SCANDAL
Société

Spin doctors VS Magistrat

Olivia Pope et sa bande de gladiateurs en costume ont contribué à faire connaître au grand public les spin doctors, des pros de la communication de crise. Le terme spin doctor nous vient du verbe anglais « to spin » qui veut dire « faire tourner » dans le sens de l’effet qu’on peut donner à une information. A l’origine, on retrouve plutôt les spin doctors dans les hautes sphères de la politique comme dans la série américaine « Scandal ». Aujourd’hui c’est dans les tribunaux qu’ils s’invitent aux côtés des avocats pour essayer d’influencer l’opinion publique.
Il était une fois des storytellers…

Les spin doctors sont avant tout des storytellers. Leur travail consiste à donner une bonne image de leurs clients en racontant une histoire au public. Ils doivent faire en sorte qu’on en dise du bien. En politique, cela se traduit par le fait de rendre un candidat séduisant aux yeux de l’électorat en racontant une histoire de ce dernier. Dans les tribunaux, ils ont toujours cette même fonction de storytellers sauf qu’ils doivent donner une bonne image de leurs clients poursuivis en justice. Pour cela, les spin doctors vont s’aider de tous les moyens de communication à leur disposition : tweets, communiqué de presse, mise en scène d’interview…
Les communicants de crise vont aussi scénariser la prise de parole de leurs clients pour qu’ils n’y prononcent pas un mot de travers qui pourrait écorner l’image de ces derniers. Ils définissent la stratégie à adopter avec leurs clients en travaillant main dans la main avec les avocats. Chacun son rôle, les spin doctors sont les spécialistes de l’image et les avocats se chargent du plan juridique. Il peut arriver que l’un s’efface au profit de l’autre. Ainsi, durant la phase d’instruction d’une enquête, l’avocat se concentre sur les avancés de l’enquête et laisse la place aux storytellers. Il arrive aussi que les spin doctors s’éclipsent pour ne pas donner l’impression qu’une parole est instrumentalisée comme cela a été le cas lors du procès de Dominique Strauss Khan pour proxénétisme.
Il était une fois des magistrats et des storytellers …

C’est la tendance de ces spécialistes de la communication à influencer l’opinion publique et attirer l’attention des journalistes qui entraîne une animosité des magistrats à leur égard. L’un des exemples les plus récents est l’affaire Bettencourt. Le 28 mai dernier, lors du dernier acte de cette saga judiciaire, un des juges a critiqué le fait que « la parole et la communication de Liliane Bettencourt ont été instrumentalisées ». Auparavant, lorsque les magistrats critiquaient la défense d’une des parties, ils se tournaient vers les avocats. Aujourd’hui, les spin doctors se trouvent dans leur ligne de mire. En effet, dans l’affaire Bettencourt, les juges considèrent qu’une série d’interviews de la milliardaire a été instrumentalisée. Il y aurait eu une mise en scène d’une interview donnée par Liliane Bettencourt en 2010 sur M6 avec Marc-Olivier Fogiel. Les communicants de Mme Bettencourt auraient proposé des modèles de questions et de réponses à l’animateur pour essayer de donner un certain angle à l’interview.
Cela ne s’arrête pas là. Toujours dans l’affaire Bettencourt, la fille de la milliardaire, Françoise Bettencourt-Meyers, a fait appel à des spin doctors pour le procès comme sa mère. Ainsi, lorsqu’elle est appelée à la barre pour témoigner, son intervention est totalement orchestrée. Ici, le rôle du spin doctor est de préparer sa cliente à faire face aux juges. Il ne s’agit plus de donner une bonne image à l’opinion publique mais de répondre aux attentes des juges, des réponses qui permettront de gagner l’affaire et tout cela sans se parjurer.
L’autre point important du travail des communicants de crise est d’attirer l’attention de la presse et surtout une attention favorable à leur client. Cela leur permet d’exercer une certaine « tension » sur les magistrats. « Notre boulot, c’est aussi d’amener des journalistes dans la salle d’audience » assène Guillaume Didier. « Pour un magistrat, la tension est beaucoup plus forte quand la presse est présente, encore plus aujourd’hui avec les tweets ».
Une efficacité variable
La principale mission du spin doctor, que ce soit en politique ou dans les tribunaux est d’influencer l’opinion publique pour leurs clients. Si cela peut avoir de véritable résultat en politique à travers la bonne communication d’un candidat et son élection au poste convoité, cela n’est pas forcément le cas dans une affaire juridique. En effet, on peut se demander si la bonne communication ou la bonne image du prévenu a vraiment une incidence sur le verdict des magistrats. Certes, ils auront peut-être la sympathie du public mais les juges se fieront plus aux faits et aux résultats de l’enquête pour rendre leur verdict.
Hawa Touré
Sources :
« Ces pros de la com qui défient les juges » in GQMagazine, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur :  http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/gq-enquete/articles/enquete-qui-sont-les-communicants-de-crise/29597
Schneider Vanessa. « Les politiques sous influence » in LeMonde, mis en ligne le 04/10/13. Disponible sur http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/10/04/les-politiques-sous-influence_3489100_4497186.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spin_doctor
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