Société

Nymphomaniac : Sexe, Mensonges et Vidéo(s)

 
Annoncé depuis 2011, le drame érotique Nymphomaniac est enfin sur nos écrans et, une fois de plus, la sortie d’un des films de Lars von Trier s’accompagne de son lot de polémiques.
 Un adepte de la controverse
On se rappelle du scandale qu’avait suscité son Antichrist au Festival de Cannes en 2009, où Charlotte Gainsbourg avait été insultée de « sale pute ! » pendant la projection d’une scène où elle se masturbait.
Rebelote lors de l’édition de 2011, qui avait choqué par les propos antisémites qu’avait tenus le réalisateur lors d’une conférence de presse pour Melancholia, où il avait affirmé sa sympathie envers Hitler.
Immédiatement déclaré persona non grata du Festival, où il avait pourtant présenté la majeure partie de ses œuvres depuis sa consécration avec Dancer in the Dark, on ne sait aujourd’hui toujours pas s’il pourra de nouveau présenter un de ses longs-métrages dans la sélection cannoise. Toujours est-il qu’après avoir été maintes fois repoussé, Nymphomaniac ne devrait logiquement pas figurer dans la compétition cette année, de quoi supposer que Thierry Frémaux, délégué général du Festival, n’est peut-être toujours pas décidé à le réintégrer parmi les habitués.
Pourtant encensé par la critique depuis ses débuts, le Danois aime toujours autant déranger, comme il le prouve avec son dernier film, où il repousse une fois de plus les limites. Ce faisant, il pose de nouveau cette interrogation cruciale : doit-on lire une œuvre artistique à travers le prisme de son créateur ?
On ne saurait que trop vous conseiller de vous faire votre propre avis sur ce réalisateur si singulier, dont l’œuvre ne peut laisser indifférent.

Une campagne promotionnelle résolument suggestive
Le buzz commence au mois de mai dernier, où la première affiche du film est dévoilée. Après un synopsis énigmatique, étayant que le film relate le parcours poétique et érotique d’une femme depuis sa naissance jusqu’à ses cinquante ans, le ton du film se précise grâce à ce qui deviendra l’emblème de la communication qui entoure le film : deux parenthèses formant manifestement l’appareil génital féminin. À noter que le titre du film change peu après pour s’approprier cette symbolique, en devenant Nymph()maniac. La mention qui l’accompagne, « Forget about love », se passe de commentaires…

S’ensuit une longue période de rumeurs, qui commence par l’évocation d’une série télévisée, pour prolonger le plaisir, avant que les acteurs ne s’y mettent. Shia LaBeouf n’hésite ainsi pas à affirmer ne pas avoir simulé les scènes de sexe et va même jusqu’à se vanter d’avoir décroché le rôle grâce à une sextape qu’il aurait confiée au réalisateur. Balivernes pour un buzz réussi, des doublures issues de l’industrie pornographique ayant été en charge des scènes en question.
Tous ces tapages permettent ainsi au film de faire parler de lui plus d’un an avant sa sortie en salles. Et comme le sexe fait vendre, il n’est pas question d’en rester là. À quelques semaines de la sortie en salles, la promotion s’intensifie via une série d’affiches et d’extraits tous plus allusifs les uns que les autres : l’ensemble de l’excellent casting est ainsi mis à contribution pour s’afficher en plein orgasme.

D’ailleurs, là où des campagnes promotionnelles du même acabit avaient été interdites sur la voie publique, à l’instar de celles d’artistes comme Saez, Étienne Daho, ou celles du film Les Infidèles, ces affiches-ci ne posent visiblement pas problème, étant donné qu’elles sont placardées dans chaque rue de la capitale.
Mais l’interdiction au moins de 12 ans est venue briser ces faux-semblants : Nymphomaniac n’est pas l’œuvre sulfureuse qui a été vendue depuis deux ans au public et à la presse, qui ne manquent d’ailleurs pas de se plaindre du mensonge qu’a constitué la campagne de promotion du film, ce qui ne l’a pas pour autant sauvé d’un échec. Mais n’est-il pas encore trop tôt pour parler d’arnaque ?
 Deux versions d’un même film
Si vous vous êtes rendus dans les salles obscures, vous n’avez pas pu passer à côté de cet avertissement, avec lequel s’ouvre le long-métrage : « Ce film est une version abrégée, et censurée, de la version originale de Nymph()maniac de Lars von Trier. Il a été réalisé avec sa permission, mais sans autre implication de sa part ».
Le film sorti en France est donc une version raccourcie, le director’s cut ayant une durée de 5h30 (4h00 chez nous, déclinées en deux volumes de 2h). La rumeur fait état d’un refus du metteur en scène de tailler dans son œuvre, dont le final cut aurait été confié aux producteurs du film. Dès lors, que penser du premier volume sorti en salles ? Difficile de répondre, précisément parce que le film projeté actuellement ne correspondrait pas à la vision qu’en a son créateur…Mais une nouvelle fois, cela semble faire partie des stratégies mises en place pour accroître le succès du film puisque, comme l’a récemment indiqué sa productrice, Lars von Trier a bien consenti aux deux versions de son œuvre : une hard et une soft, pour obtenir une meilleure visibilité internationale.
Personne n’a encore eu accès à la version intégrale, qui devrait être projetée en première exclusivité au prochain Festival international du film de Berlin, mais une chose est sûre, vous n’avez pas fini d’entendre parler de Nymphomaniac…
 
