Entretien avec Arnaud Benedetti : analyse contemporaine de la com’ politique
Arnaud Benedetti est professeur associé à Sorbonne Université, ex-directeur de la communication de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), du CNES (Centre national d’études spatiales) et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Il a publié dernièrement Le coup de com’ permanent (édition du Cerf, 2018) dans lequel il détaille les stratégies de communication d’Emmanuel Macron.
Ces dernières semaines, les gilets jaunes secouent l’actualité : ils sont au centre de tous les ronds-points de tous les médias et de toutes les discussions, poussant le gouvernement à réagir. Lundi 10 décembre, Emmanuel Macron s’est exprimé sur TF1 après plusieurs semaines de silence. Le « Prince jupitérien » y présente les concessions qu’il entend accorder aux Français dès 2019, se plaçant ainsi directement dans le domaine de l’action. Pourtant, selon l’historien de la communication Arnaud Benedetti, la politique d’Emmanuel Macron se définit finalement plus par son style que par les actions qu’il prétend mener. Nous l’avons rencontré dans son bureau à l’Académie de Médecine pour qu’il nous livre son analyse de la communication du Président qu’il décrit notamment dans son dernier livre, Le coup de com’ permanent, publié en avril 2018 aux éditions du Cerf.
Réseaux sociaux : bonjour le fisc, adieu vie privée !
Le Ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, a annoncé dans l’émission Capital sur M6 l’expérimentation de la lutte contre la fraude fiscale en surveillant les réseaux sociaux. Oui vous avez bien lu ! Cette mesure devrait entrer en vigueur au début de l’année prochaine alors il est encore temps de faire le tri dans ses photos Instagram, Facebook et Twitter avant que le fisc ne vous pointe du doigt.
Le gouvernement sur les réseaux sociaux : entre maladresses et propagande LREM
Loin des tweets de Donald Trump ou des millions d’abonnés que peuvent avoir des influenceurs, le gouvernement tente aujourd’hui tant bien que mal de se faire une place sur les « nouveaux » réseaux sociaux.
Catherine Deneuve et #BalanceTonPorc, le rendez-vous médiatique manqué
La tribune du Monde signée par cent femmes, dont l’actrice Catherine Deneuve qu’on ne présente plus, réclamant un « droit d’importuner » — qui serait consubstantielle à la liberté sexuelle — a déclenché un tollé chez les féministes, comme chez certains observateurs touchés par le scandale de l’affaire Weinstein. L’occasion pour nous, blog sur l’actualité de la communication, de nous pencher sur les ressors médiatiques de cette indignation et la manière dont elle s’est manifestée, notamment sur les réseaux sociaux.
« Et pour quelques tweets de plus » ou la passion de Trump pour Twitter
Ce n’est un secret pour personne : Trump utilise de manière privilégiée les réseaux sociaux — et en particulier Twitter — pour communiquer sur des sujets très variés : politique intérieure comme extérieure, actualité internationale, et même pour commenter les actions de certaines célébrités. Au risque de se montrer impertinent à l’égard de la fonction qui est la sienne, voire de déclencher des polémiques et des tensions diplomatiques. Mais quels sont les véritables ressorts de cette communication trumpienne presque intempestive sur Twitter ? En quoi celle-ci lui est parfois plus nuisible que bénéfique ? FastNCurious a mené l’enquête !
Instapoets VS Patriarchie
La plupart des articles du site de la photographe londonienne Georgie Wileman commencent par la même phrase : « l’endométriose touche une femme sur dix ». J’aimerais commencer cet article différemment : en moyenne, une femme doit attendre dix ans pour avoir un diagnostique correct d’endométriose.
Mélenchon, le modèle de communication à suivre pour les syndicats ?
L’opposition à la loi travail a mis en lumière les dissensions existantes entre les Insoumis et leur leader, Jean-Luc Mélenchon, et les principaux syndicats représentatifs français.
Les ordonnances réformant le Code du Travail ont connu une opposition populaire bien faible, en comparaison avec les manifestations anti-loi El Khomri. Si plusieurs manifestations se sont succédées partout en France, elles n’ont pas réuni suffisamment de protestataires pour obtenir une résonnance médiatique. Cet échec de la contestation sociale s’explique entre autres par les dissensions qui règnent entre les principaux leaders de l’opposition. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et les principaux syndicats français n’ont fait preuve d’aucune unité, alors que leurs positions idéologiques restent proches pour ce sujet. Dans leur affrontement pour le leadership de cette protestation, leurs stratégies de communication jouent un rôle primordial.
