Com & Société

L'Etat islamique, des fusils et des tweets

 
C’est la première fois dans l’histoire du djihadisme que la communication devient une véritable arme, non-létale, mais à l’impact aussi grand que les opérations militaires.
Le djihadisme est apparu il y a une trentaine d’années, avec Al-Qaïda, qui à l’époque envoyait des vidéos de propagande aux chaînes de télévision comme Al Jazeera. Aujourd’hui c’est l’organisation du calife Abou Bakr al Baghdadi qui domine la scène. Elle est née en 2014 et grâce à Internet et au Web 2.0 les djihadistes deviennent leur propre média : ils mettent en ligne des vidéos de leurs combats et de leurs mises à mort sur Youtube, des reportages audios sur Soundcloud, des photos sur Instagram, des graphiques et des vidéos sur WhatsApp, des résumés des combats sur Just.Past, ils sont présents sur Ask.me et sur Twitter.
Toute cette communication, pour quoi faire ? La question se pose d’autant plus quand on sait que l’organisation Daesh utilise les instruments de communication de la société occidentale, dont elle prône la destruction.
L’auto-promotion
Al-Qaïda n’a jamais revendiqué les attentats du 11 septembre, alors que Daesh se revendique de toutes ses actions, voire les met en scène. Ils ont une communication très élaborée, allant de l’attaché de presse, Abu Mosa dans le reportage de ViceNews, à un média à part entière, Alhayat Media Center, qui produit des vidéos en reprenant les codes hollywoodiens des films d’action : Flames of War, Haya Alal Jihad.

Il y a véritablement une appropriation des codes de la communication occidentale, dont on peut encore voir des exemples dans ces vidéos stylisées, dont l’apparence laisse tout à penser qu’il s’agit d’une vidéo de présentation d’une entreprise ou une publicité. Sur Twitter, on peut retrouver les djihadistes sous les comptes @ISTimes2, @DawlaPhotos1, @DAWLAPHOTOS, @one_ummaah, @AtTurky… Et ce dernier conduit à une autre appropriation des codes occidentaux : les photos de chats. Du lolcat aux vidéos, les chats sont devenu un véritable mème de la culture numérique. Daesh l’a bien compris et leur a même dédié un compte Twitter : @ISILCats.

