Flops

Le XV de France : essai non transformé

Le samedi 17 octobre 2015, l’équipe de France de rugby se faisait humilier durant le quart de finale de la coupe du monde face aux All Blacks, l’équipe de Nouvelle-Zélande, avec un score de 62 à 13. Une véritable déculottée qui a marqué un tournant dans l’histoire du XV de France — tant au niveau sportif qu’au niveau communicationnel.
Fracture entre passé et présent
Il faut dire que l’équipe de France de Philippe Saint-André (entraîneur de 2012 à 2015) était loin du prestige de ses aînées. Un jeu sans intérêt et stéréotypé, une claire fracture entre les joueurs et le staff, les critiques médiatiques se faisaient de plus en plus virulentes, sans jamais vraiment savoir qui accuser. L’entraîneur, oui. Mais pas trop. Après tout, il s’agit d’une équipe nationale. Peut-être pas aussi populaire que l’équipe de France de football ou l’équipe de France de basket – tous deux des sports plus (re)connus à l’international – mais tout de même. Le milieu sportif est surmédiatisé, mais il est aussi porteur du softpower d’un pays. Comment dénigrer ainsi l’image de sa vitrine médiatique nationale ? Alors oui, personne ne bronchait, ni les joueurs ni les médias ni les instances de décision nationales du rugby. Politique de l’autruche qui a fini par se retourner contre eux.
Certes, la France n’a jamais remporté les championnats du monde. Mais il y a encore une dizaine d’années, elle était considérée comme une nation majeure du rugby international, au point d’accéder à la finale de la Coupe du Monde 2011, et de ne s’y incliner que d’un petit point, après un arbitrage douteux. Les joueurs eux-mêmes faisaient figures de référence – Thierry Dusautoir, capitaine emblématique, a même été nommé meilleur joueur du monde cette année là. La France disposait d’une image favorable auprès du public et des médias. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Thierry Dusautoir marque le seul essai de la finale du championnat du monde 2011.

Après la politique de l’autruche vient donc la politique du coup de balais. Exit Saint-André et une grande partie de son staff. Guy Novès, entraîneur le plus titré d’Europe, prenait alors la tête du XV de France : l’espoir renaissait.
Flou Communicationnel
Seulement, la stratégie communicationnelle du XV de France devait changer en même temps que son entraîneur. Fini les interviews régulières des joueurs comme les autorisait « PSA ». Afin de les laisser se concentrer sur le rugby, sur leurs entraînements, Guy Novès réduisait au maximum les interactions entre acteurs sur le terrain et médias, tout en se permettant lui-même de régulièrement leur couper l’herbe sous le pied. Un bras de fer s’engage entre journalistes avides de scoops et de gros titres et un entraîneur expérimenté, habitué à la pression médiatique – et sachant parfaitement insinuer que lui a une légitimité et une expérience pour parler de rugby, quand les journalistes professionnels n’en ont que peu, et n’ont souvent jamais frôlé la pelouse d’un terrain.

Guy Novès, entraîneur actuel du XV de France

Seulement, les résultats ne suivent pas. Le XV de France a certes regagné en popularité depuis que l’ancien manager toulousain est à sa tête, au point de récolter 22% des parts d’audience selon France Télévisions. Le crédit en revient à un jeu plus séduisant, à une ligne directrice claire et à une relation plus stable entre l’équipe nationale et les clubs.
Mais samedi 25 février, l’équipe de France perdait son match contre l’Irlande lors de la troisième journée du Tournoi des Six Nations, diffusé sur France 2. Le deuxième en l’espace de trois jours. Le quatrième en cinq matchs. Ça fait beaucoup, du moins aux yeux des journalistes. L’équipe de France peut-elle redevenir une grande équipe ? Guy Novès est-il la bonne personne ? Ces vieilles questions, les mêmes qu’il y a quatre ans, se couplent à des nouvelles, résultant de la récente élection de Bernard Laporte – ancien Ministre des Sports et entraîneur du Racing Club de Toulon – à la tête de la Fédération Française de Rugby.
Bernard Laporte a pour objectif de redorer le blason de la France à l’international et auprès des médias. Il veut des joueurs médiatisés, des « stars », pour porter le visage de l’équipe de France sur et en dehors des terrains. Une politique contraire à celle de Novès, donc. Encore une marque du fossé communicationnel et médiatique existant entre l’équipe et les instances de décision. La communication du XV de France se fait de plus en plus hermétique, attendant que les résultats montrent enfin le bout de leur nez, tandis que les journalistes critiquent de plus en plus cette absence de transparence qui les limite dans leur travail.

