Rémi Gaillard
Société

Est-ce en riant de tout qu’on fait n’importe quoi ?

 
La nouvelle vidéo de Rémi Gaillard, intitulée « Free Sex », fait partie des derniers bad buzz en date sur la toile. Cependant, le concept de la vidéo en question, somme toute assez simple, fait débat : par un jeu visuel de perspective dont il a le secret, l’humoriste montpelliérain du web mime l’acte sexuel avec des inconnues qui ne savent pas de quoi il en retourne.

Si au vendredi 28 mars la vidéo a déjà enregistré 1,8 millions de vues sur YouTube, elle est loin de faire l’unanimité. En témoignent les articles sur le site de Libération Next ou du Plus du Nouvel Obs, mais aussi les commentaires très partagés, et souvent cinglants, des internautes, dans un français certes pas toujours très correct, sur la vidéo et les réseaux sociaux. Sur YouTube, la vidéo a même été interdite au moins de 18 ans.
Deux types de polémiques concernant la vidéo, relativement distinctes et totalement liées, peuvent ici être identifiées.
D’abord, une polémique qui rejoint en bien des points le « slut-shaming » déjà traitée par FastNCurious la semaine dernière. Elle oppose celles et ceux qui voient dans cette vidéo une énième provocation sexiste et une culture du viol à ceux qui y voient un nouveau pied de nez de l’humoriste anticonformiste et une blague franchement drôle.
Le deuxième type de polémique qui ressort des articles et commentaires semble plus essentielle à la nature même de la grande majorité des buzz et clashs sur le web et tient dans la question suivante : peut-on rire de tout ? Les partisans du oui se réclament souvent d’un Desproges et s’en prennent de façon véhémente sur le web à celui et ou celle qui osera critiquer la vidéo, en lançant un absurde quoiqu’efficace « tu n’as qu’à aller voir ailleurs si ça ne te plait pas ». A l’inverse, les partisans du non, qui sont ici, pour la plupart, des partisanes mais pas seulement, se réclament de principes dits supérieurs en rapport avec la dignité humaine et la libération de la femme, et s’en prennent avec dédain à ceux dont l’humour est affublé du qualificatif d’écervelé. Des exemples ci-dessous – parmi tant d’autres :

Il ne s’agit pas ici de dire qui a tort ou a raison, pas plus que de dire si oui ou non on peut rire de tout. Nous ne pourrons tout au plus que vous renvoyer à une vidéo de Minute Papillon qui apporte quelques éléments de réponse intéressants à cette dernière question.
Car ce qu’il faut peut-être vraiment voir dans cette vidéo, c’est le virtuose de Rémi Gaillard, non pas tellement dans son humour, mais dans son utilisation et dans sa compréhension de la nature du web 2.0, sur lequel il a fondé tout son succès. Moqueur des plateaux télé et autres émissions, l’humoriste s’est toujours tenu à distance du petit écran, plus à l’aise sur son terrain de jeu initial dont il maitrise les ressorts.
Celui-ci ne semble en effet pas du tout s’émouvoir des réactions négatives, et semble même désireux d’alimenter la polémique :

En effet, le web 2.0 se focalise sur la relation et les utilisateurs. C’est le principe même des réseaux sociaux et de l’user-generated-content, qui sont les clés de voute de l’humoriste, mais aussi de toutes les autres stars actuelles du web. Mais avec la relation vient toujours sa dégénérescence, et c’est souvent le conflit et sa mise en spectacle qui prennent le pas sur le partage. Pas étonnant que fleurissent sur Internet des commentaires injurieux dans des clashs collectifs en tout genre, qui s’éloignent souvent toujours un peu plus des thèmes de départ.
Or, peut-être faut-il rappeler ici que l’humoriste a récemment sorti un film, « N’importe-qui », qui n’a malheureusement fait que 130.000 entrées. Un échec commercial qui n’a rien d’étonnant si l’on considère la nature de la notoriété de Rémi Gaillard, consubstantielle de l’avènement de cette nouvelle ère du Web.
Alors, l’humoriste en mal de popularité, qui maitrise largement les arcanes de ce vaste espace médiatique, aurait-il volontairement orchestré le Bad buzz ?
Mais plus important encore : l’avènement du web 2.0 se conjuguerait-il avec celui d’une interactivité essentiellement conflictuelle ?
 
