Société

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Polémique autour du réseau sélectif «Tinder-select » en 2016, et pourtant d’autres se tapissent dans l’ombre ! Qu’ont donc à offrir ces applications à leur clientèle fortunée ? Maintenir son prestige ou bien trouver l’âme-sœur ? L’épisode à succès de Black Mirror « Nosedive » aurait vu juste…
Entre le visible et l’invisible
Les sites de rencontres actuels s’inscrivent maintenant au sein d’une nouvelle polémique depuis la découverte de la face cachée de Tinder : Secret-Tinder. Site révélé par le Huffington Post en mars 2017 dans son article Select, la nouvelle version de Tinder destinée uniquement aux gens beaux et riches. Basé sur un système d’invitation et de parrainage, ce réseau demeure secret pour les utilisateurs lambdas, et ne sélectionne que des profils de « qualité », évalués par des critères esthétiques et de popularité sur les réseaux sociaux. Il existerait même un algorithme secret mesurant notre taux de désirabilité nommé Elo-Score.
Le problème n’est pas l’existence de ce réseau sélectif, mais le fait qu’il soit invisible, secret, dissimulé. La société actuelle souffrant déjà d’une stratification sociale à de multiples échelles, qui se traduit spatialement (au niveau de l’urbanisme, de l’aménagement de la ville ou bien de l’appropriation de certains lieux selon les classes sociales), on peut craindre une dématérialisation de ces frontières sociales, exacerbée par le déploiement de ce type de site de rencontres. Ces derniers, en plus de refléter une ségrégation sociale préexistante, tendraient-ils donc à la renforcer ?
Le parallèle avec le célèbre épisode de la saison 3 de Black Mirror « Nosedive » (Chute-libre) est indéniable. On y découvre une société qui se divise selon un système de notation virtuel allant de 1 à 5 et qui place les individus en haut ou en bas de l’échelle sociale selon leur note de popularité. Le plus flagrant dans cet épisode est l’aspect « dissimulé » et secret de l’élite sociale, qui constitue une communauté imperméable pour et grâce au réseau social. Le système de notation crée et institue alors de façon permanente les écarts de richesse entre individus, puisqu’il détermine le niveau d’emploi, l’accès au logement et aux espaces de loisirs que seule une classe « healfy » et populaire peut se permettre de fréquenter.

Puisque cet épisode présente une sélection invisible et dissimulée, les réseaux sociaux participeraient-ils à maintenir une frontière invisible entre les individus ? On peut penser au cas du réseau social The League, accusé d’élitisme par des internautes d’après l’article du site CNN tech de février 2016.
Sur la page d’accueil, la première photo-témoin qui apparaît est celle d’un jeune homme…

…Voici Conor S, le gendre idéal. Conor est beau, Conor est à la direction de Google, Conor fait du Kayak. Mais Conor ne vous verra que si vous êtes dans la League. L’application se télécharge à partir de l’espace « LinkedIn » répertoriant des offres d’emploi, de fait la sélection se fait par rapport à votre niveau d’études et à votre profession, en un mot selon votre place dans la hiérarchie.
Cette mise en scène d’une classe élitiste via un réseau social est également présentée dans l’épisode de Black Mirror, à travers le personnage de Naomi, cliché du lifestyle d’une classe privilégiée d’influenceurs sur les réseaux sociaux comme Instagram par exemple. Dans cet épisode, l’aspect amical et naïf de la plateforme interactive dissimule en réalité des enjeux de pouvoir et de domination. Le réseau The League propose à l’internaute des rencontres et des échanges qui cacheraient en réalité une conscience de classe qui se veut exclusive. L’article publié dans Elle sur l’application secrète Raya dénonce le mirage d’une plateforme de rencontres entre stars et personnalités de l’industrie culturelle. La fréquentation de ce site cache une volonté pour les utilisateurs de se constituer un réseau de célébrités, d’élargir leurs contacts professionnels.
Exigent internaute :

« Are you told your standards are too high ? Keep them that way . We’re not saying Tinder doesn’t have its uses (..) but why not spend your time a little more…intelligently ? » cf theleague.com #AreYouIn
Néanmoins, la réponse de la fondatrice de l’application The League, Amanda Bradford, publiée en octobre 2015, revendique la nécessité pour les utilisatrices de sélectionner leur partenaire via un site de rencontre exclusivement réservé à l’élite sociale pour que les « alpha woman » ne perdent pas leur temps avec des rencontres décevantes. Les 5 commandements de l’application mettent en lumière la capacité du site à protéger leurs utilisateurs face aux mauvaises rencontres et à la frustration :