Le capitaine actuel du XV de France, Guilhem Guirado, l’un des seuls joueurs à apparaître
régulièrement en conférence de presse.

Foot VS Rugby : un match perdu d’avance
Si le XV de France a gagné en popularité, il est loin d’atteindre la notoriété du football. Si l’on interroge des personnes dans la rue sur les joueurs de l’équipe de France de football actuelle, ils sauront toujours vous donner un nom – ne serait-ce que grâce à la coupe d’Europe de l’année dernière. Faites la même chose avec le rugby ? Vous obtiendrez peut-être le nom de Louis Picamoles, l’un des seuls joueurs à surnager ces dernières années, mais c’est à peu près tout. Un fossé, donc, entre les deux sports les plus médiatisés en France. Ce fossé entre football et rugby ne date pas d’aujourd’hui. Outre les différences intrinsèques à la pratique de ces deux sports, ce sont aussi leur professionnalisation et leur médiatisation qui creusent l’écart.

Louis Picamoles, n°8 du XV de France, surnommé « King Louis » Outre-Manche

En France, le football a été ouvert à la professionnalisation depuis les années 1930; le rugby l’est seulement depuis 1995. Une différence temporelle qui a permis au football de s’habituer à la médiatisation – pour le meilleur comme pour le pire – alors que le rugby se débat toujours avec les enjeux et les conséquences de celle-ci.
On veut des joueurs professionnels compétents pour jouer en équipe de France, mais la plupart des clubs de l’élite préfèrent acheter des joueurs internationaux étrangers en pré-retraite pour gagner des titres et s’attirer l’attention des médias. On veut que l’équipe de France gagne et soit populaire, mais on lui tire dessus dès qu’elle perd, sans lui laisser le temps de se construire. On veut des joueurs « stars », médiatisés, figures emblématiques du sport, mais on les rabaisse à la moindre bourde, en particulier les jeunes.
Le XV de France semble donc perpétuellement sur le fil, déchiré entre une nécessité de résultats, des conditions défavorables et une communication aléatoire, qui ne sait pas choisir entre la médiatisation ou l’aspect purement sportif de l’activité et ce, au niveau même des instances de décision. Cela a pour résultat une communication intra et extra-sportive banale, ressemblant davantage à des tirs croisés entre journalistes et professionnels du rugby, et desservant encore plus l’image du XV de France au niveau national comme international.
L’équipe de France a jusqu’à la prochaine Coupe du Monde en 2019, pour faire converger ces différences, et trouver une ligne directrice communicationnelle cohérente.
Margaux Salliot
Sources :
« TOURNOI DES 6 NATIONS – Les Bleus n’ont pas de star(s) mondiale(s) et c’est un vrai souci… », article du 26 février 2016, d’Yvan Petros pour le site Rugbyrama, consulté le 28 février. http://www.rugbyrama.fr/rugby/6-nations/2017/tournoi-des-6-nations-les-bleus-n-ont-pas-destar-s-mondiale-s-et-c-est-un-vrai-souci._sto6073028/story.shtml
« XV de France: Guy Novès, c’est enfin officiel ! », article du 31 mai 2015 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Noves-c-est-enfin-officiel/563007
« L’Irlande étouffe le XV de France », article du 25 février 2016 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Tournoi-des-6-nations-l-irlande-etouffe-le-xv-de-france/781222
« GUY NOVÈS AFFICHE SES INTENTIONS DE JEU ET RENVOIE MARC LIÈVREMONT DANS SES 22 », article de Riway Demay du 2 novembre 2015 pour LeRugbynistère, consulté le 28 février. http://www.lerugbynistere.fr/videos/video-xv-france-guy-noves-affiche-intentions-jeu-renvoiemarc-lievremont-22-0211151022.php
Crédits photo :
Christophe Ena pour 20 Minutes, le 9 février 2016 : http://www.20minutes.fr/sport/1784863-20160211-xv-france-guy-noves-dort-trop-moment
Rob Griffith pour Le Monde¸ article du 24 octobre 2011 : http://www.lemonde.fr/sport/portfolio/2011/10/24/thierry-dusautoir-le-rugbyman-de-l-annee-en-images_1592922_3242.html
Image de l’Agence France Presse pour La Croix, article du 18 novembre 2016 : http://www.lacroix.com/Sport/Guirado-Un-match-charniere-pour-XV-France-2016-11-18-1300804179
Image de l’AFP pour Le Dauphine, article du 2 novembre 2015 : http://www.ledauphine.com/sport/2015/11/02/louis-picamoles-quittera-toulouse-pour-northampton-la-saison-prochaine

