Société

Snapchat : from Sexting to Teaching

Jeudi 26 février, un nouveau client de poids débarquait sur Snapchat : Dan Bilzerian. Pour ceux qui ne le connaissent pas, celui qui s’autoproclame le « King of Instagram » est devenu célèbre sur les réseaux sociaux en publiant des photos de son mode de vie « libéré », composé en grande partie de fêtes arrosées, d’armes à feu en tout genre ou de soirées en compagnies de jeunes femmes sans complexes. Cependant, difficile de régner sur deux royaumes à la fois, face à cette arrivée en grande pompe et une première story évocatrice (prise de son lit avec pour compagnie un revolver chargé et une top modèle dans son plus simple appareil), Snapchat a réagi dans la foulée, bannissant le compte au bout de… 6 heures d’existence.
Dan Bilzerian 0 – 1 Ghostface Chillah (notre petit fantôme adoré)
Tu ne croyais pas si bien dire
Cette sanction prise rapidement par les modérateurs du réseau social peut étonner. L’argument principal venait du fait que ces contenus publiés publiquement par le biais du module « story » étaient accessibles à tous, et donc aux mineurs. Sur le papier, la raison est valable, dans les usages, elle étonne venant de Snapchat. Pour rappel, le petit fantôme qui soufflera sa quatrième bougie en septembre prochain a été crée par deux étudiants de Stanford qui avaient eu cette idée suite au scandale qui avait vu l’élu Anthony Weiner démis de ses fonctions pour avoir échangé des photos à caractère sexuel avec de nombreuses femmes.
Le sexting, un pilier en cours de démolition
Si les usages se sont aujourd’hui démocratisés, il ne faut pas oublier pour autant que l’application s’est développée en partie grâce au « sexting » (vous êtes majeurs et vaccinés, on ne vous fera pas de dessins). Une étude réalisée par des élèves de l’université de Washington (disponible ici) analysant les usages des « Snapchatters » et montre que 15% des usagers ont déjà envoyé des snaps à caractère sexuel et que près de 25% ont déjà envoyé des traits d’humour assez connotés. Cependant, les images n’ont pas toujours le caractère éphémère que la marque leur adosse. Il est toujours possible de prendre des captures d’écran (même de manière cachée grâce à des applications tierces), ce qui peut devenir problématique, surtout face à de nouvelles pratiques fermement condamnées comme le « Revenge Porn » (lorsque des cœurs brisés publient sur Internet des clichés ou des vidéos compromettantes de leurs ex en mentionnant même parfois l’adresse de leur lieu de résidence, pour plus d’infos on en parle ici). N’oublions pas non plus les ennuis que l’appli s’est attirée en gardant trop longtemps cette image sur les stores, ou enfin le scandale qui avait éclaté lorsque des hackers ont récupéré des dizaines de milliers de photos qui étaient censées avoir disparu.
Les usages semblent pourtant considérablement changer: le fantôme a fait son petit bonhomme de chemin et compte plus de 100 Millions d’utilisateurs actifs (dont plus des deux tiers ont moins de 25 ans). L’application fait un carton chez les très jeunes et il est temps pour la marque d’opérer quelques changements si elle veut perdurer sans créer de scandales dans un futur proche. A ce propos, rappelons qu’après avoir refusé plusieurs propositions d’achats de plusieurs milliards de dollars, la société devrait être réévaluée à 19 milliards de dollars et vend des espaces éphémères de 24h aux annonceurs pour la modique somme de 750.000 dollars. Il serait donc judicieux d’éviter de tarir le filon avec quelques petits scandales liés à la nudité. C’est dans cette optique que la marque déclare dans ses nouvelles consignes « Keep your clothes on ! »

