Elections ukrainiennes : le poids de l'image
Dans la tourmente depuis plusieurs mois, l’Ukraine attend beaucoup de l’élection présidentielle du 25 mai prochain. Précipitée par la destitution de l’ancien Président Viktor Ianoukovitch, cette élection s’avère particulièrement ouverte, surtout depuis l’annonce par Olexandre Tourtchinov, président par intérim, de sa non candidature. Trois candidats particulièrement symboliques se démarquent et vont se disputer le pouvoir : IouliaTimochenko, Petro Porochenko et Vitali Kitschko.
De l’iconoclasme aux nouvelles icônes
Si les candidats se rejoignent tous sur le fait d’être pro-européens, c’est avant tout l’habile mise en scène de leur image qui en fait leur particularité commune. En mal de repères face à cette crise politique renforcée par l’annexion de la Crimée, l’Ukraine semble en effet se jeter corps et âme dans la recherche de l’homme providentiel. Se démarquent ainsi trois candidats-stars, symboles d’une Ukraine forte et internationalisée.
A ce jeu là, c’est Vitali Klitschko qui semble le plus à l’aise. Le boxeur, ancien champion du monde adulé dans son pays, impose en effet son image d’homme réputé incorruptible. Très présent à Maïdan avec les révolutionnaires, il n’hésite pas à se jeter dans la bataille, comme en témoigne son parti Udar (Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme), dont l’acronyme signifie « coup de poing ».
Ioulia Timochenko pour sa part, ancienne égérie de la révolution orange (série de manifestations contre le résultat de l’élection présidentielle de 2004, considérée comme falsifiée), incarne parfaitement l’Ukraine qui lutte et se rebelle. Opposante historique à la Russie et notamment à Poutine dont elle vient de déclarer de nouveau qu’elle se ferait un plaisir de l’abattre, celle-ci vient de vivre une libération tout à fait triomphale. Elle est également forte du soutien du Batkivchtchina, son parti historique.
Petro Porochenko enfin est certainement le candidat le moins connu à l’international, mais n’en reste pas moins le leader incontesté dans les sondages. Milliardaire ayant fait fortune dans la confiserie (usines Rosher), celui que l’on surnomme « le roi du chocolat » est le seul oligarque à avoir clairement affirmé sa position anti-russe. Aujourd’hui à la tête de plusieurs sites de production d’automobiles et d’autobus, du chantier naval Leninska Kuznya, de la chaîne de télévision Kanal ou encore du magazine Korrespondent, il jouit dans son pays d’une implantation et d’une renommée particulièrement fortes.
Des candidats crédibles ?
Pourtant, on est en droit de se demander si ces candidats sont véritablement aptes à être chefs d’Etat. Concernant Vitali Klitschko par exemple, si sa faible expérience en politique peut apparaître comme un gage de non-corruption, elle est aussi synonyme pour beaucoup d’une incapacité à assumer de grandes fonctions ; d’autant plus que ses prestations orales se sont avérées mauvaises,que son programme reste pour le moment imprécis et est avant tout fondé sur une simple opposition au pouvoir précédent.
Quant aux autres candidats, si leurs anciens rôles de ministres leurs confèrent une plus grande crédibilité, des doutes subsistent là encore pour diverses raisons, à commencer par leur implication déjà grande dans un monde politique particulièrement décrié. Ainsi, Ioulia Timochenko, candidate malheureuse à la présidence en 2010, tend à être associée par la population à la période d’intrigues liée à Ianoukovitch. Elle peine ainsi à se défaire d’une image de femme politique du passée, inapte à gérer les affaires actuelles ; ce qui est renforcé par trois ans de prison et un handicap moteur important.
Porochenko pour sa part peut se targuer d’avoir également été actif lors de la révolution orange, mais se trouve en partie compromis par sa participation en 2012 au Gouvernement de l’ancien président. Des doutes subsistent aussi quant à sa capacité à mettre de côté ses affaires et intérêts industriels.
A grands renforts de conseillers, les candidats ukrainiens nous donnent un exemple criant du poids actuel de la communication en politique et notamment de l’importance de la réputation. Malgré le retrait tout récent de Vitali Klitschko au profit de Porochenko, on peut alors craindre que la nomination de candidats-totems ne réponde que de l’envie actuelle du peuple de consacrer des exemples de réussite, sans forcément tenir compte d’une vision politique à long terme.
Grégoire Larrieu
Sources :
Le Monde
L’Express
LesNouveautés.fr