FranceTV Sport
Publicité, Société

Quel sport pour la télévision publique ?

Enjeu pour France Télévisions depuis toujours, la retransmission du sport est devenue un casse-tête insoluble entre déséquilibre du marché et devoirs moraux. Mais France Télévisions adopte-t-il la meilleure stratégie possible ?
Le 19 octobre dernier, l’Assemblée Nationale a voté une augmentation de taxes au bénéfice de l’audiovisuel public. Mais cette hausse vient compenser la baisse des subventions directes de l’Etat à France Télévisions instaurée plus tôt. Pas suffisant pour concurrencer les gros acteurs de l’achat de droits TV sportifs. BeIn Sports a étendu son offre pour devenir une référence, quitte à délaisser des sports. Canal+ et TF1 ont concentré leurs offres sur le football (Ligue 1, Ligue des Champions pour l’un, Equipe de France pour l’autre) et les grands événements. La dernière Coupe du monde de Rugby en est un, France Télévisions n’y a pas pris part. Le groupe pourtant premier diffuseur de rugby (VI Nations, Equipe de France masculine et féminine, Coupe d’Europe) n’a pas surenchéri face à ses concurrents.
Est-ce un problème de budget ? En partie oui, il est difficile de dire le contraire. Mais le portefeuille sportif de France Télévisions est large, on peut donc s’interroger sur l’utilisation de ce budget. Les performances nationales dans des sports jusque-là peu médiatisés permettent une multitude de positionnements. Les victoires successives de l’Equipe de France de Handball ont toujours entraîné une hausse du nombre de licenciés, il en sera logiquement de même avec le Volley-Ball et la récente victoire de la « Team Yavbou » en Ligue Mondiale puis aux Championnats d’Europe.
Un autre gâteau plutôt que des miettes
Alors quel est le problème si des publics se créent par les résultats ? Le problème est qu’ils n’entraînent pas automatiquement un besoin. Il est difficile de nier qu’un sport, à partir du moment où il répond à un besoin, est source d’audiences hors-normes. Pour une rencontre de Ligue des Champions entre le Paris-Saint-Germain et un cador européen, Canal+ franchit régulièrement la barre des 2 Millions de téléspectateurs, soit plus de 10% de parts de marché et 30% de son audimat interne. Sur son offre historique (Roland-Garros, Tour de France), France Télévisions est encore capable de dynamiser ses audiences : 3,5 millions de téléspectateurs de moyenne pour le Tour de France 2015 sur des cases ne dépassant que rarement les 2 millions.
Mais les investissements récents dans les compétitions espoirs et féminines peinent à rentabiliser leur prix. Une partie du problème se trouve dans l’attitude de France Télévisions à l’égard des sports qu’il diffuse. Reprenons l’exemple du volley-ball : la « Team Yavbou » a remporté au printemps la Ligue Mondiale, premier titre majeur de son histoire. La presse écrite s’est vite emparée de cette performance pour capitaliser dessus, comme avec les « Barjots » en Handball 15 ans plus tôt. Les championnats d’Europe (à savoir que les meilleures équipes sont européennes) étaient donc un investissement plus que judicieux pour « France Télé » qui n’a pourtant diffusé que la finale sur France 4. Aucune possibilité de teasing et donc audience mitigée : 756 000 téléspectateurs et 2,7% de PdA. En face sur TF1, le quart de finale Australie – Ecosse a bien performé pour une rencontre sans le XV de France. Le face à face entre rugby et volley-ball était prévisible, les parcours des deux équipes françaises également. France 2 pouvait se mettre en concurrence frontale avec TF1 dès les demi-finales et ainsi créer un contre besoin, celui de résultats positifs face au naufrage du XV de France.