Clarisse Roussel
Sources :
Leplus.Nouvelobs.com
Next.liberation.fr
Leparisien.fr
Unejeuneidiote.tumblr.com
Cinetelerevue.be

Société

TF1 fait du n’importe quoi

 
L’anecdote n’aura échappé à personne, c’est même passé dans Le Petit Journal. Le 16 avril, l’émission Confessions Intimes de TF1 était la victime d’un trucage fomenté par le célèbre Rémi « N’importe Qui » Gaillard, et un couple d’amis. Lui s’est fait passer pour un fanatique – oui, autant ne pas abréger le mot pour le coup – de la star du Web. Elle a occupé 48 heures de tournage à l’ensevelir sous les reproches devant les caméras, dévastée qu’elle était par les ravages que la passion de son petit ami causait dans leur couple.
On peut comprendre que la première chaîne soit tombée dans le panneau avec tant d’éclat, puisque ce genre de tableau est exactement ce qui fait le fond de Confessions Intimes. Et il est tout aussi compréhensible qu’elle ait réagi en se drapant dans une dignité bafouée, lorsque les piégeurs ont révélé la supercherie.
Mais le public trouve nettement moins d’excuses à TF1 lorsque l’on en vient aux révélations faites par N’importe Qui et ses amis. Car – grands dieux – ils ont offert aux Français la vérité crue : les reportages de Confessions Intimes sont scénarisés !
Pas de quoi faire une attaque, évidemment. Depuis son lancement en 2001, l’émission manie trop de scènes pathétiques pour que tout puisse être vrai et le public n’a pas attendu d’entendre parler de Scripted Reality pour s’en douter. Mais c’est ce qui fait le succès de ce genre d’émission, un contrat somme toute classique avec le téléspectateur, qui doute et discute de ses doutes sur la véracité de ce qu’il voit, pour finalement être au rendez-vous la semaine suivante. Le mensonge peut être aussi énorme que possible tant que l’on a la courtoisie de n’en laisser aucune preuve solide. Les diverses interventions de Rémi Gaillard depuis le canular et notamment le making-of qu’il a diffusé, ont réduit ce dernier point à néant.
Sale époque
Or, la chaîne n’en est pas au premier ternissement de sa réputation cette année. La mort accidentelle de Gérald Babin, candidat à Koh Lanta, puis le suicide du médecin qui l’avait jugé valide, occupaient déjà l’actualité du Web depuis la fin du mois de Mars, comme nous l’avons développé ici. Quel rapport entre ces deux cas me direz-vous ? La dignité du diffuseur, bien sûr.
Les révélations de la famille de Mr Babin, exposant l’attitude pour le moins basse des représentants de la chaîne à son égard, ont fait momentanément redescendre la réputation de TF1 à un niveau qui rappelle ses débuts dans la téléréalité – l’ennui, c’est que cette fois-ci, il n’y a pas de gigantesque succès commercial à la clé. Rien de dramatique pour autant : début avril, la communication de crise de la chaîne était suffisamment succincte et cohérente, jouant sans surprise sur l’abattement de ses cadres devant le mal qu’ils avaient involontairement causé, pour la dédouaner à terme. Denis Brogniart y laissait quelques plumes, mais l’honneur était sauf.
Mais voilà qu’en sus d’un parfum de cupidité dangereuse, la chaîne apparaît coup sur coup comme amatrice dans ses prises de décision et malhonnête dans sa production de contenu ! Dès lors, l’argumentaire des belles valeurs blessées marche nettement moins bien que deux semaines auparavant : le communiqué de TF1 a beau reconnaître honorablement son erreur, s’offusquer, rejeter la faute du mensonge sur Rémi Gaillard, il est bien difficile de passer pour l’innocente victime d’un seul homme lorsque l’on pèse plus d’un milliard et demi d’euros. Et c’est sans parler de la chasse, prévisible mais peu glorieuse, qui a été donnée aux uploads du reportage du 16 Avril : Youtube, et même maintenant Rutube pour ne citer qu’elles, ont été priées de retirer tout leur contenu fâcheux.
Y’a plus de valeurs, ma bonne dame
Il en faut cependant bien plus pour abattre un tel colosse. Malheureusement, le « bien plus » se rapproche progressivement depuis quelques années : M6 continue l’assaut sur les publics de sa première rivale et gagne petit à petit une aura qui n’a plus grand-chose à voir avec la Trilogie du Samedi et son public exclusivement jeune. Désavantagée en termes de dynamisme et de réactivité, la meneuse a toujours pu se reposer sur un ancrage historique et moral, qui n’a que peu à envier à celui du service public, pour lui assurer des parts d’audience relativement constantes, même récemment. Mais même un tel atout ne protège pas indéfiniment contre la lassitude du spectateur, lorsque deux émissions phares sont menacées de mort presque simultanément.
Google arrive, M6 persiste. Le colosse pourrait-il voir ses pieds se muer en argile ?
 
Léo Fauvel
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
PcInpact
The Huffington Post
Le Gorafi