Des syndicats dépassés…
Les syndicats français sont en crise, c’est un fait. Le taux de syndicalisation en France ne cesse de décroître, et frôle dangereusement la barre des 10% (11% en 2013, 8,7% dans le privé). Et la communication syndicale ne sort pas assez de l’ordinaire pour leur permettre de séduire à nouveau le salariat français. Leur présence médiatique est quasi inexistante, hors période de manifestations et de grève. En clair, ils n’existent que dans l’action de protestation classique : dans l’entreprise, ponctuellement dans la rue et les médias, mais leur présence n’est pas suffisamment variée tant en termes de forme et de fond. Sur la forme, leur absence quasi-totale des médias numériques leur empêche de toucher la nouvelle génération de travailleurs. Leurs sites internets respectifs, très classiques (voire imbuvables) tranchent avec la modernité et la clarté de la page d’accueil des Insoumis. Leur absence de résonnance sur les réseaux sociaux, pourtant un canal idéal pour toucher la jeunesse, prouve aussi que les syndicats peinent à se renouveler.
Les codes et symboles très utilisés ne varient que trop peu, depuis le poing levé jusqu’à la couleur rouge prédominante chez les trois principaux syndicats (CGT, CFDT, FO). Cette absence de renouvellement de la forme participe forcément au désamour des français pour les syndicats, pourtant des piliers essentiels de la démocratie sociale.
En contraste avec un Mélenchon moderne
A contrario, Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a parfaitement su gérer sa communication, et ne pas s’essouffler après une campagne présidentielle réussie. Il incarne l’ultra-modernité qui manque aux syndicats. Pendant sa campagne déjà, il a rompu avec les codes usés par le temps, avec notamment, l’abandon de la couleur rouge prédominante (bien que subtilement présente) sur son affiche de campagne (contrairement à 2012). Surtout, il a su réinventer de manière très efficace les vieux codes de la campagne politique. Il a redonné un coup de projecteur sur les meetings politiques grâce à l’utilisation de son hologramme. Un simple coup de communication sans énorme plus-value ? Surtout une belle vitrine de modernité pour un candidat de 66 ans engagé politiquement depuis 41 ans.
Le vrai coup de génie de Mélenchon et de son équipe de communication aura été sa présence sur YouTube. Ce média aura été d’une rare efficacité pour toucher les jeunes durant la campagne, mais aussi après. La « Revue de la semaine » de Mélenchon rassemble ainsi près de 110 000 vues hebdomadaires. L’utilisation de YouTube par Mélenchon, une vraie première de cette campagne présidentielle, a été une franche réussite. Il totalise ainsi presque 370 00 abonnés aujourd’hui. À titre de comparaison, la chaîne CGT (oui, oui, elle existe) en totalise 1274, celle de la CFDT 423, et celle de la Force Ouvrière 386.
Certes, Mélenchon vise un public plus large que les syndicats cités de par la différence entre politique et syndicalisme. Cependant, leur base idéologique est proche. Mélenchon a su rendre de nouveau attractif pour la jeunesse un message que les syndicats peinent à faire entendre. Il est plus que temps qu’ils se penchent sur la question, car la France a besoin de partenaires sociaux modernes et rassembleurs. Elle en manque cruellement aujourd’hui.
Robin Labouérie
Linkedin : Robin Labouérie
Sources :
Etude DARES pour le ministère du Travail n°025 Mai 2016 : La syndicalisation en France
Jean-Christophe Chanut, Le taux de syndicalisation se maintient à 11% en France, La Tribune.fr, le 17 mai 2016.
Jean-Luc Mélenchon, Les leçons d’une hyper communication digitale, French Web.fr, le 02 mai 2017.
Crédits Photos :
Capture d’écran du site La France Insoumise (responsive design)
Capture d’écran du site CGT (responsive design)
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon Front de Gauche – Présidentielle 2012
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon La France Insoumise – Présidentielle 2017
Le Brexit, un échec médiatique et communicationnel
Quel a été le rôle des médias dans le vote du Brexit ? La campagne de communication des pro-Bremain a-t-elle été défaillante ? Un an et demi après le référendum et alors que l’heure est encore aux négociations, le rôle des médias et les campagnes de communication des pro-Bremain comme des pro-Brexit sont toujours pointés du doigt.
