? On simule de toute part une révolution, un changement majeur, le prochain tournant décisif, ou, pour reprendre une phrase révélatrice de ce marketing irrésistible : « The Next big thing ».
Au-delà de la question journalistique, la rumeur fait partie de ce système construit tout entier autour de la révolution. Et quelle déception quand on n’assiste qu’à une « évolution » !
L’homme s’habitue à tout, même aux changements les plus radicaux, même aux bouleversements les plus extrêmes de son quotidien. Il est aujourd’hui à ce point habitué aux merveilles technologiques qui l’entourent, qui sont parfois de véritables bijoux d’inventivité, d’intelligence, d’esthétique, qu’il en oublie les extrêmes difficultés que l’on rencontre parfois en amont : il suffit de regarder un iMac aujourd’hui. Au-delà du traditionnel débat PC/Mac, au-delà des sensibilités au matériel ou au logiciel, c’est indéniablement une machine magnifique, résultats de dizaines d’années de travaux complexes, d’une rage de l’esthétique certaine aussi.
Mais l’on connaît aujourd’hui une terrible accoutumance, et la rumeur est là pour maintenir cette euphorie et cette émerveillement, empêcher à tout prix la banalisation trop rapide.
Et, c’est là une opinion strictement personnelle, ce n’est peut-être pas plus mal. Il est toujours bon de s’émerveiller de ces inventions extraordinaires qui bouleversent chaque jour un peu plus notre quotidien, qu’il s’agisse d’un téléphone, d’une tablette, d’un GPS, ou d’une « simple » clef USB…
S’émerveiller, oui, mais sans naïveté : la technologie est une chose formidable, fascinante autant qu’inquiétante. La regarder pour ce qu’elle est, un ouvrage extraordinaire, n’occulte pas les dérives qu’elle peut connaître et que j’incite chacun à surveiller.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : ©2008-2013 =Hades-O-Bannon

Agora, Com & Société

Hugo Chavez : le deuil inavouable

 
Le Venezuela fut en deuil une semaine durant. Une semaine pour se remémorer d’un homme devenu symbole, puis parti politique. Une semaine pour faire le deuil d’un homme et d’un idéal. Pour la grande majorité des vénézuéliens, ce décès se doit d’être commémoré afin ne pas oublier ce qu’était le courage politique, ce qu’était leur vision de la politique.
 
Mouton noir et loup blanc
Cependant, focalisons-nous ici sur le traitement de l’annonce du décès par les différents média. Le deuil se doit d’être respecté par le journaliste, le défunt semble devoir être considéré, coûte que coûte. L’annonce du média ne prendra pas de position politique mais tentera plutôt de mettre en lumière la complexité du traitement de l’action politique et de la difficulté de dresser le bilan d’un homme de façon aussi rapide.
Quelle belle hypocrisie que celle-ci ! Les lecteurs et les spectateurs n’ont-ils pas de mémoire ? Un homme, décrit comme un loup agressif, moralisateur, violent et sanguinaire durant tout son règne est devenu, le jour de sa mort, le symbole de l’Argentine moderne, l’homme qui a su donner au pauvre et qui a su rediriger les bénéfices du pétrole. Le mort est sacré, la figure du défunt est lavée de tout soupçon, son souvenir reconsidéré. Peut-on enterrer un homme avec de la haine ? Slate.fr a rapidement enlevé de sa première page l’article faisant le bilan économique de ce président pour le remplacer par un article nous présentant Chavez comme un homme cultivé et admirateur de la littérature française.
Chavez n’était pas un saint. Malgré les milliers de pleurs qui raisonnent dans la belle et dangereuse ville de Caracas, pas une seule voix ne se fait entendre pour reconsidérer le bilan de son action politique. Les pleurs annihilent la critique par leurs caractères passionnels.  L’image communique l’émotion, la douleur se répand. On ne peut pas admettre la critique de l’homme alors que le cadavre est encore chaud.
« L’encre coule le sang se répand. La feuille buvard absorbe l’émotion » comme disait IAM.
 
