Société

L’association Promouvoir – entre protection et censure, il n’y a qu’un pas.

On a fini 2016 avec un article sur la polémique autour de la sortie de Sausage Party (film retraçant le périple initiatique d’une saucisse entre deux ou trois connotations pornographiques). On commence donc 2017 en s’intéressant à André Bonnet, figure de proue de l’association « Promouvoir », déboutée le 14 décembre dans sa charge judiciaire contre le film controversé. Ou comment un seul homme fait trembler tout le cinéma français actuel.

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Sausage party: tant qu'il y a du scandale, c'est pas fini

Sausage Party, le nouveau film d’animation de Seth Rogen et Evan Goldberg, est sorti en France le 30 novembre 2016. C’est l’histoire d’une petite saucisse qui s’embarque dans une quête dangereuse pour découvrir ses origines. D’autres thèmes d’actualité et de société — et même de géopolitique, notamment à travers le conflit israélo-palestinien — sont abordés. Les réalisateurs Seth Rogen et Evan Goldberg étant avant tout les grands maîtres de la stoner comedy (genre cinématographique dont l’intrigue montre l’utilisation du cannabis) et de l’humour subversif, il en résulte par conséquent un dessin animé qui se rapproche plutôt d’American Pie que d’une production Disney.
La stratégie de communication du film d’animation présentait un double enjeu. D’une part, il était important de mobiliser le public autour de la sortie du film, qui à l’origine n’était pas prévue en France mais pour direct to video, la décision du lancement fut encouragée par la mobilisation des fans de Seth Rogen. D’autre part, après sa sortie, La Manif Pour Tous, s’est mobilisée et a bruyamment dénoncé l’hyper-sexualisation du dessin animé. Revirement stratégique : il a fallu faire profil bas pour normaliser Sausage Party par rapport au reste des sorties. Cet événement témoigne surtout de la difficulté de communiquer autour des films d’animation en France, ceux-ci étant éternellement perçus comme des films pour enfants.
Une communication officielle potache mais tardive et ambiguë…
En France comme aux USA, les producteurs avaient misé sur une communication bon enfant, presque familiale, en revenant aux fondamentaux du film : montrer la vie d’aliments qui, comme les jouets dans Toy Story, se réveillent dès que les humains ont le dos tourné. La société française chargée de la distribution s’est donc appuyée sur le synopsis du film pour en assurer la communication, notamment en utilisant la marque « Morteau Saucisse ». Étant donné que le héros du film est une saucisse, le lien était tout trouvé et permettait à la marque alimentaire de s’offrir une image plus jeune et une visibilité nouvelle en magasin.

Par ailleurs, pour le distributeur, il s’agissait aussi de s’offrir les services d’un groupe qui avait su marquer les esprits lors de sa campagne de pub dans le métro parisien. Celle-ci assurait en effet « 20 cm de bonheur » aux acheteurs d’une saucisse chez Morteau. La stratégie communicationnelle mise en place, tout en s’approchant du type d’humour développé dans le film, a donc contribué à rendre celui-ci plus accessible aux consommateurs.
Paradoxalement, le fait que Cyril Hanouna ait été choisi pour doubler un des personnages, brouille un peu ce message : il est un des animateurs préférés des adolescents et pré-adolescents, or cela donne l’impression que ce public pourra se retrouver dans le film. Mais ce n’est cependant pas le cas. De plus, en France, la communication autour de la célébrité des doubleurs a plutôt lieu lors de la sortie de films d’animations pour enfants, ce qui contribue donc au renforcement de l’ambiguïté autour du public réellement visé.
…pour un film sorti dans un contexte social peu propice
Refusant de tomber dans l’oubli à l’approche des présidentielles, La Manif Pour Tous a vu dans la sortie de ce film l’occasion de revenir sous les feux des projecteurs et de faire réentendre son message. Ce n’est pas la première fois que le mouvement ou une de ses dérivées, cherche à préserver les « chères têtes blondes » (selon leurs propres termes) des affres du cinéma, qu’il s’agisse des affiches ou du contenu d’un film. La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche et ses scènes jugées trop explicites par certains spectateurs, ou encore L’inconnu du Lac d’Alain Guiraudie et son affiche un peu trop suggestive, ont eux aussi connu les foudres des associations familiales. Il s’agit en quelque sorte d’une spécificité française puisque ces trois œuvres cinématographiques sont sorties à l’étranger, également avec des restrictions de diffusion selon l’âge des spectateurs, mais sans jamais susciter de telles polémiques.
Cette mobilisation est en fait basée sur les revendications plus politiques de La Manif Pour Tous. Leur communication sur Twitter mentionne en effet la récente campagne anti- VIH du gouvernement français mettant en scène des couples homosexuels, qui serait choquante pour les enfants. En interpellant tout d’abord le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (qui ne gère pas les affaires liées au cinéma) puis le Conseil National du Cinéma et de l’Image animée, il semble que ce soit plus largement le gouvernement qu’ils ont souhaité pointer du doigt, et plus particulièrement, sa politique concernant la famille. Plus que le film en lui-même, c’est donc une certaine image de la sexualité dans la société que le mouvement dénonce.

Mais pour quel effet ?
La méthode utilisée est paradoxale et rappelle le phénomène du Streisand effect, du nom de Barbara Streisand : plus l’on cherche à cacher quelque chose, plus il y a un risque que cela gagne en popularité. En effet, pour mettre en garde les spectateurs potentiels du film sur sa dangerosité pour les enfants, ceux qui s’opposaient à sa sortie ont diffusé les deux minutes les plus polémiques du film, augmentant ainsi le risque pour les plus jeunes d’y être exposés.
Finalement, le peu de signatures recueillies sur les pétitions (moins de 3 000 pour le premier résultat Google au 11 décembre 2016) semble signaler que cette présence importante sur les réseaux sociaux n’est pas forcément représentative d’un réel engagement. Une petite minorité convaincue parvient à se rendre visible, sans pour autant réellement mobiliser les masses autour de cette cause.
Malgré la tentative de succès en voulant surprendre le public afin de susciter la polémique, le film n’aura fait que 40 000 entrées la première semaine, se plaçant à la 11e place du box-office. Finalement, les fans du films mobilisés pour sa sortie ont été satisfaits et aucun des spectateurs n’a été traumatisé, comme le pensent les opposants : plus de bruit que de mal !
Justine FERRY
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Sources :
• http://www.mesopinions.com/petition/enfants/censurer-sausage-party-dessin-anime- pornographique/26528 (pétition créée le 28/22/2016, consultée le 10/12/2016) –
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Sausage_Party (consulté le 11/12/2016) -Assaoui, Sofian (publié le 22/11/2016) http://france3-regions.francetvinfo.fr/franche-comte/ saucisse-morteau-ambassadrice-du-film-sausage-party-1136847.html (consulté le 10/12/2016)
• Couston, Jérémie (publié le 01/12/2016, mis à jour le 02/12/2016) : http://www.telerama.fr/ cinema/sausage-party-comment-la-manif-pour-tous-fait-tout-un-plat-avec-une-saucisse, 150892.php (consulté le 09/12/2016)