Publicité et marketing

Uber contre-attaque ?

La récente décision de la justice anglaise vis-à-vis d’Uber, célèbre service de mise en relation de chauffeurs VTC, oblige l’entreprise à attribuer à ses chauffeurs le statut de salariés sous contrat.
Cette nouvelle mise en lumière de différents entre la justice et Uber rappelle comme la marque est souvent au centre de polémiques concernant son fonctionnement.
Mi-septembre 2017, Uber lance en France une campagne publicitaire comprenant son premier spot publicitaire destiné à la télévision. Celle-ci, réalisée par l’agence DDB met en avant la relation qu’Uber tient à conserver avec ses clients, en balayant le passé pour aller de l’avant.
#AvancerAvecVous en marche arrière ?
La campagne est portée par le slogan #AvancerAvecVous. Uber souligne l’importance de ses clients, et cherche à prouver que c’est grâce à ses utilisateurs qu’ils progressent – ainsi l’inclusion du client est dominante. L’entreprise San-Franciscaine semble faire son mea-culpa . L’évocation des « milliers de routes différentes, des bonnes, des mauvaises, des risquées » illustre les erreurs qu’Uber a pu commettre, sans pour autant donner plus de précisions. Ici est ressenti le reproche que l’on peut faire au géant du service VTC. Certes, les promesses annoncées dans la campagne sont prometteuses, mais le refus de communication sur les différentes polémiques dont l’entreprise est sujette pose problème. Uber compte vraiment résoudre les problèmes du passé ou met de la poudre aux yeux à ses utilisateurs ? La catchline « Nous avons aussi appris à écouter » laisse à penser qu’auparavant le dialogue était fermé.

 
 

 
 
 
 
 
Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie communicationnelle. Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie commun
Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie communicationnelle. En 2016, Samsung avait du faire face à une crise majeure : celle des batteries de son Galaxy Note 7. Mal fabriquées, certaines d’entre elles avaient implosé dans la poche de leur utilisateur, provoquant un bad buzz mondial. Afin de se défendre et de regagner la confiance de ses clients, Samsung a sorti un spot publicitaire mettant en exergue le contrôle qualité sur les batteries, en amont de la sortie du smartphone succédant au Galaxy Note 7. Cela a permis à la marque de regagner des points sur le BrandIndex de YouGov
Le dialogue dans la souffrance
Il semble que l’unique possibilité de dialogue entre les institutions étatiques et Uber soit l’interdiction et la violence. En effet, mi septembre 2015, le service UberPop a été interdit en France, donnant suite à de nombreuses manifestations, notamment entre les taxis parisiens et les chauffeurs Uber se voyant retirer le droit d’exercer. Outre les affrontements directs, l’entreprise est suspectée de ne pas payer ses impôts en France, ne déclarant qu’une partie de ses revenus.
Plus récemment, la fermeture du service Uber dans la capitale anglaise illustre l’impossibilité communicationnelle. Alors qu’on s’attendrait à ce qu’Uber mette en place une communication de crise pour expliquer les raisons de l’interdiction du service, l’entreprise fait profil bas et semble ne pas faire fi des problèmes qu’elle rencontre. Le problème reste en interne et les utilisateurs ne sont pas tenus au courant de l’avancée de la résolution du problème. En contrepartie, la récente campagne a été dévoilée lors d’un événement réunissant un grand nombre de chauffeurs dans les locaux en banlieue parisienne de l’entreprise pour créer une plus grande cohésion. Mais qu’en est-il des clients ?
A cela, il a été révélé ce mardi 21 novembre que les données de 57 millions  d’utilisateurs ont été piratées en octobre 2016, par deux hackers. Ces données auraient été détruites en échange d’une rançon. Révélation après un an de silence de la compagnie, alors que la loi américaine force les compagnies à révéler aux autorités et aux clients ce genre d’informations. Encore un faux pas pour Uber, dont le nouveau PDG, Dara Khosrowshahi, assure n’avoir été informé que “très récemment” du piratage. Que ce soit sous le “règne” de M.Khosrowshahi ou sous celui de son prédécesseur Travis Kalanick, l’éthique de la firme reste à questionner.

#AvancerAvecVous mais sans nous ?
Contrairement à la précédente campagne où le choix était de faire des jeux de mots liés à des situations dans un Uber – côté client («Uberdumat’ », «Uberassurée », « Uberge de jeunesse », etc.) et côté chauffeur (« Uberman », « Uberdanslesépinards », « Uberwoman ») – la nouvelle stratégie communicationnelle est plus sobre et plus épurée.