David Da Costa
Sources :
Nymphomaniacthemovie.com
Lemonde.fr
Lexpress.fr
Telerama.fr
Crédits photos :
Les films du losange
Zentropa

calendrier prêtres Vatican
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Les prêtres les plus sexy du Vatican réunis dans un calendrier

 
Plus original que le traditionnel calendrier des pompiers, plus facile à assumer que celui des Dieux du Stade, le calendrier 2014 des prêtres les plus séduisants du Vatican n’a pas fini d’émoustiller les fidèles en cette période de fin d’année…
Au programme de cette onzième édition ? Un photographe vénitien, Piero Pazzi, sous l’objectif duquel douze fils d’Adam accomplissent un bel exploit : faire oublier leur soutane à grand renfort de sourires en coin et de regards ténébreux.
L’objectif de l’artiste ? Susciter l’intérêt du grand public pour mieux dépoussiérer l’image du Saint Siège et promouvoir la Cité Eternelle.
L’attractivité du support est parfaitement exploitée puisqu’elle permet d’intégrer les moments clefs de l’histoire papale ainsi que l’inventaire des meilleurs musées de l’enclave romaine à une mosaïque de jolis minois !
Interrogé sur son succès, Piero Pazzi a néanmoins tenu à rappeler son indépendance à l’égard du Vatican. Si son initiative ne manque pas d’offrir une jolie vitrine à l’Eglise catholique, elle n’en demeure pas moins personnelle et libre de toute influence.
Bien qu’étonnant et bien mené, ce projet doit surtout son renouveau à la déferlante « spirituelle » qui semble s’être emparée des médias.
Quand la religion emprunte les codes de la communication, elle surfe sur la tendance avec raison. Après le triomphe des Borgias sur les écrans ou le raz-de-marée « The Priests » sur les ondes, le mannequinat clérical pourrait bien avoir de beaux jours devant lui….
 
Marine Bryszkowski
Sources :
LeFigaro.fr
L.A.Times.com
News.Yahoo.fr
Tvanouvelles.ca
MarieClaire.fr

les dieux du stade
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Zoom sur… le calendrier des Dieux du Stade

Il s’agit désormais d’une tradition : tous les ans, au mois d’octobre, le calendrier des Dieux du Stade s’invite dans les librairies. Il met en scène des sportifs, principalement des rugbymen, et leur plastique très avantageuse et avantagée par toute une série de lumières et positions particulières.