A chaque chaîne son positionnement
Dans cette course à l’audimat et à la rentabilité, France Télévisions possède un avantage indéniable mais parfois dangereux sur ses concurrents excepté Canal+ : la variété de ses chaînes. Les groupes TF1 et M6 utilisent leurs autres chaines comme une seconde main, BeIn Sports et Eurosport sont eux contraints d’augmenter leur volume de diffusion pour satisfaire le besoin primordial de direct pour ne pas devoir interrompre la diffusion d’une compétition. France Télévisions possède 5 chaines différenciées mais à trop avoir le choix, peut se tirer une balle dans le pied. Actuellement, le sport est réparti entre les grands événements sur France 2, les événements « mineurs » sur France 4, le sport « régional » sur France 3 et quelques compétitions d’athlétisme, sur France Ô.
Ces positionnements sont faillibles, notamment les rôles donnés à France 2 et France 4. La hiérarchisation évidente entre les deux chaines tire France 4 vers le bas. Tous les groupes médias utilisent cette méthode mais sur des chaînes à cible similaire. France 4 vise les jeunes, le public le plus exigeant. Quand ils diffusent du rugby féminin ou le Challenge Européen (la « petite » coupe d’Europe), le public n’est pas celui visé habituellement ce qui empêche la chaîne de réaliser de grosses audiences. 3,4M sur TMC pour du handball, 4,1M sur W9 pour du football féminin tandis que France 4 n’a jamais dépassé les 2,3M (Ski lors des JO de Sotchi). Problématique quand on sait que la quasi-totalité des meilleures audiences de la TNT est faite par le sport.
On ne pouvait pas traiter ce sujet sans évoquer le football, sport qui trust les meilleures audiences de l’histoire. France Télévisions a beaucoup réduit son offre à cause de l’explosion des droits mais certaines compétitions restent accessibles, encore faut-il qu’elles en valent la peine. France 2 et surtout France 3 sont seuls diffuseurs de la Coupe de la Ligue. La chaîne régionale diffuse donc la compétition française la moins authentique, et les audiences s’en suivent. Le système « à chaque région son match » n’a pas empêché France 3 de se retrouver quatrième chaine le 29/10 avec seulement 7% de PdA, face à une forte concurrence il faut l’avouer. Mais que « France Télé » se console, les beaux jours vont revenir et avec eux des audiences dopées par Roland-Garros, le Tour de France et les Jeux Olympiques.

FOOTBALL
Thibaut CAILLET
@Caillet_Thb
Sources : 
– Ozap http://www.ozap.com/actu/audiences-les-profs-devance-asterix-bon-score-pour-arte-et-le-volley-ball/480313
– Le Figaro/TV Mag http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/television/87574/record-d-audience-historique-de-la-tnt-pour-w9-avec-le-foot-feminin.html
– Télé Loisirs http://www.programme-tv.net/news/tv/64295-france-4-comment-ligne-editoriale-chaine-evolue-10/
Crédits images : 
– N. Doychinov, AFP
– C. Gauberti, France Télévisions

les dieux du stade
Société

Zoom sur… le calendrier des Dieux du Stade

Il s’agit désormais d’une tradition : tous les ans, au mois d’octobre, le calendrier des Dieux du Stade s’invite dans les librairies. Il met en scène des sportifs, principalement des rugbymen, et leur plastique très avantageuse et avantagée par toute une série de lumières et positions particulières.

