Publicité et marketing

“L’underconsumption core” : une réponse à la surconsommation à l’heure des réseaux sociaux

En ce début d’année 2025, un nouveau challenge envahit les réseaux sociaux, en particulier Tiktok : le” no buy 2025”. Le principe est simple : ne plus rien acheter, excepté le strict nécessaire. Une tendance qui appelle à repenser ses modes de consommation au quotidien et qui semble séduire de nombreux utilisateurs puisqu’on recense sur TikTok près de 11 300 publications sous le #nobuy. Ce challenge est une réponse directe à la surconsommation encouragée par les réseaux sociaux. En 2023, selon le rapport Shopping Pulse mené par Klarna, près de quatre consommateurs français sur dix (37 %) affirmaient s’être déjà procuré un produit après l’avoir vu sur les réseaux sociaux.  À travers cet article, FastNCurious vous propose de découvrir le lien étroit entre l’influence et la surconsommation, mais aussi de prendre connaissance des tendances émergentes qui invitent à déconstruire ces modes de fonctionnement. Les réseaux sociaux : un fonctionnement qui facilite les achats Avant de nous pencher sur le lien entre influenceurs et surconsommation, il est important de prendre connaissance de l’environnement dans lequel évoluent ces influenceurs. Sur les réseaux sociaux, tout est pensé pour permettre un passage à l’achat facile et rapide : redirection par des liens cliquables, liens swipe up, boutiques  intégrées, insertion des publicités, enregistrement des données bancaires sur les applications… L’ergonomie des plateformes en fait le terrain idéal pour les entreprises voulant atteindre de nouvelles cibles. Sur Instagram par exemple, les entreprises peuvent disposer d’un onglet “boutique” intégré à la plateforme afin d’identifier, de pointer, les produits sur les publications. Il est possible de faire un achat sans même quitter le réseau social.  Captures d’écran du compte et de la boutique Instagram de la marque Sézane Ainsi sur ces plateformes, nombreux sont les outils d’insertion publicitaire, mais les marques semblent privilégier les influenceurs, qui possèdent des caractéristiques particulières pour modifier les comportements de consommation. Le business modèle de l’influence Sur les réseaux sociaux, les créateurs de contenu mettent en scène une vie idéalisée. Les influenceurs dits “lifestyle”, partageant des contenus à propos de mode, food, beauté, ou encore voyages, semblent avoir un quotidien rythmé par les achats et l’acquisition de nouveaux produits. Hauls, favoris, tutos, looks du jour, autant de contenus de divertissement devenus des écrins publicitaires pour les marques, et étant des sources d’inspiration pour les prochains achats de leurs abonnés. Les influenceurs, comparés à des canaux classiques de promotion, utilisent le lien parasocial développé avec leur communauté pour devenir des figures privilégiées pour les recommandations. Grâce à cette relation sociale à sens unique, dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction, les abonnés accordent parfois aux influenceurs une confiance similaire à celle accordée à un ami. Ainsi, depuis quelques années, ces influenceurs sont au cœur des stratégies marketing des annonceurs, qui font appel à eux pour la promotion de produits en tout genre. Ajouté à cela, pour se démarquer les uns des autres, il leur est nécessaire de renouveler leurs contenus, et par conséquent leurs acquisitions. Naissent alors les micro-trends, des tendances éphémères, qui gagnent rapidement en popularité mais disparaissent en quelques mois ou semaines. Elles sont portées par un produit, style ou esthétique précis. Ces micro-trends encouragent alors à la surconsommation, et inévitablement au gaspillage, les produits devenant rapidement obsolètes. Certaines personnes sur les réseaux sociaux, rient de ce phénomène en exposant dans des vidéos qu’elles ont elles-mêmes étés “victimes des micro-trends”.  