La plupart des journaux britanniques doivent leur existence à un petit groupe de « barons de la presse » – des hommes d’affaires tels que Lords Beaverbrook, Northcliffe et Rothermere – qui ont fondé des journaux à but lucratif et politique et exigé qu’ils reflètent leurs opinions sociales et politiques. Un mythe ? Que nenni. En effet, en Grande-Bretagne, les médias sont très engagés et ont souvent influencé le résultat des élections et des référendums : une tendance qui s’est une nouvelle fois vérifiée lors du Brexit.
Une presse divisée au sujet du Brexit
Le paysage médiatique anglais était partagé sur le sujet du Brexit. Les opinions divergentes étaient perceptibles à travers le traitement de l’actualité. La presse pro-Brexit jouait la carte de l’insécurité et celle de l’immigration massive, en pointant du doigt la libre circulation des personnes dans l’Union Européenne, tandis que les médias pro-Bremain mettaient en avant l’incertitude économique si la Grande-Bretagne venait à quitter l’Union Européenne. Ainsi, à la lecture des journaux, les électeurs ayant choisi de quitter l’Union Européenne associaient les problèmes sociétaux (crise migratoire, politique d’austérité, difficultés du marché du travail…) à la présence de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne. Influencés par la presse pro-Brexit, les citoyens pensaient faire disparaître ces problèmes en votant pour.
Une prise de position engagée de la part des médias
Les convictions pro-Brexit de la presse britannique sont donc allées bien au-delà de la simple analyse, et de l’objectivité qui incombe à la presse. Ainsi, la couverture médiatique a en partie été biaisée par des préjugés et autres fake news… un processus déjà utilisé par le passé dans les journaux britanniques. Les journalistes auraient-ils délaissé la déontologie au profit de leurs opinions personnelles ? C’est en tout cas ce que laisse imaginer le traitement médiatique du Brexit. Les journaux anglais ont, par exemple, véhiculé des fake news au sujet du coût de l’adhésion britannique à l’UE et de l’adhésion de la Turquie à l’UE. Des informations inexactes rendues crédibles par leur médiatisation. Les médias pro-Brexit affirmaient, par exemple, que la Turquie rejoindrait l’UE d’ici 2020 tout en soulignant qu’il y aurait une migration illimitée provenant de ce pays et de ses voisins tels que l’Iran et la Syrie. De plus, les médias pro-Brexit ont accordé leurs unes à des fausses informations notamment en insistant sur les éventuels dangers qu’encourait la Grande Bretagne avec l’immigration : « Les migrants ne paient que 100 livres pour envahir la Grande-Bretagne », « 20 000 migrants prêts à envahir la Grande Bretagne », … The Mail a même été jusqu’à affirmer que les migrants étaient responsables de 700 meurtres par semaine, une information qu’il a été forcé de corriger tant elle était fausse. Il semble ainsi que les médias ont essayé de provoquer la peur des électeurs afin qu’ils la traduisent dans les urnes. Ce qui prouve que dans le discours politique « post-vérité », l’exactitude de ce que vous dites compte finalement moins que la force et la fréquence à laquelle vous le répétez.
Une méconnaissance globale de l’Union Européenne
Mais comment une institution aussi puissante que l’Union Européenne a-t-elle pu perdre l’un de ses membres les plus importants ? Comment une institution censée rassembler peut-elle aujourd’hui être aussi contestée et clivante ? Il semble que le manque de communication de l’Union Européenne sur son rôle justifie en partie le Brexit, les citoyens n’ayant pas été suffisamment informés sur l’Union Européenne et n’ayant pas véritablement saisis ses enjeux. Dominique Wolton dans son texte « Dix chantiers pour aider à penser l’incommunication en Europe » constate que la part de l’information européenne dans les médias est dérisoire, que les citoyens européens méconnaissent l’histoire de l’Union Européenne ou encore qu’il y a une méfiance envers la diversité culturelle. Il propose ainsi d’accroître le volume et la diversité de l’information sur l’Europe, d’enseigner la vie politique européenne dans toutes les écoles, de populariser l’histoire de l’Europe, ou encore de faire de la question des réfugiés un symbole de la solidarité de l’Union Européenne. Des propositions pouvant mener à un nouveau plan de communication efficace de l’Union Européenne afin d’éviter des situations telles que le Brexit.