En se prenant en photo en train de caresser ou de nourrir ces petites boules de poils, Daesh entend jouer sur le pathos, comme lorsqu’elle publie des photos de camaraderie entre les combattants, d’entraide avec les pauvres, les personnes âgées ou les enfants. Ils cherchent à humaniser leur image.
Le recrutement
Al-Qaïda présélectionnait ses combattants, ayant créé une véritable élite pour le 11 septembre, alors que Daesh est prêt à accueillir tout le monde, même dans la société occidentale. Il y a une logique d’endoctrinement massif qui n’existait pas chez Al-Qaïda et qu’Internet permet de réaliser : les nouveaux djihadistes n’ont pas été convertis à la mosquée ou en prison, mais en ligne. L’exemple le plus récent est le témoignage que Léa, adolescente de 15 ans, a donné au Nouvel Observateur sur la manière dont elle a été endoctrinée sur Facebook. Toujours pour le groupe LeNouvelObs, Rue89 a publié récemment un article à la mise en page innovante, où un journaliste cherche à tester l’ampleur du recrutement djihadiste sur le réseau social. Sur son nouveau compte, il commence à consulter des profils de personnes qui affichent leur foi musulmane, des pages sur le djihadisme… Et peu à peu voit son fil d’actualités se modifier, ne lui présentant plus que des suggestions d’amis et des posts relevant de l’Islam radical ou du djihadisme. « J’ai passé à peine deux jours sur Facebook avec mon faux compte, et j’ai l’impression que mes repères s’estompent. Comme si Facebook m’avait transporté dans un univers différent. » Confie-t-il. Tout devient relatif au djihadisme et il commence même à s’habituer aux images des ennemis décapités, crucifiés, et des soldats morts en martyrs. C’est la logique même des algorithmes de recommandation qui font le succès de Facebook : créer une communauté d’intérêts. Ainsi, pour Daesh mais aussi pour toute autre organisation, nos réseaux sociaux et leur logique sont les meilleurs outils de propagande. Ce sont donc nos technologies occidentales qui rendent tout cela possible et Daesh se contente d’utiliser des plateformes que nous avons déjà légitimées.
L’édification du califat
Enfin, Daesh maîtrise la fonction performatrice du langage. En dehors de la maîtrise des outils de communication modernes, l’auto-proclamation de l’État islamique est un parangon des stratégies de communication, au sens le plus linguistique du terme. Elle répond parfaitement à la théorie de la fonction performatrice du langage, développée par Austin dans son ouvrage Quand Dire c’est faire (How To Do Things With Words, 1970). Daesh a su manier le langage comme jamais aucune organisation terroriste n’avait été capable de le faire auparavant. Pour reprendre la mise en perspective avec Al-Qaïda, ces deux organisations djihadistes ont parlé toutes deux de ré-établir le califat, mais une seule l’a fait : Daesh. Oussama ben Laden s’est contenté d’en parler, il n’a jamais dit qu’il l’avait fait. C’est tout l’inverse avec Daesh : on pense qu’ils ont rétabli le califat, mais finalement ils ont juste dit qu’ils l’avaient fait, ils l’ont proclamé. Il y a quelque-chose de symbolique dans leur prise de parole, de fondamentalement convaincant : l’énonciation du rétablissement du califat fait le rétablissement du califat. S’ils se revendiquent c’est pour une raison, c’est que la chose n’est pas évidente en soi, elle a besoin d’être prouvée, d’être légitimée, et c’est ce qu’ils font avec le pouvoir des mots, couplé avec la tyrannie des armes.
Marie MOUGIN
Sources
Conférence France Culture « L’Année vue par … le Numérique » (04/10/2014)
iTélé – Le Grand Décryptage – Propagande de l’EI : ce qui se cache derrière l’écran
The Atlantic – How ISIS Games Twitter
The New-York Times – ISIS Displaying a Deft Command of Varied Media
Al Jazeera America – In search of a digital caliphate
Le Figaro – La surprenante communication de l’État islamique sur les réseaux sociaux
Crédits photos:
Islamic State News (@DAWLAPHOTOS)
Islamic State of Cat (@ISILCats)
Le Figaro – La surprenante communication de l’État islamique sur les réseaux sociaux
 