Cette esthétique est présente depuis sa création en 2001, sous l’égide de Max Guazzini, co-fondateur de la radio NRJ et à l’époque président du Stade Français, club de rugby de la capitale. Ce lancement controversé du fait de la nudité présentée faisait alors partie d’une stratégie plus large, visant à donner une splendeur nouvelle au club parisien. C’est par la suite que sont introduits les fameux maillots roses, déclinés jusqu’à aujourd’hui sous plusieurs formes, allant des éclairs aux fleurs en passant par l’incrustation des visages dessinés de Blanche de Castille ou de Dalida. De même, les matchs délocalisés au Stade de France permettent de créer un véritable engouement par des places dès 5 euros et des animations précédents les matchs (pom pom girls, concerts, arrivées mystères du ballon).
Tout ceci vient à la suite de la création du calendrier, pour en renforcer le but premier : faire venir un public parisien difficile à fidéliser mais aussi de manière plus concrète, générer de nouveaux revenus à investir dans le domaine sportif.
La volonté première se concentre alors bien autour de la question du public. Le rugby venant de se professionnaliser en 1995, le calendrier vient accélérer une nouvelle image de ce sport, souvent perçu comme brutal. La dimension esthétique de ce travail attire un public porteur de ce genre de préjugés sur le rugby. La cible principale est évidemment féminine, par la présentation des corps nus des rugbymen et le geste caritatif opéré à l’achat du calendrier, car une partie des revenus est reversé à des associations précédemment choisies. Le rugbyman devient alors une figure plus aseptisée, qui attire plus facilement les projecteurs. L’acheteur du calendrier est convié à voir le rugby côté coulisses, hors des terrains. A partir de 2004, il peut le voir de façon encore plus privilégiée avec la sortie du dvd making-of du calendrier, qui donnera une véritable renommée au calendrier lui-même.
Cette plongée dans les vestiaires séduit ainsi de plus en plus d’acheteurs, si bien que les ventes oscillent entre 150.000 et 200.000 unités selon les années. La publication du calendrier s’accompagne d’une campagne de promotion souvent efficace, relayée notamment à la télévision et à la radio, avec des joueurs qui viennent pour en parler.
Parfois même, c’est une polémique ou un étonnement général qui permet de faire la promotion du calendrier. C’est par exemple le cas lorsque d’autres sportifs viennent se mêler aux rugbymen à partir de 2004, ou lorsqu’en 2013 une femme, Sophie Hélard (danseuse au Crazy Horse) fait son apparition en arrière-plan. Le caractère érotique des photos fait également partie du débat à plusieurs reprises, notamment en 2008 lorsque le photographe Steven Klein choisit des poses ambigües, jugées trop suggestives avec notamment l’utilisation presque systématique de chaines.
Au contraire, l’édition 2014 ne soulève pas de scandales, l’esthétique est même décrite comme « un peu mystique » par Fred Goudon, le photographe de cette année. La publication du calendrier de cette année se fait même dans un certain anonymat. Seuls quelques médias ont mentionné sa sortie, ce fut le cas par exemple avec un rapide reportage dans la rubrique Culture & vous sur BFM TV. Cette tendance s’était déjà amorcée depuis quelques années, depuis la démission de Max Guazzini en 2011. Thomas Savare, nouveau président du club, n’a pas le même goût que son prédécesseur pour le spectacle et la provocation, mais surtout, le club n’a plus la même aura. Les performances ne sont plus véritablement au rendez-vous, et ils sont obligés de jouer au stade Charléty pendant les travaux de leur stade Jean Bouin. Les matchs ne font plus véritablement recette, le public ne se déplace pas.

Cet ensemble de paramètres poursuit un certain détachement au niveau de l’image entre le Stade français et son calendrier des Dieux du Stade, qui existe désormais comme une entité presque entièrement distincte.
Ainsi cette année, les stars du calendrier sont plutôt Nicola Karabatic, handballeur ou Olivier Giroud, footballeur, bien plus connus que les rugbymen qui y participent, comme Julien Dupuy, Jules Plisson ou Hugo Bonneval. La couverture est tout de même assurée par un joueur du Stade Français, Scott Lavalla l’année dernière et Alexandre Flanquart cette année, et la photo de profil du compte facebook des Dieux du Stade représente toujours les trois éclairs symboles du club parisien, mais en noir et doré, et non pas en rose et bleu. Il faut dire que le Stade Français a choisi de plus communiquer sur son nouveau stade Jean Bouin, pour attirer plus de spectateurs autour de l’élément central de leur activité : le rugby. Il replace de fait le calendrier comme un produit dérivé au même titre que les maillots et n’en fait plus une actualité directement liée au club. Cela reste tout de même un évènement, concrétisé par une soirée « people » au Motor Village des Champs Elysées le 10 octobre dernier, mais la promotion du calendrier n’est plus la même, elle a évolué avec la notoriété grandissante du rugby, qui n’a plus forcément besoin de cette vitrine, et avec les changements connus par le stade français. Le rugby s’est en effet suffisamment ouvert sur un public plus varié, de plus en plus de femmes viennent voir des matchs en s’intéressant réellement au jeu. Il semble bien que le calendrier des Dieux du Stade en devenant progressivement un rituel se détache donc en partie de son objectif principal pour devenir principalement un objet esthétique, dont le succès perdure chaque année.
 