Le deuil totalitaire
Voilà donc un obstacle à la mémoire, à l’histoire et au décryptage de l’œuvre d’un homme. La surexposition médiatique de l’émotion et de l’unité nationale derrière le décès d’Hugo Chavez a empêché de construire un autre regard et de mettre en lumière les phases les plus sombres de son pouvoir. La communication gouvernementale passe ici par le deuil. Le gouvernement utilise l’évènement comme un moyen de perpétuer l’œuvre de l’homme. Heidegger dans Etre et temps, montre que le deuil doit avant tout être considéré comme un renvoi permanent au passé. Le fait que le corps de Chavez ait été embaumé souligne clairement cette volonté de perpétuer son œuvre passée et de le faire entrer dans le panthéon historique qui devient l’identité du pays. Le musée est ici la représentation du figé, et cette volonté de thésauriser l’homme politique dans les vitrines du musée nous amène à comprendre le souhait de créer une sorte de deuil perpétuel presque mystique.
En effet, le Venezuela est en train de construire un deuil qui va annihiler toute possibilité de contestation de l’œuvre de Chavez. La puissance passionnelle du deuil va être poursuivie afin de transformer le travail de cet homme en point de fondation de la vie politique du Venezuela. Ici, la communication gouvernementale tente de perpétuer le souvenir pour transmettre l’image la plus positive possible du pays. Un tel déni du passé et une telle sacralisation de l’homme prouvent que le Venezuela est encore un pays qui a besoin de s’affirmer et d’illustrer la légitimité de la révolution socialiste. Cette position politique et cette indépendance dans l’échiquier mondial est ici mise en valeur par le deuil,  par les cérémonies et ce dolorisme inavouable.
D’un point de vue communicationnel, le deuil est donc un outil puissant, qui affirme les bases du régime en rendant hommage à celui qui a réussi à faire évoluer le pays. Le deuil est aussi un retour perpétuel vers le passé, un regard en arrière peut-être nostalgique, mais avant tout conservateur. De plus, ce deuil s’est magnifiquement bien propagé aux médias occidentaux qui mettent en lumière le caractère de l’homme, son courage et parfois son intelligence bien plus que son populisme, son culte de la personne et son égo surdimensionné. Une telle manipulation utilise comme outil ce respect universel de la mort, de la mémoire. Et cet aspect est bien puissant.
 
Emmanuel de Watrigant
Rendez-vous la semaine prochaine avec Laura Garnier pour Irrévérences qui traitera du deuil de Stéphane Hessel.

Société

Le Vendée Globe ou l’écriture épique du Grand large

 
Le 10 novembre dernier, les vingt skippeurs au départ de la course du Vendée Globe nous avaient embarqués dans une rêverie collective que l’exploit de François Gabart, le vainqueur, a transformée en fantasme national.
 
Ces héros qui communiquent : la fabrique de mythes
Le périple de ces Conquistadores contemporains, aux compétences techniques et informatiques incroyables, a fasciné un demi-million de passionnés rassemblés sur la course en ligne Virtual Regata, mobilisé plus de 900 000 personnes au Sables-d’Olonne  venues acclamer leurs champions, généré plus de 650 000 ouvertures de session de lecture sur le flux vidéo du site officiel de la course à l’arrivée du vainqueur le 27 janvier.
Pour cette nouvelle édition, chacun des bateaux avait embarqué une caméra, ce qui a profondément renforcé l’intérêt pour cette course, permettant un flux d’images ininterrompu.  « Probablement que l’image est la nouvelle écriture du large. »  explique Kito de Pavant (Groupe Bel, abandon quelques heures après le départ). Au travers de résumés quotidiens, on a assisté lors de cette édition du Vendée à une véritable sérialisation du temps  réel. « Il semble que la voile, ou du moins le Vendée Globe, soit définitivement rentrée dans un processus de « sportification ». Ce barbarisme désigne ces sports qui ne l’étaient pas complètement, mais le sont devenus et sont totalement intégrés à la culture de la webcam et des réseaux sociaux» avance Cardon, sociologue et spécialiste des images. Le récit du large nous est désormais livré bien avant que les marins reviennent à terre, un virement de bord à la fois progressif et  incroyable pour ceux qui, avant, attendaient au ponton le récit d’une épopée inédite délivrée par les navigateurs, seuls détenteurs des péripéties de leurs traversées.
 
La parole suspendue
« Le silence est la condition de la parole. » écrivait le philosophe JB Pontalis. L’image, comme la performance, parle d’elle-même sans que le marin ait besoin d’en évoquer les contours. Le récit du large serait voué au romanesque et à la rhétorique de la parole suspendue. Suspendre le temps du discours comme pour laisser vibrer les rafales de vent dans les voiles et les vagues sur la coque. L’indicible du large suggérait- il que la rationalité de la parole doive céder le pas à la poésie de l’image? Ou au contraire, l’image « prêt-à-consommer » dissout-elle le mythe et la dimension romanesque de l’écrit ? Peut-on faire confiance à ce récit imagé, livré et produit par le héros lui-même ? La construction du mythe, issue de la fabrique audiovisuelle, ne serait qu’une illusion, dans la mesure  où « le marin donne à voir ce qui peut nourrir la couverture de la course. Mais il peut aussi en cacher une partie », sourit Kito de Pavant. En effet, suivant de près la stratégie de son mentor Michel Desjoyeaux, Gabart a préféré ne pas révéler le problème technique qu’il a rencontré dès le début de la course avec la pompe à injection de son hydrogénérateur de secours, une turbine permettant de faire de l’électricité avec le déplacement de l’eau et du bateau.
 
