Société

Prostitution étudiante: un nouveau paradigme communicationnel

Un véritable boom nous interpelle : celui de la prostitution étudiante en parallèle d’une courbe ascendante incluant frais universitaires et quotidiens. En effet, le syndicat SUD-étudiant révèle un chiffre qui a doublé en seulement une décennie : 40 000 étudiants en France se prostitueraient aujourd’hui. Si la toile joue désormais un rôle prépondérant au sein du fonctionnement de la prostitution, les applications s’en donnent désormais à cœur joie et tous deux ciblent stratégiquement de plus en plus les étudiants. C’est pourquoi l’émergence des sugar daddies « papa gâteaux » apparaît symptomatique d’une nouvelle conception communicationnelle de la relation spécifique client/prostitué(e)-étudiant(e) en partie déterminée par ces nouvelles médiations technologiques.
Stratégie communicationnelle : une cible de plus en plus étudiante
Une kyrielle de sites de prostitution a fleuri en parallèle d’une vie étudiante de plus en plus chère : le prix des loyers a par exemple augmenté de 43% à Paris en seulement dix ans et les étudiants peinent à garder la tête hors de l’eau. Constatant cela, les sites ciblent de plus en plus les étudiants : les périphrases sugar daddy – papa gâteau – et sugar baby rendent palpables la position infantilisée de l’étudiant face au client souvent bien plus âgé. Ainsi, le Seeking-arrangement – développé aux Etats-Unis compte tenu de leurs frais universitaires élevés – attire de plus en plus les étudiant(e)s français avec le lancement de la version francophone symptomatique donc de la réalité française du phénomène.
De plus, des applications telle qu’Ohlala s’inspirent tacitement des modèles familiers aux jeunes générations comme Tinder en filtrant les personnes par critères (géolocalisation, fourchettes tarifaires, durée de la prestation…). Rapide, discret et virtuel, Ohlala n’est usitée qu’en Allemagne mais envisage d’investir le marché français. Par conséquent, cela engendre une territorialisation de ces innovations médiatiques puisque se polarisent axiologiquement deux « Europes » : l’une schématiquement indulgente et réaliste, l’autre plutôt puritaine et idéaliste. L’Allemagne ayant légalisé la prostitution, promeut un laisser-faire, alors que la France chasse juridiquement ces médiations pour proxénétisme comme ce fut le cas avec escort-eden retirée en 2014.
Se vendre corps et âme pour un diplôme : un savoir-faire communicationnel ?
À New York, on constate une institutionnalisation de ce phénomène avec l’Université Sugar Daddy fondée par un ancien client, Alan Schneider, et sa sugar baby, ancienne étudiante prostituée, où ils prévoient d’enseigner les codes communicationnels sous-jacents à cette relation. En effet, ces codes clairement définis oscilleraient entre échange de services, mécénat et séduction, illustrant la spécificité communicationnelle de cette nouvelle relation.

