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L’ego-surfing, tendance 2014

 
Le net serait-il devenu un miroir 2.0 ? Comme Narcisse devant son reflet, il semble que les internautes aiment à contempler le reflet que leur renvoient les moteurs de recherche.Cette pratique porte même un nom : l’ego-surfing, ou self-googling. Il s’agit de se rechercher soi-même sur les moteurs de recherche. Une enquête Bing/Ipsos révèle par ailleurs que cette pratique, érigée en tendance de l’année 2014, concerne 71% des Français utilisateurs d’Internet. Mais au-delà des chiffres, que faut-il voir dans cette tendance ? Simple narcissisme révélateur d’une époque de plus en plus individualiste, ou stratégie d’optimisation de son image sur le net, à des fins professionnelles par exemple? Il semble que l’ego-surfing renvoie finalement à des logiques assez différentes.
L’ego-surfing : affaire de curiosité et de stratégie
Chercher son propre nom sur les moteurs de recherche répondrait avant tout à une logiquede curiosité. Si Internet est une mine d’informations, pourquoi n’en trouverais-je pas sur moi ? Ainsi, pour 51% des adeptes, l’ego-surfing s’inscrit dans cette logique. Cette pratique est une démarche qui répond à la curiosité. L’internaute est bien souvent curieux de savoir ce que la Toile va conserver de lui : photos, anciens posts, mots associés… Bien souvent, les résultats de cet ego-surfing étonnent. C’est là le premier paradoxe de cette pratique : face au miroir d’Internet, l’ego-surfer espère trouver son reflet virtuel, mais il est toujours surpris par celui-ci.Toutefois, si la curiosité demeure le moteur principal de l’ego-surfing, celui-ci est également motivé par l’inquiétude. Bien loin du narcissisme à outrance, l’ego-surfing peut aussi apparaître comme une véritable stratégie professionnelle, à l’heure où la réputation virtuelle compte au moins autant que la réputation réelle. « Le phénomène « selfie » sur les moteurs de recherche n’est pas un effet de mode. Il traduit au contraire une tendance à la professionnalisation des internautes, qui se comportent comme des entreprises,comme des marques. Jusqu’à présent réservé aux célébrités, le personal branding arrive chez les anonymes » écrit ainsi Anne-Sophie Dubus, Directrice marketing Europe de Bing. Ce qui préoccupe ces internautes, c’est d’abord la mise à jour des informations les concernant, la peur de ne pas être visible à cause d’un homonyme, ou pire, d’être confondu avec un homonyme… Selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’IFOP France, cela est d’autant plus vrai pour les personnes en recherche d’emploi : « un bon référencement sur les résultats des moteurs de recherche est un véritable enjeu ». Une mauvaise e-reputation (réputationvirtuelle) peut être fatale…
Ego-surfing et personal branding
Les conclusions de l’enquête menée par Bing et Ipsos font même émerger un nouveau type d’internaute, nommé le « wannaBing ». Le WannaBing est un ego-surfer un peu particulier, car il se cherche au minimum une fois par mois sur les moteurs de recherche. Sociologiquement, il a entre 26 et 34 ans, c’est un jeune actif et il vit en milieu urbain. Concrètement, comment le wannaBing agit-il sur sa e-reputation ? « Ces « WannaBing »élaborent ainsi des stratégies de visibilité en ligne, voire d’optimisation de leur référencement naturel : ils démultiplient leur présence sur les réseaux sociaux influents,soignent, contrôlent et mettent à jour leurs informations mais aussi leurs photos etvidéos, et sont ainsi en mesure de lutter contre leurs homonymes dans cette course à lapremière place des résultats de recherche » écrit encore Anne-Sophie Dubus.