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Publicité, Société

Les marques d’aujourd’hui, médias de demain

 
Initialement conçues comme un prolongement des stratégies marketing à l’œuvre dans les médias traditionnels, les stratégies marketing digitales furent elles aussi, un temps axées vers le marketing de l’interruption. Ainsi, à la manière d’un spot de publicité venant interrompre votre programme à la télévision ou à la radio, d’une page de publicité dans un magazine, ou d’une affiche dans l’espace public, les premiers messages marketing sur le web – pop-ups et bannières publicitaires – présentaient cette caractéristique d’être eux aussi des messages non sollicités, interrompant l’activité du prospect.
 Pourquoi le brand-content ?
Mais la plate-forme internet reposait sur un fonctionnement bien trop éloigné de celui des médias traditionnels pour que pareille stratégie n’y perdure, et les marques passèrent bientôt du marketing de l’interruption à une nouvelle forme de marketing digitale : le marketing de la permission[1], schéma dans lequel le message marketing n’est plus centré sur le couple marque/produit, mais sur la satisfaction des besoins en terme d’information et de divertissement du prospect d’une part ; et ne lui est plus imposé d’autre part.
Cette évolution résulte en outre des transformations des modes de consommation et d’information induites par la démocratisation d’internet. Les marques ont dû s’inscrire dans ce qu’est le web : un formidable outil d’information, de recherche et de divertissement. Elles ont en effet dû adapter leur manière d’être traditionnelles aux nouvelles exigences du web afin de se fondre dans son paysage, ne plus être perçues comme interruptives et intrusives dans leur communication et ainsi parvenir à une promotion efficace de leurs produits et services ainsi que de leur image. Cela explique le succès fulgurant du brand-content qui permet justement la satisfaction de cet objectif au travers de l’édition et de la diffusion de « contenus de marque » (brand-content) via des plates-formes dédiées. Ainsi ce n’est aujourd’hui pas moins de 33% des 100 « best global brands » qui détiennent une plate-forme destinée à la publication de tels contenus. Mieux, 20% de ces marques ont fait de cette plate-forme leur nouveau site corporate comme par exemple Coca-Cola avec son nouveau site, Coke Journey. Enfin trois de ces marques (Intel, General Electric, et IBM) se sont dotées de plus d’une plate-forme de ce type[2].
Désignant les contenus produits directement par une marque à des fins de communication publicitaire et d’image, cette terminologie douteuse appelle toutefois quelques remarques avant de poursuivre. Le contenu de marque n’est en effet pas une innovation de l’ère digitale comme certains le laissent entendre. Les marques ont toujours crée du contenu, seules les modalités de diffusion desdits contenus ont évolué. Les très classiques recettes au dos des paquets de sucre, farine, et chocolat en font foi, et sont une forme ancienne de contenu de marque parmi tant d’autres.
L’innovation se situe plutôt sur le plan du rôle du public qui est passé de simple spectateur à relayeur potentiel et efficace des contenus de marque, et donc sur le très fort potentiel de circularité de contenus jugés suffisamment intéressants par les utilisateurs.
Les modalités actuelles du brand-content
Or cette diversification des activités des marques à la publication à grande échelle de contenus de marque s’inscrit dans un contexte de fulgurante inflation des contenus web de toute sorte[3], lequel a entraîné un durcissement des exigences des internautes à l’égard des contenus web en général. Mouvement accentué par les logiques de partage de contenu par les internautes eux-mêmes notamment via les réseaux sociaux, lesquels ne privilégient bien évidemment que les contenus qu’ils estiment intéressants.
Il était donc dans un pareil contexte absolument nécessaire pour les marques de produire des contenus de qualité afin d’être remarquées au milieu de l’épais brouillard formé par les quelques 30 milliards de publications partagées chaque mois sur Facebook, et autres 278 000 tweets quotidiens[4]. Pour ce faire les marques se sont constituées d’authentiques équipes éditoriales d’une part, et ont joué sur la diversité et l’originalité des contenus d’autre part.
 Le brand-content web regroupe ainsi aussi bien des articles de storytelling, comme ceux présents sur Coke Journey, que des forums de discussion comme American Express OPEN destiné à l’échange de conseils entre gérants de petites entreprises, des vidéos de divertissements comme la série The Beauty Inside d’Intel primée aux Cannes Lions 2013, ou encore de l’information « pure » ou pratique.

La transformation des marques en médias, et ses risques pour les agences de publicité traditionnelles
L’évolution probable du phénomène est la transformation des marques les plus significatives, en véritables entreprises médias. C’est déjà le cas de Red Bull, pionnière du brand-content, et aujourd’hui véritable empire médiatique, dont la filiale média Red Bull Media House est d’ailleurs devenue profitable. American Express et Burger King semblent également envisager, dans le sillon de Red Bull, un pareil virage vers la « marque-média ».
Cette évolution est particulièrement dangereuse pour les agences de publicité, qui ont beaucoup à perdre si les marques continuent sur ce terrain, lequel ne suppose pas nécessairement leur concours. Aussi il est tout à fait indispensable pour elles de s’adapter à ces nouvelles exigences du marché, en développant de nouvelles structures destinées à la production de contenu de marque. Il serait dommage de manquer la marche alors que leurs équipes créatives sont particulièrement à même d’insuffler une note de fraicheur aux contenus de marque, et donc de les différencier de simples équipes éditoriales internes ou sous-traitantes.
 Teymour Bourial
[1] Cette distinction permission marketing vs interruption marketing est l’œuvre de Seth Godin.

[2] Voir Brands as Publishers – Beyond
[3] Voir étude Netcraft relative à l’évolution du nombre de sites internet enregistrés et actifs de 1995 à février 2013
[4] StickyContent – How to avoid inflating the content bubble ?)