Un visage communicationnel déterminé par le média
Les supports médiatiques orientent les enjeux communicationnels de la relation.
-La dé-réalisation. Jouant en faveur du fameux passage à l’acte qui est déterminant dans l’engrenage, la sécurité apparente suscitée par le support médiatique sollicite plus facilement l’envie de s’inscrire pour voir : ce n’est pas comme s’il fallait s’exposer publiquement au bord du trottoir. Au contraire, la discrétion initiale rassure et favorise ce premier pas en dé-réalisant ce passage à l’acte qui n’implique plus immédiatement le corps physique mais seulement une présence dé-réalisée, en perte de conscience de l’engagement de sa propre corporalité pour s’incorporer uniquement dans la communication même.
-L’exhibition ou la médiatisation comme sublimation. Le corps n’est plus jeté en pâture mais est sublimé par la distanciation effective procurée par le média. Celui-ci alimente à la fois le fantasme et la valorisation du moi parsemé en divers indices fragmentaires (photos avantageuses ou messages échangés).
-L’échange, une mise en spectacle : pour charmer, le discours doit jouer avec les codes communicationnels de l’espace virtuel comme par exemple les smileys qui donnent à voir l’émotion, le différé qui joue sur l’attente et la ponctuation qui communique l’implicite.
-Du pouvoir du choix : si le client croit choisir en quêtant sur le site, c’est avant tout l’étudiant(e) prostitué(e) qui choisira parmi la masse de clients qui n’est plus circonscrite à une rue. C’est pourquoi l’enjeu de plaire au sugar baby est devenu d’autant plus essentiel. Ceci engendre une refonte lexicale : l’escorting. Le fait de choisir ne donne pas l’impression aux étudiant(e)s qu’on leur impose un client, comme si la prostitution, la vraie, se définissait par l’impossibilité de choisir ses clients et non pas d’avoir une relation sexuelle tarifée. Mais de la prostitution à l’escorting, il n’y a qu’un mot : si la relation sexuelle n’est pas systématique, elle est potentiellement systématique. Si la consonance anglo-saxonne paraît chic face à la traditionnelle prostituée qui fait le tapin, cette substitution lexicale reste cet échange de services réifiant le corps en simple instrument.
– Paradoxe de la relation qui se veut pérenne, mécènique et paternelle : le sugar daddy. Ne pas enchaîner diverses personnes mais fidéliser devient monnaie courante tant pour le client que pour le sugar baby grâce à un entretien du contact où le client incarne une posture détournée et hybride du mécène et de la figure paternelle.
Déficience communicationnelle ou déni institutionnel ?
En aval, l’AFEP (Association Fédérative des Etudiants de Poitiers) a mené une campagne en 2013 autour de témoignages partageant vécu et conseils : avant tout préventive et informative, ciblant les étudiants, elle veut aussi communiquer cette réalité aux personnes environnantes. Cependant, en amont, l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France) milite pour que le Ministère de l’Enseignement Supérieur s’empare de la problématique car pour eux il n’y a personne pour « écouter », « encadrer » ni même « soutenir » ces étudiants : « A l’université, les personnels ne sont ni préparés, ni formés, ni sensibilisés ». Ils suggèrent d’abord d’entreprendre de véritables enquêtes afin de chiffrer minutieusement le phénomène. Mais pourquoi ce silence ? L’Etat français serait-il dans le déni ?

Allison Leroux
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Sources : 
http://lci.tf1.fr/france/societe/qui-sont-ces-etudiantes-qui-s-inscrivent-sur-sugardaddy-fr-8395164.html

http://www.ouest-france.fr/allemagne-ohlala-le-uber-de-la-prostitution-arrive-berlin-3641693
http://www.meltycampus.fr/prostitution-etudiante-decouvrez-les-facs-avec-le-plus-de-sugar-babies-a378146.html
http://www.20minutes.fr/economie/815290-20111031-loyers-flambe-50-dix-ans-paris

La prostitution étudiante : un tabou encore très fort aujourd’hui.


http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/03/27/seekingarrangement-c-est-de-l-escorting-donc-de-la-prostitution_4390995_3224.html
http://rue89.nouvelobs.com/2010/01/25/le-crous-tarde-a-payer-les-bourses-et-met-les-etudiants-dans-le-rouge-135019
http://www.franceinfo.fr/emission/Unknown%20token%20emisaison-type-url/noeud-diffusion-temporaire-pour-le-nid-source-1372245-05-05-2014-11-47
http://lesvilainspetitscanards.jimdo.com/actualisez-moi/prostitution-%C3%A9tudiante-du-banc-%C3%A9tudiant-au-lit-d-un-client-le-nouveau-m%C3%A9c%C3%A9nat-du-si%C3%A8cle/
Crédits images : 
– Application Ohlala
– Europe 1
– Campagne Osons en parler