Cette esthétique est présente depuis sa création en 2001, sous l’égide de Max Guazzini, co-fondateur de la radio NRJ et à l’époque président du Stade Français, club de rugby de la capitale. Ce lancement controversé du fait de la nudité présentée faisait alors partie d’une stratégie plus large, visant à donner une splendeur nouvelle au club parisien. C’est par la suite que sont introduits les fameux maillots roses, déclinés jusqu’à aujourd’hui sous plusieurs formes, allant des éclairs aux fleurs en passant par l’incrustation des visages dessinés de Blanche de Castille ou de Dalida. De même, les matchs délocalisés au Stade de France permettent de créer un véritable engouement par des places dès 5 euros et des animations précédents les matchs (pom pom girls, concerts, arrivées mystères du ballon).
Tout ceci vient à la suite de la création du calendrier, pour en renforcer le but premier : faire venir un public parisien difficile à fidéliser mais aussi de manière plus concrète, générer de nouveaux revenus à investir dans le domaine sportif.
La volonté première se concentre alors bien autour de la question du public. Le rugby venant de se professionnaliser en 1995, le calendrier vient accélérer une nouvelle image de ce sport, souvent perçu comme brutal. La dimension esthétique de ce travail attire un public porteur de ce genre de préjugés sur le rugby. La cible principale est évidemment féminine, par la présentation des corps nus des rugbymen et le geste caritatif opéré à l’achat du calendrier, car une partie des revenus est reversé à des associations précédemment choisies. Le rugbyman devient alors une figure plus aseptisée, qui attire plus facilement les projecteurs. L’acheteur du calendrier est convié à voir le rugby côté coulisses, hors des terrains. A partir de 2004, il peut le voir de façon encore plus privilégiée avec la sortie du dvd making-of du calendrier, qui donnera une véritable renommée au calendrier lui-même.
Cette plongée dans les vestiaires séduit ainsi de plus en plus d’acheteurs, si bien que les ventes oscillent entre 150.000 et 200.000 unités selon les années. La publication du calendrier s’accompagne d’une campagne de promotion souvent efficace, relayée notamment à la télévision et à la radio, avec des joueurs qui viennent pour en parler.
Parfois même, c’est une polémique ou un étonnement général qui permet de faire la promotion du calendrier. C’est par exemple le cas lorsque d’autres sportifs viennent se mêler aux rugbymen à partir de 2004, ou lorsqu’en 2013 une femme, Sophie Hélard (danseuse au Crazy Horse) fait son apparition en arrière-plan. Le caractère érotique des photos fait également partie du débat à plusieurs reprises, notamment en 2008 lorsque le photographe Steven Klein choisit des poses ambigües, jugées trop suggestives avec notamment l’utilisation presque systématique de chaines.
Au contraire, l’édition 2014 ne soulève pas de scandales, l’esthétique est même décrite comme « un peu mystique » par Fred Goudon, le photographe de cette année. La publication du calendrier de cette année se fait même dans un certain anonymat. Seuls quelques médias ont mentionné sa sortie, ce fut le cas par exemple avec un rapide reportage dans la rubrique Culture & vous sur BFM TV. Cette tendance s’était déjà amorcée depuis quelques années, depuis la démission de Max Guazzini en 2011. Thomas Savare, nouveau président du club, n’a pas le même goût que son prédécesseur pour le spectacle et la provocation, mais surtout, le club n’a plus la même aura. Les performances ne sont plus véritablement au rendez-vous, et ils sont obligés de jouer au stade Charléty pendant les travaux de leur stade Jean Bouin. Les matchs ne font plus véritablement recette, le public ne se déplace pas.