No voyeurs
No random
No games
No fakes
No noises
No shame

(et un payement mensuel pour s’assurer du « sérieux » de la clientèle)
L’intérêt pour les utilisateurs serait simplement narcissique : fréquenter des personnes d’un milieu social élevé qui leur renverraient une image positive.
Cette volonté de s’éloigner de la « masse » modeste et médiocre s’illustre parfaitement dans la scène de confrontation entre Lacie et son frère :

Le plan oppose la volonté d’ascension de l’héroïne et son renoncement aux valeurs familiales, et  l’incrédulité et le mépris de son frère qui trouve ridicule ce goût pour la distinction bourgeoise. Le personnage de Lacie peut s’apparenter à la femme moderne « alpha » telle que le revendique la fondatrice de l’application qui énonce « yes we are selective », assumant la nécessité pour les femmes de jouer le jeu afin de trouver un partenaire idéal. Celui qui acceptera le partage des taches et les ambitions professionnelles de sa femme. La recherche d’un idéal de vie serait donc au cœur de ces applications hybrides. Nous promettre un réseau de connaissances correspondant à la haute image que nous nous faisons de nous-même…

Le choix d’un réseau social sélectif révèle en réalité une volonté de se protéger face à la trivialité des rencontres sur des plateformes virtuelles. Les principes du site The League reflètent parfaitement les angoisses contemporaines des clients. La peur d’être démasqué, ou humilié sur les réseaux sociaux par exemple. « No shame », indique que la fréquentation du site reste secrète dans le cadre du « respect de la vie privée », la plateforme n’ayant pas accès à nos réseaux sociaux ou à nos photos personnelles.
Aussi, « No noise » ou « No fakes » permet à l’internaute moderne et actif de ne pas perdre son temps via des faux profils, ou une rencontre révélant un manque d’affinités… La peur de perdre son temps reflète une catégorie de population active et économe de son temps, recherchant l’efficacité dans le travail ainsi que dans les relations. Pas le droit à l’erreur !
« No games » enfin édicte un principe faisant qu’un match est supprimé ’il n’y a pas de réponse de la part du « match », pour protéger son égo (« you’re only hurting yourself » assure avec bienveillance The League).
 
Il s’agit donc d’un monde édulcoré et rassurant qui s’offre au client, en le conformant dans un narcissisme qu’il projette sur ses relations sociales, miroir de sa valeur et de sa notoriété. Les matchs n’ont pas d’importance dans leur dimension quantitative, mais qualitative, qui s’inscrit dans la perspective d’une réussite sociale tant dans son couple que dans sa carrière. C’est pourquoi les clients de ces sites cachés n’ont pas le même mode de consommation que ceux des autres sites. La plateforme devient une projection de soi-même dans une recherche de la perfection, et sur un ton très sérieux. Rien à voir avec le registre de Tinder, qui à travers son logo « flamme » invite à l’impulsivité au « coup d’un soir », à la surprise, sans laisser beaucoup de place à un rapport de séduction à long terme.
Le logo de « Tinder secret » par exemple, est bleu, non plus orange, donc plus calme, plus raffiné. L’essai De la séduction de jean Baudrillard publié en 1980 oppose à ce sujet la séduction à une culture pornographique de masse, qui tend à faire disparaître la séduction, le mystère, le secret au profit du dévoilement et de la consommation. Il peut s’agir dans ce cas d’une recherche pour les clients de se distinguer face au consommateur passif et obsédé, en sélectionnant et donc en devenant au contraire actif des relations. On se démarque face à la caricature du matcheur compulsif qui s’inscrit dans la norme, et surtout on évite de le rencontrer !
La ségrégation ici n’est pas que sociologique, elle est également psychologique car on ne recherche pas seulement du plaisir, mais un mode de vie à la hauteur de nos ambitions, nous maintenant sur un piédestal.
La tension insoutenable à la fin de l’épisode de Black Mirror durant la scène du mariage évoque une phobie de la contamination de son cercle et de son prestige par un individu vulgaire, raté, qui n’est pas à la hauteur. L’expression de haine de Naomi lorsqu’elle commande à son ancienne amie de ne plus venir à son mariage, car cette dernière est déchue de son rang, évoque l’angoisse d’être soi-même touché par l’autre. Une colère qui va aller au dégoût lorsque son amie parvient à s’infiltrer lors de la cérémonie. Nous prenons alors la place du témoin et nous nous sentons nous aussi mal à l’aise, car nous savons que l’héroïne n’est pas à sa place, qu’elle salit (au sens propre) la présentation immaculée de la réunion entre élite.