Captures d’écran de TikTok de victimes des micro-trends Par essence, le business modèle de l’influence, lifestyle en particulier, en se basant sur la promotion de produit, avec ou sans collaboration commerciale, pousse alors à la surconsommation. Une mise à l’épreuve de l’influence : “deinfluencing” et “underconsumption core” Sur les réseaux sociaux, deux nouvelles tendances tentent de combattre la surconsommation, mais avec deux modes d’approches différenciés.  D’abord, par le “deinfluencing”, traduit par “dé-influence”, les influenceurs créent du contenu pour dire quels sont les produits à ne pas acheter. Bien que cela puisse apparaître comme une façon de dénoncer le consumérisme, à travers cette tendance du “deinfluencing”, tous les créateurs de contenu n’ont pas pour objectif de lutter contre la surconsommation, chez certains, on lit simplement dans les discours une volonté de transparence et de sincérité. Malgré tout, cette initiative invite à réfléchir à ses achats et à tendre vers une consommation plus responsable. Captures d’écran de TikTok de “deinfluencing” Une seconde tendance vient promouvoir, et surtout normaliser la sobriété : “l’underconsumption core”. Les utilisateurs exposent une “sous-consommation” par des modes de vie plus sobres et raisonnés. Ils montrent qu’ils utilisent peu de choses et surtout jusqu’au bout. Une façon pour eux de montrer qu’il est normal de ne pas acheter tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux, de résister à une forme de pression sociale. Captures d’écran du TikTok de @dainty.nugs Captures d’écran du TikTok de @notlavdysheva Cette tendance n’est cependant pas exempte de critiques, liées notamment à une “fétichisation de la pauvreté”. Quand pour certains “l’underconsumption core” apparaît comme un phénomène en vogue, pour d’autres il s’agit juste d’un mode de vie depuis des années, parfois subi. Il peut donc être mal vu de se vanter ou de romantiser ces habitudes minimalistes lorsqu’on dispose du privilège du choix. Ainsi face à la surconsommation promue par le marketing d’influence sur les réseaux sociaux, la vision de la sous-consommation monte en puissance. Ces deux visions, surconsommation et sous-consommation, bien que contradictoires semblent malgré tout cohabiter, et il ne semblerait pas que l’une tende à faire disparaître l’autre. Finalement le marketing d’influence proposera-t-il à l’avenir des outils pour penser une consommation durable ? Sources, et pour aller plus loin :  https://www.theguardian.com/fashion/article/2024/aug/07/it-is-ok-to-be-content-with-your-simple-life-is-underconsumption-core-the-answer-to-too-much-shopping https://digital.hec.ca/blog/la-surconsommation-causee-par-les-reseaux-sociaux-quels-sont-les-impacts/ https://pandofashion.com/limpact-des-reseaux-sociaux-et-du-marketing-dinfluence-sur-les-comportements-dachat-dans-lindustrie-de-la-mode/ https://www.novethic.fr/actualite/social/consommation/isr-rse/desinfluence-sur-les-reseaux-sociaux-les-influenceurs-tournent-le-dos-a-la-surconsommation-151379.html https://www.ledevoir.com/societe/consommation/818418/quand-sous-consommation-devient-virale-reseaux-sociaux https://blog.mbadmb.com/tiktok-influence-achat-impulsif-surconsommation/#:~:text=L’impact%20de%20TikTok%20sur%20l’achat%20impulsif&text=Les%20d%C3%A9monstrations%20de%20produits%2C%20souvent,ils%20en%20soient%20pleinement%20conscients. https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/sur-tiktok-la-tendance-est-a-la-deconsommation https://www.courrierinternational.com/stories/video-ces-tiktokeurs-qui-denoncent-la-surconsommation_221376 https://korii.slate.fr/tech/underconsumption-core-millenials-generation-z-critique-surconsommation-tiktok-tendance-achats-fast-fashion-mode-vie https://www.20minutes.fr/tempo/style/4050918-20230831-food-mode-beaute-reseaux-sociaux-plus-plus-souvent-origine-achats-jeunes https://www.ladepeche.fr/2023/08/31/les-reseaux-sociaux-des-prescripteurs-en-puissance-11424339.php Marie Desforges
Société