Cet ensemble de paramètres poursuit un certain détachement au niveau de l’image entre le Stade français et son calendrier des Dieux du Stade, qui existe désormais comme une entité presque entièrement distincte.
Ainsi cette année, les stars du calendrier sont plutôt Nicola Karabatic, handballeur ou Olivier Giroud, footballeur, bien plus connus que les rugbymen qui y participent, comme Julien Dupuy, Jules Plisson ou Hugo Bonneval. La couverture est tout de même assurée par un joueur du Stade Français, Scott Lavalla l’année dernière et Alexandre Flanquart cette année, et la photo de profil du compte facebook des Dieux du Stade représente toujours les trois éclairs symboles du club parisien, mais en noir et doré, et non pas en rose et bleu. Il faut dire que le Stade Français a choisi de plus communiquer sur son nouveau stade Jean Bouin, pour attirer plus de spectateurs autour de l’élément central de leur activité : le rugby. Il replace de fait le calendrier comme un produit dérivé au même titre que les maillots et n’en fait plus une actualité directement liée au club. Cela reste tout de même un évènement, concrétisé par une soirée « people » au Motor Village des Champs Elysées le 10 octobre dernier, mais la promotion du calendrier n’est plus la même, elle a évolué avec la notoriété grandissante du rugby, qui n’a plus forcément besoin de cette vitrine, et avec les changements connus par le stade français. Le rugby s’est en effet suffisamment ouvert sur un public plus varié, de plus en plus de femmes viennent voir des matchs en s’intéressant réellement au jeu. Il semble bien que le calendrier des Dieux du Stade en devenant progressivement un rituel se détache donc en partie de son objectif principal pour devenir principalement un objet esthétique, dont le succès perdure chaque année.
 
Astrid Gay
Sources :
Le Figaro
Stade.fr
La page Facebook des Dieux du Stade

Edito

Parce que Toulon !

 
Après 20 années plutôt médiocres, le Rugby Club Toulonnais a refait surface dans l’élite du rugby français en 2007 et est sur le point d’accomplir l’impensable (ou « l’impossible » pour Guy Novès, l’entraîneur français le plus titré) : gagner la coupe d’Europe et le Top 14 (championnat de France). Pour autant, si le RCT fait parler de lui, ce n’est pas seulement pour ses qualités sportives actuelles. C’est aussi un modèle communicationnel particulier dans un monde rugbystique qui éprouve encore des difficultés à assumer les conséquences de sa professionnalisation.
Le RCT : un OVNI communicationnel dans le rugby français ?
L’arrivée de Mourad Boudjellal n’est pas innocente dans la transformation de ce vieux club de rugby provençal. Fort de son succès dans le monde de l’édition (il est le créateur de Soleil Productions -maison d’édition à laquelle on doit notamment Rahan et Lanfeust de Troy), cet homme a tout d’un génie marketing et a construit ce qu’il aime appeler un véritable « modèle économique ». Dans le sport il s’agit d’abord de construire une « grande émotion et une grande passion » avant de construire des stades. Après avoir injecté toutes ses économies, soit tout de même 6 millions d’euros, Mourad Boudjellal affirme être parvenu à faire du RCT une entreprise auto-suffisante, en se proclamant « vendeur de rêve ». L’arrivée très critiquée de Jonny Wilkinson en est l’exemple le plus flagrant. Pour Toulon, ce n’est pas un investissement, « c’est un cadeau, c’est du bénéfice, il nous coûte zéro ». Au RCT le rêve est la source du revenu, ce n’est pas la dépense puisque sa recette est toujours supérieure au coût. Comme il le résume lui-même sur BFM : « j’ai développé une marque basée sur l’émotionnel et le passionnel ».