Les Fast

La database du selfie

Le selfie, cet autoportrait 2.0, fait depuis quelques mois l’objet d’un usage massif et développé sur les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte de popularité du selfie qu’a émergé le projet « Selfiecity », une étude scientifique visuelle ayant pour ambition d’étudier cette pratique de sous l’angle de la recherche et de la science.
La méthode : des savants ont ainsi rassemblé et analysé des milliers de selfies trouvés sur Instagram, provenant de cinq villes différentes (Moscou, Berlin, Sao Paulo, New York et Bangkok) pour élaborer une véritable database des types de selfies à travers le monde. Les résultats de la recherche soulignent par exemple l’adoption d’un certain angle d’inclinaison de la tête selon les pays et le type de population.
L’objectif : comprendre le phénomène du selfie et tenter de produire des connaissances sur la fonction des images que nous publions sur les médias sociaux en général. « Selfiecity » se veut être un projet de recherche scientifique qui vise à se détacher de tout jugement de valeur (notamment l’a priori selon lequel le selfie serait le signe d’un narcissisme générationnel) pour l’étudier comme un moyen de communication et comme un fait social comportemental à part entière (nous reproduirions les normes sociales et comportementales qui nous entourent). L’initiateur du projet, Lev Manivich, conçoit le selfie comme « nouvelle manière pour la société de se commenter », ce serait une pratique révélatrice d’une démarche réflexive que nous aurions les uns avec les autres.
Un tel projet révèle l’essor des recherches sur le phénomène du Web social encore récent et dont les pratiques attendent d’être éclairées pour faire avancer la connaissance sur ces nouveaux outils dont nous sommes familiers mais dont la compréhension nous échappe encore.
 
Alexandra Ducrot
Pour les résultats de l’étude scientifique visuelle du selfie : Le site du projet Selfiecity
Sources :
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/entretien-selfiecity-base-de-donnees-selfie/
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/02/24/sans-filtre-selfiecity-la-base-de-donnees-du-selfie/
Crédits photo : Selfiecity

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Société

MSN allons voir si la rose…

 
MSN est mort, vive Twitter : petit panorama de l’évolution de la communication sur Internet
 
Que vous puissiez « aimer » (ou pas) cet article à la fin de la lecture n’a rien d’anodin. La décision de Microsoft de mettre fin à son célèbre service de messagerie en ligne, MSN, service qui a bercé notre tendre adolescence non plus. Qui ne se souvient pas, avec une pointe de nostalgie (et d’embarras ?), des « pseudos », « wizz », et conversations plus phatiques qu’autre chose, où l’on se retrouvait sans mot après un fascinant échange de « coucou, ça va ? » ? Et pourtant, qui d’entre nous n’a jamais pensé revenir sur ce programme, qui nous paraît maintenant (alors que nous l’utilisions il n’y a que 5 ans), un dinosaure de l’Internet aussi obsolète que la télévision en noir et blanc ? L’on serait tenté d’objecter que cette pratique de la discussion instantanée a tout simplement été déplacée, sur Facebook majoritairement. Certes, mais elle est loin d’être le noyau de Facebook, qui fonctionnait bien avant l’introduction du « chat », et peu de monde je crois, l’utilise de la même façon qu’il utilisait MSN : dans le seul but de parler. C’est aussi qu’à l’époque de MSN, la parole était le seul moyen d’exister, tandis que l’évolution de l’Internet s’est fait de telle manière que les moyens se sont bien diversifiés depuis.
C’est à ces transformations que j’aimerais m’intéresser aujourd’hui, pour essayer de comprendre comment l’on a pu passer, en quelques années, de MSN aux « réseaux sociaux », et quelles en sont les conséquences.
 
Au commencement était le Verbe (et la connexion à 56ko/s)
Dans les débuts de l’Internet, tels qu’on peut encore se les rappeler, l’image était tout sauf une priorité dans la mise en page. À cause de la technique, certes, qui ne permettait pas de les charger assez rapidement, mais peut-être n’est-ce pas la seule raison. La série populaire Buffy contre les vampires, diffusée entre 1997 et 2003, cristallise deux mythologies très en vogue autour d’Internet à une époque décisive, en confrontant les points de vue de deux personnages principaux : Giles, un bibliothécaire, et Willow, une étudiante. Le premier oscille entre l’idée qu’Internet ne sert à rien ou tuera le livre, et l’autre fait preuve d’un enthousiasme exacerbé à son égard,le considérant comme un outil presque intelligent en soi qui aurait réponse à tout.
L’avènement de l’Internet, pour une importante partie du public adulte, était loin de paraître nécessaire. Aussi cela peut-il expliquer le manque d’images et la mise en page des premiers sites : la publicité s’en désintéressait totalement. Il faut aussi noter qu’il y a deux textes sur l’Internet : celui que tout le monde voit, et un autre, bien plus voilé, et pourtant sur quoi tout repose… le code. Aux débuts d’Internet, impossible de produire du contenu sans une petite connaissance du html au moins. C’était alors un monde de l’écrit.