C’est une sécurité financière et sentimentale qui est offerte au client, grâce à un système de sélection HighTech. Mais dans le cas de ces applications ou la sélection se fait par l’argent, la valeur du capital financier devient condition et loi d’une relation satisfaisante et équilibrée. Le « bad buzz » qu’a connu The League révèle la ridiculité d’un mode de pensée suffisant, qui assume et revendique sa supériorité.
Les « alpha-woman » n’ont pas vraiment la cote…
Margaux Vinel
Sources :

Nathalie Doré « The league , un Tinder pour célibataires amitieux » les Echos , article du 20/02/2016
Amanda Bradford « I’m not an Elitist , I’m just an Alpha female » LikedIn , article du 20/10/2015
Michelle Toglia « Dating the League will now let you buy someone a drink or flowers » . bustle.com du 9/02/2016
Présentation du site « The league » sur linkedin.com #AreYouIn
Julien Neuville « On a infiltré Raya , l’appli de rencontre des stars » . Elle , article du 27/08/2017
Fitz Tepper « Bumble introduce VIBee , A verification feature independant of your social status » Article de Techcrunch.com du 10/08/2015
Jordan Crook « Tinder select is a secret member only version of the app » Article de Techcrunch.com du 7/05/2017
Visionnage de l’épisode 1 de la saison 3 de black Mirror « NoseDive »
Jean Baudrillard , De la séduction ed Folio Gallimard publié en 1980

 
Crédits photos :
 

Photo Netflix ep1 s3 de black Mirror
Captures d’écran de mon Iphone de l’ép1 s3 de Balck Mirror
Photographie de mon iphone de la page d’acceuil de TheLeague « meet Intelligently »
Capture d’écran de la page d’accueil TheLeague

 
 
 
 

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Animaux de tous les pays, connectez-vous !

Les animaux : ils sont différents et uniques à la fois, incroyables, mignons, sauvages… On aime les découvrir dans 30 millions d’amis, les observer devant un documentaire d’Arte, jouer avec eux sur Nintendogs ou Angry Birds… Mais aujourd’hui, nos propres animaux prennent le relai et deviennent de nouveaux consommateurs !
Depuis un peu plus d’un an un nouveau marché émerge : applis, chaînes de télévisions dédiées… Bien loin des rayons jouets et autres salons ou concours dédiés, nos boules de poils passent désormais au numérique. Non épargnés par la vague des objets connectés, ils en possèdent eux aussi un certain panel. Vous pourrez par exemple discuter et distribuer des friandises à distance à votre chien avec Petchatz, une sorte de boitier mural équipé d’un petit écran. Dans le même esprit, PetCube, une application mobile, vous permet d’observer votre compagnon pendant votre absence et d’interagir avec lui. Inspiré du bracelet connecté, le collier Voyce vous donne des informations sur la santé de votre chien et sa condition physique.

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Tinder, Grindr, etc. : la drague 2.0 fête ses cinq ans