Une plateforme à destination des adultes
A l’occasion du Safer Internet Day, Snapchat a inauguré sa nouvelle plateforme : le Snapchat Safety Center. Ce nouveau site au design enfantin a pour vocation de sensibiliser les parents et les éducateurs aux usages que peuvent faire leurs enfants de l’application de messagerie par l’image. L’entreprise a développé un partenariat avec trois associations qui luttent pour la sécurité d’internet. On y retrouve des études propres aux différents usages du service ainsi que des liens vers le site de support et de prévention de l’application. Un guide explicatif de six pages à destination des parents et des éducateurs est également disponible. Doit-on donc se rassurer d’une telle décision de la part de ce nouveau géant ? Cette plateforme mettant en scène le petit fantôme et ses amis (la famille s’est considérablement agrandie) est-elle tout à fait innocente ?
Sensibilisez vos enfants, mais surtout parlez-en !
Sur cette plateforme la marque se met en avant, elle s’autoproclamme accompagnatrice de la jeunesse, participant d’une certaine manière à l’émancipation et au développement de celle-ci. On ne reviendra pas sur ces déclarations typiques mais certaines formules sont assez intéressantes tout de même.
Because Snapchat is an important way many young people communicate, parents and teachers should talk with them about how they’re using Snapchat.
Snapchat est ici incontournable, le terme « because » renforce cette idée. Les parents et les professeurs devraient parler de cette application et de ses usages à leurs enfants. Le discours est fort, il affirme qu’il est du devoir des parents de traiter de ce sujet avec leurs petits, pour les protéger, mais aussi les instruire. De là, à l’usage même des adultes pour promouvoir l’usage de l’application à leurs enfants, la frontière semble aisément franchissable. L’usage de la figure professorale est également très fort, il serait important de traiter de ces sujets à l’école, comme si le bon usage de Snapchat faisait partie des essentiels de la scolarité.
Help your kids and students understand how and when to report issues, and encourage them to be good to their friends and responsible members of the Snapchat community.
Le doute ne semble plus permis, la marque propose ouvertement d’encourager les élèves à être de bons membres de la communauté Snapchat.
En grandissant toujours plus vite et en réunissant toujours plus d’utilisateurs de plus en plus jeunes, la marque se devait d’opérer un virage plus éthique pour faire perdurer son incroyable expansion. En 2015, elle s’ouvre à de nouvelles voies avec, par exemple, un premier pas dans les médias via le module Discover et se doit d’apparaître plus sérieuse au vu des sommes qu’elle génère. Pour ce faire, le fantôme doit renier une partie de ce qui l’a fait grandir, quitte à suspendre définitivement aujourd’hui les comptes dérogeant aux nouvelles règles. Etait-ce nécessaire pour devenir encore plus grand ? Les prochains mois nous le diront.

Valentine Cuzin
Sources :
snapchat.com
rtl.fr
Crédits photo :
Safety center snapchat

Flops

Ils auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter !

 
Vieil adage inscrit dans la Bible, il est dit à propos de Salomon que “le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler”. A l’heure où la communication des entreprises, des politiques et des individus se fait instantanée et passe par les réseaux sociaux, l’idée reste la même mais version 2.0. Lorsque l’on est une personnalité publique, on ne peut s’exprimer impunément. Petit florilège d’exemples de ceux qui auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter.
Christine Boutin
En matière de buzz sur Twitter, cette dernière gagne peut-être haut la main. Dernier dérapage en date, sa “blague” à l’encontre d’Angélina Jolie, qui a décidé de médiatiser la mastectomie qu’elle a récemment subie.

Après que des utilisateurs s’en soient pris à sa page Facebook, la présidente du Parti Chrétien-Démocrate s’est justifiée dans un communiqué.
Si le tweet était maladroit, la justification l’est d’autant plus. Se permettre de critiquer une opération chirurgicale pratiquée sans que la personne soit malade, c’est limite, mais soit. Mais venant de quelqu’un qui défend la vie contre vents et marées, critiquer une personne qui a voulu préserver sa santé et la cohésion de sa famille ; balayer d’une phrase toute la souffrance physique et – surtout – psychologique de subir une ablation de la poitrine, cet attribut si profondément lié à la construction de notre identité féminine, tout ça pour habilement basculer vers le pseudo-débat d’une médecine à deux vitesses, belle prouesse, vraiment !
Le tweet, prétexte à une critique de la mondialisation
En juillet 2012, le Community Manager de Starbucks tweet ses excuses aux consommateurs argentins : les mugs et tasses classiques “Starbucks” sont temporairement indisponibles, “certains magasins utilisent des tasses et des manchons nationaux”.

