Guillaume Meurice : L'humour comme média
Fin août, l’équipe de Si tu écoutes, j’annule tout, émission quotidienne qui traite de l’actualité avec humour, feint de ne pas reconduire le programme pour l’année suivante. Le canular ne dure que quelques jours, jusqu’à l’annonce de leur nouvelle émission : Par Jupiter!, mais l’émoi provoqué chez les auditeurs de la chaîne est bien révélateur du succès rencontré.
Parmi les chroniqueurs de cette émission-phare diffusée sur France Inter, on compte Guillaume Meurice. Devenu une figure médiatique adorée par certains et détestée par d’autres, il est bien un des emblèmes de ce que l’on pourrait appeler l’information par l’humour, qui fleurit depuis quelques années. Essayons donc de comprendre les ressorts d’un tel phénomène.
Le « comique d’investigation »
Contrairement à ses acolytes, Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, Guillaume Meurice n’a pas de formation de journaliste. Son domaine, c’est le théâtre, l’humour, avant d’être celui de l’information.
Meurice, c’est tout d’abord un genre bien particulier : celui de la chronique, de quatre à cinq minutes, composée d’entretiens entrecoupés de commentaires. Le caractère quotidien de ces chroniques instaure une notion de rendez-vous avec ses auditeurs, rendez-vous qui peut même être différé grâce aux podcasts et à YouTube.
Les entretiens sont recueillis sur le principe du micro-trottoir et traitent d’un point d’actualité bien précis. Meurice arpente salons, marchés, magasins…pour interroger les Français sur des sujets aux titres aussi variés que « La haute couture connectée », « Raquel Garrido, l’insoumise aux impôts », ou encore « Hamon nous vivant ». Si les sujets choisis ne sont pas drôles en eux-mêmes, c’est la façon dont Guillaume Meurice décortique le raisonnement des gens interviewés qui fait rire. Il pousse leurs logiques jusqu’au bout en posant des questions souvent absurdes, qui amènent des réponses qui le sont d’autant plus. Ainsi, lorsqu’il demande, dans sa chronique du 11 octobre 2017, enregistrée sur le marché de Grenelle, dans le 15ème arrondissement de Paris, si faire des compliments à une femme deux fois par jour sur sa poitrine, c’est du harcèlement, il se voit répondre que non…
Est-ce méchant ? Non, selon lui : c’est caricatural. Le but n’est pas de ridiculiser les gens, qui ne sont pas nommés ni montrés lorsqu’ils ne sont pas des figures politiques, mais bien de mettre en évidence certains problèmes de notre société. Ses chroniques sont des enquêtes de terrain présentées à la manière d’un édito comique qui n’ont d’autre but que de nous interpeller.
Le phénomène Meurice
La force de Guillaume Meurice, c’est aussi une très grande présence sur internet. On lui compte 106 000 followers sur Twitter et plus 300 000 likes sur Facebook, mais aussi un site internet, qui contient sa biographie, ses chroniques, ses dates de spectacle. Toutes ses publications sont innervées d’une bonne dose d’humour. Même dans la rubrique « Biographie » de son site, on peut voir une photo de lui nourrisson, avec, en légende, « 14 juin 1981. Naissance. Date de victoire électorale de la gauche (à l’époque représentée par le Parti Socialiste) ». Comme si rien n’était sérieux : l’informatif est toujours drôle.
Mais cette forte présence sur la toile lui permet également de bénéficier d’une grande visibilité et d’entretenir un rapport assez particulier avec ses auditeurs. Car si, en commentaires de ses chroniques, on trouve des posts encourageants, reconnaissants et enthousiastes, on trouve également de nombreuses critiques négatives. Meurice raconte également recevoir de nombreux messages d’insultes en messages privés.
L’idée d’un homme avec lequel on puisse interagir, débattre, et donc finalement assez proche de nous participe grandement de la popularité du chroniqueur.
L’humour comme média
Guillaume Meurice déclare lui-même « Mon média, c’est l’humour, c’est mon moyen d’expression ». A la fin d’une chronique de ses chroniques, on a certes bien ri, mais l’on a également appris des choses. Il s’agit de déposer un filtre comique sur la réalité, pour la rendre plus supportable, en quelque sorte. C’est un autre regard que l’on pose sur l’actualité, qui n’a plus rien à voir avec les formats traditionnels de l’information.
Il nous fait rire de ce qui devrait nous faire « pleurer », ou en tous cas nous attrister, et donc, a priori, nous rebuter : la corruption des élus, le nationalisme, le sexisme…
Mais Guillaume Meurice, c’est aussi une vision, presque une philosophie de vie. Rire coûte que coûte. Même dans les moments les plus graves. Ainsi, on peut réécouter sa chronique « Reporter de guerre en terrasse », enregistrée le 16 novembre 2015, où il demande notamment à un « Jean Moulin de caféine », c’est à dire à un « résistant » qui continue de fréquenter les terrasses malgré les attentats, si, « se faire assassiner en terrasse », ce n’est pas finalement payer son café 2,60 euros…
Guillaume Meurice, on aime ou pas. Mais on ne peut nier l’importance de figures comme lui dans le champ médiatique français, totalement libres de leurs paroles, exprimant leurs opinions avec conviction tout en étant ouvertes au débat.