La Paris-matchisation des vainqueurs : une rafale médiatique inédite
Cette édition du Vendée Globe aura été la plus rapide (78j 02h 16min) mais également la plus couverte par la presse qui s’est appliquée à construire cette admiration que suscitent les marins du Vendée Globe. Le philosophe Laurent de Sutter expliquait dans Libération : « L’admiration est une étrange émotion. Elle consiste à ressentir comme un bien le fait qu’il y ait  plus grand que soi. (…) Puisque nos héros, dans le cas des stars, nous semblent de plus en plus fabriqués, nous préférons nous tourner vers ceux qui restent, à nos yeux, porteur d’une aura d’authenticité. » Mais quand bien même nos derniers héros seraient ces marins à l’allure authentique, il semblerait que cette édition aurait également annoncé le processus irrémédiable de « peopolisation », ou de « paris-matchisation » de ces figures mythiques. En témoigne le numéro hebdomadaire de Paris-Match du 30 janvier, où figure en couverture la famille Gabart enfin réunie avec François, Henriette et Hugo (tel Ulysse, Pénélope et Télémaque) sous le titre «  Le Petit Prince des Océans ».
Pour poursuivre sur cette vague homérique, voici comment la présentatrice de France 2, Catherine Ceylac, accueillit Gabart et Le Cléac’h (dauphin du Vendée) sur le plateau de Thé ou Café le 9 février dernier :
« Nous avons deux invités, alors vraiment des invités, euh très performants. Ce sont des héros. Vous en avez entendu parler, nécessairement, vous les avez déjà peut-être vu, déjà entendu, mais je pense qu’ils vont nous dire des choses différentes. Ce sont nos héros du Vendée Globe : c’est François Gabart et Armel Le Cléac’h. (…) et je me suis dit en le voyant (Gabart) dans les coulisses, en fait, il est normal le garçon! On imaginait un surhomme, 2,20m, 100kg. »
 La présentatrice entendait peut-être par « dire des choses différentes » des révélations sur la libido des deux marins durant la course quand elle leur a posé sobrement la question « Pratiquez-vous l’onanisme en mer ? », qu’elle a dû traduire de façon plus explicite aux jeunes hommes qui ne comprenaient pas le terme biblique employé pour parler de masturbation. On peut se demander si cette question a véritablement sa place sur une chaîne du service public et plus encore dans un média généraliste de masse.
Cette médiatisation s’éloigne du personnage silencieux, rugueux, de la figure littéraire, comme avait pu l’incarner Tabarly et comme l’incarne toujours Francis Joyon (qui avait été victime d’un accident en mer suite à son refus d’accoster à Brest à son arrivée de la traversée de l’Atlantique pour éviter les journalistes et les fans). Ces jeunes navigateurs, charismatiques et hypercommuniquants, ont dû affronter des océans déchaînés et des tempêtes indomptables. Mais c’est en passant la ligne d’arrivée qu’ils se seront confrontés à la plus redoutable des intempéries : la rafale médiatique.
Pendant ce temps, les retombées médiatiques de cette Odyssée ont été évaluées à près de 145 millions d’euros. Double performance : sportive et médiatique ; qui devient ainsi mythique.
 
Margaux. Le Joubioux – envoyée très spéciale  du Celsa Voile aux Sables-d’Olonne.
                    
Le Celsa voile est l’association de voile du Celsa qui rassemble une quinzaine d’étudiants engagés dans la 45eme édition de la Course Croisière EDHEC. Cet évènement sportif étudiant se déroulera à Brest en Avril, et sera l’occasion de porter les couleurs et les valeurs de leur école sur l’eau, aux manœuvres d’un Dufour 34, ainsi qu’à terre lors de tournois sportifs. Si vous souhaitez soutenir le Celsa Voile, n’hésitez pas à rejoindre l’équipe sur Facebook et à nous contacter par mail celsa.voile@gmail.com
 
 
Sources :
-Libération- articles du journaliste sportif Jean Louis Le Touzet
– Emission du Thé ou Café sur France 2
– Le site officiel du Vendée Globe
 