La marchandisation de l’ego
Les Wannabing ne sont donc certes pas dans une perspective narcissique. Mais c’est peut être plus grave : en se comportant comme des marques, ils entérinent le fait que l’homme est un produit. Pire encore, c’est ici l’homme qui se met lui-même, et consciemment, dans cette situation où il n’est plus qu’une marque. Le Wannabing, à grands renforts de personal branding, en vient par oublier qu’il est autre que ce reflet qu’il travaille constamment. Peut-être finit-il d’ailleurs par ne plus être que le reflet de cette image de lui qu’il construit. Narcisse ignorait que le beau jeune homme qu’il contemplait à la surface de lui n’était autre que son reflet. Le Wannabing ignore qu’il est lui-même le reflet d’un reflet. Il convient toutefois de rappeler que les Wannabing ne représentent qu’une petite partie des ego-surfers. Par exemple, seuls 2% des Français se cherchent une à plusieurs fois par jours sur les moteurs de recherche. Au-delà des chiffres, le fait qu’une telle pratique ait été érigée en tendance de l’année 2014 montre bien la réelle prise de conscience de la problématique de l’identité numérique chez les internautes. Toutefois, il est dommage qu’une telle prise de conscience ne débouche, chez la majorité des internautes, que sur très peu d’initiatives préventives ou proactives. Comme le déplore Brice Teinturier, le contrôle des informations demeure encore très limité.
Alexis Chol
Sources
journaldugeek.com
Microsoft.com
Nextinpact.com
Generation-nt.com
Labnol.org
Thegeekwhisperer.com
Delightfullyamiss.blogspot.fr

Play to Cure cancer
Les Fast

Si jouer pouvait guérir

 
On nous annonçait il y a encore quelques jours que les jeux vidéos n’avaient pas d’impact négatif sur « les performances scolaires et cognitives » de ses joueurs. Aujourd’hui, le Cancer Research UK (institut de recherche mais aussi association caritative) fait mieux, en vous proposant de les aider à vaincre la maladie en installant un jeu intergalactique sur votre Smartphone.
Play to Cure – Genes in Space : un moyen de mettre à contribution le moins scientifique d’entre nous dans le traitement de données utiles à l’analyse des gènes responsables des dysfonctionnements cellulaires à l’origine du cancer.
Le message du Cancer Research UK est simple : nous pouvons tous contribuer à faire avancer la recherche sur le cancer – avec ou sans blouse -, et plus étonnamment, avec ou sans don*.
L’occasion de donner bonne conscience aux plus réticents à apporter leur contribution financière à la recherche, ou réelle campagne de sensibilisation ?

« The more players we have, the quicker we get the results, bring forward the day, when all cancers are cured »
 
Eléonore Péan
Sources :
CancerResearchUK.org
LaReclame.fr
* une application gratuite, disponible uniquement en anglais à l’heure actuelle

