Peut-on toujours « madonner » le monde à 53 ans ?
Ce n’est une surprise pour personne : le nouvel album de Madonna est sorti le lundi 26 mars dans les bacs. Minutieusement préparée, la communication élaborée autour de la parution de cet opus provoquait déjà une scission entre les fans impatients et les autres, partagés entre l’agacement et une curiosité réservée. Toutefois, chacun à sa manière attendait de pied ferme le retour de la « Reine de la Pop ».
Le titre même se veut accrocheur : « MDNA », initiales qui font évidemment écho aux petits cristaux euphorisants, ainsi qu’au DNA, acronyme anglais d’ADN. On s’attend alors à un album qui serait du « pur Madonna », marqué à la fois par son ADN et ses vertus addictives. La promesse est élevée, et la communication autour du douzième album de la Reine n’est pas là pour le démentir.
L’élément paroxystique de sa promotion est bien sûr sa performance à la mi-temps du Super Bowl 2012, diffusée sur NBC. La Madone commençait en effet son live en reprenant deux de ses titres phares : Vogue et Music, avant d’enchaîner de façon plus surprenante sur une reprise de Sexy and I Know It de LMFAO. Mais c’était surtout l’occasion de chanter son nouveau single Give Me All Your Luvin avec ses deux nouvelles collaboratrices Nicki Minaj et MIA. Devant environ 114 millions de téléspectateurs, il s’agissait d’un véritable enjeu pour créer l’engouement autour de son album.
Oui mais voilà, déjà, à ce moment, un article du Figaro soulignait : « La prestation était à couper le souffle du côté de la mise en scène. Mais la chanteuse, un peu molle et hésitante dans sa performance, a perdu de sa superbe. ». Un tel propos laisse bien entendre le principal obstacle pour Madonna : personne ne nie sa capacité à surprendre et à proposer des spectacles de qualité, mais là où le doute s’installe, c’est lorsqu’il s’agit de savoir si elle est toujours celle qui casse les paradigmes des tendances musicales, celle qui trône au royaume de la musique populaire.
En effet, celle qui a vendu le plus de disques de tous les temps se confronte à des monstres de la scène musicale, prêts à jouer sur les ressorts les plus efficaces de la communication et de la provocation pour faire parler d’eux. Citons sa principale concurrente Lady Gaga, à la fois artiste la plus suivie sur Twitter et personnalité la plus influente du monde selon le magazine Time . Celle-ci cherche l’innovation à un point tel qu’elle a opté pour un changement de look au jour le jour, la création d’un réseau social (LittleMonsters.com) ou encore des prises de position politiques (la dernière en date : création d’une association pour se battre contre les humiliations subies par les jeunes lors des bizutages). Par ailleurs, l’américaine délurée est tout aussi capable de faire des shows enflammés que des ballades au piano.
En clair : la jeune génération (oui oui, Katy Perry, Shakira, et toute la clique) a formé une nouvelle cour des Grands, dans laquelle on joue certes à provoquer aux niveaux politique et sexuel, mais également à triompher sur Twitter & Co. Voilà pourquoi le nouvel album de Madonna semble décevoir : il semble presque désuet dans les moyens qu’il exploite pour faire parler de lui. Ainsi, le clip « Girls Gone Wild » paru tout récemment, tire les ficelles du « porno chic » dans un paysage sadomasochiste qui… non seulement ne surprend plus, mais encore fait penser aux premières vidéos de Madonna, illustrant des morceaux comme Erotica.
Madonna : Girl gone wild (2012) par tartenpion333
Enfin, on serait presque tenté de dire que quelque chose sonne « faux » dans cette exhibition de la part de cette femme de 53 ans. Elle serait allée jusqu’à s’écrier « Combien d’entre vous dans cette salle ont vu Molly ? » (pour ne pas dire MDMA) au festival Ultra Music à Miami, propos qui amènera le DJ canadien Deadmau5 à poster sur Facebook : « Très classe, Madonna. Quel super message pour les jeunes fans de musique. Mais au moins, t’es hype et branchée! J’en ai rien à faire de critiquer Madonna. Je peux admirer sa carrière et tout ce qu’elle a fait de bien, mais c’était quoi, cette connerie? C’est ça, ton message? Rechercher de la drogue? Va te faire foutre, putain d’imbécile! ».
On peut donc penser, au terme de cette argumentation, qu’il y a peut-être une erreur dans l’approche de Madonna pour continuer à régner sur le monde de la pop, qui est paradoxale : pour être « in », la diva n’aurait peut-être pas dû surfer sur la puissante vague électro-érotique qui fait la grande tendance du moment. Toutefois, il faut savoir que les plus critiqués sont en général les plus grands, et que l’album de Madonna reste de bonne qualité, beaucoup de journalistes se recoupant dans leur opinion, selon laquelle les singles ne sont pas les meilleurs morceaux, l’album proposant quelques bonnes pistes à l’instar de « Gang Bang » ou « I don’t give A ».
Il revient donc à chacun de faire le choix d’aimer ou ne pas aimer.
Lucas Vaquer
Crédits photos: billboard.com