Com & Société

Tout ce que l’on peut rater en lisant le journal…

 
Les journaux sont-ils toujours aussi puissants ? Le public est-il toujours aussi réceptif à la presse écrite ? Que penser de l’essor des versions numériques face aux versions papier ? En réalité, où en est la presse écrite aujourd’hui ?
Alors que le monde consomme de plus en plus d’écrans, une vidéo voit le jour sur Youtube, le 20 décembre 2012, pour tenter de raviver la flamme et l’importance de cette presse écrite dans les consciences : « 6 things you can miss while reading a newspaper ».
Elle est le résultat d’une alliance entre Newspapers Work et Duval Guillaume Modem – élu Agence de l’année 2012 – qui se sont fixés pour but de prouver de quoi les journaux sont capables. La campagne a démarré à la rentrée, dans le sillage de la publication des chiffres du Centre d’Information sur les Médias, et tente progressivement de nous convaincre par des actions concrètes. L’objectif est clair, donner encore plus de puissance à la presse quotidienne.
A l’origine, il y a cet accord commun des éditeurs de journaux belges qui se sont réunis pour créer cette plate-forme marketing, Newspapers Work, afin de promouvoir les valeurs et les forces de leur média en général et des éditions papier en particulier. Leurs missions et leur ligne éthique sont explicitement présentées :

Prouver le pouvoir de la presse écrite
Voir un homme en feu perturberait-il votre lecture ? Quid de votre chauffeur enlevant son pantalon ?
C’est autour de ce type d’exemples que cette vidéo se construit pour illustrer la puissance des journaux imprimés et leur effet sur leurs lecteurs. Dès les premières secondes, le cadre et la question sont posés : « Les journaux sont-ils capables de retenir l’attention de leurs lecteurs ? »

Pour tester cette hypothèse, trois publicitaires ont reçu une voiture avec chauffeur et un journal : Sigrid Van Den Houte de Telenet, Walter Torfs de BNP Paribas et Yves de Voeght de Coca-Cola. Malgré la série de situations improbables à l’extérieur de la voiture, comme un homme en costume d’ours au volant d’une décapotable, un astronaute qui traverse la rue, ou encore un motard déguisé en indien, le trio ne lève pas les yeux du journal…
« Attirer l’attention des gens et la retenir ? C’est ce que font les journaux. » conclut la vidéo, fière d’avoir démontré la capacité unique de la presse écrite à capter et maintenir la concentration de tous. Sur le site, le propos est affiché noir sur blanc : « Promettre, c’est bien. Prouver, c’est mieux. Beaucoup mieux. Voilà pourquoi Newspapers Work, ne veut pas EXPLIQUER la force des journaux, mais bien la PROUVER. »
Alors que toute l’introduction de l’œuvre Que sont les médias ? de Rémy Rieffel tente de relativiser la mythologie qui existe autour du « pouvoir des médias » tant décrié qu’admiré, la presse écrite belge sort ici ses griffes et s’impose sur la scène virale pour défendre cette fameuse force des quotidiens…
La forme de mini documentaire est ici très pertinente et offre une illustration du concept de dépublicitarisation : à l’instar de la télé-réalité, voire d’une caméra cachée, avec toute sa dimension intimiste et son impression d’images « volées », voire « dévoilées », qui parle au public, le message n’en est que plus clair. Dans la continuité de son succès viral avec « Unlock the 007 in you » ou « A dramatic surprise on a quiet square », l’agence Duval Guillaume utilise le théâtre de la rue pour s’adonner à ses expériences presque sociales et démontrer son propos. Il s’agit bien de faire la promotion – de manière subtile et quasiment niée – d’un objet de culture qui, dans les consciences collectives, est habituellement détaché du monde économique de la publicité.
Un coup de maître
A l’heure du grand débat sur le financement des médias, particulièrement de la presse écrite, quoi de mieux qu’une alliance avec le monde du marketing pour se redonner un petit coup de peps ?
Lorsque des journaux subissent la crise de manière radicale, à l’image du quotidien espagnol El Pais et son plan social foudroyant, ou encore la disparition de France-Soir, des partenariats et projets originaux voient le jour, comme cette campagne. Malgré le paradoxe que peut susciter l’union entre les lois du marketing et l’univers de la presse, cette vidéo semble vouloir prouver que l’un peut soutenir l’autre, par le concept de Newspapers Work mais aussi par l’alliance avec Duval Guillaume. Il ne s’agit plus de commenter cette illusion que les médias ne s’inscrivent pas dans une logique économique ni de critiquer l’interdépendance entre les journaux et la publicité, mais bien de revenir à l’essence même de la presse. Car Newspapers Work défend une approche qui coupe court au débat en dédiabolisant le rapport aux annonceurs : les quotidiens offrent finalement bien plus qu’une grande audience, ils renforcent l’impact qualitatif des campagnes publicitaires elles-mêmes.
Est-ce vraiment crédible ?
L’argument principal est critiquable : n’existe-t-il aucun autre moyen de capter l’attention des gens de manière aussi efficace ? Nos trois publicitaires ne seraient-ils pas tout autant captivés par un film par exemple ? Ou plus encore, seraient-ils tout aussi attentifs au même journal sur une tablette numérique ? Avec l’essor de cette numérisation de la presse, il y a la question du contenu face à la forme : est-ce le fond et sa qualité qui retiennent l’attention ou bien le rapport avec cette presse papier ? L’exemple des journaux gratuits, qui captivent tout aussi bien leurs lecteurs le matin dans le métro, légitime la réflexion sur la relation particulière avec la presse écrite alors que le contenu est largement critiquable en matière de qualité.
Un autre débat est soulevé par de nombreuses critiques sur Internet, autour d’une mise en scène beaucoup trop tirée par les cheveux pour être crédible. De plus, le choix des sujets de l’expérience accentue l’impression de fausseté : ce sont des publicitaires, qui semblent plus aptes à être concentrés sur des journaux de par leur environnement, leur métier et leurs centres d’intérêt… Un lecteur lambda dans les mêmes conditions serait-il toujours aussi fasciné par un quotidien ?
 