Les revers de la représentation médiatique des sectes : entre dénonciation et publicité involontaire

Dénoncer les dérives d’une secte sur les réseaux sociaux : solution ou piège ? Lorsqu’une ex-membre d’un groupe sectaire prend la parole sur des plateformes comme TikTok ou Instagram, son objectif est souvent de prévenir, de témoigner et d’aider d’autres victimes. Mais que se passe-t-il lorsque cette dénonciation renforce paradoxalement la visibilité autour de la secte dénoncée en lui conférant une publicité involontaire ? C’est ce paradoxe médiatique que nous illustrerons à travers le témoignage de Richelle Desrosiers, ex-membre de la Mission de l’Esprit-Saint (MES). Source : LaPresse.ca Les réseaux sociaux : espace d’expression et « d’empowerment » personnel et collectif.  Richelle Desrosiers, jeune TikTokeuse, est née au sein de la secte de la Mission de l’Esprit-Saint, elle l’a quittée en 2020. Une décision difficile et douloureuse, car elle l’a exposée à des représailles non seulement de la part des membres de la secte, mais aussi plus généralement de la société, la percevant désormais au travers de l’étiquette de « victime ».  Cependant, sur des plateformes comme TikTok, Instagram et Facebook, Richelle a choisi de briser ce silence. Elle confie : “Quatre ans plus tard, j’ai envie de partager mon histoire avec vous, de vous parler de mon parcours et de ce que j’ai vécu. J’ai vraiment envie d’honorer mon vécu […] et de partager ma vérité.” Ces mots traduisent une détermination profonde et un courage exceptionnel. Par ce témoignage, elle accomplit un véritable acte d’émancipation en se réappropriant son pouvoir personnel. Elle se positionne ainsi en tant qu’actrice de son propre récit, loin des stéréotypes de victime qu’on lui impose. Cette prise de parole a ainsi pu donner des échos à d’autres récits et, de fait, créer une communauté d’abonnés et un espace de solidarité numérique. Ainsi, les réseaux sociaux comme TikTok deviennent des catalyseurs puissants, où l’intime se transforme en un espace public d’expression, d’affirmation de soi et de renforcement collectif. La dualité des médias : entre dénonciation et publicité involontaire. Bien que l’objectif de cette prise de parole sur les réseaux sociaux soit de dénoncer les dérives sectaires et d’avertir le public, elle a paradoxalement pour effet de rendre la secte plus visible. Ce phénomène de publicité involontaire illustre la dualité des médias, qui, en exposant des pratiques répréhensibles, finissent parfois par en promouvoir certaines facettes. Cette visibilité gratuite profite aux sectes, qui ont pour mission de répandre leur doctrine et d’attirer de nouveaux membres. Richelle évoque même des “assemblées de propagande” au sein de la MES, où des cours étaient dispensés pour apprendre à séduire et recruter de nouveaux membres.  De plus, en raison du mystère qui les entoure, les sectes deviennent des objets de fascination. Cette curiosité est renforcée par une représentation souvent sensationnaliste dans les films et séries. The Path, diffusée sur Netflix, en est un exemple frappant, présentant le mouvement fictif Meyeriste à travers des personnages intrigants et des rituels mystérieux. La série exploite habilement l’ambiguïté morale et spirituelle du groupe, contribuant ainsi à renforcer une image séduisante, presque romantique, de la secte. Cette vision, bien que captivante, masque la réalité des dangers que ces groupes peuvent représenter. En humanisant leurs pratiques et en les présentant sous un angle dramatique, elle crée une perception erronée, où le danger réel est souvent minimisé, remplacé par un attrait malsain. Cela magnifie leur aura de mystère tout en atténuant leur véritable impact. Les défis d’une médiatisation responsable : représenter les sectes sans les promouvoir  D’un côté, il est crucial de parler des sectes et de dénoncer leurs dérives afin de mettre en garde le public, tout en permettant aux victimes de se libérer. Mais, de l’autre, cette médiatisation confère une publicité gratuite à la cause dénoncée, alimentant ainsi une fascination malsaine. Face à cette contradiction, que peut-on réellement faire ? Nous avons posé la question à Richelle, qui répond : “Je crois que ce qui est important, c’est l’éducation. Je crois [qu’on peut], sur les réseaux sociaux, prendre la peine d’éduquer les gens [sur ce qu’est une croyance limitante], l’emprise psychologique, [et ce qui] se passe dans un groupe sectaire. […] On n’attaque pas directement leurs croyances, mais on apporte des informations, des connaissances qui peuvent les faire réfléchir.” Cette approche éducative pourrait être la clé pour responsabiliser les individus, leur fournissant des outils de réflexion qui les amèneraient à remettre en question leurs croyances et à prendre du recul par rapport aux groupes sectaires. Dans cette même logique, la gestion des contenus en ligne pourrait jouer un rôle essentiel. Il est possible, par exemple, de limiter la diffusion de contenus sensationnalistes au profit