Campagne 2012 Save the Children Break the circle of violence
Société

Jacques l’a dit, mais personne n’a remarqué

 
Tout le monde sait que les digressions sont nombreuses sur nos lieux de travail : on répond à nos mails, on organise notre soirée… Et c’est en plein travail que l’un de mes collègues m’a interpellée pour me mettre un site devant les yeux. J’ai jeté un vague regard à la page, avant de détailler avec ébahissement les images qui s’offraient à moi. Notant mentalement le site, ads-ngo.com, je me jurai d’y retourner plus tard… Pour découvrir à mon grand plaisir un site d’une richesse incroyable. Il regroupe en effet les campagnes publicitaires d’ONG du monde entier et permet aux internautes de les commenter ou simplement de les partager sur un très grand nombre de réseaux sociaux. J’ai choisi de détailler ces affiches qui m’ont réellement captivée, mais je vous invite à aller faire un tour sur leur site, qui contient de vraies merveilles de communication !
Le cercle
La première image est celle d’un homme sur le point de frapper un enfant, effrayé et se cachant derrière ses bras. Puis le reste de l’image : le cercle, l’évolution, les différents âges de la vie… Et le sens suit automatiquement : cet homme était cet enfant et cet enfant devient cet homme. Le texte n’est là qu’en soutien, au cas où le premier stade de la communication, celui qui n’a pas besoin des mots pour s’imposer, ne fonctionnerait pas. Il ajoute cependant une phrase choc, un slogan, comme un mantra de ce combat contre la violence : « break the circle »*. Le cercle de la haine qui se reproduit, et qui n’est plus seulement intellectualisé par un chiffre, « 70% des enfants battus reproduisent ce schéma à l’âge adulte » comme on le lit vaguement dans les journaux. Non, là on le voit et on le ressent dans cette image, juste sous nos yeux, et c’est toute la force de cette affiche. Le cycle de la vie passe par l’âge car le petit garçon vieillit, mais aussi par les expressions des visages qui accompagnent ces différents âges, reproduisant un scénario logique implacable qui ne prend jamais fin. Le cercle est la seule forme parfaite en géométrie, en art, en littérature ou encore en poésie : il représente l’infini et l’enfermement. C’est pourquoi il convient de tout faire pour le briser, pour le dépasser : en art comme dans la plus quotidienne des scènes, celle d’un simple enfant qui renverse son verre de lait, dans la cuisine banale de la banale maison d’une famille comme il en existe tant. Banal et choquant, donc efficace.
En faisant glisser la roulette de la souris, on voit que les femmes aussi en prennent pour leur grade (égalité des sexes oblige) et qu’une autre forme de violence est traitée avec la même subtilité… une violence sexuelle cette fois, tout aussi marquante, tout aussi agressive dans son traitement graphique. Le cercle, les gestes, les visages et la banalité de la chambre… Tout est là pour mettre mal à l’aise et s’ancrer dans les mémoires.
Personne n’a remarqué…
Puis une autre série de photos apparaît, toujours pour cette même association. L’omniprésence des chiffres cache en grande partie l’enfant au-dessous, que nous ne pouvons que deviner vaguement… Volontairement ? Vu le titre, « almost nobody noticed »**, la réponse est oui. De la bourse aux programmes télé en passant par les sudokus, qui ne se reconnaîtrait pas dans au moins l’un de ces éléments ? En revanche, connaissions-nous les chiffres donnés dans cette minuscule phrase au-dessous de l’image, à peine lisible tant elle est petite par rapport au programme télé ? Cette campagne est loin d’être la première à utiliser une forme de culpabilité, celle d’être né sous une bonne étoile, pour toucher émotionnellement. Mais la beauté de cette communication sur le média supplantant l’humain mérite d’être soulignée… Bien sûr ces images agacent la petite voix supérieure, personne n’aime s’entendre dire qu’on agit mal en regardant la télévision ! Serait-ce une autre preuve de l’efficacité de cette communication… ?
La loterie de la vie
Une autre série d’images suit alors, comme en écho : nous avons gagné le gros lot ! Nous sommes du bon côté du trait qui sépare les deux images, les deux univers, nous avons gagné la « lottery of life »*** ! Qu’y pouvons-nous… ? Les affiches ne proposent pas d’autre réponse que le petit  logo en haut à gauche (mais tout à fait visible, d’une discrétion très efficace) et qui renvoie au site de l’association : http://www.savethechildren.org. En suivant ce lien, on apprend que cette association date de 1919 et a été fondée en Angleterre par une sociologue, Eglantyne Jebb, pour aider les enfants d’une Europe ravagée par la guerre. Lors de sa création, la sociologue a déclaré : « Nous ne pouvons pas laisser des enfants sans défense, quelle que soit leur origine, face à des violences physiques ou morales. Nous ne pouvons pas courir le risque qu’ils pleurent, qu’ils soient affamés, désespérés et qu’ils meurent sans qu’aucune main ne leur soit tendue ». Lottery of life***.
Après pas mal de temps passé à me renseigner sur ce site, une question demeure : pourquoi le site « save the children » existe dans plusieurs langues mais pas en français ? Et poruquoi y a-t-il si peu d’informations disponibles sur adsngo.com ? Mais peut-être est-ce simplement parce que personne ne l’a encore remarqué…
 
Héloïse Hamard
 Crédits photo : Ads-ngo.com & ©Save the children
*Brisez le cercle
**Personne n’a remarqué
***La loterie de la vie