VietJetAir
Publicité et marketing

Comment ruiner une image de marque avec un bikini

 
Une fois n’est pas coutume. Après avoir été condamnée à 800 euros d’amende en 2012 pour avoir utilisé la femme comme objet de marketing, VietJet Air a récidivé le mois dernier. La compagnie aérienne Vietnamienne, qui avait organisé un spectacle de danse tendancieux avec des jeunes femmes en bikini, s’était pourtant offusquée de cette peine, tout en jurant de ne plus jamais le refaire.
Or VietJet Air a remis le couvert dernièrement aux besoins d’une séance photo censée rester confidentielle. Le transporteur aérien a effectivement engagé une dizaine de jeunes femmes de l‘agence de mannequinat Vénus, et les a fait poser en bikini, talons aiguille et bas résilles devant et à l’intérieur d’un avion. Bien évidemment, certains clichés se sont retrouvés sur les réseaux sociaux peu de temps après le shooting. Attachez bien vos ceintures.

Une communication de crise qui bat de l’aile
La compagnie vietnamienne a donc dû faire marche arrière et s’est défendue tant bien que mal face au bad buzz qu’elle a déclenché, expliquant que c’était une séance photo d’essai et qu’en aucun cas ces photos n’étaient supposées fuiter. « Nous sommes désolés pour cet incident et faisons le nécessaire pour que ces photos inappropriées et en aucun cas officielles arrêtent de circuler », a commenté la compagnie dans un communiqué officiel.
Se posent alors plusieurs questions. Si les photos publiées sur les réseaux sociaux n’avaient jamais du être connues du grand public, à quoi donc servaient-elles ? Et si il s’agissait réellement d’une séance d’essai, pourquoi avoir fait poser ces filles dans cette tenue ? Se seraient-elles alors rhabillées pour la séance photo officielle ?
Deux hypothèses : soit les mannequins vietnamiennes se sont concertées le matin du shooting pour mettre les mêmes sous-vêtements et ont eu des bouffées de chaleur une fois à proximité des réacteurs, ce qui les a contraintes à se dénuder. Soit VietJet Air nous prend pour des jambons et comptait bel et bien utiliser ces photos pour sa prochaine campagne, mais ne l’assumait pas du tout – contrairement à son homologue irlandais Ryanair, qui admet clairement l’utilisation de femmes-objets dans ses calendriers.

On se demande alors si la marque n’a pas surfé sur la vague du bad buzz volontaire, également qualifié de « marketing de la honte », récemment alimentée par Zara et Urban Outfitters qui ont commercialisé des vêtements faisant référence à de tragiques épisodes historiques. Dans tous les cas, la compagnie aérienne est coupable et s’est d’autant plus embourbée dans le pétrin avec une communication de crise inefficace et un mensonge aussi crédible que celui de l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac l’année dernière.
Quoi qu’il en soit, ce scandale a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, particulièrement Twitter, réinterrogeant notamment la question de la femme-objet, débat intrinsèque à la publicité depuis ses prémisses.
La femme au service du marketing
Au XXème siècle déjà, l’évolution de l’électroménager profitait du statut de femme au foyer pour jouer sur la notion de délivrance de la femme, notamment la marque Moulinex avec sa signature « Moulinex libère la femme ». La mère de famille pouvait enfin jeter l’éponge et regarder du soap opera avec pour fond sonore le ronronnement de son lave-vaisselle. Que demander de plus ? Le mari quant à lui, en offrant ce petit électroménager à sa parfaite ménagère, la comblait et s’assurait de n’avoir plus qu’à mettre les pieds sous la table en rentrant du travail, s’accordant parfaitement à l’accroche « Pour elle, un Moulinex, pour lui, de bons petits plats ».

Au fil des années, la femme est devenue de plus en plus fantasmée, et la publicité s’en est emparée comme d’un réel argument de vente. La gente féminine, totalement déshumanisée, est alors devenue aussi désirable que le produit qu’elle mettait en valeur, de la voiture de luxe à la mousse à raser, en passant par le simple déodorant masculin – pour ne pas citer la célèbre marque dont les effluves, aussi nauséabondes qu’un mélange de Shalimar et d’alcool à brûler, sont censées faire accourir des milliers de femmes à la plastique de rêve. C’est ici le cas de VietJet Air, qui joue sur le physique stéréotypé de ses mannequins, pour promouvoir ses vols low cost.
On finit par toucher le summum de la dématérialisation de la femme dans des publicités où elle n’existe pratiquement plus. On n’y aperçoit plus que de petites parties des corps, comme sa bouche bien évidemment pulpeuse, ou ses jambes de gazelle – parfois même dans des postures assez érotiques, comme dans les publicités fréquemment controversées de la marque provocatrice American Apparel.

On assiste tout de même à une revendication féministe qui hausse la voix depuis quelques années, notamment via les réseaux sociaux comme nous avons pu le constater avec le scandale VietJet Air. Les publicités en jouent d’ailleurs de plus en plus, comme la marque de chaussures Eram avec sa campagne « Aucun corps de femme n’a été exploité dans cette publicité ». D’autre part, la beauté naturelle des femmes s’impose de plus en plus face au culte du physique parfait, renforcé par le géant Photoshop. Tandis que certains artistes dénoncent ces pratiques en détournant des campagnes d’affichages, des marques comme Dove crient haut et fort la beauté naturelle des femmes, qu’elles mettent au cœur de leurs publicités.
Et pourtant, le combat des féministes contre l’utilisation de la femme-objet dans le marketing n’est pas gagné d’avance. En effet, les compagnies aériennes – surtout low cost – sont de plus en plus nombreuses à jouer sur le cliché ancestral de l’hôtesse de l’air sexy, que ce soit en Thaïlande (NokAir), en Russie (Avianova) ou en Grande-Bretagne (Virgin Atlantic).

 
Louise Bédouet
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Sources :
influencia.net
rue89.nouvelobs.com
huffingtonpost.fr
Crédits photos :
influencia.net
i2.irishmirror.ie
lesbonsprofs.com
webgirl.fr
vivelapub.fr
air-journal.fr