de récits plus sérieux qui présentent les faits de manière neutre, sans dramatisation excessive. Les chercheurs américains Hill Hickman et McLendon ont démontré que l’utilisation de termes péjoratifs dans les articles, plutôt que des termes neutres, empêche une réflexion rationnelle et objective du public. Au contraire, ces termes entraînent souvent des réactions émotionnelles, éloignant le lecteur d’une analyse éclairée des faits. Cette analyse souligne donc la nécessité de lutter contre la représentation biaisée des sectes et de promouvoir une gestion plus rigoureuse des contenus en ligne. Entre adaptation et “présence numérique” : les stratégies de résistance des sectes en croissance D’un côté, les efforts pour lutter contre les dérives sectaires et dénoncer leurs représentations biaisées dans les médias sont constants. Mais de l’autre, de plus en plus de sectes adaptent leurs stratégies de communication pour résister à la critique et maintenir leur influence, transformant les plateformes numériques en un véritable champ de bataille idéologique. La MES, par exemple, dispose d’un site internet où elle expose sa doctrine et ses principes. Ce site s’ancre dans une stratégie de présence numérique, terme développé par la chercheuse en communication Zizi Papacharissi. Cette « présence numérique » permet aux groupes comme la MES de se défendre contre les critiques et de légitimer leurs actions. En publiant régulièrement des articles sur leurs pratiques et rituels, ils consolident leur image et se positionnent comme acteurs légitimes de leur propre récit. En réponse aux obstacles générés par la pandémie de COVID-19, la MES a aussi ajusté sa stratégie de communication pour préserver son influence. Plutôt que d’utiliser les plateformes publiques, souvent soumises à des dénonciations. Elle a privilégié des canaux plus privés tels que les appels vidéo via Zoom ou WhatsApp et l’envoi de newsletters. Ces méthodes ont permis à la secte de maintenir une relation plus intime et discrète avec de potentiels nouveaux membres, notamment en Afrique, où elle a intensifié ses efforts de recrutement. Ces échanges privés offrent un espace sécurisé pour les membres et potentielles recrues, à l’abri des critiques publiques. Ainsi, la secte procède à un déplacement d’enjeu : plutôt que de se concentrer sur les canaux de communication, elle se focalise sur le public, en ciblant des personnes en quête de sens, dans des régions plus isolées. En réalité, ce n’est pas tant pour éviter une exposition négative ou des accusations publiques que la secte recourt à ce détour, mais c’est plutôt dans le but de rester fidèle à ses priorités qu’elle agit. Ce détour met ainsi en lumière la multiplicité et la diversité des réseaux sociaux et canaux numériques qui existent et qui peuvent propager plus efficacement et massivement certaines idéologies. Le mythe de l’objectivité médiatique : viser la neutralité tout en élevant la conscience du public En somme, les médias sont traversés par une double tension : en dénonçant les dérives sectaires, ils finissent parfois par en promouvoir involontairement les intérêts. Ce paradoxe n’est pas seulement lié aux « défauts » des médias, mais à la manière dont ils représentent la réalité, influencée par nos valeurs et expériences personnelles. Comme le dit Davallon, « le sujet construit l’objet ». Si l’objectivité pure reste difficile à atteindre, il est essentiel de remettre en question nos propres biais. Concrètement, cela passe par la diversification de nos sources d’information, comme lire des journaux aux orientations politiques opposées, afin d’obtenir une vision plus complète et nuancée. En fin de compte, nous avons tous un rôle à jouer dans ce processus. Il ne suffit pas de consommer l’information passivement : chacun doit adopter une posture active, remettre en question ce qui est présenté et cultiver un esprit critique. C’est ainsi que nous pourrons construire une vision plus juste et éclairée du monde qui nous entoure. Sources :  Voir la vidéo : https://www.tiktok.com/@richelledesrosiers/video/7426756568445701382) https://croir.ulaval.ca/fiches/m/la-mission-de-lesprit-saint/ (Croire.ulaval.ca.) Hill, H., Hickman, J., & McLendon, J. (2001). Cults and Sects and Doomsday Groups, Oh My: Media Treatment of Religion on the Eve of the Millennium. Review of Religious Research, 43(1), 1-25 Zizi Papacharissi dans son ouvrage Affective Publics: Sentiment, Technology, and Politics (2015). Pour aller plus loin :  https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/3315035-20220624-netflix-pourquoi-documentaires-sectes-multiplient-comme-petits-pains? https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2019-08-21/quotidiens-de-la-responsabilite-des-lecteurs? https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2019-06/nvelle_version_site_clemi_orme_2019_diapo_de_velopper_lesprit_critiqueavec_les_medias.pdf https://shs.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2012-6-page-467?lang=fr Nithyashri Canessane
Société