Une communication numérique réussie
À l’inverse des pro-Bremain, les pro-Brexit ont réussi leur campagne de communication en misant sur le digital et en donnant le ton au débat sur les réseaux sociaux. Les nombreux partisans actifs du Brexit leur ont permis de dominer Facebook, Twitter et Instagram, influençant des foules d’électeurs indécis. Selon l’étude « impact of social media on the outcome of the EU referendum », les partisans du Brexit sur Instagram étaient cinq fois plus actifs que les partisans du Remain. De plus, les 3 hashtags les plus utilisés provenaient du camp du Brexit : #Brexit, #Beleave et #VoteLeave. Le message du camp du Brexit était ainsi beaucoup plus intuitif, direct et émotionnel, ce qui a facilité la propagation virale des idées pro-Brexit. En effet, les messages émotionnels se propagent plus rapidement que les messages axés sur des arguments rationnels ou économiques. Ainsi, l’erreur communicationnelle des pro-UE a été de ne pas dominer les médias sociaux. Internet a changé la nature des campagnes politiques et continuera à jouer un rôle clé dans les futures élections politiques.
De nombreux électeurs du Brexit semblent maintenant souffrir de ce qu’on appelle « Bregret ». En effet, ils ont voté pour quitter l’Union Européenne, et maintenant, ils auraient aimé ne pas le faire. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas vraiment compris les implications des choix offerts. Ce qui est si inquiétant, c’est qu’avec une meilleure communication des différents camps et un traitement médiatique plus neutre, les électeurs auraient au moins pu prendre une décision éclairée, quelque soit le camp qu’ils avaient choisi.
Sandrine Roul
Sources :
Abott James, Brexit : les prises de position engagées des médias britanniques, RTL, 23/06/2016, consulté le 01/11/2017.
Lessons From Brexit: How Not To Communicate Your Cause, Entrepreneur Middle East, 10/07/2016, consulté le 01/11/2017.
Polonski Vyacheslav, Impact of social media on the outcome of the EU referendum, EU Referendum Analysis 2016, consulté le 01/11/2017.
Malherbe Michael, Réflexions post-Brexit sur la communication de l’Union européenne, La Com Européenne, 13/07/2016, consulté le 01/11/2017.
Simon Hinde, Brexit and the media, Hermès, La Revue 2017/1 (n° 77), p. 80-86.
Dominique Wolton, Dix chantiers pour aider à penser l’incommunication en Europe, Hermès, La Revue 2017/1 (n° 77), p. 243-247.
Crédits photos :
Photo à la une : L’Express
Photo 1 : Reuteurs Institute fort the Study Journalism
Photo 2 : scoopnest
Photo 3 : Vyacheslav Polonski
Le règne du « partage » : analyse d’une tendance communicationnelle
La notion de « partage » est partout, elle semble être devenue l’une des valeurs cardinales de la génération des digital natives : elle est omniprésente dans la publicité, sur les réseaux sociaux, dans la communication institutionnelle… Alors que les inégalités économiques et sociales, ainsi que l’esprit de concurrence n’ont jamais été aussi exacerbés qu’aujourd’hui, cet appel au partage interpelle. Il est pour le moins paradoxal.
Le partage, une ouverture sur le monde ?
Est-ce un simple et curieux hasard si le terme partage vient étymologiquement du même mot que « partir » (du latin partire) ? Le désormais slogan officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, « Venez partager », laisse presque entendre « Partez à Paris ».
« Depuis le lancement de la candidature, nous sommes particulièrement attachés à porter des valeurs d’ouverture sur le monde et de partage », a déclaré Etienne Thobois, le directeur général de Paris 2024. Cette volonté affichée de véhiculer ces deux notions étroitement liées, se concrétise encore davantage par le slogan écrit en anglais, dévoilé avant sa traduction française : « Made for sharing ». Ce slogan a fait couler beaucoup d’encre, mais il permettrait, selon les organisateurs, de diffuser plus largement un appel à venir à Paris lors des Jeux. Une traduction en espagnol est même envisagée, afin d’attirer le maximum de visiteurs possible. Dans cette campagne de communication, l’idée de partage est donc combinée à celle d’ouverture, jusqu’à rendre insécable les deux notions, autant sur le fond (valeurs portées par le slogan) que sur la forme (traduction en langues étrangères).
