Nabilla fait son mea culpa
« Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m’avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l’estime. »
Henri Michaux, Clown.
Voilà des mots qui doivent résonner à l’oreille de Nabilla comme une chanson bien connue, elle qui est passée de star de la télé-réalité à détenue. Après une longue retraite médiatique suite à ses déboires avec la justice, Nabilla est de retour. Mais elle a changé et entend bien le faire remarquer. Autobiographie, interview vérité sur TF1, changement de style… Toutes les occasions sont bonnes pour montrer à la France entière ô combien elle est désolée de tout ce qui a pu arriver… A quelques semaines à peine de son procès, est-ce bien étonnant ?
Le livre, outil du come-back réflexif
Si Nabilla revient sur le devant de la scène, ce n’est pas pour participer à une énième émission de télé réalité mais pour faire la promotion de son nouveau livre. En effet, à seulement 24 ans, la jeune femme sort une autobiographie. Habituellement, on écrit ce genre d’ouvrage bien plus tard, quand on a eu le temps de « vivre sa vie », à l’image de Rousseau qui commence à écrire ses Confessions à 53 ans. Mais comme le clame le titre de ce livre, pour Nabilla tout a été… Trop Vite.
Ecrire une autobiographie ou des confessions est une technique bien connue des personnalités dont la popularité est en déclin pour essayer de changer l’image que le grand public a d’eux, et ainsi d’orchestrer leur come-back. Une telle sortie est une très bonne occasion de renaître médiatiquement et d’attirer à nouveau l’attention. Nicolas Sarkozy par exemple, avec son livre La France pour la vie, fait son mea culpa et son autocritique tout en affirmant qu’il a changé. À quelques mois des élections présidentielles, cette publication de l’ancien président n’est pas surprenante. De même, si l’on repense à ce cher Rousseau et à ses Confessions, on se rend compte qu’il écrit cet ouvrage à une période de sa vie où ses écrits étaient de plus en plus contestés par ses pairs. Il a même dû s’exiler en Suisse car il était menacé d’arrestation. Il semble que la starlette de télé réalité ait d’ailleurs suivi le même chemin quelques siècles plus tard… Philosophe et star de la télé-réalité, même combat ! Et en un sens, Nabilla Benattia cherche à s’inscrire dans le prolongement d’un mythe ancien mais toujours d’actualité : celui de l’artiste maudit, si l’on peut qualifier d’artistique le parcours de l’ex bimbo de la télé-réalité.
Trop Vite permet à Nabilla de montrer au public qu’elle est capable de faire un retour réflexif sur son expérience, d’analyser la situation et de prendre conscience de ses erreurs. Choisir le livre comme instrument de communication n’est pas anodin puisqu’il est le média d’une certaine maturité, un média respecté, à la différence des télé-réalités auxquelles est habituée Nabilla. Avec ce livre, on peut dire que l’ex bimbo cherche à se racheter une conduite médiatique.
La confession face caméra
Comme chacun le sait, la sortie d’un tel livre s’accompagne de promotion et Nabilla, qui fuyait les caméras depuis plusieurs mois, fait aussi son retour à la télévision. Son passage dans l’émission Sept à Huit, première apparition à la télévision depuis très longtemps, n’est pas passé inaperçu. L’interview de Thierry Demaizière prend des allures d’interrogatoire et de confession, où le journaliste joue à la fois le rôle d’inspecteur et de confident. Cette interview a rassemblé jusqu’à 4,6 millions de téléspectateurs. Le 16 novembre 2014, le Sept à Huit avec l’interview de Thomas Vergara, le compagnon de la belle, avait rassemblé 5,6 millions de téléspectateurs de moyenne.
Premier élément de la rédemption de la starlette, avant même la prise de parole : son apparence. Pantalon blanc immaculé, chemise bleue simplissime, baskets, maquillage sobre, cheveux mi-longs… Nabilla est métamorphosée. Dans cette sobriété presque surjouée, la jeune femme cherche à faire amende honorable, à prouver qu’elle a changé et surtout mûri. Choisir de faire sa première apparition dans le portrait de Sept à Huit plutôt que dans des émissions comme Touche Pas à Mon Poste ou le Mad Mag, dans lesquelles elle avait plus l’habitude d’aller avant, reflète cette envie d’afficher une posture de star plus réfléchie, plus adulte.
Puis vient le temps de la confession. Nabilla avoue ne pas vraiment mériter sa célébrité et même si elle l’a toujours cherchée, petit à petit elle a fini par se sentir piégée, par ne plus l’assumer. Elle raconte: « J’étais pas une artiste, je ne savais pas chanter, je ne savais pas écrire. Donc j’ai fait avec ma personnalité qui est atypique et je me suis dit, tu n’as que ça, donc fais avec. » Mais ce jeu s’est vite retourné contre elle : les gens ne riaient pas avec elle mais contre elle. Devenue la risée du net, la cible de nombreuses insultes et de jugements incessants, Nabilla a découvert l’envers d’un décor qu’elle aimait tant. Cette confession semble donc se confondre avec une dénonciation de l’appareil médiatique, de sa puissance et de la force destructrice qu’il porte en lui. Nabilla rejette en partie la faute sur ce système où elle était « perdue » comme elle le répète à plusieurs reprises pendant l’interview. Elle se présente ici en victime du cirque médiatique dont elle fut le clown pour un temps et semble chercher à se décharger, en partie, de ses responsabilités alors que son jugement a lieu quelques semaines à peine après l’émission.
Enfin, au-delà de son apparence et de ses paroles, l’attitude de la jeune femme lors de l’interview nous montre que, même après sa retraite médiatique, elle sait encore jouer avec les caméras. Dans ses regards, on peut voir la performance médiatique du mea culpa à l’œuvre. Regard fuyant, larmes aux yeux et battements de cils innocents : Nabilla oscille entre émotion et séduction. Et si elle défend fermement son évolution, la jeune femme reste fidèle à elle-même et n’hésite pas à lâcher que la justice « c’est chiant ! »
La surexposition médiatique, la gloire, les paparazzis, à 24 ans, Nabilla a déjà tout connu. Aujourd’hui, elle signe un retour plus discret. Une stratégie millimétrée, et surtout très bien exécutée par l’ancienne bimbo habituée des caméras qui attend toujours son jugement définitif. Si elle nous revient assagie en apparence, elle brave tout de même les interdictions de voir Thomas Vergara ou de quitter le sol français (même si d’après elle la Suisse fait partie de la France alors il n’y a pas vraiment transgression). Et bien qu’elle affirme ne pas vouloir être un modèle pour qui que ce soit, une fois la notoriété acquise, on ne peut s’en débarrasser si facilement. La parole de célébrités comme Nabilla, qui a une influence surtout sur le jeune public, n’est pas anodine et si les mots sont prononcés en l’air, l’impact, lui, est toujours bien réel.
Clémence de Lampugnani
@Clemydelamp
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Sources :
Vince Murce, Le 28 avril 2016 Nabilla « un peu dégoûtée » quand elle revoit les images de ses car wash, telestar.fr
Olivier Aïm, Confidences, larmes, mea culpa… Nabilla ou le repentir comme performance médiatique, 15-04-2016
Nabilla : «Aujourd’hui, j’arrive à vivre avec 4000 € par mois» Par Allyson Jouin-Claude, 10/04/2016
Le Figaro, « Sept à huit : jusqu’à 4,6 millions de téléspectateurs devant les confidences de Nabilla » par Damien Mercereau, 11.04.16
Crédits photos:
TF1
Robert Laffont
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