Dossiers et conférences

Le made in France actualisé par l’imaginaire et le symbolique

 
Et le cinquième jour, cinq rédactrices ayant spécifiquement travaillé sur le sujet, acceptèrent de nous livrer une partie de leur recherche. Elles ont choisi ici de partager une approche plus psychologique. Les discours et les imaginaires autour du Made in France sont tels qu’il n’est plus seulement culturel. Il devient cultuel.
Si le « panier patriotique est à la mode » ; il semble être une arme efficace dans un monde de plus en plus obsédé par les problèmes de l’origine et de « traçabilité » des produits que l’on consomme. L’apophtegme « Heureux qui peut savoir l’origine des choses » formulé par Virgile permet de s’interroger sur cette aporie cyclique, voire systémique, liée au fonctionnement du genre humain. De facto, la problématique de l’origine, qui semblait tarauder les anciens, se retrouve aujourd’hui au cœur des enjeux politiques et socioéconomiques.
Les problématiques de la transparence sont de plus en plus présentes à travers les discours et imaginaires, dans le cadre du phénomène de « désenclavement planétaire » impulsé par la mondialisation, « l’ère du Soupçon » semble alors en marche. Cette logique de mondialisation des échanges a conduit à estomper toute forme de traçabilité des produits, autrement dit, à gommer les traces qui permettaient de remonter à l’origine de tout produit.
Dès lors, la question des labels et de l’étiquetage viendrait rectifier ce manque de confiance des consommateurs vis-à-vis des produits qu’ils achètent. A l’instar du label « Agriculture Biologique », les labels du « made in France » permettent aux produits français de retrouver un certain prestige dans la sphère de la consommation. Ces nombreux labels portant haut les couleurs « bleu, blanc, rouge » de la France, viennent rassurer les consommateurs en crise de confiance.
L’humanité est entrée dans un cercle infernal de la crise de confiance après avoir fait reculer les frontières du saisissable. Aujourd’hui, il s’agit de revenir sur une forme de décodage voire de « décryptage » d’un monde qui nous est devenu proprement insaisissable tout en essayant de révolutionner matériellement nos habitudes. Les politiques redécouvrent petit à petit qu’il est nécessaire de se concentrer sur l’échelle nationale, régionale voire locale pour rectifier le tir : la formule « nos emplettes sont nos emplois » entre dans de nombreux discours et permet de cautionner un retour aux sources.
Il est par conséquent très important de replacer le « made in France » dans la dynamique plus globale du « made in » en tant qu’expression imprégnée dans l’imaginaire collectif qui permet d’informer les consommateurs sur les produits. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde communicationnel, personne n’ignore qu’il fait partie d’un monde à l’échelle planétaire où circulent des imaginaires de toutes sortes et notamment autour de ces formules tendances que sont les « made in ».
Les discours et imaginaires autour du « made in France » se multiplient de façon croissante puisque cette expression devient un enjeu clé pour le redressement économique de la France. Derrière le « made in France » semblent se cacher des représentations sociales et des discours de type polémique. Dans le contexte politique actuel, il est possible de considérer un double aspect du phénomène « made in France » avec d’une part le versant positif de la valorisation des produits français et d’autre part le versant négatif autour d’un débat sur l’identité nationale avec de nombreux décrochements politisés et dépolitisés virant parfois à l’extrême, à l’instar de discours quasi discriminants à l’égard d’autres « made in».
Mais penchons nous plus précisément sur les imaginaires.
Le Made in France s’intègre au sein d’un imaginaire collectif, dont la construction semble relever d’un enjeu identitaire fort. Le discours d’escorte autour de cet objet-volant-très-identifié joue un rôle majeur dans son existence. Mais ce discours contribue aussi largement à la réputation de l’image française, ou plus exactement à l’imaginaire autour de la marque France.
Le poids de l’imaginaire
Dans le « magazine de la grande consommation en France », lsa-conso.fr, le député européen et coprésident de l’Observatoire société et consommation (Obsoco), Robert Rochefort, indique préférer l’emploi du terme de citoyen plutôt que de patriote, quant à la promotion de l’achat français : « La notion de patriotisme me gêne. Elle nous renvoie à une notion guerrière qui rappelle notre passé. Je ne réclame pas des Français patriotes, mais citoyens, qui réfléchissent sur leurs actes et leurs conséquences » . La nuance n’est pas anodine ; rejet de toute ambiguïté nationaliste, elle éclaire le Made in France d’une lumière valorisante, celle de la responsabilité. L’acte d’acheter du Made in France deviendrait presque celui d’un achat équitable. Du reste le fonctionnement est bien celui d’une labellisation comme garante d’un commerce à valeur morale ajoutée. R. Rochefort exprime par ailleurs clairement la nécessité de créer un imaginaire fort autour des produits français. Dans ce contexte, les produits régionaux n’apparaissent plus tant comme des concurrents aux produits nationaux, c’est-à-dire comme une dérive du Made in France, mais comme l’un de ses outils majeurs. Plus on se localise, plus l’on est à même de puiser dans le terroir, dans une imagerie du typique. Les marques peuvent jouer de la « French touch » ou plus généralement de la qualité du savoir-faire, mais elles parlent davantage au marché interne, au public interne, en s’appuyant aussi sur l’argument régional. « Si vous communiquez sur les pêches made in France, continue R. Rochefort, vous n’apportez pas grand-chose. En revanche, si vous affichez les mérites des pêches du Languedoc-Roussillon, vous entrevoyez le soleil ».