Mais ce rapprochement — voire cette association — entre partage et ouverture sur le monde est loin d’être une nouveauté en communication. Pour preuve, les réseaux sociaux ont d’une manière générale, adoptés la logique du share. Ici encore, par l’action de partager un contenu sur Internet donc d’en démultiplier l’audience potentielle, on l’ouvre sur le monde. A fortiori, et à l’ère des réseaux sociaux, il semblerait que le mécanisme de partage (sharing, retweet, etc.) ait définitivement supplanté l’URL comme constitutive principale du Web. Toutefois, si le partage n’est pas univoque et qu’il existerait, selon une étude, jusqu’à six profils de « partageurs » différents (des plus intimistes aux influenceurs), force est de constater que la tendance au partage semble aller de pair avec le processus de mondialisation. Comme l’exprimait le président de l’entreprise de services mobiles Cellfish à propos du Brexit : « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook ».
Quand le partage devient un argument de vente
Plus qu’être synonyme d’ouverture sur le monde, la valeur partage peut s’avérer être un véritable recours commercial pour les marques. Le célèbre slogan publicitaire « On partage ? » de Kinder Bueno en est l’une des plus emblématiques illustrations. À travers cette invitation à déguster ses produits, l’entreprise du groupe Ferrero véhicule l’idée implicite qu’un biscuit Kinder se partage avant de s’acheter. On cherche, par là même, à rassurer le client : acheter un Kinder Bueno est un geste altruiste, ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi ces biscuits sont vendus par deux (ils ne demanderaient qu’à être partagés).
Autre usage de la valeur partage, celui de Coca-Cola. En 2014, la marque a lancé une gamme de sodas, où l’injonction au partage est non seulement inscrite sur la canette, mais se personnalise : « Partage un Coca-Cola avec Pierre, Paul, Anne ou Marie » nous intime la marque. Poussant encore plus loin l’étrange équivalence entre consommation et partage, déjà bien amorcée par Kinder, la marque Coca-Cola se positionne, avec cette gamme, en tant que créatrice de lien social : elle se donne pour mission de réinsérer de la convivialité dans l’individualisme de nos sociétés. Acheter, c’est partager, voilà l’homologie que ces deux campagnes publicitaires ont réussi à établir dans l’inconscient de millions de consommateurs.
La valeur du partage propre à la culture des millenials ?
Au vu des récentes campagnes de communication précédemment évoquées, le « partage » apparaît comme l’une des notions particulièrement mobilisées par les organisations (entreprises comme institutions), pour attirer l’attention des consommateurs, et en particulier des jeunes. Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le partage n’est pas une caractéristique intrinsèque à la culture numérique et digitale. Selon une étude du New York Times Customer Insight Group, elle ne serait qu’une transposition du plurimillénaire art de la conversation, dont les enjeux sont en revanche bien plus grands, au regard des près de quatre milliards d’internautes, et tous potentiels partie prenante de cette discussion.
En tant que créateur de contenu, le partage n’est pas nécessairement plus altruiste ou bienveillant, car le partage sert parfois de faire-valoir. Autrement dit, intégrer un bouton « partager » ou « retweeter » sur l’article d’un site est plutôt une vitrine permettant de mettre en scène une popularité immédiatement visible, car chiffrable, d’un influenceur sur les réseaux sociaux, qu’une incitation au partage de contenu.
Qu’il se décline sous la forme d’ouverture sur le monde, d’altruisme ou d’acte de conversation comme un autre, le partage semble être devenu un mot passe-partout, sans cesse renouvelé par les différentes campagnes de communication l’ayant employé. Il s’est ainsi quelque peu vidé de son sens premier.
Sara Lachiheb
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Sources :
Nicolas Richer. « La vérité sur les boutons de partage (et la meilleure extension) », wpmarmite.com, mis en ligne le 15 mars 2016. Consulté le 29/10/2017.
Ricardo Da Silva. « 6 types de partageurs sur les réseaux sociaux. #infographie », ricardodasilva.fr, mis en ligne le 4 mai 2014. Consulté le 29/10/2017.
Elsa Bembaron. Marie-Cécile Renault. « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook », Le Figaro, mis en ligne le 24 juin 2016. Consulté le 29/10/2017.
Sources images :
http://www.strategies.fr/sites/default/files/assets/images/strats-image-1064438.jpeg
https://essentiel-autonomie.humanis.com/sites/all/themes/custom/humanis_assets/images/partager-facebook.png
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