Laura Lalvée
Sources :
Newspaperswork.be
Telerama
Business Insider

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Jacques a dit : « j'accuse, tu accuses, il accuse…» : rhétorique de l'insulte et victimisation

 
Gérard Depardieu a claqué la porte du territoire et enclenché, par la même occasion, chez diverses personnalités, une salve de diatribes verbales à son égard. De son pied de nez spectaculaire au fisc français – spectaculaire car donné à voir en spectacle – surgit un enjeu de taille pour le phénoménal Cyrano : son fameux panache. « Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! » insiste-t-il dans la lettre ouverte adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette prise de parole accusatrice se trouve à l’origine d’un chassé-croisé d’injures et d’indignations véhémentes au sein de l’espace médiatique de la presse.
Le poids de l’injure
Le Premier ministre a été invité à s’exprimer le 12 décembre sur le cas Depardieu : « Je trouve cela minable (…) C’est une grande star, tout le monde l’aime comme artiste. Payer un impôt, c’est un acte de solidarité, patriotique ». L’acteur, blessé, ripostait dans le journal du JDD au moyen d’une lettre ouverte. Le commentaire de M. Ayrault a fait mouche. Sa botte secrète : l’emploi d’un seul petit mot, « minable », pourtant lourd de sens. C’est bien pour cela qu’il est préférable, afin d’éviter des ennuis, de peser ses mots, qui plus est en politique et a fortiori sur une chaîne publique de télévision. Tout bon orateur sait déguiser la vindicte directe, facilement répréhensible, par quelques habiles détours. De fait, le mot n’est rien sans le contexte qu’on lui donne, et c’est précisément ce que M. Ayrault a tenu à souligner pour sa défense. À droite on lui reproche d’avoir été insultant le 12 décembre. L’injure serait-elle donc un faux pas de la communication ? « Je n’ai pas traité de minable M. Depardieu », dixit M. Ayrault, « j’ai dit que ça avait un côté minable effectivement » d’établir sa résidence en Belgique pour payer moins d’impôts. Le qualificatif visait donc davantage le comportement de l’exilé fiscal que l’homme-même. Or voilà bien le centre de cette effusion polémique, à laquelle ont ensuite participé Philippe Torreton, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot et tant d’autres encore : l’argument ad hominem, cher aux pamphlets et autres coups de gueules engagés depuis la nuit des temps.
Une tradition historique
La polémique sur la fuite des exilés fiscaux est donc déplacée, puis supplantée par la question de l’honneur. Il s’agit même d’un code de l’honneur, qui réactualise dans l’écriture pamphlétaire la tradition des duels entre gentilshommes. Plus généralement, l’argument ad hominem a pour but de décontenancer l’adversaire. Il discrédite sa position au regard de sa personnalité, ce qui est le propre de l’attitude sophiste. Repérer ces piques verbales permet parfois de redécouvrir la violence rhétorique de certains évènements cruciaux dans l’histoire contemporaine de la France. Zola, en son temps, avait provoqué, en « accusant », une folle farandole d’insultes lors de l’affaire Dreyfus. On pense également aux termes ouvertement antisémites, utilisés par les opposants à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à l’endroit de la ministre Simone Veil en 1974. Sans aller aussi loin dans l’insulte, le sarcasme est réputé pour être un excellent outil de sape, dans le champ politique en particulier ; et ce, du célèbre « Napoléon le Petit » lancé par Victor Hugo le 17 juillet 1851 au tacle plus récent d’un Charles Pasqua : « Monsieur Fabius est au Premier ministre ce que le Canada Dry est à l’alcool ».
Argument ad hominem, communication abominable ?
La meilleure illustration de cette stratégie rhétorique, dans la polémique qui nous occupe, est la tribune publiée par Philippe Torreton, « Alors Gérard, t’as les boules ? », dans Libération. À la lettre ouverte répond la tribune : même type de mise en scène. Il s’agit bien d’un exercice oratoire, puisqu’ il se livre au public. Philippe Torreton apostrophe directement son confrère du septième art et lui rentre littéralement dans le lard. « Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc. (…) Nous faire avaler (…) que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… » C’est tendre le bâton pour se faire battre, car la méthode est peu orthodoxe. L’attaque personnelle risque d’être contre-productive, puisque l’assaut mène à la victimisation de l’adversaire. Catherine Deneuve monte ainsi au créneau : « Ce n’est pas tant Gérard Depardieu que je viens défendre, mais plutôt vous que je voudrais interroger. Vous en prendre à son physique ! A son talent ! ». Et Brigitte Bardot d’insister que M. Depardieu est « victime d’un acharnement extrêmement injuste ».
Jeter l’opprobre publiquement, c’est prendre le risque paradoxal qu’on vous renvoie l’ascenseur, en vous collant l’étiquette du bourreau. C’est un risque communicationnel que M. Hollande a bien compris, lui qui a ainsi préféré les félicitations au blâme, en soulignant le patriotisme fiscal de ceux qui demeurent en France.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
Stéphane Lembré, « Thomas Bouchet, Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de la Restauration à nos jours », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2010, mis en ligne le 22 mars 2010, consulté le 21 décembre 2012.
Libération, ici et là.
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L’Impossible.fr, une autre presse

