Médias, Société

Comment interpréter le virage éditorial de Konbini ?

 

Mardi dernier, Konbini a lancé sa première verticale d’information: Konbini News. Ce nouveau format entend diversifier les activités du site en proposant à ses internautes de nouveaux contenus médiatiques, plus orientés vers le genre du reportage. Cet exotisme konbinien, qui marque une rupture dans la ligne éditoriale du site web, ne masque-t-il pas la volonté du média de se forger une légitimité journalistique ?  

     

Information ou divertissement ? 

Konbini est un site web d’« infotainment ». Ce néologisme indique une double parenté. Il se situe à la croisée de l’information et du divertissement. Pourtant, l’apposition de l’anglicisme « news » au nom du média pourrait définir a posteriori ce qu’il n’a jamais été – de l’information – et ce qu’il a toujours été – du divertissement. Konbini cible un public jeune, de la tranche 15 – 35 ans, en lui proposant des contenus hybrides, massivement relayés sur Facebook, Twitter et Snapchat. 

Le nom de « Konbini » est un clin d’œil à cette stratégie d’omniprésence, car il fait référence aux commerces de proximité japonais ouverts 7 jours sur 7. Il s’agit généralement de vidéos ou d’articles courts sur la culture pop (« pop culture everything »). Konbini a construit sa réussite en faisant de la viralité un des éléments principaux de sa stratégie digitale. Les titres des articles sont provocateurs, percutants, argotiques, parfois réducteurs et simplistes. Sur Facebook, ils suscitent de nombreux commentaires. Or, plus les commentaires sont négatifs, plus l’article génère de la discussion, du débat, et assure donc une diffusion virale des contenus. 

La parole critique est ici industrialisée pour faire le buzz. Cette utilisation du commentaire comme stratégie de communication est d’ailleurs revendiquée par les créateurs du site, David Creuzot et Lucie Beudet, qui affirment dans Stratégies (le 23 mars 2017) que « le métier de demain – d’aujourd’hui en fait – n’est alors plus seulement de créer du contenu viral, inédit, informatif et divertissant. La création de contenu doit être conçue comme un sujet de débat et de discussion pour un forum d’un nouveau genre, capable d’accueillir le plus grand nombre ».  

Information ou publicité ? 

D’autre part, l’identité médiatique de Konbini s’est forgée autour de son lien génétique avec la publicité. On a d’ailleurs souvent accusé ce site d’être une agence de communication. Et pour cause, indépendamment de ses activités propres de média, Konbini produit des campagnes de communication pour les marques. Par exemple, le site s’est associé en 2017 à Orange pour créer le format Cheese

Son modèle économique est fondé sur le native advertising et le brand content. Cela signifie que la publicité s’immisce ingénieusement dans les contenus produits par le média, comme cette publication du 5 février 2017, intitulée « Les 5 trailers qu’il ne fallait pas rater au Super Bowl ». La frontière entre la publicité et le contenu éditorial peut même s’effacer complètement, comme dans leurs interviews « Fast’N’Curious ». Valérie Patrin-Leclère, chercheur au GRIPIC, parle d’un phénomène de « publicitarisation des esprits », où le contenu médiatique est transformé comme espace d’accueil de la publicité.

Konbini est donc bien un média de divertissement. Au sens littéral, il divertit un public jeune, les « millenials », par ses vidéos et ses articles légers autour de la culture pop. D’autre part, Il divertit, écarte et disperse l’attention des internautes de sa finalité publicitaire.

Konbini news entend bousculer cette logique en introduisant un journalisme d’enquête, qui, à l’inverse de la verticale sport, ne serait pas sponsorisé par des marques. Ce changement est incarné par l’arrivée d’Hugo Clément, ancien reporter chez Quotidien. Pourtant, on peut se demander si cette apparente quête de légitimité journalistique ne cacherait pas la volonté d’étendre l’espace publicitaire du site, en créant un environnement médiatique plus favorable à l’arrivée de nouveaux types d’annonceurs. 

Frankie Bono

Sources:Kombini

Tags: