Publicité et marketing

« MARKET’-MOI SI TU PEUX»

 
Toujours  plus de communication, toujours plus de marketing, toujours plus loin  ; cette dynamique du « toujours plus » est à l’œuvre partout et elle gagne aujourd’hui le monde du sport ; plus précisément la planète tennis,  actuellement à l’heure parisienne.
 
Dernière trouvaille en date, l’application  « Tweet and Shoot » : un dispositif connecté créé par « We Are Tennis », l’agence de BNP Paribas  à l’occasion de ses 40 ans de partenariat avec Roland Garros. Le concept est aussi simple que saugrenu : 40 internautes se sont transformés en « twitto- entraîneurs» de Jo-Wilfried Tsonga, huitième joueur mondial et premier français, lors de sa séance d’entraînement du 23 mai. Un robot lanceur de balles activé via Twitter qui a dicté la séance du français. Pour faire partie de ces 40 chanceux, la marche à suivre était la suivante : il fallait envoyer un tweet d’encouragements à Jo Wilfried Tsonga sur le site « http://tweetandshoot.wearetennis.com » et les meilleurs étaient sélectionnés pour devenir « twitto-entraîneurs ».  Ainsi le 23 mai dernier, les coups fictifs des internautes sont devenus des balles réelles aux trajectoires variées que le tennisman français se devait de renvoyer.
Le coup marketing est bel et bien là même s’il prend des allures plus amusantes que dérangeantes. Néanmoins, cette opération de communication nous force à nous interroger sur les limites du marketing dans le sport ; jusqu’où peut-il aller ? Jo-Wilfried Tsonga semble s’être plié de bon cœur à la demande de l’emblématique partenaire de Roland Garros. Vous allez me dire : «  2h de perdues sur son programme ça n’est pas grand-chose, d’autant plus  qu’il tape la balle ». Pas sûr que Rafael Nadal, le septuple vainqueur de la Porte d’Auteuil  ou encore Roger Federer, partagent cet avis.
Autre dimension intéressante dans l’opération marketing « Tweet and Shoot » : ici le tweet  prend une nouvelle ampleur. Il agit, il impacte physiquement le réel, il décide de la trajectoire d’une balle.  A quand l’institutionnalisation des « twittos-entraîneurs » ? Tout cela peut prêter à sourire, il n’empêche que ce coup de communication dévoile une nouvelle dimension du tweet  quelque peu inquiétante.
« La Terre est bleue comme une orange »[1]
 
Autre coup marketing en 2012, lors du Masters 1000 de Madrid. Nous avions eu le droit, cette fois-ci, à une terre battue bleue, un choix du propriétaire du tournoi Ion Tiriac. Questions de gros sous et stratégie de buzz, il avait décidé de faire ce clin d’œil au sponsor principal du tournoi, « Mutua Madrilena » dont le logo est bleu, ainsi les joueurs ont  dû jouer sur une terre battue aux couleurs du partenaire.  Les réactions ont été immédiates ; les cadors du circuit, Nadal et Djokovic en tête, ont mis en garde les organisateurs de la dangerosité de la surface : trop glissante et de mauvaise qualité. Ils ont menacé de ne pas revenir l’année prochaine si l’ocre ne faisait pas son retour. Après cette fronde généralisée,  les joueurs ont finalement eu gain de cause pour l’édition 2013. Si cette fois l’avantage a tourné du côté des sportifs, cette bataille « sportifs-marketing » tourne malheureusement bien trop souvent à l’avantage du marketing.
Un set partout, début de la troisième manche, match à suivre.
 
Manon Conan

[1] Paul Eluard, « Premièrement », L’amour de la poésie

Michaël Llodra
Société

Double faute

 
Le sport est, on le sait, un élément culturel qui est symbole de valeurs, et ce sous toutes ses formes, collectives ou individuelles. Parmi les sports les plus « nobles » qui existent, le tennis culmine en tête. On recense près de 30 millions de pratiquants licenciés rien qu’en Europe, et les tournois du Grand Chelem font partis des grands événements sportifs annuels, mobilisant des millions de téléspectateurs chaque année.
Mais malgré l’atmosphère classieuse qui enveloppe le monde très fermé des tennismen professionnels, nous assistons de temps en temps à quelques petits débordements, qui nous rappellent à chaque fois que rien ni personne n’est à l’abri de la « boulette ».
Dernièrement, c’est le français Michaël Llodra qui en a fait les frais. Lors de son match dimanche contre Ernests Gulbis durant le tournoi d’Indian Wells, il s’est laissé emporter face à la pression et s’est calmé les nerfs verbalement sur un groupe de supporters chinois, lâchant un assez indélicat « fucking chinese » à leur encontre. Un journaliste présent a immédiatement tweeté l’événement, et le pouvoir de viralité de Twitter a fait le reste. L’info s’est répandue comme une trainée de poudre, et en récompense, le joueur français a gagné une amende de 2500 dollars pour « abus verbal » et « obscénité audible », ainsi qu’un sale coup à sa réputation.
Evidemment, face à ce torrent de protestation, Llodra a décidé de réagir. Il a rencontré un journaliste chinois afin de présenter ses excuses, mais aussi beaucoup plus. En effet, Michaël Llodra a justifié ses propos d’une manière pour le moins inhabituelle. Il aurait déclaré ceci au journaliste : «Mes mots n’étaient pas contre la Chine. J’aime les Chinois. Je pourrais tout à fait faire l’amour à une Chinoise.» Ces propos, rapportés par le New York Times, ne ressemblent pas vraiment à ce que les personnalités sportives ont l’habitude de dire lorsqu’ils se retrouvent dans des situations similaires. Car si l’affaire Llodra est à suivre, ce n’est pas la première fois qu’un joueur dérape en plein match, sous l’œil et les oreilles des médias.
Cet incident n’est pas sans rappeler la mésaventure de Joachim Noah, fils de Yannick, lors d’un match qu’il disputait avec les Chicago Bulls en mai 2011, il y a un peu moins d’un an. Le joueur français avait été filmé en train de prononcer une insulte homophobe envers un supporter qui avait de toute évidence dû avoir une conversation particulière avec Noah lors de ce match. Celui-ci avait d’ailleurs écopé d’une amende de 50 000 dollars, et s’était excusé auprès de la presse, expliquant, tout comme Llodra, qu’il avait eu cette réaction « dans le feu de l’action ».
Et bien sûr impossible d’oublier le drop-kick légendaire d’Eric Cantona sur un supporter lors d’un match qu’il disputait en 1995 pour Manchester United, alors qu’il était au sommet de sa gloire. S’en était suivi une débâcle journalistique autour du « kung-fu kick » que le joueur avait préféré ignorer, lors d’une conférence de presse où il éclaboussa les journalistes de sa poésie.
Finalement, ces incidents, malgré le mal qu’ils causent au sport et aux joueurs qui les causent, montrent bien que malgré la surmédiatisation et le statut d’idole dont ils peuvent jouir parfois, les sportifs restent des êtres humains qui peuvent craquer sous la pression. Toutefois, ce qui les différencie des individus lambda, c’est que lorsqu’ils vont trop loin, tout le monde le sait. Ce doit être la rançon de la gloire.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ©Panoramic

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