 
En mars 2012, un nouveau venu s’installe dans nos kiosques à journaux. Il ressemble à ces anciens feuillets que l’on cachait sous le manteau. Son nom, L’Impossible, son fondateur, Michel Butel. Et déjà, tout est dit. Vingt ans jour pour jour après la disparition de L’Autre Journal, ce « mook » mensuel singulier reprend de son prédécesseur cette conviction que la presse peut être une œuvre d’art, c’est à dire un espace de liberté et de création. Ainsi, Michel Butel fait appel dans L’Impossible à des écrivains, des poètes, des photographes et des dessinateurs. Des amis et des passionnés, qui s’imposent non pas comme des journalistes, mais comme des artistes dont les idées et les combats s’illustrent par un ton en marge des formulations étriquées de la presse française.

Attaché au papier, seul véritable véhicule de l’émotion de la lecture, Michel Butel et sa rédaction revoient pourtant leur position et lancent le 23 novembre 2012 le site internet (nouvelle version) du journal. On y retrouve certains articles des précédents numéros, des textes de Michel Butel, et bien sûr, la possibilité de s’abonner ou de recevoir en pdf le journal, pour 3 euros. Dans ses billets, la rédaction n’hésite pas à dévoiler les logiques marchandes qui entourent la production du journal, à l’inverse de nombreuses publications qui préfèrent régler dans l’ombre leurs différents. Le combat de L’Impossible contre Presstalis est dévoilé au grand jour: David se dresse contre Goliath et réclame son gain. Et pour cause, le distributeur en crise n’a tout simplement pas distribué à la date prévue le premier numéro, engrangeant de fortes pertes pour un journal indépendant qui bénéficiait d’une forte médiatisation pour sa naissance. Pire, la première messagerie de presse française retient encore une partie du capital de la vente des premiers numéros, une prise en otage désespérée pour un réseau qui connaît en ce moment la fuite de nombreux éditeurs. Michel Butel évoque cette affaire dans son appel aux dons, justifiant par l’indépendance (face aux régies) du journal le recours au mécénat et à la vente de parts de son capital.
Contrairement à sa lecture papier, assez indigeste pour des yeux amateurs, le site de L’Impossible brille par sa clarté. Nouveau rendez-vous d’une communauté peut-être moins parisienne et plus diversifiée, L’Impossible se découvre aussi sur Facebook, dont la page témoigne fièrement de plus de 7000 fans à ce jour. Il se crée un sentiment particulier à la lecture de ce journal, un instant poétique. À la fois un acte subversif envers notre presse si homogène et protocolaire, et l’impression de renouer avec un modèle ancien, celui des écrivains-journalistes.
Une belle preuve que l’utopie peut parfois coïncider avec la réalité, qu’un projet éditorial peut se dresser comme un pont entre le monde littéraire et intellectuel de ses contributeurs, et la vie numérique et connectée d’une bonne partie de ses lecteurs.
Fort de son succès, L’Impossible annonce la création d’un hebdomadaire nommé Encore, plus proche de l’actualité, et qui verra le jour à la fin du mois de janvier.
 
