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Les paradoxes du body positivity

Entre marques, troubles alimentaires, représentation du physique et réseaux sociaux, l’article d’aujourd’hui traite du fameux body positivity, en explorant ses débuts, ses paradoxes et ses limites.

Ce mouvement serait-il décrédibilisé et créateur de complexes ?

Qu’est-ce que le Body Positivity?

“J’adore ma cellulite”. “Mes vergetures sont magnifiques”. “J’aime mon corps”. 

Sur les réseaux sociaux, dans les publicités, dans les médias et même dans les services proposés par les marques, ce genre de messages inonde nos écrans et sont le résultat direct du mouvement body positivity. 

Ce mouvement prend forme en 1996, par la création d’une organisation de Connie Sobczak et Elizabeth Scott, The Body Positive, après la mort de la sœur de Connie qui avait développé des troubles alimentaires.

Aujourd’hui, le body positivity est un mouvement social en faveur de l’acceptation de tous les types de corps humains qui soutient la reconnaissance de toutes les morphologies. Il encourage la diversité et l’estime de soi, en soutenant que la beauté est une construction sociale. 

Avec l’avènement du numérique, le mouvement a pris beaucoup d’ampleur, tellement, qu’il est devenu monnaie courante dans de nombreuses publicités, dans les discours de marques et d’influenceur.se.s.

Alors qu’à ses débuts, le body positivity était motivé par l’intention de célébrer la diversité et d’accepter tous les types de morphologies corporelles, il se retrouve aujourd’hui confronté à un éventail de paradoxes.

Le début d’un débat : un mouvement mainstream, qui perd de sa légitimité car invisibilisant les expériences de la grossophobie

Malgré l’ampleur que le mouvement a pris ces dernières années, certains internautes en ligne estiment qu’il perd beaucoup en légitimité car il est “réapproprié par des personnes qui ont un physique ne les exposant pas à une oppression” – article Buzzfeed.

C’est notamment le cas de l’influenceuse Raffela Mancuso, qui publie en 2020 un message sur Instagram afin de critiquer le fait que les femmes minces prennent trop de place dans la sphère body positive.

Le débat considère que de plus en plus de personnes dont les corps se rapprochent davantage des normes traditionnelles reçoivent souvent plus de likes lorsqu’elles utilisent le #bodypositivity. Ainsi, ce sont ces corps qui sont les plus visibles sur les réseaux sociaux, ce qui va à l’encontre du but initial du body positivity. 

“Finalement, le mouvement a perdu toute substance subversive en effaçant les femmes les plus grosses, absentes des espaces médiatiques, et ainsi en invisibilisant les expériences de la grossophobie. C’est pourquoi certains magazines n’ont absolument aucun problème à parler de “body-positivity” sur une page et enchaîner avec le dernier régime à la mode”, lit-on sur un article de Buzzfeed évoquant le body positivity.

Un body positivity encourageant des modes de vie malsains

D’autres personnes pensent que le body positivity encourage un mode de vie malsain.

La société scientifique étudiant l’obésité The Obesity Society publie un rapport en 2018 indiquant que la normalisation des grandes tailles et vêtements nuit à la perception de l’obésité en Angleterre, et que les personnes obèses sont moins susceptibles d’essayer de perdre du poids à force d’entendre des commentaires positifs sur l’acceptation de soi. Ainsi, d’après ce rapport, le body positivity encouragerait les personnes obèses à ne pas essayer de perdre du poids en vue d’une meilleure santé. Dire aux personnes obèses qu’elles ont un mode de vie “sain” n’est peut-être pas la meilleure solution : il ne s’agit pas de glorifier leur mode de vie, simplement de faire en sorte qu’elles ne soient pas opprimées par leur taille.

Un body positivity créateur de complexes? 

Pire encore, le body positivity serait-il un énorme paradoxe? Au lieu d’éradiquer les complexes, serait-il en train d’en créer?

Prenons l’exemple de l’application de rencontres Meetic.

Dans une campagne publicitaire sortie en 2014, appelée “Love your imperfections”, la marque se présente comme étant body positive, et fait passer le message que les tâches de rousseur, les dents du bonheur, les bourrelets ou encore les yeux vairons sont des “imperfections”. Seulement, si je n’avais pas lu le message, il ne me serait pas venu à l’esprit que ce sont des imperfections…

La redondance des discours d’acceptation emmènerait donc vers une focalisation encore plus intense sur les “endroits que l’on doit accepter”, “les défauts que l’on doit aimer”. En insistant sur l’amour qu’on doit porter envers ses vergetures, sa cellulite et ses bourrelets, on finit par croire que ce sont des mauvaises choses, alors que l’idée ne me serait même pas venue à l’esprit sans les discours “body positifs” à leur égard.

Plutôt que de s’aimer à tout prix, le body neutrality

En réponse aux polémiques engendrées par le body positivity, un nouveau concept s’impose en 2015-2016 : le body neutrality. Le terme circule depuis 2017, où Marisa Meltzer, journaliste pour le New York Times magazine, dit que “c’est un drapeau blanc au croisement entre la détestation et l’amour de soi”.

Celui-ci s’éloigne d’une focalisation sur l’apparence physique pour mettre en avant des caractéristiques telles l’intellectuel et l’utilité. Typiquement, au lieu de dire “j’aime mes grosses cuisses”, on dirait “j’aime mes cuisses parce qu’elles me permettent de courir”.

Pourquoi le body neutrality?

En effet, pour les partisan.e.s de la body neutrality, le body positivity n’est qu’un nouvel impératif, une nouvelle contrainte : vouloir se distancer à tout prix des impératifs de la beauté, devoir aimer sans concession ses imperfections, ses vergetures et son acné sont des choses réalistiquement impossibles. Il est tout à fait normal de ne pas aimer chaque endroit de son corps.  

Ainsi au travers du mouvement body neutrality, la question soulevée est plutôt : d’où vient cette hyperfocalisation que la société entretient avec le corps ? Pourquoi devrions-nous à tout prix le détester ou l’adorer ?

Finalement, comment contrer les effets négatifs du body positivity ? 

Sophie Vandenabeele


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