Publicité et marketing

Red Bull : la marque qui a fait le saut

 
Le 20 juillet 1969, 500 millions de personnes se réunissaient pour regarder les premiers pas d’un homme sur la Lune. Quarante trois années plus tard, c’est un saut qui cette fois rassemble à nouveau les individus, celui de Felix Baumgartner. Entre temps, les conditions ont bien changé. La mission Apollo 11, premier grand événement médiatique, fut organisé et relayé par le gouvernement américain ; le saut de l’autrichien par Red Bull. L’objectif était cependant le même : orchestrer une opération de communication impressionnante, et l’on peut dire qu’il a été rempli.
Ce n’est pas la première fois que Red Bull organise un événement sportif, au contraire, cela fait désormais partie de leur image : la marque autrichienne en organise 500 par an, ce qui représenterait 30% de leur chiffre d’affaire. Mais si ceux-ci sont suivis par les plus passionnés, c’est réellement le « live jump » qui a sorti Red Bull de sa niche.
Les retombées médiatiques furent en effet sans précédent. Dès le lendemain, le sujet a été traité au moins 2300 fois en France. Le jour même, ce sont 40 chaînes qui ont diffusé l’événement, dans 50 pays, dont BFM en France qui avait l’exclusivité et a battu son record à cet horaire, avec 1,7m de téléspectateurs (6,4% de part d’audience).
Mais Red Bull est allé plus loin encore dans sa logique de communication. L’entreprise s’est en effet transformée en média, se donnant le pouvoir de véhiculer de l’information mieux que les traditionnelles chaînes elles-mêmes. Elle transmettait en direct le saut sur un site dédié : www.redbullstratos.com. Cette page contenait la vidéo, diffusée en direct sur YouTube, mais s’agrémentait d’autres outils qui enrichissaient l’expérience : des informations sur la pression, la vitesse, la météo – météo qui servait d’ailleurs de prétexte pour poster de nombreuses photos sur Instagram comme « teasers » avant le jour J. A elle seule, la vidéo a attiré 8 millions de téléspectateurs en direct soit 16 fois le dernier record détenu par Google pendant les JO, et 52 millions en tout.

Les réseaux sociaux  étaient évidemment en effervescence : sur Twitter, le hashtag #RedBullStratos figurait premier dans les trending topics (les sujets les plus évoqués par les utilisateurs) toute la journée, avec un pic de 2000 tweets par seconde lors du saut, et sur Facebook, la photo du saut a été partagée 29 000 fois en moins de 40 minutes, likée 216 000 fois et commentée 10 000 fois. Mais le point fort de Red Bull a  été de ne pas provoquer un buzz qui se fonderait exclusivement sur le saut, sans que les téléspectateurs ne prêtent véritablement attention à la marque. Au contraire,  l’omniprésence de son nom sur tous les supports a engendré de nombreuses réactions de la part des internautes, qui ont rivalisé de jeux de mots déclinants le mot Red Bull, en jouant sur le côté un peu « couillu » de la marque, ainsi que le slogan.
red bull gives you balls #felixbaumgartner
— Andrew Wooldridge (@triptych) Octobre 14, 2012
Bien sur, des mèmes ont tout de suite émergé sur Internet, inscrivant les images dans la webculture.

Red Bull a assuré son ubiquité en plaçant son produit dès que possible, de la simple mention de la marque au logo sur tous les accessoires (dont un énorme sur le parachute). Des produits déclinés ont été même mis en vente : la musique diffusé lors du saut, des vestes de pilote avec le logo Red Bull Stratos, et les instruments qui ont permis le saut vont être brevetés « Red Bull ».

La visibilité de Red Bull a donc été propulsée de façon phénoménale. Le succès de cette opération tient à ce que la marque a su aller plus loin que montrer une simple image. Elle s’est présentée comme l’entité qui crée un lien entre les individus en leur donnant l’impression de vivre un moment unique, historique, auxquels ils participent non seulement en le regardant et le commentant, mais aussi car ils se sentent comme responsables : c’est en achetant du Red Bull qu’ils ont permis cet exploit, ils l’ont presque financé. Sur le long terme, il y a fort à parier que cette opération de communication sera une réussite : on parle déjà d’une retombée d’un milliard de dollars, pour un investissement de 50 millions. De plus, l’évènement n’a pas fini de faire parler, puisqu’un documentaire de 90 minutes est en cours de réalisation par la BBC et National Geographics. Mais la grande victoire est celle de la fidélisation : Red Bull a multiplié sa communauté de fans par 17 en passant de 45 000 à 760 000 sur la seule page Red Bull Stratos, et sa chaîne YouTube compte plus de 787 000 abonnés. Victoire donc, car les utilisateurs « unlikent » ou se désabonnent rarement, et puisque Red Bull continue à proposer d’autres évènements sportifs (du BMX au Grand Palais par exemple), cela semble peu probable.
Red Bull a réussi à s’imposer comme la marque qui repousse les limites, qui « donne des ailes », propulse énergiquement ses sportifs. Plutôt que d’appuyer son argument de vente sur son goût comme son concurrent Coca Cola par exemple, elle véhicule des valeurs, ce qui, comme le rappelle Simon Sinek dans sa conférence « How great leaders inspire actions » en prenant l’exemple d’Apple, est la clef du succès : « people don’t buy what you do; they buy why you do it ».
 
Virginie Béjot
Sources :
Red Bull Stratos, nouveau modèle d’impact – Havas Média
Red Bull Stratos Case Study – Social Bakers