Astrid Gay
Sources :
Le Figaro
Stade.fr
La page Facebook des Dieux du Stade

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Les comédiens hors des planches : la promotion spectacle

 
Introduction
Sur les planches, ce sont les rois du rire et de l’improvisation. En dehors, les cartes sont redistribuées et le contrat de communication, instauré entre l’humoriste et son public, est ébranlé. Dans la tête du téléspectateur, de l’auditeur,  les humoristes sont toujours drôles. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui pousse les producteurs à les inviter sur différents plateaux de télévision.
Pour assurer la promotion de leur spectacle à la télévision,  les comédiens français bénéficient de cadres d’énonciation  télévisuels – divertissement pur, émissions d’actualité et d’information, «infotainment». L’enjeu est de maîtriser le contrat de communication en fonction de l’environnement médiatique et du public visé par l’émission, généralement populaire. Plus facile à dire qu’à faire.
 
De « Vendredi tout est permis » à « Vivement Dimanche » : du rire et encore du rire !  
Les émissions de divertissement proposent aux comédiens une situation de communication rattachée à leur univers qui rappelle la salle de spectacle. Il n’y a pas de décalage sémiotique entre un plateau de télé orienté vers le divertissement et la mise en scène de plusieurs humoristes sur ce même plateau. Ainsi,  les comédiens peuvent montrer qu’ils sont toujours drôles, qu’ils savent improviser selon les situations et qu’ils s’insèrent parfaitement dans la programmation télévisuelle du téléspectateur.
Néanmoins,  le contrat de communication est parfois volontairement flouté. La promotion du divertissement est de moins en moins assumée et les formes de communication se dépublicitarisent en s’insérant dans le divertissement.  Le 17 janvier 2011, Michel Drucker reçoit Jamel Debbouze dans « Vivement Dimanche », l’occasion pour Malik Bentalha, poulain de Jamel Debbouze, de faire une de ses premières interventions à la télé pour la promotion de son spectacle « Malik se la raconte » :
Michel Drucker : « Qu’est-ce tu peux dire pour te présenter ? »
Malik Bentalha : « Je m’appelle Malik Bentalha. J’ai 21 ans. En général, les gens disent que j’fais plus gros. »
(Rire)
Ici, la réplique provient du spectacle mais entre dans une logique de fausse improvisation  qui prend le public en otage en ne lui laissant que deux choix : rire parce que c’est drôle ou rire parce que ça le met mal à l’aise.

« Vendredi tout est permis », la nouvelle émission d’Arthur constitue l’environnement parfait pour montrer le potentiel comique de l’artiste. Dans l’émission du vendredi 8 février 2013, Arthur appelle Rachid Badouri pour effectuer quelques pas de danse sur Michael Jackson avant de lancer : « Faut aller voir le spectacle de Rachid parce que non seulement tu danses mais tu as un sketch sur Michael Jackson ! », ce qui permet à Badouri de placer une réplique de son show : « Je voulais même devenir blanc, j’étais jaune et je voulais devenir blanc. » Lors des émissions de ce type en prime time,  la promotion des artistes tend à devenir son propre objet et à créer une émission multi-promotionnelle, parasitée par une publicité incessante qui participe du divertissement populaire.
 
 
Les humoristes prennent la parole dans le débat public : rien qu’une histoire de casquette !
Être humoriste reste un métier à temps partiel, on ne peut pas être drôle tout le temps. Les humoristes prennent de plus en plus de poids dans le débat public, surtout depuis la dernière campagne présidentielle de 2012. Selon un sondage Ipsos, publié en automne dernier, les humoristes gagnent en crédibilité car ils sont perçus comme « hors-système » et donc dignes de confiance. À travers leur prise de parole hors-scène, les humoristes deviennent de véritables leaders d’opinion et influencent de plus en plus leur public, à l’image de Guy Bedos, Stéphane Guillon ou  encore Jamel Debbouze. Le 21 novembre 2011, Guy Bedos, humoriste, est invité dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » pour parler de son nouveau spectacle. Pourtant,  la conversation  tourne dès le début à l’affrontement  entre E. Zemmour et G. Bedos sur la question du logement. Parler du spectacle devient ensuite difficile car la casquette de Bedos n’est plus celle de l’humoriste mais celle du militant social.

Il en va de même pour les présentateurs ou sportifs qui se reconvertissent dans le one-man show.  Arthur n’était jadis qu’un présentateur ordinaire du PAF,  jusqu’en 2005 où il passe de l’autre côté de la barrière en montant son one-man show « Arthur en vrai ». Résultat: Arthur présente ses émissions de télévision avec plus d’humour pour inciter son public à le suivre en salle. L’actualité de l’artiste détermine son mode d’expression et son rapport avec le public, ce dernier subissant, malgré lui, la promotion d’une actualité brûlante.
 