Clémentine Malgras
Sources
Interview Michel Butel et Laeticia Bianchi pour Télérama : http://www.telerama.fr/medias/michel-butel-l-impossible-et-laetitia-bianchi-le-tigre-tant-que-le-desir-existe-nos-journaux-survivront,87363.php
Site du journal : http://www.limpossible.fr/
Pour suivre le fondateur sur Twitter : @michelbutel
Et le journal sur Facebook : https://www.facebook.com/limpossible.journal?fref=ts

Flops

Google, ce grand méchant

 
Les fondements de l’affaire
 
Il est indéniable qu’aujourd’hui la presse française traverse une crise sans précédent. Le développement d’Internet et de la presse gratuite sont autant de facteurs explicatifs de la diminution du nombre de ventes des quotidiens(1). Le modèle économique de la presse tente tant bien que mal de s’adapter aux nouvelles exigences.
En 2010, le chiffre d’affaires publicitaire de la presse en ligne est estimé à 250 millions d’euros. Google, lui, annonce avoir gagné 1,2 milliard d’euros, uniquement en France. La presse française s’insurge : un tel bénéfice proviendrait de la publicité située dans l’onglet « actualités » du premier moteur de recherche mondial. On lui reproche de gagner de l’argent sur le dos d’une presse française en perte de financement. En effet, Google envoie les internautes directement vers l’actualité recherchée. Les publicités situées sur la page d’accueil des journaux, celles qui sont les plus rentables, sont de ce fait évitées.
L’Association de la presse d’Information Politique et Générale (IPG) regroupe les journaux les plus touchés par ce problème de référencement. S’inspirant d’une initiative allemande, l’IPG a émis un projet  de loi qui pousserait Google à reverser une grande partie de ses bénéfices à la presse française.
Mais les choses prennent vite une ampleur politique lorsque le gouvernement déclare vouloir prendre le projet en considération.
 

Un rapport de force inédit
 
Jusqu’ici les différends entre Géants d’Internet et Gouvernements s’étaient réglés en faveur de ces derniers. A l’instar de l’Union Européenne qui avait fait pression sur Facebook à cause de la protection des données personnelles.
Or, dans ce conflit économique et politique, Google refuse le consensus. La société californienne – dont le slogan est  don’t be evil  (Ne soyez pas malveillant)- menace tout simplement de désindexer l’ensemble de la presse française de son onglet « Actualités ».  Le moteur de recherche légitime sa posture au nom de la liberté d’Internet et de l’accès libre à l’information.
Cette posture  ne profite pas à Google, pourtant dominant dans ce rapport de force. En effet, l’entreprise renvoie une très mauvaise image  en tenant tête à un gouvernement. Et cette posture négative s’ajoute à un déficit de notoriété déjà très largement entamé par diverses polémiques entre la compagnie américaine et les utilisateurs. Comme les différends à propos des problèmes de confidentialité(2).
Le Géant a su se rendre indispensable ne serait-ce que par le fait qu’il se soit développé parallèlement à la démocratisation des usages d’Internet. Désormais intégré aux navigateurs Internet, il  n’a pas besoin de campagnes publicitaires massives pour être omniprésent.  Par conséquent, Google ne fait parler de lui qu’à chaque fois qu’il est lié à une polémique. Ce qui a tendance à ternir fortement son image. Sa communication semble ainsi être réduite aux annonces émises pour répondre aux conflits qui le mettent en cause. La pente dans laquelle la société de la Silicon Valley s’engage est dangereuse : menacer de censurer la presse française, qu’elle puisse le faire ou non, pourrait avoir un impact extrêmement négatif sur sa réputation.
 

