Sarkozy et Merkel se font la bise
Edito

Carla Bruni-Sarkozy aurait-elle du souci à se faire?

De nombreux journaux ont choisi cette semaine d’illustrer leur article, désormais rituel, sur La Crise – de l’euro, la dette qu’importe : tremblez !par la photographie d’un Nicolas Sarkozy et d’une Angela Merkel que l’on croirait sur le point de s’embrasser. L’initiative est sans doute la bienvenue en ces temps douloureux où l’on appelle les populations du monde entier à se « serrer la ceinture » (Nicolas Sarkozy, le 1er décembre 2011 au meeting UMP de Toulon), alors que les dirigeants n’ont rien d’autre à promettre que de la sueur, du sang et des larmes. Un peu de dérision, donc. Ce fut en outre l’occasion pour nos médias d’informations, muselés par la gravité de la situation, de laisser s’exprimer leur sens de l’humour et leur imagination – de quel brillant toupet sait faire preuve la presse française, quelle liberté de parole et d’image ! Il faut admettre que la photographie rompt avec les traditionnelles et ô combien ennuyeuses poignées de mains.

Mais un tel choix n’est-il réellement que l’expression toute simple d’un besoin de fraîcheur et de légèreté ? Puisque c’est aujourd’hui pratique courante, livrons-nous au décryptage. Et commençons pour ce faire par mettre en relation la médiatisation de nos fausses embrassades avec la diffusion des images montrant la ministre italienne des Affaires sociales Elsa Fornero en larmes à l’annonce de l’adoption d’un plan de rigueur. Si le rapport n’est pas évident à priori – passer si brutalement du transport au désespoir ! –, le dénominateur commun apparaît rapidement : les sentiments – ou plutôt : la sentimentalité

 

La transmission de l’information est aujourd’hui systématiquement accompagnée d’un volet communication soigné ; les journalistes ont peut être un peu abdiqué leurs prétentions à l’objectivité. Car tout le travail ne consiste plus à rendre l’information disponible : il faut qu’elle touche. C’est pourquoi les médias et médiateurs cherchent à paraître toujours plus proches du public.

L’émission Place Publique, présentée pour la première fois lundi soir sur France 3 par notre PPDA national, illustre cet effort. Le concept de l’émission est d’ailleurs brillamment résumé par son titre – « Place Publique » : il s’agissait de laisser s’exprimer les Français dans un cadre de prétendue démocratie directe, à propos de sujets les concernant de manière immédiate. En première partie, nous rencontrons Nassira, qui nous parle de sa précarité dans un Français plein d’imperfections que les concepteurs du programme imaginent sans doute touchantes : « Je suis handicapée par rapport à moi-même », annonce-t-elle, ajoutant « J’ai mal au crâne, j’ai mal tout ce que vous voulez à cause de toutes ces factures là, qui arrivent comme de la pluie sur moi » – et la voix-off de surenchérir : « Cette année encore, il n’y aura rien sous le sapin. Dans la chambre de Marion, leur fillette de 10 ans, aucun jouet, la petite est résignée »…

Oui, en voilà un vrai débat. Les Français, leur quotidien : nous sommes loin des discussions au sommet, des querelles lointaines des Politiques. Si seulement…

 

En effet, je n’ai jamais eu autant l’impression que le débat politique fut si pauvre. Par quoi est-il alimenté, sinon par de petites phrases assassines que tous passent leur temps à se renvoyer à la figure, comme le font les couples pendant une scène de ménage ? Mélanchon qualifiant Hollande de « capitaine de pédalo », alors qu’Aubry le taxait il y a quelques semaines d’être « mou »… Il est très souvent, et classiquement reproché aux Politiques d’utiliser leur position de pouvoir pour manipuler les populations ; or ils n’ont jamais parus si semblables à nous – « normaux », comme dirait l’autre, prompts à l’emportement, mesquins aussi parfois…

… Mais surtout si effrayés à l’idée de perdre le contact que la communication politique tend à se réduire à de la communication phatique.

 
Elodie Dureu

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