Culture

#MuseumWeek

Depuis lundi et pour une semaine, les musées européens ont entamé la #MuseumWeek en partenariat avec Twitter. Déjà présents sur la plupart des réseaux sociaux, le Centres Pompidou, le Tate londonienne, le Museo del Prado et quelques 600 autres musées d’Europe se sont donc donnés pour objectif de repenser l’expérience muséale grâce à une nouvelle stratégie de community management résolument tournée vers le social media. C’est sur Twitter, Mecque de l’instantanéité et du partage d’actualités, qu’ils ont choisi de donner rendez-vous au grand public.
Chaque jour, les musées participants se sont donc accordés sur un mot clé indiquant une thématique à suivre pour leurs publications ; c’est ainsi qu’ils on tour à tour proposé à leurs followers de découvrir les #CoulissesMW de leur musée préféré en publiant des photos de lieux ou d’oeuvres dont l’accès est normalement interdit au public, suivi d’une journée #QuizzMW,ou encore d’une journée dédiée aux œuvres coup de cœur #LoveMW. Une manière intéressante de changer du contenu habituel de leurs publications qui se cantonne souvent à de simples informations sur les expositions à venir.
Il s’agit donc d’une initiative qui permet aux nombreux musées participants de dépoussiérer leur image grâce à une stratégie social media proactive qui bouscule quelque peu les usages, puisque ce n’est plus ici le public qui va au musée mais bien le musée qui vient à la rencontre du public. Derrière cette stratégie donc, une volonté de proposer une expérience muséale toujours plus interactive mais aussi de gagner en visibilité et se rapprocher d’une cible jeune et connectée qui représente aujourd’hui une grande partie de leurs visiteurs.
Amandine Verdier
Sources
Le Monde

cyber-sécurité
Société

La course à la cyber-sécurité, une quête sans fin

 
 
« Grâce à la liberté des communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées. » Nietzsche
 Le développement des nouvelles techniques de l’information et de la communication a marqué un tournant dans notre façon de communiquer.
Accélération des échanges, diminution de la temporalité, nos médias sont dorénavant immédiats, au point qu’aujourd’hui, un sentiment d’ubiquité nous anime. Le terme ATAWAD, cher à Xavier Dalloz prend alors tout son sens : « AnyTime, AnyWhere, AnyDevice ».
Cette ubiquité n’a aujourd’hui plus de limites, et va au delà de la « simple » communication planétaire pour rejoindre celle de l’intrusion, de la surveillance. Il est fini le temps des solitudes électroniques.
Que ce soit dans le domaine du privé ou celui de l’entreprise, de nombreuses actions sont mises en place pour faire face à ces intrusions non désirées, à cet espionnage d’un nouveau genre, tout droit sorti du 1984 de George Orwell.
Cette intrusion se traduit de manière différente qu’il s’agisse d’une organisation, d’un Etat ou alors simplement d’une personne privée.
Aujourd’hui, il est facile d’écouter un téléphone portable. Les intrusions dans la vie privée des personnes et des entreprises sont considérables. Nos systèmes électroniques ne sont pas entièrement fiables.
Récemment, 100 millions de cartes de crédit  et de comptes bancaires ont été piratés en Corée du Sud déclenchant un scandale dans le pays. De manière semblable, il y a un mois la majorité des cartes de crédit à Bruxelles ne fonctionnait plus. Ce genre d’exemples laisse place aux idées les plus folles, quand on sait que notre identité numérique implique que nous dématérialisions de plus en plus d’éléments de notre communication quotidienne.
D’un côté, les États ont un rôle important à jouer, puisqu’ils sont des régulateurs. Ils peuvent instaurer de nouvelles règles de fonctionnement.
Sur le plan de la sécurité des données, la France reste un des Etats les plus performants, que ce soit avec l’aide de Thales, ou encore celle d’Amesys dans le cadre du développement de système à capacité cryptologique. Pourtant, on apprenait il y a peu que la France faisait partie du plan de la collecte massive d’écoutes de l’Agence de Sécurité Nationale des Etats-Unis (NSA).
Sur un tout autre plan, les applications telles que Viber, Skype, Lien permettent de passer des appels audios par le biais d’Internet, rendant caduque une mise sur écoute. Mais n’importe quel individu ayant les connaissances suffisantes peut avoir accès, par exemple, au serveur tiers et prendre pleine possession des données des utilisateurs ; c’est d’ailleurs ce qu’ont connu dernièrement Orange et Snapchat pour ne citer qu’eux.
Aussi, de véritables outils pour Smartphones se développent, comme TrustCall, qui, moyennant une certaine somme mensuelle, permet de rendre la totalité des communications téléphoniques cryptées.
Plus loin encore, la société BlackPhone met à disposition un téléphone « anti-NSA » au prix d’un Iphone, permettant de chiffrer directement les communications et détruisant la totalité des informations du téléphone lors d’une intrusion.
Qu’ont ces outils en commun ? Leurs failles. Ils ne permettent pas une protection totale, ils font barrage jusqu’à un certain point,  à commencer par ce téléphone « anti-NSA » qui ne permet pas d’empêcher la collecte de métadonnées de connexion, qui s’opère au niveau du réseau.
Si certains tendent à croire que le manque de solutions à ce problème d’intrusion au niveau de l’Etat est de l’ordre d’un conflit générationnel, ce n’est pas totalement véridique.
C’est une remise en question globale sur la manière dont nous utilisons ces nouvelles technologies de la communication et de l’information qui doit être effectuée ; une prise de conscience de ce qu’est le réseau, non dans sa forme positive qui est celle de la multiplication des échanges, mais dans sa forme intrusive, qui est celle de l’interconnexion.
Il ne faut pas oublier que ces outils développés par l’homme et pour l’homme évoluent chaque jour, et la recherche d’une confidentialité totale est une quête illusoire et irrémédiablement sans fin.
 Romain Souchois
Sources :
01net.com
Lemonde.fr
Crédit photo :
Media.melty.fr