Invisible girlfriend
Société

« Invisible Girlfriend » : Love Story Sur Mesure

 
On a Meetic, pour une relation stable entre gens bien pensants, on a Gleeden pour une relation extra conjugale torride, on a Tinder pour des rencontres 100% sans râteaux, on a tout ça et bien d’autres. Les réseaux sociaux ne cessent de se réclamer de l’amour, avec la volonté de s’amuser et d’éradiquer la solitude sexuelle ou sentimentale. Et si  on était bien, simplement célibataire célibataire ? D’ici fin décembre, la nouvelle application « Invisible Girlfriend » vous proposera une relation virtuelle qui fera enfin taire les mauvaises langues de votre entourage.
« Invisible Girlfriend » est la nouvelle application dévoilée il y a quelques jours lors du Startup Weekend St.Louis, aux Etats-Unis. Après avoir remporté le concours, l’application a été développée en seulement 54 heures par une équipe de 10 professionnels. Le concept ? Donner l’illusion à votre entourage d’être en couple en simulant une relation auprès de vos proches. Son créateur Matt Homann explique « Notre audience peut être très diverse, que ce soit un homosexuel obligé de contenter sa famille avec une fausse relation hétérosexuelle, un salarié qui ne veut plus des avances de ses collègues au bureau, ou alors un employé qui entend se consacrer entièrement à sa carrière sans devoir justifier son célibat ».

Evidemment, le service est payant (entre 9,99$ et 49$99) et en fonction de la formule à laquelle vous souscrirez, on vous accordera SMS, appel automatique, poste Facebook, message vocaux et autres douceurs de la part de votre chère et invisible dulcinée. Plus vous payez, plus votre « Invisible Girlfriend » semble réelle. En effet, pour le pack « presque fiancé » à 49,99 dollars américains, vous pourrez customiser votre « Grilfriend », et scénariser de toute pièce la relation.

Affronter la pression sociale
En prévision de la saint Valentin, le CNRS titrait en 2013 « L’amour est un lien social incontournable. Il s’étale à la une de nos médias, il accapare nos conversations, il transporte ou accable les corps et les esprits ». Aux yeux de la société, l’absence d’amour est synonyme de solitude, d’isolement, de tristesse, mais aussi d’égoïsme et d’individualisme. Il est vrai que l’amour, considéré comme une victoire de la communication, est une construction sociale difficilement évitable. Selon « Invisible Girlfriend », il devient donc préférable de mentir pour se débarrasser de cette pression sociale plutôt que de risquer de faire mauvaise figure. Et pour ça, l’application se présente comme l’élément parfait pour donner de la consistance à vos mensonges et les rendre infaillibles.

Bien entendu, l’application se passe d’évoquer les conséquences que pourraient avoir un tel mensonge sur la vie de ces esseulés. D’accord, vos proches ne vous tapent plus sur les nerfs mais n’est-il pas plus lourd de porter un mensonge de cette ampleur que de seulement assumer sa solitude ou sa différence. D’autant plus que cet « Invisible Girlfirend » ne permettra au final qu’à se conforter dans un malaise, se réfugier dans des mensonges pour peu à peu se renfermer sur soi même.

Toujours Plus De Solitude ?
Cette application serait-elle révélatrice d’une solitude de plus en plus prononcée au sein de la société moderne ? On ne peut pas vraiment dire ça. Moyennant un abonnement de 19 euros par mois environ, l’application « Rentafriend » lancée en juillet  2010 permet de louer des amis et met à disposition un fichier de plus de 250 000 personnes dites « Amis » à l’intention de « Sans Amis ». Quelques temps après le lancement de l’application, une journaliste du LA Times s’est rendu compte que peu de personnes avaient eu recours à cette application proportionnellement aux « Ami » rémunérés par le site qui proposaient leurs services. Ainsi, « RentaFriend » révèle moins un manque d’amitié qu’un besoin d’argent avec un surplus de volontaire prêts à tout pour gagner quelques sous et que très peu de « Sans amis » en Europe. En espérant que « Invisible Girlfriend » ne prenne pas la même tournure.

Ainsi, on attend avec impatience Noel où certains pourront enfin s’offrir des « Invisible Girlfriend ».

Et surtout ne soyez pas jalouses mesdames, « Invisible Boyfriend » ne devrait  pas tarder.

 
Filipine Guyonnaud
Sources
Huffingtonpost
Time