Politique

La France, tu l’aimes ou tu la quittes

« #JeDemandeLaNationalitéRusse Parce que les droits de l’Homme c’est quand même moins important que les éléphants ou les impôts! » (@Paul_da_Silva).
Depuis plusieurs semaines, les peoples français se sont découverts une passion pour la Russie et ce cher Vladimir Poutine. Le 3 janvier dernier, ce dernier accueillait le Cyrano français. Le lendemain, Brigitte Bardot, s’enflammant à son tour, menace de prendre la nationalité russe pour sauver deux éléphantes tuberculeuses. La Russie est-elle devenue en l’espace d’une semaine une «grande démocratie» (Gérard Depardieu) et son président un homme avec « beaucoup d’humanité » (Brigitte Bardot)?
En 2013, je sauve les éléphants ou je pars en Russie
Le 11 décembre 2012, le préfet de la région Rhône-Alpes autorise l’euthanasie de Baby et Népal, deux éléphantes potentiellement atteintes de tuberculose, une maladie transmissible à l’homme et encore mortelle. Les éléphantes obtiennent un sursis grâce la mobilisation générale, lorsque Brigitte Bardot prend l’affaire en main. Elle a menacé le 4 janvier de s’exiler en Russie, si les deux pachydermes ne sont pas confiés à sa fondation, position qu’elle a défendue dans son communiqué de presse publié le même jour…
En 2013, j’en ai marre de payer mes impôts
Grand martyr de la fin 2012, Gérard Depardieu n’en finit pas d’alimenter la chronique en ce début 2013. Faisant fi des qu’en-dira-t-on, n’écoutant que son courage  – et l’état de son compte en banque – l’acteur se refait maintenant une santé au pays de la vodka, après avoir reçu fièrement des mains du président son passeport russe, le 3 janvier dernier. La chroniqueuse de France Inter Sophia Aram lui a consacré un billet des plus croustillants le 15 janvier dernier.
En 2013, quoi qu’il en soit, je renie mes idéaux et je pars en Russie
Après avoir critiqué fortement Gérard Depardieu pour son amour de la corrida, ce « rituel sublime », Brigitte Bardot défend aujourd’hui l’exil de cette « victime d’un acharnement extrêmement injuste ». Quel bel esprit de contradiction, notre BB ! Mais ce n’est pas tout. Notre chère actrice dit avoir trouvé en la Russie une terre d’accueil pour ses convictions et en Poutine, un homme « plein d’humanité », prêt à écouter ses revendications. Lorsqu’elle affirme que sa nouvelle idole « a fait plus pour la protection animale que tous nos présidents successifs », oublie-t-elle que la Russie n’est pas un exemple en la matière? Rappelons qu’en 1994, elle haranguait la Russie contre le massacre des bébés phoques. Nous pourrions évoquer longuement la pratique du braconnage, le massacre (pardon la chasse) des ours bruns en pleine hibernation ou encore l’importance du marché de la fourrure. L’état de développement des droits des animaux devrait laisser à désirer pour une femme qui s’en dit fervente défenseure. Ne parlons même pas des droits de l’Homme, qui n’ont manifestement pas le même sens en France qu’en Russie. La démagogie a la mémoire courte…