#Metoo, #balancetonbar, à l’ère du féminisme des hashtags et des réseaux sociaux

En 2017, un hashtag prend de l’ampleur aux Etats-Unis, puis dans le monde entier, pour symboliser finalement le début d’une ère : #Metoo. Lancé suite aux scandales de harcèlements et d’agressions sexuelles par le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, il a ouvert, depuis sa création, la porte aux témoignages et lancements d’alerte au sein de la communauté féministe. Leur point commun ? Le moyen de diffusion, et surtout la forme. Les réseaux sociaux, et tout particulièrement la plateforme Twitter, sont devenus les vecteurs privilégiés d’une nouvelle parole, matérialisée par l’usage du #. Entre 2017 et 2018, #MeToo et #BalancetonPorc comptabilisent ainsi à eux seuls respectivement 17,2 millions et 930 000 tweets. Des chiffres vertigineux qui visibilisent une réalité jusqu’alors tue, et donnent, enfin, la parole aux victimes de violences sexuelles et sexistes.
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Entretien avec Arnaud Benedetti : analyse contemporaine de la com’ politique

Arnaud Benedetti est professeur associé à Sorbonne Université, ex-directeur de la communication de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), du CNES (Centre national d’études spatiales) et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Il a publié dernièrement Le coup de com’ permanent (édition du Cerf, 2018) dans lequel il détaille les stratégies de communication d’Emmanuel Macron.

Ces dernières semaines, les gilets jaunes secouent l’actualité : ils sont au centre de tous les ronds-points de tous les médias et de toutes les discussions, poussant le gouvernement à réagir. Lundi 10 décembre, Emmanuel Macron s’est exprimé sur TF1 après plusieurs semaines de silence. Le « Prince jupitérien » y  présente les concessions qu’il entend accorder aux Français dès 2019, se plaçant ainsi directement dans le domaine de l’action. Pourtant, selon l’historien de la communication Arnaud Benedetti, la politique d’Emmanuel Macron se définit finalement plus par son style que par les actions qu’il prétend mener. Nous l’avons rencontré dans son bureau à l’Académie de Médecine pour qu’il nous livre son analyse de la communication du Président qu’il décrit notamment dans son dernier livre, Le coup de com’ permanent,  publié en avril 2018 aux éditions du Cerf.

Société

Réseaux sociaux : bonjour le fisc, adieu vie privée !

Le Ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, a annoncé dans l’émission Capital sur M6 l’expérimentation de la lutte contre la fraude fiscale en surveillant les réseaux sociaux. Oui vous avez bien lu ! Cette mesure devrait entrer en vigueur au début de l’année prochaine alors il est encore temps de faire le tri dans ses photos Instagram, Facebook et Twitter avant que le fisc ne vous pointe du doigt.

Société

Catherine Deneuve et #BalanceTonPorc, le rendez-vous médiatique manqué

La tribune du Monde signée par cent femmes, dont l’actrice Catherine Deneuve qu’on ne présente plus, réclamant un « droit d’importuner » — qui serait consubstantielle à la liberté sexuelle — a déclenché un tollé chez les féministes, comme chez certains observateurs touchés par le scandale de l’affaire Weinstein. L’occasion pour nous, blog sur l’actualité de la communication, de nous pencher sur les ressors médiatiques de cette indignation et la manière dont elle s’est manifestée, notamment sur les réseaux sociaux.

Politique

« Et pour quelques tweets de plus » ou la passion de Trump pour Twitter

Ce n’est un secret pour personne : Trump utilise de manière privilégiée les réseaux sociaux — et en particulier Twitter — pour communiquer sur des sujets très variés : politique intérieure comme extérieure, actualité internationale, et même pour commenter les actions de certaines célébrités. Au risque de se montrer impertinent à l’égard de la fonction qui est la sienne, voire de déclencher des polémiques et des tensions diplomatiques. Mais quels sont les véritables ressorts de cette communication trumpienne presque intempestive sur Twitter ? En quoi celle-ci lui est parfois plus nuisible que bénéfique ? FastNCurious a mené l’enquête !

Culture

Instapoets VS Patriarchie

La plupart des articles du site de la photographe londonienne Georgie Wileman commencent par la même phrase : « l’endométriose touche une femme sur dix ». J’aimerais commencer cet article différemment : en moyenne, une femme doit attendre dix ans pour avoir un diagnostique correct d’endométriose.

Politique

Mélenchon, le modèle de communication à suivre pour les syndicats ?

L’opposition à la loi travail a mis en lumière les dissensions existantes entre les Insoumis et leur leader, Jean-Luc Mélenchon, et les principaux syndicats représentatifs français.
  
