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Les scandales peuvent-ils freiner Uber ?

 
Après moins de six ans d’existence, Uber est valorisée à plus de 30 milliards d’euros et opère dans 50 pays et plus de 250 villes. L’entreprise de transport de personnes, qui fait concurrence aux taxis en proposant notamment à des chauffeurs non-professionnels de conduire des particuliers, utilise des technologies récentes (paiement par Internet, géolocalisation) pour moderniser un marché très régulé. Mais ce n’est pas son succès fulgurant qui attire le plus l’attention des médias depuis quelques mois. Les méthodes de l’entreprise sont fréquemment critiquées, aussi bien par ses concurrents que par les pouvoirs publics et ses propres chauffeurs. Citons seulement les accusations d’espionnage des utilisateurs, de concurrence déloyale, de non-respect des lois sur le transport de personnes : la croissance d’Uber ne se fait pas sans heurts.

Une communication défaillante
Uber, en quête de respectabilité, tente d’améliorer son image. Mais l’entreprise est au cœur d’une nouvelle controverse. Le 18 novembre dernier, un des vice-présidents de l’entreprise, Emil Michael, a suggéré d’engager une équipe de relations publiques ayant pour but spécifique de décrédibiliser des journalistes perçus comme trop hostiles. Un journaliste de Buzzfeed a entendu ces propos (censés être tenus en off, au cours d’un dîner) et les a publiés ; ils ont ensuite été relayés par la presse en ligne et traditionnelle.
Un détail a cependant pu échapper aux observateurs : le président exécutif de Buzzfeed est également un investisseur de Sidecar, l’un des principaux concurrents d’Uber. Ce fait, de nature à provoquer un conflit d’intérêts dans la couverture effectuée par Buzzfeed, n’a pourtant pas été soulevé par l’entreprise. La gestion de cette crise par le PDG d’Uber, Travis Kalanick, a d’ailleurs été assez malhabile : il a publié pas moins de 13 tweets pour s’excuser, la forme du message correspondant mal au réseau social employé.

Une croissance envers et contre tout ?
La multiplication des scandales ne semble pas, pour l’instant, entraver la croissance d’Uber, dont le service est suffisamment performant pour continuer à attirer conducteurs et utilisateurs. Il semblerait donc que, forte de sa capacité à innover, l’entreprise puisse faire passer la communication au second plan de ses priorités.
Pour autant, il est surprenant d’observer à quel point la couverture médiatique d’Uber est critique. Sa décision de ne pas utiliser la publicité dans sa stratégie de communication n’est peut-être pas tout à fait étrangère à cette hostilité : l’entreprise ne peut pas agiter la menace d’un retrait de ses opérations publicitaires, comme l’a fait Bernard Arnault après la Une controversée de Libération à son sujet en 2012. Compter seulement sur le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux -une stratégie qui s’est par ailleurs révélée d’une efficacité redoutable- prive ainsi Uber d’un levier d’influence.
La mauvaise réputation de l’entreprise est également susceptible de nuire à sa capacité d’action auprès des pouvoirs publics. En effet, Uber rencontre une opposition législative presque dans chaque pays où il souhaite s’implanter et a besoin du soutien de ses utilisateurs pour convaincre les élus de modifier les lois, le cas échéant en luttant contre le lobby des taxis. Une mauvaise presse risque dans ces conditions de faire pencher la balance du mauvais côté.
Cette controverse met enfin en lumière l’intrication et l’interdépendance des acteurs économiques de la Silicon Valley : la plupart des entreprises prometteuses sont soutenues par des fonds de capital-risque, dont les dirigeants se trouvent parfois en situation de conflit d’intérêts : ainsi de Peter Thiel , célèbre investisseur, qui déclare sur CNN qu’Uber est l’entreprise à l’éthique la plus douteuse de la Silicon Valley… avant de révéler qu’il a lui aussi investi dans un de ses concurrents.
Emmanuel Bommelaer
Sources:
Buzzfeed.com
Businessweek.com
Thefederalist.com
Usatoday.com
Growthhackers.com
Crédits images:
Twitter.com
Blog.uber.com