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Société

Buzz, clash, slut… Viens dans mon comic strip du web !

 
Il y a de cela deux semaines, la chroniqueuse web Jack Parker a créé du remous sur la Toile avec la publication d’un article sur son Tumblr relatant l’agression sexuelle dont elle a été la victime dans le métro. Alors oui, encore un buzz, et qui commence à dater de surcroit, mais sur lequel il faut quand même revenir.

Suite à la publication de son expérience, la bloggeuse a en effet reçu de nombreux messages extrêmement violents, voire profondément haineux, incriminant sa tenue et son comportement qui justifieraient selon certains internautes une telle agression. Des commentaires qui incarnent bien un nouveau phénomène qui a fait son apparition sur les réseaux sociaux, à savoir le slut-shaming (ou humiliation des salopes). Le slut-shaming consiste à culpabiliser et stigmatiser certaines femmes pour leur comportement ou leur habillement, jugé immoral et censé encourager l’irrespect, ou même le viol. Cette stigmatisation qui entretient l’idée que le sexe serait dégradant pour les femmes a été d’abord l’objet de dénonciations dans la rue (avec les slutwalks de féministes canadiennes et américaines), avant d’infiltrer comme de coutume le World wide web. Le phénomène est désormais en pleine expansion sur les réseaux sociaux où des adolescentes notamment se transforment en moralisatrices outrées qui s’emploient à dégrader l’image de filles « dévergondées », quitte à les amener au suicide…(1)

 
En plus d’incarner un regrettable retour vers des valeurs archaïques, ce type de harcèlement psychologique pose le problème des nouvelles formes de violence qui fleurissent sur Internet. Confortés par un sentiment d’anonymat et d’impunité, certains internautes se lancent dans des croisades discriminatrices et pimentent les forums de propos injurieux, moqueurs ou carrément vindicatifs. Tout cela renvoie à une culture du clash qui fait réellement système. De l’émission d’Hanouna « Touche pas à mon poste ! » à la télévision, aux tweet-clash en politique en passant par des articles incendiaires comme ceux de la journaliste Liz Jones, le clash est bel et bien devenu une institution communicationnelle. Devenue nouveau théâtre d’une catharsis généralisée, la toile s’avère être le lieu idéal pour l’expression de paroles extrêmes, notamment grâce à l’avènement de Twitter qui ne laisse pas l’occasion de faire dans la dentelle avec ses 140 caractères… Encourageant la parole instantanée, et les échanges sur le chaud, ce type d’application ne donne pas le temps de construire un discours réfléchi et argumenté, les raccourcis vont bon train, et le ton monte alors aisément. Peu étonnant qu’on se retrouve confrontés à des amalgames douteux, et des conclusions hâtives. En bref, Godwin avait raison (2).
Et le plus étonnant dans tout ça, c’est que l’on se complait dans ce phénomène de haine comme fond de commerce, qui n’existerait pas sans son corollaire, le « hate-reading ». Cela consiste à consulter volontairement des sites internet dont on sait pertinemment que le contenu va nous mettre hors de nous. On entretient alors un mépris exacerbé pour son auteur, ce qui n’est pas sans rappeler notre comportement face aux émissions de téléréalité actuelles systématiquement visionnées avec dédain et distance critique. De quoi faire que la haine sur le net s’auto-entretienne efficacement en somme.
Si l’on en revient au cas initial de Jack Parker, il permet de soulever une dernière aberration, à savoir le fait que le féminisme est devenu associé à des revendications extrémistes émanant de femmes jugées hystériques. S’il est vrai que de nombreuses inégalités subsistent et méritent d’être combattues, il n’en reste pas moins que le combat féministe demeure bien légitime lorsque l’on sait que les femmes sont payées en moyenne à poste et qualifications égales 25% de moins que les hommes, et que leur libération sexuelle est sérieusement remise en cause. Il ne semble alors pas absurde de s’y intéresser un tant soit peu. Après tout, cela concerne tout de même la moitié de l’humanité, non ?
 
Elsa Becquart

Sources :
Madmoizelle.com
Le « Slut Shaming »
Slate.fr
Bienbienbien.net
(1) Une jeune américaine de treize ans s’est suicidée en mai dernier après des mois de harcèlement. Des filles avaient écrit « slut » sur son casier, et elle avait reçu des menaces de viol.

(2) Godwin a établi une loi empirique qui pose que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.

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Pierre Niney
Non classé

Pierre Saint-Laurent ou Yves Niney : la confusion des genres

 
La nuit « c’est l’occasion d’observer, de s’inspirer, voir », « la nuit c’est savoir prêter attention », « c’est l’occasion de faire le parcours classique ». Mais La Nuit, c’est surtout le dernier parfum d’Yves Saint-Laurent.

 A l’occasion de la sortie de La Nuit de l’Homme, le célèbre couturier, ou plutôt sa filiale Yves Saint-Laurent Beauté, rachetée par le groupe l’Oréal en 2008, s’est offert une stratégie de marketing audacieuse, élégante et originale. Ainsi, Pierre Niney ouvre le bal en réalisant et se mettant en scène dans le premier des neuf court-métrages imaginés par Fabien Constant pour l’occasion. Durant 2 minutes 48, le spectateur se trouve plongé dans la vie nocturne parisienne et suit le jeune comédien au fil de ses virées et de ses songes, en se laissant bercer par les récits poétiques de la voix off. D’un stand de crêpes au Jardin des Tuileries, en passant par différents bars et cafés, la déambulation nocturne se veut à la fois mélancolique et joyeuse, entre arrêt sur image et plans au ralenti. Une publicité focalisée sur le produit, entre reprise des films de James Bond et ambiances bling bling ? Très peu pour Yves Saint-Laurent, qui quitte l’univers du luxe devenu paradoxalement trop cheap. Ici, le flacon de parfum n’apparaît pas dans la diégèse ; tout en retenue, Pierre Niney ne vante pas les mérites d’effluves intrigantes et hypnotiques mais nous offre au contraire une méditation sobre et lyrique autour du concept de la Nuit. Le court-métrage emprunte les codes du cinéma, dissimulant astucieusement les ambitions commerciales derrière des considérations artistiques. Les images sont introduites par la mention « La Nuit de Pierre Niney, de la Comédie Française », comme une caution de respectabilité ou la signature de l’œuvre par son artiste. D’ailleurs, le court-métrage n’est diffusé que sur YouTube ou sur Canal +, aux côtés des autres réalisations cinématographiques. Plus qu’une campagne de publicité traditionnelle, Yves Saint-Laurent met donc en place une opération de « brand content » destinée à doter son produit d’une valeur ajoutée inestimable.
Mais la marque de haute couture va plus loin dans le brouillage des frontières entre publicité et cinéma, témoignage et rêverie onirique, réalité et mise en scène. Le choix de Pierre Niney comme réalisateur et acteur principal est évidemment loin d’être anodin. A l’heure où les esprits sont encore marqués par sa prestation et sa métamorphose, toutes deux exceptionnelles il faut le noter, dans le film éponyme, Yves Saint-Laurent a judicieusement choisi de capitaliser sur l’image et le physique du jeune pensionnaire de la Comédie Française. Si la ressemblance entre l’acteur et son personnage est frappante à l’écran, le spectateur est en droit de s’interroger sur la véritable identité de l’individu mis en scène dans le court-métrage : s’agit-il d’Yves Saint-Laurent lui-même qui, comme un spectre bienveillant et gage de qualité, raconte l’histoire de son nouveau produit ? Ou bien est-ce Pierre Niney qui, avec son visage d’ange et la révélation de ses réflexions nocturnes les plus secrètes, participe à la construction de l’imaginaire autour de la marque ? Pas simple de décider si cette création hybride est une pure fiction faisant appel à une instance légitimatrice ou un témoignage réaliste et personnel. Si le décor, parisien et moderne, joue en faveur de la seconde hypothèse, le souvenir de Pierre Niney dans la peau du créateur de mode et les références à une vie de désirs et de défis laissent planer le doute.
D’ailleurs le passage de Pierre Niney du statut d’interprète d’Yves Saint-Laurent à celui d’égérie pour la marque invite à de nouveaux questionnements. Si la forme du court-métrage et la figure de Pierre Niney tissent des liens évidents entre le film Yves Saint-Laurent et cette nouvelle campagne de publicité, il est possible de s’interroger sur la nature réelle du long métrage. Peut-être que la publicité n’est en effet pas la seule à sortir de ses codes traditionnels pour s’apparenter à des formes différentes. A bien des égards, le film n’apparaît pas uniquement comme une simple œuvre cinématographique. Tout d’abord, il convient de rappeler que ce film livre la version de l’histoire d’Yves Saint-Laurent approuvée par Pierre Bergé. Si cette version ne semble pas trop édulcorée et lisse, il reste fort probable que la marque ne proposera pas de contrat à l’interprète du second film, lui aussi dédié au génie d’Yves Saint-Laurent mais considéré comme plus dérangeant. Un long métrage relatant la vie d’un grand créateur n’est ainsi jamais uniquement biographique : il en va de l’image de la maison. Par ailleurs, l’affiche et la bande annonce d’Yves Saint-Laurent accordent une place étonnamment importante au logo YSL. Alors publicité pour le film ou publicité pour la marque ?
La rencontre entre Yves Saint-Laurent et Pierre Niney reflète ainsi parfaitement les rapports ambigus qu’entretiennent l’univers de la publicité et celui du cinéma. Car quand la publicité devient artistique, l’art n’est jamais loin de devenir publicitaire.
Margaux Putavy
Sources
LesEchos

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Culture

The Creation of Youth

Cette semaine a eu lieu la projection du film « Teenage » à la Gaité Lyrique sur l’histoire des sous-cultures adolescentes du XXe siècle. Je suis allé voir ce film qui fait suite à l’essai passionnant de Jon Savage Teenage : The Creation of Youth.
La semaine dernière encore, les lyrics des rappeurs U.S vibraient sur des rythmes de trap musique sur-vitaminé. Les jeunes parisiennes se déhanchaient sur les morceaux gangsta de Compton mixé par Brodinsky. Étrange. Et là encore, elles ne pouvaient pas être sérieuses, j’essayais de voir en elles des versions féminines de Chief Keef mais en vain.
Le fait est qu’on le retrouve partout, ce concept d’ironie qui semble coller à la jeunesse des 10 dernières années. Les sous-cultures ne durent plus et les NTIC semblent être devenue l’instrument du doute identitaire de la jeunesse. Les sous modes se propagent vites sur la toile, ce qui était subversif hier est vite ringard demain. Pas étonnant que les hipsters ne se considèrent plus comme tel. On est nous même mais pas trop non plus. Alors, difficile en 2014 de porter des convictions sur internet. Comme si la grande diffusion de nos opinions nous forçait à une distanciation de soi.
Le normcore, qu’il soit fanatise des médias jeunes ou réalité sociale, vient signaler un malaise de notre jeunesse. Il semble qu’il faille à tout prix disparaître, se fondre dans une masse indifférenciée. Alors, au regard de cette semaine, je vous demande ce qui restera de notre jeunesse ?
Arnaud Faure
Sources :
Libération
Gaité Lyrique
Jon Savage The Creation of Youth, Viking Books, 2007
Crédit: Steven Martin depuis leTeenage Flick’r group. Photo prise à Pompano Beach FL, USA 1993

Société

La database du selfie

Le selfie, cet autoportrait 2.0, fait depuis quelques mois l’objet d’un usage massif et développé sur les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte de popularité du selfie qu’a émergé le projet « Selfiecity », une étude scientifique visuelle ayant pour ambition d’étudier cette pratique de sous l’angle de la recherche et de la science.
La méthode : des savants ont ainsi rassemblé et analysé des milliers de selfies trouvés sur Instagram, provenant de cinq villes différentes (Moscou, Berlin, Sao Paulo, New York et Bangkok) pour élaborer une véritable database des types de selfies à travers le monde. Les résultats de la recherche soulignent par exemple l’adoption d’un certain angle d’inclinaison de la tête selon les pays et le type de population.
L’objectif : comprendre le phénomène du selfie et tenter de produire des connaissances sur la fonction des images que nous publions sur les médias sociaux en général. « Selfiecity » se veut être un projet de recherche scientifique qui vise à se détacher de tout jugement de valeur (notamment l’a priori selon lequel le selfie serait le signe d’un narcissisme générationnel) pour l’étudier comme un moyen de communication et comme un fait social comportemental à part entière (nous reproduirions les normes sociales et comportementales qui nous entourent). L’initiateur du projet, Lev Manivich, conçoit le selfie comme « nouvelle manière pour la société de se commenter », ce serait une pratique révélatrice d’une démarche réflexive que nous aurions les uns avec les autres.
Un tel projet révèle l’essor des recherches sur le phénomène du Web social encore récent et dont les pratiques attendent d’être éclairées pour faire avancer la connaissance sur ces nouveaux outils dont nous sommes familiers mais dont la compréhension nous échappe encore.
 
Alexandra Ducrot
Pour les résultats de l’étude scientifique visuelle du selfie : Le site du projet Selfiecity
Sources :
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/entretien-selfiecity-base-de-donnees-selfie/
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/02/24/sans-filtre-selfiecity-la-base-de-donnees-du-selfie/
Crédits photo : Selfiecity

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randonnée
Société

Rando : social mais pas trop

 
S’il existe déjà mille et une façons de partager le moindre cliché avec le reste du monde à partir de son smartphone, