oldéal
Flops

Offrez-vous un vieux pour Noël !

 
Ces derniers jours, de nombreux sites proposant des services affligeants pour les personnes âgées ont fleuri sur le web. Plumeunvieux.com et Oldéal.com font partie de ces sites qui ont créé la polémique récemment.
Le premier est un site internet permettant de sélectionner une personne âgée n’ayant ni famille, ni amis, en vue de créer des liens avec elle pour ensuite en hériter. Le choix est large, il y en a pour tous les goûts ! On peut piocher parmi les cancéreux par exemple. Quoique, mieux vaut saisir une offre de dernière minute. Rapide et efficace. Il ne reste au vieillard que quelques semaines à vivre, donc on arrose ses plantes patiemment en lui parlant du temps qu’il fait dehors, puis bingo, on empoche le jackpot !
Oldéal quant à lui, est un site qui propose une solution à ceux qui souhaiteraient éloigner leurs proches, pour ainsi réaliser des économies. Le site propose 3 formules pour envoyer ses vieux à l’autre bout du monde et ne plus s’occuper de rien, des paperasses aux obsèques. Il n’est même plus nécessaire de perdre son temps à les appeler pour les entendre radoter, Oldéal s’occupe de tout !

Vous trouvez ça aberrant ? Tant mieux. Car ces sites sont en fait montés de toute pièce par des étudiants en dernière année du bachelor de l’IESA, une école de multimédia. Les élèves devaient monter et animer une campagne de communication autour d’un thème, qui était cette année celui de la solitude des personnes âgées. Au risque de créer la polémique, certains n’ont pas hésité à jouer sur des campagnes trash, visant à choquer un public visiblement trop peu concerné par la solitude des séniors.
Le bruit médiatique recherché par ces étudiants était bien au rendez-vous, mais pas forcément dans le sens recherché. En effet, un bad buzz s’est fait ressentir via certaines associations comme Famidac ou Petits Frères des Pauvres, qui ont été terriblement heurtées par ces campagnes. Le secrétaire général de Famidac, association qui propose des familles d’accueil pour les personnes âgées, considère ces sites comme « ignobles, peu crédibles, mais qui peuvent piéger les sans-cœur ». Les étudiants y sont-ils allés trop fort ? Difficile à évaluer. Nous pouvons simplement admettre qu’ils se sont fait prendre au piège de leur propre motivation et de la qualité de leur travail. En effet, il est difficile au premier coup d’œil de se douter du traquenard, tant les sites sont bien réalisés.
Cela nous pousse alors à nous poser plusieurs questions : les étudiants auraient-ils pu se contenter de créer une publicité triste et émouvante ? Sommes-nous réellement obligés de choquer ou de créer de l’émotion pour sensibiliser la société ?
Moins choquer pour mieux toucher
Nous avons tous déjà été exposés à des campagnes trash, défendant de lourdes causes. Sécurité routière, pauvreté, solitude, chaque année nous sommes la cible de ces publicités douloureuses. Mais la multiplication de ces campagnes choquantes, ajoutée à la banalisation de la violence par les médias et les jeux vidéo, n’affaiblit-elle pas leur impact ? Depuis quelques années, certaines entreprises prennent le contrepied, en essayant de marquer les esprits plus en douceur. C’est par exemple le cas de Metro Trains, le réseau ferroviaire de Melbourne, qui à travers une chanson enfantine appelle à la vigilance des Australiens envers les trains et métros.

 
 
En France, la Sécurité Routière a elle aussi décidé de changer de ton. Après deux courts-métrages réalisés par Rémi Bezançon en 2014 (Le sourire du pompier et Je vous aime très fort), c’est Mathieu Amalric qui s’est chargé cette année de sensibiliser les Français quant à la vigilance à adopter au volant. Tout en suggestions, ce nouvel opus de cinq minutes mettant en scène Pio Marmaï et Caroline Ducey, nous plonge dans un vrai malaise. On assiste aux difficultés qu’éprouve un père de famille à profiter du réveillon de Noël, sans penser à l’accident mortel qu’il a causé. Pointant du doigt l’utilisation du téléphone au volant, ce court-métrage n’est ni choquant, ni forcément émouvant, mais simplement troublant. La Sécurité Routière a cette année joué la carte de l’esthétisme, du suggestif et du psychologique, afin qu’au delà des conséquences physiques qu’entraîne un accident, nous réalisions que celui-ci peut nous torturer intérieurement jour et nuit. Se pose alors la question de l’efficacité de cette publicité. La Sécurité Routière touchera-t-elle sa cible aussi efficacement avec ce court-métrage, qu’avec ses anciennes publicités bien plus choquantes ?

 
Lumière sur le sadvertising
Au delà des campagnes choquantes défendant des causes sérieuses comme la solitude des personnes âgées, il est intéressant de considérer une tendance très en vogue depuis quelques années : le sadvertising. Comme son nom l’indique, cette tendance concerne une flopée de marques qui tentent de convaincre leurs consommateurs potentiels via des publicités émotives. De nombreuses enseignes que l’on pourrait qualifier de « froides », comme Apple ou Samsung, sont friandes de cette technique et en profitent pour rappeler leur contribution à l’enrichissement de la vie affective et émotionnelle de leur public. Il s’agit d’offrir un supplément d’âme, de dépasser la simple transaction matérielle pour atteindre une cible plus large, qui achètera un produit pour sa valeur émotionnelle et non parce qu’elle en éprouve le besoin. Drôle de paradoxe : on fait du trash avec des produits de la vie quotidienne, et on arrête d’être trop choquant lorsque l’on veut sensibiliser un public à une grande cause.
La tendance du sadvertising reste tout de même largement anglo-saxonne, les Français ayant un regard plus critique et recherchant l’intention derrière l’hyperémotivité publicitaire. Je vous laisse tout de même savourer – ou détester – les six campagnes les plus larmoyantes de ces dernières années. Sortez vos mouchoirs !

Procter and Gamble
 
 

Apple
 
 

Ikea
 
 

Always
 
 

John Lewis
 
 

Google Chrome
 
Louise Bédouet
@: Louise Bédouet
Sources :
Stratégies
etudiant.lefigaro.fr
advertisingtimes.fr
silvereco.fr
Crédits photos :
silvereco.fr (1) et (2)