 
 
 
 
affiches. Celles-ci sont dépersonnalisées et insiste sur le paysage et/ou l’architecture. Quant au spot destiné à la télévision, il s’apparente à ceux des marques de voiture et d’entreprise d’éner
Le client, bien que présent dans les catchlines et le script du spot, disparaît des affiches. Celles-ci sont dépersonnalisées et insistent sur le paysage et/ou l’architecture. Quant au spot destiné à la télévision, il s’apparente à ceux des marques de voiture et d’entreprise d’énergie.
#AvancerAvecVous, oui, mais communiquer avec nous serait encore plus bénéfique. Aucun compte twitter d’Uber ne mentionne la décision de justice londonienne du 10 octobre 2017. La stratégie de la dernière campagne évoque les erreurs passées, mais les passent sous silence. L’entreprise continue d’avancer, mais semble faire la sourde oreille. Ce manque de réactivité se sent à la fois dans la stratégie communicationnelle et dans la gestion d’événements imprévus. Lors de l’attentat à Londres début juin, les courses ont été majorées automatiquement par l’algorithme répondant à la loi de l’offre et de la demande avant de retrouver leurs coûts habituels.
So, let’s take a ride ?

Jules de Senneville
LinkedIn.

Sources :
Le Parisien avec AFP, Londres : Uber perd son procès et devra payer ses chauffeurs au salaire minimum, 10/11/2017, consulté le 14/11/2017
L’ADN, Uber dévoile sa première campagne TV en France, 18/09/2017, consulté le 14/11/2017
La Reclame, Campagne de communication – Uber – agence DDB Paris, consulté le 14/11/2017
Myriam Berber, Ariane Gaffuri, Le service UberPop interdit en France, 23/09/2015, consulté le 16/11/2017,
Sarah G., La 1ère campagne d’Uber France pour ses 4 ans, La Réclame, 09/03/2016, consulté le 16/11/2017
Le piratage massif d’Uber en sept questions, 22/11/2017 
Jamal Henni, Comment Uber échappe à l’impôt, BFM Business, 30/06/2015, consulté le 20/11/2017
Guillemette Petit, Galaxy Note 7 : le mea-culpa de Samsung, 12/05/17, consulté le 20/11/2017,
 
Crédits photos et vidéo :
Agence DDB Paris
Photo 1

Publicité et marketing

Publicité et marketing : la parole aux enfants

De la figure attendrissante du petit garçon et de Maurice son poisson rouge dans la publicité de Nestlé, à celle où le fiston vente la simplicité de la nouvelle voiture électrique de Renault, on ne compte plus les publicités dans lesquelles l’enfant joue un rôle central. Cependant, le statut d’enfant-acteur dans la publicité évolue avec son époque. Ces derniers temps, il semble qu’une légère tendance se dessine : les « publicités expérimentales ». En mettant en scène des témoignages d’enfants, elles soulèvent en creux des questions de société. Des questions sur lesquelles les enfants sembleraient avoir leur mot à vendre… euh, à dire.
Une expérience sociale à caractère scientifique
Interroger les enfants sur l’expérience qu’ils ont d’un produit, l’idée n’est pas révolutionnaire. Il suffit pour le constater d’aller voir du côté de la célèbre marque de petites briques de construction Lego, qui se définit comme un « prestataire d’expériences de jeu » (« provider of play experiences »). Mais en 2014, Lego bouleverse le statut de l’enfant dans la publicité en lançant une campagne d’un nouveau genre : « l’expérience créative ». Cette expérimentation joue sur la mystique de l’épanouissement par le jeu, en nous dévoilant l’envers du décor : par-delà la brique, l’expérience du jeu.