Steven Clerima

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Panem et circenses pour le Superbowl

 
Il est presque impossible d’être passé à côté d’un article, d’une publicité, d’un tweet sur le Superbowl ce mois de février, même en France. Le Superbowl est le rendez-vous national le plus populaire de l’année aux Etats-Unis mais n’en reste pas moins un événement mondial. Pour la 47e édition, il a rassemblé 108,41 millions de téléspectateurs (si les chiffres ne vous parlent pas, celui-ci équivaut à un peu moins du double de la population française). Créé en 1967 et officiellement appelé NFL-AFL World Championship Game, le championnat commence en fait dès septembre avec une saison régulière qui dure 16 matchs. Pourtant, les fans et les médias n’en retiennent principalement que la finale et lui préfèrent le nom de Superbowl. Et les médias deviennent finalement les organisateurs de ces jeux, où l’on entend plus parler d’audience que du sport le plus apprécié dans le pays.
La métaphore du football comme religion prend tout son sens dans un événement comme celui-ci. « Le football est devenu une religion, une obsession collective qui fait vibrer la nation », dit Rick Telander, chroniqueur sportif du Chicago Sun Times. On parle de ce rendez-vous comme de la « grand-messe », où fans et téléspectateurs « communient » autour du petit écran. Allen St. John, auteur de « One Billion Dollar event » dit à ce propos que « Le Superbowl est presque plus populaire que Noël, ce n’est pas formel, les familles et les amis se réunissent, boivent de la bière, bouffent de la « junk food » et regardent le spectacle ! » Cet événement rejoint le scénario de « Télévision cérémonielle » que D. Dayan et E. Katz appellent « la confrontation », événement qui est organisée autour de la question « Qui va gagner ?» On y retrouve bien des caractéristiques telles qu’un public préparé par de multiples annonces qui précèdent le « grand moment », une forte mobilisation de symboles, une quasi-obligation d’être témoin, un rendez-vous en rupture avec le quotidien, et une participation à des chiffres d’audience qui dépassent l’imagination. Le Superbowl est donc plus une expérience nationale et collective qu’une simple diffusion médiatique.
Cependant, il est à noter que les organisateurs de cette finale ont tout de même quelques tours dans leur sac pour en faire un bon filon économique et financier…
Suivant le modèle de l’élargissement des contenus pour multiplier les publics, le Superbowl se transforme en véritable show national. Le peuple veut du pain et des jeux, quand Rick Telander dit encore : « Les footballeurs américains sont nos gladiateurs, et nous sommes comme les Romains, ivres de ce jeu magnifié par la télévision, qui avec ses ralentis, devient un ballet brutal et splendide. » Mais ce n’est plus tant à propos du sport, que du « fun » ; on parle alors de « sportainment ». Et c’est Michelle Obama qui nous le prouve, quand son billet a été retwitté plus de 4 500 fois durant la finale, non pas à propos du jeu, mais de la performance de Beyoncé : «  Watching the #superbowl with family & friends. @Beyonce was phenomenal! I am so proud of her!”

