#MANNEQUINCHALLENGE: le défi viral, nouvelle arme de com
Né dans un lycée de Jacksonville, Floride en octobre dernier, le #MannequinChallenge est un défi lancé aux internautes. Il s’agit de filmer une courte vidéo durant laquelle les personnes enregistrées s’arrêtent immobiles au milieu de leurs actions, selon une mise en scène bien élaborée. D’une simple activité ludique à une véritable stratégie marketing, analyse d’une nouvelle arme de communication.
Affirmation d’un modèle
Ce défi tire son nom de la traduction et signification du mot « mannequin » en anglais. En effet, le mot renvoie au mannequin articulé qui sert de présentoir aux vêtements dans les vitrines et rappelle donc l’immobilité.
L’immobilité dans le #MannequinChallenge est très intéressante à commenter car très paradoxale : le format même de la vidéo implique un mouvement dans le temps, observable grâce à l’affichage des secondes qui défilent en bas de l’écran. La dimension virale qui caractérise le modèle du challenge entre elle-même en contradiction avec cette immobilité mise en avant.
Ce défi de l’immobile s’est ainsi répandu à la vitesse de la lumière sur tous les réseaux sociaux.
Le « challenge », ou illusion d’une « communauté internet »
Le « challenge » ou défi fait désormais partie des traditions autour desquelles les internautes trouvent une certaine cohésion de groupe. La présence de défis sur Internet est devenue la norme, une sorte de rituel de passage pour se sentir intégré au mouvement des réseaux sociaux, qui poussent à s’exposer toujours plus. On peut dès lors invoquer d’autres défis qui n’auront échappé à personne tant ils ont été omniprésents sur Internet pendant des semaines, tel que le #HarlemShake, premier défi devenu viral, mais également le #CalculChallenge, ou encore plus récent le #UNameItChallenge, qui consiste à associer une chorégraphie au remix d’une chanson dans laquelle sont énumérés les aliments essentiels au repas de Thanksgiving.
Les défis s’inscrivent dans une durée limitée, leur popularité s’estompe en général au bout de quelques semaines. Il est dès lors intéressant de noter le caractère éphémère de ces défis, face à ce qui semble devenir une permanence du phénomène du défi en tant que modèle et canal de la viralité.
Le format du challenge touche toutes les couches de la société, ce qui accentue encore une fois son rôle dans une cohésion de la sphère internet. En effet, sont impliqués dans le phénomène autant d’ « anonymes » que de stars du rang de Beyoncé. Cela constitue aussi l’attrait du modèle, car il donne l’impression d’une proximité. Il donne l’illusion que la vie des célébrités est à notre portée.
L’avènement de la toute-puissance de la viralité
Sans le vouloir, en choisissant la musique Black Beatles de Rae Sremmurd, les adolescents qui ont inventé le principe du #MannequinChallenge ont permis au duo d’atteindre la première place du Billboard #Hot100, le classement de singles le plus prestigieux et le plus emblématique de l’histoire de la musique américaine. Voilà qui montre la force irrésistible du modèle du challenge.
Bien sûr, récupérer ce challenge créé par des adolescents pour des adolescents, c’est apparaître jeune. En reprenant les codes de la génération Z, on s’y intègre forcément. Hillary Clinton l’a bien compris. La candidate démocrate a souffert tout au long de sa campagne aux présidentielles d’une image de femme distante, loin de la réalité des Américains. L’électorat que représentent les jeunes ne lui a jamais vraiment montré son soutien, lui préférant Bernie Sanders. Qu’à cela ne tienne ! Hillary Clinton et son équipe ont donc décidé de s’adonner au #MannequinChallenge. Elle en profite pour faire passer un message plus sérieux avec touche de dérision : « Don’t stand still ! Vote today. » (« Ne restez pas immobiles ! Allez voter aujourd’hui. »).
Les politiques et les marques ne sont pas les seules à se tirer la couverture, d’autres acteurs entrent en jeu : les associations. La récupération du #MannequinChallenge par des organismes dont le but est de récolter des fonds pour la recherche sur diverses maladies rappelle évidemment le #IceBucketChallenge, né en août 2014. Ce défi avait été inventé par l’organisation ALS Association, qui œuvre pour la recherche sur le SLA, maladie dégénérative des neurones. L’initiative avait connu un véritable succès, mais avait aussi été l’objet de critiques de la part d’activistes du mouvement #BlackLivesMatter, qui venait alors d’apparaître. Les activistes #BlackLivesMatter accusaient surtout les médias de détourner l’attention en ne parlant que du #IceBucketChallenge et par conséquent d’ignorer les enjeux du mouvement.
Ayant retenu la leçon de l’impact que peut avoir un challenge, le mouvement #BlackLivesMatter utilise à son tour ce gimmick pour dénoncer un système judiciaire raciste et les violences policières.
Ces multiples détournements du #MannequinChallenge par différents acteurs sociaux sont la preuve que la stratégie de la viralité a pris le pas dans le domaine de la communication. Avec le #MannequinChallenge, la récupération d’un élément de culture internet populaire est officiellement devenue un outil marketing qui s’avère très efficace.
Mina RAMOS
@Mina_celsa
Sources :
• VICTOR Daniel, Mannequin Challenge is the new viral sensation you probably can’t avoid, New York Times, 7/11/2016, consulté le 29/11/2016
• KORNHABER Spencer, Finding meaning in the Mannequin Challenge, The Atlantic, 18/11/2016, consulté le 29/11/2016
• ENCALADA Debbie, Mannequin Challenge Video Spotlights Police Brutality, Complex Mag, 11/11/2016, consulté le 01/12/2016
• BRADLEY Diana, How 9 brands are taking part in the Mannequin Challenge, PR Week, 08/11/2016, consulté le 03/12/2016
Crédit :
• Hans Boodt Mannequins