 
C’est fini ce temps-là. Le temps où on convoitait l’être cher pendant des semaines, où on suait à pleine gouttes rien qu’à l’idée de s’en approcher et où on bégayait au moment où – enfin ! – on avait réuni le courage nécessaire pour lui proposer un rancard.
Aujourd’hui, la drague ressemble de plus en plus à ça :
« – Je peux recevoir now. T’es chaud ?
– Ouais, à fond.
– Tiens mon adresse et mon tel, à toute ».
Ou comment nous sommes passés d’une communication traditionnelle romantique à une consommation charnelle chronophage.
Retour sur un phénomène qui fête tout juste son anniversaire.
Déjà cinq ans de bons et loyaux services
La première application qui s’est lancée dans la brèche a aujourd’hui cinq ans : Grindr, l’application de drague phare du milieu gay, apparaît en effet sur l’App Store le 25 mars 2009.
Le principe est simple : « l’homme idéal est à portée de clic ». Il suffit d’accepter que le programme ait accès au service de géolocalisation de votre téléphone et vous avez soudainement accès aux profils de tous ceux qui sont connectés autour de vous. C’est alors qu’un nouvel éventail de possibles s’offre à vous : soit vous décidez d’engager la conversation ou de vous laisser aborder ; soit vous échangez quelques photos ou bien vous prenez le courage d’esquisser deux-trois mots ; soit vous vous rencontrez autour d’un verre ou alors vous vous retrouvez pour un moment chaud.
Chacun est libre de faire ce qu’il veut de son corps, après tout.
Un concept repris par des dizaines de concurrents
Fière de son succès, Grindr compte pas moins de six millions d’utilisateurs dans les 192 pays où l’application est disponible. Chaque jour, pas moins de 10 000 nouveaux utilisateurs se joignent au mouvement. L’ampleur est telle que pendant les jeux olympiques de Londres en 2012, l’application tombe en panne suite à l’affluence d’athlètes sur le réseau.
Sans surprises, il n’a pas fallu longtemps pour que le phénomène quitte le gaytto pour entrer dans le quotidien de tout-un-chacun. Entre copies et innovations, place aux tristement célèbres AdopteUnMec, Blendr et autres Tinder.
C’est aujourd’hui un fait, les sites de rencontre sont devenus has been : les utilisateur ne veulent plus passer des heures à éplucher les profils que proposent Meetic ou eDarling. Avec l’explosion du numérique et des réseaux sociaux, ce que l’individu lambda attend, c’est que l’instantanéité qu’il observe au quotidien s’exprime également dans les sphères où il ne la trouve pas encore.
L’amour manquait à l’appel, mais il en fait aujourd’hui partie et ce succès est indéniable. Les athlètes de Sotchi en témoignent d’ailleurs de manière édifiante : « tout le village olympique est sur Tinder ! », raconte Jamie Anderson, qui vient tout juste de remporter la médaille d’or de snowboard slopestyle.
Un changement en devenir des relations
Auparavant, s’il fallait maîtriser les codes de la spontanéité, de la conversation et de la galanterie pour toucher l’autre, c’est désormais à travers d’autres enjeux que la communication amoureuse s’instaure et fonctionne.
Tout d’abord, il faut noter que le premier contact se fait maintenant à travers une simple photographie, nourrissant toujours davantage cette société du « spectacle dans l’image et [de] la spectacularisation de l’image », comme la qualifie Maria Giulia Dondero. En effet, l’essentiel de notre temps consiste désormais à nous entr-observer, à nous exposer, à voir si nous sommes vus et – bien sûr – à espérer l’être.
Puis, c’est l’usage des mots qui sont déterminants. Olivier Aïm insiste sur cette dimension en disant que « le mobile consacre […] le fantasme d’une communication totalement contrôlée ». Catalina Toma, professeure de Communication à l’Université du Wisconsin, affirme que ces échanges virtuels manquent cruellement de ces signes non-verbaux, comme le sourire, qui permettent aux interlocuteurs d’indiquer que le courant passe. Sur ces réseaux, il devient donc indispensable de savoir manier à la fois l’humour mais aussi la créativité et la répartie pour marquer l’écran de l’autre.
Substituer à la recherche de l’amour celle du sexe facile
Bien que l’ensemble de ces applications se présentent comme un intermédiaire entre vous et votre âme-sœur, il n’en demeure pas moins que les bonnes vieilles méthodes ne sont pas – encore – à jeter. Et oui, comme en témoignent ces avis, la seule chose que puisse vous apporter votre smartphone, c’est vraisemblablement du sexe.

Plus qu’une aide à la communication romantique, ces applications sont des tremplins à la consommation physique. Décomplexés, ludiques, rapides, addictifs et terriblement efficaces, ces nouveaux outils de communication ont tout pour vous satisfaire – ou pas.
 Il n’empêche que ce succès est révélateur d’une mutation de la société. Pascal Lardellier, professeur en sciences de l’Information, dit de ces applications qu’« on a envie de [les] regarder tout le temps, d’aller dans les quartiers où il y a du monde », si bien que l’on serait dans une « forme de réhabilitation de l’instinct sexuel, de la pulsion ».
 Il s’agirait ainsi d’être prêt à chaque instant : le tout est de savoir si vous, vous l’êtes.
David Da Costa
Sources :
Lexpress.fr
20min.ch
Lapresse.ca
Persee.fr 
Crédits photos :
Bannière : HBO