Le Community Manager voulait simplement informer les clients de la situation. Rien de choquant jusque-là. Au contraire, Starbucks semble faire ainsi preuve de prévenance et de respect envers ses consommateurs. Pourtant, les réactions sur Twitter fusent via le hashtag #pedimosdisculpas (#nousdemandonspardon). Entre second degré et véritables rancœurs contre la marque qui semble dire selon certains : “A défaut de vous donner le meilleur, nous mettrons à votre disposition des produits argentins”. L’un de ses tweets est particulièrement évocateur des tensions nationales vis-à-vis des entreprises étrangères : « #nousdemandonspardon aux enfants qui consomment Starbucks parce qu’ils ne peuvent pas prendre leur café dans une tasse faite par un esclave chinois de 12 ans”.
Il est difficile de soutenir un parti plus que l’autre. Nous serions tentés de reprocher aux twittos argentins une certaine mauvaise foi, car le geste du CM relevait de l’information plus que de la critique sous-jacente des produits nationaux. Pourtant, il est clair que les chargés de communication d’une entreprise étrangère doivent porter une attention particulière à ne pas froisser la fierté nationale, et ceci doit passer par une adaptation permanente des messages au lieu d’implantation de l’entreprise.
Quand Pedobear a pris le contrôle du site La Redoute
Souvenez-vous, début 2012, tout le web avait ri de l’homme nu en arrière-plan d’une photo mode enfant sur le site de La Redoute. Erreur malencontreuse, “l’homme nu” est devenu un “même” repris à toute les sauces. Le concurrent Les 3 Suisses avait également récupéré l’évènement à son avantage.

Une fois le gros du buzz passé, La Redoute était retombé sur ses pattes en organisant un jeu-concours qui enjoignait les utilisateurs à retrouver 14 images volontairement trafiquées. A la clef : la promesse de se faire rhabiller gratuitement des pieds à la tête.
Viens sur mon compte public, je tweet à une copine
Il nous est arrivé, à tous, de se tromper de destinataire pour un message. Imaginez alors que cela concerne un homme politique et que le message soit TRÈS privé.
Le résultat:

Anthony Weiner, démocrate américain aurait dû mieux vérifier son tweet avant de montrer les contours de son sexe au monde entier.
Les conséquences : une carrière politique gâchée, un mariage en danger mais un avenir prometteur dans l’industrie du porno, puisque Larry Flint, maître du genre, lui promet un beau salaire de compensation et affirme la sincérité de son offre.
Dominée par la satisfaction client et les ambassadeurs de marque, la stratégie des entreprises répond au désir d’une relation BtoC exclusive. Sur un web où chacun a la possibilité de s’exprimer, les réseaux sociaux sont la nouvelle ligne directe du service consommateur.
Pourquoi ces affaires prennent-elles des dimensions si disproportionnées quand on sait bien que la plupart sont sans importance ? Comment un tweet de Valérie Trierweiler peut-il alimenter la chronique pendant deux mois et faire trembler la République ? A l’inverse, comment des tweets diffamants et insultants, comme ceux du footballeur anglais Joey Barton traitant Thiago Da Silva de « transsexuel en surpoids », peuvent-ils rester impunis, dans cette toile dont les contours juridiques sont parfois très difficiles à déterminer ?
Entre messages provocateurs, dérapages, malentendus volontaires pour mieux envenimer la situation, le web 2.0 est bien à l’image d’une agora contemporaine, pleine de débats plus ou moins futiles où chacun veut et peut faire entendre sa voix. Mais pas plus haut que celle de son voisin.
 
Pauline St Macary et Sophie Pottier
Sources :
http://news.fr.msn.com/hightech/petits-tweets-grosses-cons%C3%A9quences#image=3
Les dérapages de Christine Boutin : http://www.francetvinfo.fr/christine-boutin-derape-sur-twitter-au-sujet-de-la-mastectomie-d-angelina-jolie_324156.html
Anthony Weiner et sa photo compromettante : http://en.wikipedia.org/wiki/Anthony_Weiner_sexting_scandal
La Redoute : http://www.lefigaro.fr/societes/2012/01/04/04015-20120104ARTFIG00484-la-redoute-fait-le-buzz-avec-un-homme-nu-sur-une-photo.php?cmtpage=0
Le cas du Starbucks argentin :

Bad buzz : Starbucks boit la tasse sur Twitter


Pour aller plus loin sur le cas Barton :
http://www.leparisien.fr/sports/football/foot-twitter-barton-s-excuse-avant-d-en-rajouter-sur-thiago-silva-03-04-2013-2693565.php

Joey Barton sur Twitter : quelles responsabilités, quelles conséquences ?