Les annonceurs se mettent au diapason et concourent pour créer la publicité la plus fun : « Chaque pub est en soi un spectacle, les compagnies font surenchère d’inventivité pour le Superbowl, et il y a un concours de la meilleure réclame » dit St John. Le caractère éphémère de ces créations place pour quelques jours la publicité en dehors de son champ originel et l’élève sur un piédestal, puisqu’une fois diffusées, les publicités rentreront ensuite au placard. Mais pour parfaire le plaisir pris durant ce spectacle, encore faut-il avoir le ventre plein, comme les Romains l’avaient si bien compris. Et les chiffres records continuent pour cette journée, avec une grande délicatesse de la part des organisateurs qui avaient prévu cette année près d’1,23 milliard d’ailes de poulet, une consommation de 3,4 millions de pizzas durant le jeu, et environ 325,5 millions de gallons de bière (1 gallon = 4,5litres environ) Et enfin, comme la soirée doit être inoubliable, les chaînes qui diffusent cette finale (alternativement CBS, Fox et NBC depuis 2007) ne s’arrêtent pas après la victoire. Le traditionnel Superbowl lead-out program, comprendre l’épisode post Superbowl, est diffusé juste après le match. Il s’agit d’un épisode unique et spécial, décalé de sa case horaire habituelle (le Superbowl a toujours lieu le dimanche) d’une série télévisée, souvent tourné spécialement pour l’occasion. Cette année, CBS a choisi la série Elementary qui a pu bénéficier de l’exposition exceptionnelle offerte par le Superbowl, avec 20.8 millions de téléspectateurs. Il ne bat cependant pas l’épisode le plus regardé de l’histoire des post-Superbowls, record détenu par Friends en 1996 avec plus de 53 millions d’audience.
Et puisqu’on parle de chiffres et de records, rentrons dans le vif du sujet, qui alimente tant de discours chaque année à cette période. CBS, Fox, et NBC se partagent d’une année à l’autre la diffusion de l’événement. Commence alors la chasse à l’espace publicitaire par les annonceurs. Le prix de 30 secondes de temps d’antenne est passé de 2,7 millions en 2008 à près de 4 millions de dollars aujourd’hui (et CBS attendait près de 225 millions de dollars de revenus publicitaires cette année). Les subtilités s’ajoutent au fil du temps dans ce commerce, puisque l’année dernière, NBC Sports Group avait décidé de rendre obligatoire l’acquisition d’espaces publicitaires supplémentaires sur la chaîne, en plus de celui du Superbowl. Petit bénéfice personnel quand on sait que les espaces de la finale se vendent sans difficulté aucune. Pour la première fois de son histoire aussi, NBC avait retransmis en direct, l’année dernière, l’événement sur son site Internet et via l’application mobile officielle de la NFL. Enfin, autre nouveauté, cette année les marques ont décidé de ne plus jouer tant sur la surprise lors du grand soir, que sur l’alimentation des conversations sur les réseaux sociaux, en diffusant leur spot publicitaire unique pour certains quinze jours avant le jour J. Et cela fonctionne. Selon certaines études, 57% des Américains affirment porter attention aux publicités du Superbowl avant le match et un Américain sur 5 les cherche avant même la rencontre. Les publicités font donc bien partie du plaisir et du décor attendu de cette expérience unique.
Les chiffres du côté des réseaux sociaux sont montés eux aussi en flèche cette année, et ont permis une collecte de data très estimable pour les annonceurs. On se rend compte que l’enjeu ici pour la publicité est d’être mémorable, que ce soit en bons termes ou non. Ainsi c’est la publicité PerfectMatch de GoDaddy qui a été la plus mentionnée (255 121 tweets), mais particulièrement négativement, contrairement à la publicité Taco Bell (213 125 tweets) qui a d’ailleurs gagné le fameux concours. 26 des 52 marques ont profité cette année de leur spot pour proposer leur Hashtags, augmentation de 300% par rapport à l’année dernière, et ont également profité de cet évènement pour encourager les téléspectateurs à devenir fans de leur page Facebook. Quelques exemples en nombre brut : en une soirée Blackberry a gagné 431 094 fans suivi par Coca-Cola (+379 133) et Oreo (+114 049). Tous ces chiffres sont assez parlants, et d’autres tout autant étonnants sont disponibles dans cette étude.
Concerts, épisodes inédits, concours de réclame, défilés de star dans les spots, tout est fait pour satisfaire un public élargi, et même à la maison, puisque (encore un record) 24,1 millions de tweets ont été publiés durant le jeu. Les villes entrent en campagne pour accueillir l’évènement, l’objet sportif devient tour à tour un objet culturel, médiatique et financier qui définit aussi l’identité de ce pays.
Et le jeu, les équipes, les joueurs, adulés dans tout le pays, sont absents des analyses médiatiques, du moins à l’étranger. Pour trouver quelques infos sur les matchs, mieux vaut fouiller sur les sites spécialisés. On y trouve d’ailleurs quelques informations peu relayées. Les ex-gladiateurs se livrent en ce moment à un procès, étouffé par la NFL, contre les injonctions à la violence qu’ils ont subi par le coaching et notamment pendant ces fameuses finales, et les conséquences de cette violence sur leur santé. Ils se retrouvent presque tous aujourd’hui retraités et infirmes… Les parallèles entre les Jeux romains et le Superbowl se multiplient, esclaves au service du spectacle servi par la violence et l’opulence, est-ce le peuple qui veut du pain et des jeux, ou César ?

 
Marie-Hortense Vincent
Sources :
Les images proviennent de l’infographie de WhisprGroup, sur  SportsMarketing.fr
Alter Journalisme – Courrier International
La Voix du Nord
Le Figaro
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