 
La formidable révolution du Web 2.0
Lorsque la fabuleuse, voire magique expression de « Web 2.0 » a commencé d’apparaître, l’Internet s’est refait une beauté aux yeux du grand public. Ce terme, relevant d’abord du marketing, fut employé à tort et à travers pour refléter un changement qui, s’il ne relève pas exactement d’une « révolution », est tout de même réel : l’Internet s’est « socialisé ». Il est désormais question d’engager des « interactions », d’abord manifestées par des entreprises de mise en commun des connaissances ou travail collaboratif (avec les wiki par exemples), puis, par des blogs favorisant la discussion grâce aux commentaires. En parallèle, les chats prennent de l’importance, comme IRC et MSN, pour citer les principaux. Toutes ces interactions étant facilitées par un « domptage » du code tel qu’il est désormais possible d’avoir son blog, de s’exprimer sur la toile sans en avoir aucune connaissance. Mais ce modèle n’est toujours pas assez rentable financièrement. Et c’est la qu’intervient un tournant clef de l’Internet et de l’idée que nous nous en faisons : sa structure, et donc, la manière dont nous communiquons, va être modifiée par la publicité.
 
De MSN à Twitter : la disparition élocutoire du destinataire
Lorsque nous parlions sur MSN, nous nous adressions à une personne en particulier, et attendions une réponse pour rebondir. Il en était de même pour les forums, même si le destinataire était moins identifié, l’on s’adressait à une certaine communauté, avec l’idée d’instaurer un échange. Comment, dès lors, un message publicitaire pouvait-il éviter de tomber dans la conversation comme un cheveu sur la soupe ? S’imagine-t-on, lorsque que l’on parle à un ami de vive voix, être coupé par un slogan entre deux phrases ? Il fallait alors qu’une autre façon de communiquer émerge.
Prenons maintenant l’exemple de Twitter. Qu’est-ce que « tweeter » ? C’est envoyer un message de 140 caractères à un public qu’on ne connaît ni ne maitrise, la plupart du temps. Pour que ce message ait une bonne visibilité, et soit repartagé, il doit être drôle, spirituel, ou provocateur ; bref, il faut qu’il soit suffisamment marquant pour interpeler le lecteur. Or, qu’est-ce qu’un slogan publicitaire, si ce n’est un message court et percutant ?

 
Que devient alors la communication sur Internet ? Il est rare d’attendre une réponse à un tweet, la conversation étant rendue difficile par la limite des 140 caractères. Facebook n’est pas en reste : ce sont les « likes » qui dominent, c’est-à-dire une petite image sur laquelle on clique pour signaler qu’on a vaguement ressenti quelque chose en voyant ce post, mais on commente bien moins souvent, et d’ailleurs, nos commentaires étant visibles par tous, il est moins question d’engager une réelle discussion que d’obtenir des « likes » à son tour pour flatter son image.
Tout, dans ces pratiques, rappelle la publicité. La frontière entre celle-ci et les messages personnels devient de plus en plus floue (cf les questions des « influenceurs » et du « personnal-branding »).
La publicité avait donc tout intérêt à favoriser ce changement de paradigme, qui lui permettait de s’intégrer plus naturellement et sans choquer. Bien sur, il existe des exceptions, et la pratique du « chat » ne s’est pas totalement éteinte. De même, je ne tente pas d’imputer ces changements à la seule volonté de la publicité d’investir la toile, changements que je ne juge d’ailleurs pas. Néanmoins, force est de remarquer que notre usage quotidien d’Internet a été profondément modifié, et qu’aujourd’hui, la fermeture de MSN ne trouble ni notre navigation ni notre esprit, ce qui n’aurait surement pas été le cas s’il avait été question de Facebook.
 
Virginie Béjot
 
Sources :
La fermeture de MSN :
Comportements liés aux réseaux sociaux : http://www.guardian.co.uk/technology/2012/mar/17/facebook-dark-side-study-aggressive-narcissism
http://www.internetactu.net/2012/03/29/pourquoi-avons-nous-peur-des-medias-sociaux/
La bibliothèque dans Buffy contre les Vampires : http://cm.revues.org/84

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