Dimension spirituelle du « made in France »
On peut se poser la question de la profondeur subjective de la « marque France » lorsque celle-ci est activée par les consommateurs du monde entier. Les clichés se propagent en « peer to peer », au bouche à oreille, dans les médias, issus de l’éducation ou de l’expérience du tourisme de chacun, et tissent le réseau d’une pensée imaginaire et symbolique.
Une spécialité nationale précise est souvent rattachée à chaque pays : les produits industriels pour l’Allemagne, ceux high-tech pour le Japon et les USA, le style et le design, l’art de vivre et les plaisirs gustatifs pour la France et l’Italie. On scrute tout d’abord la valeur intrinsèque des produits, dans une logique rationnelle. La pensée imaginaire intervient si l’on mêle ces étiquettes à des valeurs, des qualités ou des défauts congénitaux – négligence, raffinement, humour par exemple. Cette pensée-là détermine une logique de préférence des produits davantage émotionnelle. Cependant la marque France peut aussi être considérée à travers le prisme de l’anthropologie, relevant d’une pensée profonde, « symbolique », pour Eric Fouquier, où mythes et contes interviennent. La réaction des consommateurs contemporains se comprend aussi dans les racines de leurs attitudes.
C’est pourquoi le produit authentifié Made in France est aussi un objet mental. Il joue effectivement sur le psychique, ce dont témoigne par exemple telle chinoise déclarant « devenir » parisienne en portant un sac Kelly ou Birkin. Les produits ainsi rattachés à un imaginaire se muent en opérateurs psychiques. D’une certaine manière, un touriste ému devant la tour Eiffel peut l’être tout autant à distance, chez lui, transformé par des produits typiquement français.
Le Made in France procède donc non seulement d’une rationalité, en tant que label, mais aussi de deux processus propres à la pensée magique , que l’on peut lui appliquer : le premier est le mode mana, (force spirituelle d’un système d’échange réciproque, énergétique, qui forge le collectif « sorte d’éther, impondérable, communicable, et qui se répand de lui-même. Le mana est en outre un milieu, ou plus exactement, fonctionne dans un milieu qui est mana » ) qui consiste à se référer au « génie français », à la source de la fabrication des produits ; le mode fétiche en second lieu présente les produits français comme des anticorps, sorte de pansements face aux blessures créées par la « civilisation hypermoderne ».
La référence au fétiche renvoie à un objet matériel, à l’efficacité salvatrice. Ernesto de Martino montre que le fétiche sert à traiter ce qui est le « drame existentiel » de ce monde, c’est-à-dire le « sentiment de perte ou d’atténuation de la réalité et de l’unité personnelle de l’individu », il sert à surmonter l’épreuve d’un « défaut de présence », lorsque la personnalité du sujet s’efface par manque d’énergie, assaillie par les forces hostiles d’un monde, « société liquide » selon Bauman, dont il ne devient plus que l’écho. Il sert ainsi à raffermir la volonté d’être là en tant que présence. De fait, le film Midnight in Paris (2011) de Woody Allen met en exergue la magie de cette ville française emblématique, qui agit comme un baume sur les angoisses du personnage principal, écrivain désemparé, décalé par rapport au monde moderne dans lequel il vit.
Conclusions
Trois observations émergent lorsqu’on étudie la valorisation de la marque France : l’image technologique de la France est à peu de chose près inexistante, contrairement à son image d’élégance qui est, quant à elle, extrêmement puissante. Le duo beauté/qualité, au cœur de la stratégie du luxe, est enfin le point fort du Made in France, par opposition au Made in China.
L’analyse du made in France enrichie de cette approche symbolique implique de ne pas limiter la consommation à la seule pratique utilitariste. Cette pensée profonde, sous-jacente, mobilise des mécanismes subjectifs, si bien que faire appel à la morale altruiste ne suffit plus dès lors que les produits remplissent des fonctions symboliques. Cela invite de plus à reconsidérer des objets qui dépassent leur seule fonction pratique, ce qui offre une prise de position intéressante aux stratégies marketing et commerciales. Ainsi le directeur du style chez Hermès explique-t-il que « s’habiller n’est pas futile, cela dit ce que nous rêvons être… Les valeurs qui nous inspirent : introspection, rejet du spectaculaire, qualité de travail, atemporalité, goût des choses qui durent, supplément d’âme… » .
 
