Affiche du film Would you have sex with an arab - sortie en 2012
Culture

Would you have sex with an arab ?

 
Si vous avez emprunté le métro ces dernières semaines, vous avez certainement été frappé par ces quelques mots qui ornent l’affiche du film de Yolande Zauberman « Would you have sex with an arab ? ». Au-delà du titre d’un film, il s’agit d’une véritable interpellation, d’une invitation à la réflexion. Et vous, est-ce que vous coucheriez avec un arabe ?
On dénote un certain malaise dans ces mots, un tabou, un interdit. La réalisatrice ne pose pas la question « avez-vous déjà couché avec un arabe ? » ou « vous est-il déjà arrivé d’entretenir une relation amoureuse avec un arabe ? ». Non, elle emploie le conditionnel « would you », « est-ce que vous le feriez ? » pour mettre en évidence une impossibilité, une improbabilité, en quelque sorte une barrière comme si le fait de faire l’amour avec un « arabe » tenait de l’extraordinaire. Cette question résonne un défi, comme une interrogation existentielle : si nous nous trouvions dans cette situation est-ce que nous dépasserions l’interdit ?
Aujourd’hui en Israël, un individu sur cinq est arabe. Un million cinq cent mille arabes vivent en communauté avec la société juive-israélienne, sans en être séparés par un mur. C’est dans ce contexte, où la formation de couples mixtes est presque considérée comme un crime, que Yolande Zauberman interroge de jeunes juifs de Tel-Aviv, mais aussi des arabes israéliens sur la possibilité d’un rapport sexuel avec un(e) arabe (et inversement un(e) juif(ve)). On se rend compte que le conflit israélo-palestinien est partout, qu’il s’immisce même dans la chambre à coucher qui est lieu de l’intime.
La finalité de la question n’est en fait plus de savoir si effectivement ces israélien(nne)s pourraient entretenir des rapports sexuels avec des arabes, mais plutôt d’interroger profondément la manière dont la question est perçue. On cherche à comprendre le sens de la question pour le récepteur : qu’associe-t-on au mot « arabe »  (et inversement au mot « juif »)? Il apparait clairement dans le film que souvent, dans la société israélienne, ces termes renvoient à l’idée de l’ «ennemi », de  « l’envahisseur », de l’ « autre ». Et pourtant, on ne fait pas l’amour à une représentation mais à une personne. On dématérialise ici l’humain, l’individu et on le renvoie à une idée, un imaginaire que l’on se fait de l’autre, qui dans ce contexte, apparait indissociable de l’identité. Une jeune juive israélienne exprime cette idée de manière triste mais quelque part touchante lorsqu’elle raconte son expérience « quand je l’ai fait, c’est comme si je faisais la paix avec un peuple. Je n’ai pas pu une seule seconde oublier qu’il était Palestinien. C’était purement politique, le coup le moins érotique de toute ma vie ».  La diversité des sens de cette question génère la diversité des réponses qui tient sur la manière dont les jeunes font l’expérience du conflit.
Il n’est pas anodin que ce film nous soit présenté ainsi de manière provocante, car au-delà de la situation au Moyen-Orient, il s’inscrit dans un contexte de tensions déjà existantes pour ceux qui veulent réfléchir en termes de séparation, entre « you » et « the arab ». Elle nous interroge sur notre représentation de l’autre, sur les barrières et les tabous qu’elle nous impose et son influence sur notre manière d’envisager le rapport avec l’autre de manière universelle.
 
Camélia Docquin