Juliette Jousset
Sources :
Bruno Denaes, Invités politiques « coupés » et humour « sélectif » ?, Le rendez-vous du médiateur, 26/05/2017.
Rossana Di Vincenzo, Charlie Hebdo, Restos du coeur… Avec Guillaume Meurice, on peut rire de tout sur France Inter, 07/072015.
Biographie Guillaume Meurice
Audrey Kucinskas, France Inter : Guillaume Meurice, le « Bisounours » de l’humour noir, 23/09/2017.
Audrey Kucinskas, Comment l’équipe de « Si tu écoutes, j’annule tout » a affolé France Inter, 23/082017.
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Cachez ce sexe que je ne saurais voir !
Qu’on se le dise, Fleur Pellerin en a pris pour son grade ce 27 avril 2015 lors de la 27ème Cérémonie des Molières. Et pour cause, rappelons nous du sujet qui fait débat, qui enrage le milieu culturel et dérange la sphère politique : la question du statut des intermittents du spectacle. Pour faire simple, le chômage des intermittents du spectacle, qui leur garantit une rémunération (précaire) pendant les périodes d’accalmie, est menacé de suppression. Rien de tel pour remettre les points sur les « i » que de profiter des Molières pour passer un savon à la digne représentante étatique de la culture.
Le nu : le nouveau pouvoir contestataire et la coqueluche des médias ?
L’apparition sur scène de l’auteur dramatique et comédien Sébastien Thiery dans le plus simple appareil a fait son effet. L’impudique monsieur s’est littéralement trimballé fesses et roubignolles à l’air dans le but d’interpeller du haut de son podium le pouvoir politique et lui demander des comptes. Sébastien Thiery fait un putsch, certes préparé, mais un putsch quand même dans la mesure où il met le public et la ministre face à une nudité qui n’était ni prévisible, ni souhaitée par l’auditoire. Le comédien prend la parole « au nom de la « fédération CGT du spectacle ».
Tous les médias ont parlé de cette fameuse séquence dans les heures et les jours qui ont suivi l’événement, provoquant ainsi un véritable buzz médiatique. La séquence a d’ailleurs été immédiatement commentée et relayée sur les réseaux sociaux divisant la twittosphère.
On s’attendait à un discours quelconque, ponctué de petites blagues, et on se retrouve soudain, involontairement, témoin d’un véritable règlement de compte. On assiste à une leçon de morale. Bon et après ? Ça reste une paire de fesses, et des paires de fesses, on en voit bien souvent au théâtre. C’est pratiquement monnaie courante. Pour clamer leur mécontentement (justifié !), des intermittents du spectacle avaient déjà joué la carte de la nudité devant Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture.
Le corps, un instrument contestataire comme un autre ?
Le fait est que le corps, une fois débarrassé de ses oripeaux, devient un instrument contestataire au service de l’action politique. Le corps nu est en soi une petite révolution en ce qu’il casse les codes sociaux. Rien de plus percutent que de se dénuder pendant une cérémonie officielle et institutionnelle où les codes ne demandent qu’à être distordus. On peut ainsi penser aux Femen qui, pendant le discours de Marine Le Pen le 1er mai, brandissaient leurs deux banderoles « Heil Le Pen ! », le tout seins nus.
Pourquoi utiliser le nu pour communiquer son désaccord et comment le nu réussit-il à défier le pouvoir politique au point de provoquer gêne et même violence ? La théâtralité du corps nu, en cela qu’il est clairement mis en scène, dé-range le politique. Et pour cause, des corps nus, libres, en mouvement, s’opposent aux corps inertes, embourbés dans leurs tissus, regroupés en masse passive. Le corps théâtralisé, une fois nu, conteste de lui même. Il dit non à l’ordre imposé et représenté par le pouvoir politique, à savoir un ordre lissé, institutionnel et législateur. D’où la confusion que sèment les Femen, d’où la gêne que provoque Sébastien Thiery. La gêne et le rire. Mais le rire est parfois le plus sûr moyen d’expier sa gêne.
Le théâtre comme tribune
Lors de la soirée des Molières, il y a eu affrontement entre le théâtre et le politique. Le théâtre est cette déclaration de guerre que Brecht s’évertuait à organiser encore et encore et que, peut-être, Sébastien Thiery a perpétué. Théâtre et politique ont toujours eu quelques affaires ensemble. Le théâtre est cet art qui sait si bien mettre en jeu la question du commun et de la communauté ; question largement discutée et réfléchie par le politique.
Le théâtre est cet art qui fait avouer au politique sa défaillance, sa contradiction et son mutisme. Et pour preuve, une Fleur Pellerin gênée, qui ne sait ni où poser ses yeux, ni comment réagir face à ce qui s’impose la nudité crue du réel, autrement dit la paire de fesses de Sébastien Thiery. Et pourtant, dieu sait que nous en avons tous une de paire de fesses.
Jeanne Canus-Lacoste
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Le Courrier Picard
Sources :
Le Figaro
Libération
francetvinfo.fr