Quant à Depardieu, il aime aussi à flatter ses nouveaux compatriotes, sans exception. Ne prenons qu’un de ses nombreux propos élogieux à l’égard de son pays d’accueil: “J’aime la Russie, Poutine et sa démocratie”. Voulait-il parler d’une vision proprement poutinienne de la démocratie?
En 2013, je soigne ma com’ (ou pas)
Le cas des deux acteurs de renom, suscitant mépris, désapprobation, résignation ou forts encouragements, n’a certainement pas laissé les tweetos français insensibles. Ils ont été nombreux à faire part de leurs petits désagréments quotidiens via le hashtag #JeDemandeLaNationalitéRusse. Ainsi, l’acte des deux acteurs, aussi symbolique puisse-t-il être à leurs yeux, nous a avant tout fait sourire par son grotesque et son décalage avec ce que nous croyions connaître de ces deux ex-pontes de la vie culturelle française.
Du côté des politiques, la tendresse n’est pas le maître mot. Depardieu voit son choix de l’exil fiscal traité de “minable” par un premier ministre remonté et sans doute inquiet pour les finances françaises. De son côté, BB est victime du sarcasme de Benoît Hamon. Sa proposition? Un mariage aux couleurs locales, avec son cher Gérard. La présidente de la fondation éponyme déchaîne même l’ironie de la très discrète Michèle Delaunay, ministre de la Santé, qui évoque sa liste des personnalités françaises qu’elle souhaiterait voir décamper en Russie.
Finalement, Brigitte et Gérard, nos “deux crétins finis” du moment, comme les appelle (certes peu affectueusement) Daniel Cohn Bendit, ont été très présents sur la scène médiatique ces dernières semaines. Difficile de croire qu’ils sauront redorer leur blason médiatique après tout le mépris que leurs actes ont récemment suscité. D’autant plus que cela ne semble pas être une priorité à leurs yeux.
Bref, en 2013, je revois mes idéaux (à la baisse)
Choisir de changer de nationalité, de se réfugier dans un pays par idéologie, par contestation politique est un projet noble s’il s’accompagne de la réflexion philosophique qui le justifie. Le malheur de nos deux protagonistes dans cette histoire, c’est de l’avoir fait par intérêt personnel ou chantage irréfléchi (choisir la Russie quand on défend les droits des animaux, c’est comme s’y réfugier pour manifester contre le nucléaire…). Nous déplorons le manque de valeurs et de morale dont font preuve nos symboles déchus du cinéma français, mais heureusement pour nous, des tweetos ont eu une idée des plus cyniques: et si on échangeait les trois Pussy Riots contre nos chers acteurs décadents? Offrir un passeport français à chacune de ces trouble-fêtes, emprisonnées pour leurs actes de rébellion politique contre le régime russe, serait faire à Vladimir Poutine un sacré pied de nez. Nous verrons si la pétition mise en ligne pour réaliser ce projet pour le moins original, va donner suite à cette folle histoire de transit patriotique.
Parce qu’après tout, c’est la période des soldes alors pourquoi ne pas brader ses convictions ! FastNCurious a entendu dire que la Russie faisait des offres sur les passeports. Jet-setteurs français, profitez-en!
 