 
Les ordonnances réformant le Code du Travail ont connu une opposition populaire bien faible, en comparaison avec les manifestations anti-loi El Khomri. Si plusieurs manifestations se sont succédées partout en France, elles n’ont pas réuni suffisamment de protestataires pour obtenir une résonnance médiatique. Cet échec de la contestation sociale s’explique entre autres par les dissensions qui règnent entre les principaux leaders de l’opposition. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et les principaux syndicats français n’ont fait preuve d’aucune unité, alors que leurs positions idéologiques restent proches pour ce sujet. Dans leur affrontement pour le leadership de cette protestation, leurs stratégies de communication jouent un rôle primordial.
 
Des syndicats dépassés…

 
Les syndicats français sont en crise, c’est un fait. Le taux de syndicalisation en France ne cesse de décroître, et frôle dangereusement la barre des 10% (11% en 2013, 8,7% dans le privé). Et la communication syndicale ne sort pas assez de l’ordinaire pour leur permettre de séduire à nouveau le salariat français. Leur présence médiatique est quasi inexistante, hors période de manifestations et de grève. En clair, ils n’existent que dans l’action de protestation classique : dans l’entreprise, ponctuellement dans la rue et les médias, mais leur présence n’est pas suffisamment variée tant en termes de forme et de fond. Sur la forme, leur absence quasi-totale des médias numériques leur empêche de toucher la nouvelle génération de travailleurs. Leurs sites internets respectifs, très classiques (voire imbuvables) tranchent avec la modernité et la clarté de la page d’accueil des Insoumis. Leur absence de résonnance sur les réseaux sociaux, pourtant un canal idéal pour toucher la jeunesse, prouve aussi que les syndicats peinent à se renouveler.
 

 
Les codes et symboles très utilisés ne varient que trop peu, depuis le poing levé jusqu’à la couleur rouge prédominante chez les trois principaux syndicats (CGT, CFDT, FO). Cette absence de renouvellement de la forme participe forcément au désamour des français pour les syndicats, pourtant des piliers essentiels de la démocratie sociale.
 
En contraste avec un Mélenchon moderne
A contrario, Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a parfaitement su gérer sa communication, et ne pas s’essouffler après une campagne présidentielle réussie. Il incarne l’ultra-modernité qui manque aux syndicats. Pendant sa campagne déjà, il a rompu avec les codes usés par le temps, avec notamment, l’abandon de la couleur rouge prédominante (bien que subtilement présente) sur son affiche de campagne (contrairement à 2012). Surtout, il a su réinventer de manière très efficace les vieux codes de la campagne politique. Il a redonné un coup de projecteur sur les meetings politiques grâce à l’utilisation de son hologramme. Un simple coup de communication sans énorme plus-value ? Surtout une belle vitrine de modernité pour un candidat de 66 ans engagé politiquement depuis 41 ans.
Le vrai coup de génie de Mélenchon et de son équipe de communication aura été sa présence sur YouTube. Ce média aura été d’une rare efficacité pour toucher les jeunes durant la campagne, mais aussi après. La « Revue de la semaine » de Mélenchon rassemble ainsi près de 110 000 vues hebdomadaires. L’utilisation de YouTube par Mélenchon, une vraie première de cette campagne présidentielle, a été une franche réussite. Il totalise ainsi presque 370 00 abonnés aujourd’hui. À titre de comparaison, la chaîne CGT (oui, oui, elle existe) en totalise 1274, celle de la CFDT 423, et celle de la Force Ouvrière 386.
Certes, Mélenchon vise un public plus large que les syndicats cités de par la différence entre politique et syndicalisme. Cependant, leur base idéologique est proche. Mélenchon a su rendre de nouveau attractif pour la jeunesse un message que les syndicats peinent à faire entendre. Il est plus que temps qu’ils se penchent sur la question, car la France a besoin de partenaires sociaux modernes et rassembleurs. Elle en manque cruellement aujourd’hui.
 
Robin Labouérie
Linkedin : Robin Labouérie
 
Sources :

Etude DARES pour le ministère du Travail n°025 Mai 2016 : La syndicalisation en France
Jean-Christophe Chanut, Le taux de syndicalisation se maintient à 11% en France, La Tribune.fr, le 17 mai 2016.
Jean-Luc Mélenchon, Les leçons d’une hyper communication digitale, French Web.fr, le 02 mai 2017.

 
Crédits Photos :

Capture d’écran du site La France Insoumise (responsive design)
Capture d’écran du site CGT (responsive design)
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon Front de Gauche – Présidentielle 2012
Affiche électorale Jean-Luc Mélenchon La France Insoumise – Présidentielle 2017