La réaction de Google augmente le déficit d’image des géants d’Internet
 
Nous pouvons voir qu’il y a eu un glissement du regard posé sur les géants d’Internet ces dernières années. Ils sont désormais en perte de légitimité. Ils ne sont plus vus comme participant à une certaine utopie d’Internet. Celle qui fut construite à coup d’idées et d’actions instaurant une impression de liberté totale pour l’internaute. Ils sont aujourd’hui vus avec suspicion, notamment à cause de leur politique de traitement des données personnelles.
Leur communication fondée sur leur omniprésence sur Internet et dans le monde physique  est largement contrecarrée par des scandales mettant à mal leur image de protecteurs d’Internet. Il est donc intéressant de voir que c’est justement ainsi que Google se présente lorsqu’il répond au projet de loi française. Une censure de la presse française devient la seule réponse possible face à l’établissement d’une loi d’ordre économique taxant le moteur de recherche. Ainsi, paradoxalement, en prônant une posture de défense de l’idéal d’accès gratuit à l’information, Google dégage l’idée contraire, bien malgré lui. Cette menace de censure est éloignée de la légitimité de la demande de la presse française.
Encore une fois, l’image du Géant est dégradée, car cela le place irrémédiablement dans le camp des méchants, ceux qui veulent justement prendre le contrôle d’Internet.
 

Arthur Guillôme

(1) Sur une base 100, la distribution annuelle de quotidiens payants a baissé de quinze points entre 2001 et 2011 (chiffres OJD).
(2) Problème central et majeur qui n’est pas encore réglé comme le montre le dernier rapport de la CNIL.

Sources :
OWNI
Télérama
Les Ecrans

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Kate et William Mariage Baiser balcon
Com & Société

Noblesses et royautés

 
Il y a quelques mois, les yeux rivés sur le petit écran, nous Français, fervents admirateurs de Lady Di, regardions Kate, roturière, dire « oui » au célibataire le plus convoité du gotha. Consécration ultime pour cette « fille du peuple ». Il y a quelques jours, à la veille de leur premier anniversaire de mariage, les médias se sont emparés à nouveau de cette histoire qui a fait rêver tant de jeunes filles.
Premiers pas d’une princesse en devenir, premières sorties officielles, premier discours, sens aiguisé de la mode, les médias se sont littéralement emparés du phénomène « Kate ».  La duchesse de Cambridge n’échappe pas à l’exposition médiatique due à son titre, tout comme les autres têtes couronnées.  Aujourd’hui, envisager les monarchies régnantes revient à les considérer comme un produit médiatique. Charlène, jeune épouse du prince Albert de Monaco, Mathilde de Belgique, la famille Monégasque ou  encore les Bourbons d’Espagne, personne n’y coupe.
La monarchie, véritable symbole constitutif d’un pays, agit sur le sentiment et l’imagination des sujets. Véritable instance, symbole de cohésion et d’unité, la royauté doit être perçue avant tout comme humaine. Du moins c’est ce à quoi s’attèlent les différents services presse des palais.  Incontestablement, la stratégie d’image est un enjeu majeur. Semblable à un produit que l’on markète, chaque détail est minutieusement pensé, planifié. Un vrai ballet. Les activités officielles sont alors indubitablement mises en scène. Mise en scène du couple, mise en scène de la famille, mise en scène de la royale progéniture. La reine, les princesses héritières et chacun des membres de la famille deviennent de véritables atouts du tandem royal. La présence des épouses sur le devant de la scène est donc indéniable. Elles viennent compléter l’image du roi et apportent une dimension maternelle. Kate s’occupera donc des dimensions sociales dans le royaume et d’activités autour de la petite enfance pendant que son cher mari s’occupera des missions économiques à l’étranger. La royauté doit elle aussi chercher à gagner les faveurs de sa cible. Pas étonnant que la reine Elizabeth se serve de Kate pour insuffler un vent de modernité à la monarchie britannique, que Mathilde de Belgique et son mari contribuent à apporter un peu de sérénité en Belgique, que Charlotte Casiraghi contribue à perpétuer le mythe de beauté de sa légendaire grand-mère Grace Kelly.
Sang bleu ou roturiers, les journalistes sont toujours à l’affût de la nouvelle qui fera mouche. Et les familles royales ne se privent pas de mettre en avant les joyaux de la couronne et de les tourner à leur avantage : Kate la roturière devenue princesse, Letizia, divorcée et ex-présentatrice TV, désormais princesse des Asturies, Victoria de Suède épousant son coach sportif… Les journalistes savent où puiser dans les histoires familiales et ne s’en privent pas. Demeure l’éternel dilemme : jusqu’où aller pour satisfaire le besoin des lecteurs curieux ? Droit à l’information certes, et le respect de la vie privée ?
Une chose est sûre, les têtes couronnées font vendre.
 
Rébecca Bouteveille