Pauline St Macary et Sophie Pottier
Sources :
Lavie.fr
Echange Depardieu et Bardot contre Pussy-Riot
Contexte Baby et Népal
Bardot menace de s’exiler + tweets #jedemandelanationalitérusse

Politique

Les poupées russes

 
Dimanche, dans un climat électrique Vladimir Poutine était élu avec plus de 60% des voix. Une réélection entourée d’une aura de doute : observateurs volontaires escamotés, bancs d’électeurs « volants » allant de bureau de vote en bureau de vote… Autant de ruses tues par le nouveau président qui évoque une élection « ouverte et honnête ». Pourtant toutes les formes de contestation n’ont pas été muselées et cette période électorale a permis le surgissement de nouvelles d’entre elles.
Ainsi, méfiez-vous des apparences : ces « poupées » sont en passe de devenir les figures de proue du mouvement anti-Poutine. Des masques flashy et des robes édulcorées qui n’auront pas empêché la réélection du « père de la nation ».
Poutine ou les nouvelles « poupées russes »
Ces mystérieuses créatures, qui forment le groupe punk « Pussy Riot », ont multiplié les happenings depuis quelques semaines pour dénoncer la politique de Poutine et son retour –annoncé- en tant que président après 4 ans passés à la tête du gouvernement. Un retour assez symbolique puisque, concrètement, l’ancien agent du KGB était toujours resté au pouvoir. Comment ? Grâce à un réel tour de passe-passe : puisque la constitution russe ne permet pas à son président d’enchaîner plus de deux mandats, Dimitri Medvedev a pris l’intérim dans cette vaste pantomime qui laissait le pouvoir aux mains de l’ancien président. Pis encore pour les détracteurs de Poutine, ils devraient souffrir sa présence au Kremlin jusqu’en 2018 en cas de victoire cette année (en 2008, une réforme de la constitution allongeait le mandat du président de 4 à 6 ans) voire 2024 s’il parvenait à briguer sa propre succession, ce qu’il avait déjà fait en 2004. Un horizon bouché qui en agace beaucoup…
Pourtant comme le dit le dicton, « chat échaudé… »
Poutine jouissait d’une popularité confortable jusqu’à ces derniers mois où divers scandales sont venus entacher la candidature de l’ex-président : corruption, fraude (les élections législatives de décembre sont entourées d’un voile de suspicion et ont provoqué moult manifestations), censure… Les maux dont on accuse le candidat sont violents et ont ranimé les forces de contestation des opposants. Opposants à qui on donne des noms, des visages et qui incarnent à l’étranger la figure du « Protester » à l’image du blogueur Alexeï Navalny auteur du blog Navalny et du site Rospil qui dénonce les différents faits de corruption. Cet activisme lui vaut un passage en prison mais participe surtout à donner de la visibilité à son combat relayé par de nombreux médias étrangers comme le site BBC news qui disait à son propos : « He is also arguably the only major opposition figure to emerge in Russia in the past five years. And he owes his political prominence almost exclusively to his activity as blogger »[1]. Cependant, le web n’est pas le seul territoire de la contestation et la rue est investie massivement. Par des manifestants d’abord, qui ont défilé à de nombreuses reprises dans les rues en arborant un ruban blanc, symbole de cette « révolution ».
Et dernièrement par un groupe punk, qui choisit de protester d’une façon atypique mais efficace. Les Pussy Riot c’est un band exclusivement féminin qui pour se faire entendre, a choisi de se produire dans des lieux pas forcément prêts à les accueillir : le toit d’un immeuble à proximité de la prison où était alors détenu Navalny, la Place Rouge et dernièrement  la cathédrale Saint Sauveur où elles ont prié -selon le titre de leur chanson- « Sainte Vierge, chasse Poutine »… Où la prière -punk- comme droit de résistance au « tyran » qu’un Thomas d’Acquin ne renierait pas…
Une balade punk sans conséquence ?
Dimanche soir, sans second tour, Vladimir Poutine était sacré Président de la République russe. Alors, que conclure de toute cette mobilisation ? Du bruit, et rien de plus ?
Certes l’élection de Poutine était annoncée, l’homme contrôlant la plupart des leviers du pouvoir : les médias, les forces de l’armée et les milieux d’affaires. Ce pouvoir ainsi verrouillé ne permettait aucune surprise aux urnes. Pourtant ce déferlement des paroles contestataires n’est pas vain : il trouve des relais efficaces qui consacrent les personnages emblématiques de cette lutte, meilleure façon de cristalliser l’attention sur les leaders de l’opposition et donc, de contrebalancer la parole officielle qui n’hésite pas à négliger cette opposition (Poutine comparait les rubans blancs brandis par les opposants à des préservatifs). Largement fissurée, l’image de Vladimir subit les attaques d’une partie de l’intelligentsia russe, des journalistes et des blogueurs qui n’hésitent pas à braver sur le net la censure et les peines encourues. Une décomplexion de la parole qui aujourd’hui fait mentir les pronostics : si Poutine est élu cette année et pour six ans, la question est maintenant de savoir si l’exploit sera réitéré en 2018.
Les perturbateurs font désormais mentir ceux qui voyaient Poutine rivaliser avec Staline et ses 25 ans au pouvoir.
 
 Marie Latirre
 
Crédits photo: Ksenia Kolesnikova

[1] bbc.co.uk

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