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#Time’sUp, Le cas Aziz Ansari : dérive du mouvement ou nouveau regard sur un débat nécessaire ?

Aziz Ansari est un humoriste, acteur, et producteur reconnu. Le créateur de la série Netflix « Master of None » s’est toujours défini comme féministe et a soutenu à plusieurs reprises le mouvement #MeToo.


Aziz Ansari on feminism

Le 7 janvier dernier, à la cérémonie des Golden Globes, lorsqu’il remporte le prix du meilleur acteur d’une série comique, devenant ainsi le premier homme asiatique à remporter ce prix, il arbore fièrement un pins #TimesUp, accessoire politique montrant son soutien au projet de nombreuses actrices d’Hollywood pour lutter contre le harcèlement sexuel. Pour tous, Aziz Ansari est un exemple. Il fait partie d’une minorité mais il a réussi à se frayer un chemin à Hollywood, a donné la parole à des femmes scénaristes et a fait du racisme et du sexisme des sujets majeurs, abordés et pointés du doigt dans sa série « Master of None ». Pour Refinery29, il est même  un « certified woke bae ». Seulement voilà, le 18 janvier dernier, un article publié sur le site est tout venu remettre en cause. Retour sur une polémique qui divise, provoquant un débat agité sur le mouvement #MeToo.

Une parole qui se libère 

Dans l’article en question, une jeune femme de 23 ans, qui écrit sous le pseudonyme de «Grace», raconte  de manière détaillée et explicite son rendez-vous galant avec la star américaine. Après un dîner, Grace suit Aziz Ansari dans son appartement. Elle raconte qu’ils ont échangé des baisers, qu’il y a eu du sexe oral consenti puis qu’elle l’a repoussé car la situation devenait gênante pour elle. Alors qu’elle se serait levée pour «reprendre ses esprits», le comédien, ne se rendant compte de rien, lui aurait demandé «Where do you want me to fuck you?». C’est à ce moment là que Grace aurait clairement exprimé sa volonté de ne pas aller plus loin. Ansari lui aurait donc proposé de se rhabiller et de regarder une comédie sur le canapé. Mais elle raconte ensuite qu’Ansari a de nouveau tenté de déboutonner son pantalon et qu’il a plongé ses doigts dans sa gorge, la rendant encore plus mal à l’aise et écœurée. Le lendemain, Grace reçoit un message d’Aziz Ansari, la remerciant pour leur rencontre de la veille, qu’il qualifie d’« amusante ». Dans sa réponse, Grace explique à l’humoriste qu’elle n’a pas vécu la soirée de la même manière, qu’elle était fortement mal à l’aise et qu’il n’avait pas l’air de prendre son avis en compte. Il s’est par la suite excusé de son comportement, expliquant qu’il avait « mal interprété certaines choses sur le moment ».

Le  débat est relancé

Quelques heures plus tard, l’article est au cœur des controverses, il fait débat et l’opinion est divisée. D’un côté, il y a ceux qui  s’indignent de l’humiliation publique que subit Ansari, ceux qui questionnent la légitimité de Grace (qui a choisi de témoigner de façon anonyme), ceux qui prétendent que le mouvement va trop loin et que cette affaire dévalorise la cause principale ou encore ceux qui considèrent que ce témoignage ne devrait pas être associé au mouvement #MeToo, car il éloigne les gens des débats sur les « vraies agressions sexuelles ». De l’autre côté, certains s’insurgent et condamnent Aziz Ansari via un tribunal populaire, d’autres soulignent que cette affaire met en lumière la nécessité de rouvrir le débat  sur le consentement et de le nuancer. Ce qui est sûr, c’est que l’affaire divise et ne met personne d’accord. Ce désaccord prouve qu’il y a là un débat nécessaire et que certaines réponses doivent être apportées, notamment sur la question du consentement.

« Quand ce n’est pas oui, c’est non » ou la nécessité du consentement

La particularité qu’a cette affaire est qu’elle traite d’un événement « ordinaire ». Il ne s’agit pas d’une rencontre avec un magnat d’Hollywood dans une chambre d’hôtel douteuse, mais d’un dîner et d’une relation consentis au début. Cependant, les visions qu’ont les deux protagonistes de cette affaire divergent et il y a là un rapport de force frappant. Comment une telle asymétrie peut-elle exister entre ce que raconte Grace et le SMS envoyé par Aziz Ansari ? Comment ce dernier a-t-il pu « mal interpréter » les choses et être aveuglé au point de ne pas se rendre compte de la situation dans laquelle il mettait sa partenaire ? Plus généralement, comment les avis peuvent-ils diverger à ce point au sein de l’opinion publique ? Caitlin Flanagan écrit pour The Atlantic : « Les femmes sont en colère, temporairement puissantes et très, très dangereuses ». Bari Weiss, journaliste pour The New York Times, publie quant à lui un éditorial intitulé «Aziz Ansari est coupable. Coupable de pas avoir réussi à lire dans les pensées». Mais les femmes sont-elles juste à la recherche de personnes à blâmer et d’hommes à accuser ? Faut-il réellement être devin pour comprendre qu’une femme qui dit clairement « non » n’est pas consentante ? Osita Nwanevu, journaliste pour Slate, souligne « c’est précisément là que se trouve le cœur du problème. Une culture sexuelle qui juge parfaitement normal qu’une femme ne signifie pas son assentiment de manière enthousiaste pendant l’acte est une culture qui permet la coercition sexuelle. »
Il est évident qu’à l’heure où les réseaux sociaux s’improvisent tribunal 2.0, les mises en garde sur les prises de parole sont nécessaires : il peut y avoir des erreurs de jugement. Mais les critiques sont également à nuancer, ce témoignage ne traduit pas un puritanisme ou même une tendance à accuser et punir tous les hommes. Il s’agit ici de soumettre la question du consentement à la critique, d’ouvrir le dialogue sur la « zone grise » qui existe dans les rapports entre adultes consentants et de mettre en avant la nécessité que, dans toute relation, les deux partenaires soient sur un pied d’égalité. Pour que le débat soit efficace, il est impératif que ces expériences, très courantes et rarement dénoncées, soient également questionnées.
Véritable révolution qui s’est mise en marche ou série de dénonciations passagères, on peut se demander jusqu’où le mouvement #MeToo va aller. Ce qui sûr, c’est que le débat est lancé !

Maria Qamari

 

Sources

 

Crédits Photos et Vidéos

  • Youtube : Aziz Ansari on Feminism
  • Couverture – Getty Images : Aziz Ansari portant un pin’s « Time’s Up » lors de la cérémonie des Golden Globes
  • net

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