Tout ce modèle économique se double d’une stratégie communicationnelle plus ou moins voulue et travaillée. Les années Boudjellal au RCT seront aussi celles de la révolution. Il a su donner une nouvelle dimension à l’image du rugbyman, plus moderne, et créer ainsi un véritable style de vie toulonnais. De la coupe de cheveux jusqu’aux couleurs des chaussures, aux tatouages et aux chants, rien n’est laissé au hasard.

Le fameux « Pilou-pilou » est à son apogée, les joueurs se prennent au jeu, et participent à la création de cet univers si particulier. Ce sont les plus présents sur les réseaux sociaux, et on a pu voir à l’occasion de quelques matchs le nom de leur compte Twitter inscrit sur le dos de leurs shorts (ce qui a valu au RCT de nouveaux ennuis avec la Ligue Nationale de Rugby). De même, les représentants du RCT sont présents sur tous les médias, et non uniquement ceux réservés au rugby. Mourad Boudjellal était récemment au grand journal pour présenter son livre Ma mauvaise réputation, accompagné du joueur Frédéric Michalak et de l’entraîneur Bernard Laporte.

En somme, l’image du RCT est plus jeune, plus connectée, mais aussi plus contestée. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce Toulon 2.0, Mourad Boudjellal a bien compris que ce qui compte, c’est qu’on en parle (quasi credo de la com depuis le début des années 2000).
Le revers de la (double ?!) médaille
Ce rugby de « mercenaires » est évidemment amplement critiqué dans le cadre de la planète rugby, tant par ses acteurs que ses spectateurs. Pour eux, le rugby est avant tout une société à part, où il fait bon vivre, où l’on mange du cassoulet, et l’on boit beaucoup lors des troisièmes mi-temps. C’est aussi une société où la morale a une grande importance, notamment dans le respect des adversaires, des supérieurs et surtout de l’arbitre. Or le président de Toulon n’a pas respecté ces valeurs (cf. la polémique sur la « sodomie arbitrale »). Mourad Boudjellal propose un rugby décomplexé, qui assume l’argent et le business. En d’autres termes, il renvoie au rugby français une image de ce qu’il a longtemps cherché à éviter : un sport professionnel et ses conséquences capitalistes. Les polémiques autour du RCT ne sont en réalité que des aspects d’une guerre entre la modernité et la tradition, l’argent et la préservation des valeurs de ce rugby de clocher.
Il faut savoir que les dites « valeurs du rugby » ne sont pas totalement propres au rugby, mais relèvent d’une éthique sociale et d’une morale rurale. Elles ressemblent à peu de choses près à la morale du XIXème siècle définie par Durkheim : esprits de discipline, d’abnégation et d’autonomie. Même si elles sont parfois formulées autrement aujourd’hui, l’idée reste la même. Pour Daniel Herrero, le rugby est bien « l’abnégation, la rigueur, le rudoyant ».
Ainsi le RCT pourrait incarner une sorte de « postmodernité populaire », dans la mesure où il cherche à réactualiser ces valeurs. Et si le rugby plaît autant aujourd’hui, c’est peut-être grâce à ce contexte de repli sur soi général, auquel il répond par la fierté régionale, presque rurale. L’attachement à la terre propre de ce sport obtient un écho important dans la société actuelle, d’autant plus que certains clubs comme le RCT savent se moderniser et apporter de l’espoir, là où le football reste parfois dans la nostalgie, le « c’était mieux avant » ou « c’est mieux ailleurs ».
 
Camille Sohier
Avec la très grande aide d’Isaac Lambert

Edito

Quel est le mot de l'année ? (Suite)

 
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
 
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts.   Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à  la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
 
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
 
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
 
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple  et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
 
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)

[1] On vous conseille chaudement la lecture du rapport sur la vie privée (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL-CAHIERS_IPn1.pdf)

[2]   A ce propos, un Américain a réussi à prédire les élections Américaines en devinant les résultats de 48 Etats sur 52. Pour plus d’informations lire cet article du Nouvel Obs (http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130103.OBS4353/comment-le-big-data-va-revolutionner-2013.html)