Alicia Poirier N’Diaye, Sibylle Rousselot
Avec Marine Miquet, Alice Nieto et Pauline Saint Macary
Extrait du TIR (Travaux d’Initiation à la Recherche) made in France 2013
Sources pertinentes :
FOUQUIER, Eric. 2011. « La France, ses produits et la pensée magique ». Revue française de gestion, vol. 37, N°218-219, pp. 93-105
Mauss,1950, cité par Ducard 2003
Ernesto de Martino, 1999
Lemaire, Directeur du style, Libération, Next, Avril 2011

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Edito

Penser la déconnexion ou ramer

 
Plus de 60% des français ont « envie de se déconnecter », c’est une des conclusions d’une étude réalisée par Metrix Lab pour Havas Media ce mois. Cela a fait du bruit. Stratégies a notamment titré cette semaine : « la France des déconnectés », expliquant : « à la précédente fracture numérique est en train de substituer un fossé entre les surconnectés est les déconnectés volontaires. » Si raisonner en typologies est souvent intéressant, ce ne nous semble cependant pas être la méthode idoine ici.
En effet, quand plus d’un français sur deux exprime la même peur ou la même envie sans que cela ait été vu auparavant, il s’agit certainement de s’interroger de manière différente, et donc d’admettre qu’il y a sans doute un problème plus large et général avec Internet. La même enquête MetrixLab informe en effet que 74,8 % de ceux qui se déconnectent le font « car ils se trouvent trop sollicités, reçoivent trop de messages, de publicités ». Cette donnée nous semble être particulièrement intéressante. Qui, en effet, ne s’est jamais senti épuisé, ou du moins fatigué, face à la déferlante d’information et de sollicitations sur la toile ? Personne, ou presque, probablement.
Les communicants et publicitaires ne sont évidement pas seuls en cause, les phénomènes de saturation se produisant très bien sans eux, sur les réseaux sociaux notamment. Toutefois, ils doivent désormais s’efforcer de la jouer fine s’ils veulent marquer des points. C’est d’ailleurs une des conclusions de Dominique Delport, PDG de Havas Media France, qui préconise une communication digitale « subtile et travaillée » pour rattraper les déconnectés volontaires. En fait, ce conseil est probablement valable pour la quasi-totalité des internautes, les déconnectés volontaires étant sans doute des pionniers, dont la réaction exprime un malaise largement ressenti, ce que tend à prouver le chiffre, déjà mentionné ci-dessus, de 60 % de français envisageant de se déconnecter.
Internet et le Web sont très jeunes, les réseaux sociaux le sont encore plus. Tout est à apprendre et tout y évolue sans cesse. Les hommes et femmes politiques le savent d’ailleurs bien. Ils se souviennent du lynchage de Frédéric Lefebvre à son arrivée sur Twitter, ou des difficultés de Cécile Duflot à construire un positionnement adéquat sur le même réseau social à ses débuts au Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement. Il s’agit donc d’admettre en premier lieu toute la difficulté de la réussite d’une communication digitale, tant du point de vue de l’émission que de la réception. Si Internet et le Web sont des outils très excitants, il est aussi tout à fait possible d’y gâcher son temps, son argent, voire sa réputation.
D’où l’intérêt de la recherche et de l’enseignement en communication. Loin des faiseurs de How-to books en tous genres, les chercheurs tentent d’appréhender les phénomènes de communication dans toute leur complexité, notamment sur Internet. C’est clairement la seule voie crédible dans ce métier, comme dans beaucoup d’autres. Si l’on imagine mal un ingénieur ou un médecin se montrer compétent et digne de confiance sans un bagage théorique solide et une mise à jour fréquente de ses connaissances, on a également du mal à penser qu’un communicant puisse réussir durablement s’il se contente de courir après les concepts à la mode, sans connaissances ni véritable compréhension de son métier.
Cette connaissance et cette compréhension font bien voir leur nécessité dans un cas comme celui de la déconnection volontaire des internautes. Alors que sont chantées depuis plusieurs années les louanges du numérique, que l’on annonce une révolution de la communication et du marketing toutes les deux semaines, et que certains font fleurir des concepts à une vitesse inversement proportionnelle à la densité de leurs réflexions, on se trouve soudain face à un problème qui renverse le tout et rend inévitable un vrai travail intellectuel. Seuls ceux qui seront en mesure de le faire, c’est-à-dire d’affronter la complexité des choses, seront en mesure d’apporter les réponses adéquates. Les autres ? Ils peuvent d’ores et déjà se mettre en quête d’un canot de sauvetage.
Romain Pédron