Le principe est simple : plusieurs enfants, entre 6 et 11 ans, sont interviewés chacun leur tour sur leur expérience des Lego. L’expérience consiste alors à démontrer aux mamans que le rapport des enfants aux Lego dépasse toute la profondeur de l’imaginaire créé par l’enfant autour de la brique.
Le cadre de l’expérience et la manière dont elle est filmée révèlent la volonté de dépeindre le caractère sérieux, expérimental et presque scientifique de l’expérience : fond neutre, atmosphère lumineuse, peu de mouvement, plans caméras alternés entre le visage et le corps … Par ces procédés, la marque cherche à prendre le spectateur à témoin et à le persuader de l’authenticité et de la conformité de l’expérience, comme le faisaient les scientifiques au XVIIème siècle. Le spectateur est incité à dépasser la matérialité du jeu pour le voir comme une expérience personnelle constructive, en combattant les a priori des mères – et seulement des mères – jusqu’alors « prisonnières de la brique ».
Quand la publicité fait de la télé-réalité
Plus récemment, le concept d’expérience dans la publicité a franchi une nouvelle étape. Alors que dans le cas de Lego, l’enfant révélait au spectateur les dessous de son expérience de jeu dans une démarche plutôt scientifique, on voit désormais défiler sur nos écrans des publicités dans lesquelles ce ne sont plus des pratiques qui sont en jeu, mais une certaine conception de la société, un point de vue sur des problématiques actuelles. C’est le choix de la publicité aux 10 millions de vues sur YouTube de la marque d’hygiène féminine Always. Dans une interview, Laureen Greenfield, réalisatrice du spot publicitaire « Like a girl », récompensé aux 67ème Emmy Award dans la catégorie « Oustanding Commercial », définit clairement son projet comme une « expérience sociale », une appellation qui fait écho au principe originel de la télé-réalité.

A la volonté de donner une dimension scientifique à l’expérience s’ajoute la prétention de la publicité à devenir un vecteur de prise de conscience et d’évolution sociétale. En dénonçant les représentations de la femme comme une figure de faiblesse et de fragilité, la marque fait le pari de mettre encore plus à distance le produit matériel afin de souligner davantage les valeurs véhiculées par la marque et son engagement social. Dans la continuité de cette publicité, la période de Noël a notamment vu les Magasins U s’emparer à leur tour de la délicate question du genre en utilisant le même principe d’expérience sociale qui met à bas les stéréotypes sociétaux.

L’imaginaire de l’enfant dans les « publicités expérimentales »
Les propos de Monique Dagnaud, ex-directrice du CSA et actuelle directrice de recherche émérite au CNRS, apparaissent de nos jours difficilement contestables : « la publicité s’adresse directement à l’enfant, en fait un héros avec un comportement d’adulte, souvent plus impertinent et astucieux que ses parents ». Les spots publicitaires mettant en place de telles « expériences sociales » redéfinissent le statut de l’enfant dans la publicité. L’enfant est « surprenant de créativité » et de transcendance avec Lego, il prend conscience des stéréotypes sociétaux et en révèle les enjeux à ses parents avec Always, il éveille les mentalités et est vecteur d’évolution sociale avec les Magasins U.
Dans ces « publicités expérimentales », l’enfant ne joue plus seulement à l’adulte : il affirme son individualité et affiche des positions claires. De telles stratégies publicitaires font ressurgir l’imaginaire quelque peu oublié de l’enfant comme figure d’une innocence ponctuée de vérité.
Ces publicités ont majoritairement fait parler d’elles sur le contenu. Et c’est aussi cela leur force : pour atteindre leurs objectifs d’audience, elles réussissent à faire oublier leur nature commerciale en s’immisçant dans les conversations quotidiennes de fond.
A l’image de la publicité d’Always qui matérialise par des cubes les « cadres instituants » (Emmanüel Souchier) de la société pour mieux les détruire, il convient de mettre au jour les « cadres instituants » de ces publicités, qui, sous couvert d’une cause sociale de leur temps, utilisent la fibre émotionnelle et réveillent l’imaginaire de l’enfant comme figure de vérité, au service d’un objectif purement marketing.
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
⁃ Lego – http://www.lego.com/fr-fr/aboutus/responsibility
⁃ Emmanuël Souchier (2012). La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation Pour une poétique de « l’infra-ordinaire ». Communication & langages, 2012, pp 3-19 doi:10.4074/S0336150012002013
⁃ Emmy Awards – http://www.emmys.com/awards/nominees-winners/2015/outstanding-commercial
⁃ Interview Laureen Greenfield (« Like a girl ») – https://www.youtube.com/watch?v=u2wqxiq1nD8
⁃ CNRS – http://cems.ehess.fr/index.php?2639
Crédits images : 
– Capture d’écran de la vidéo LEGO – https://www.youtube.com/watch?v=pA_CZ7baFLw 

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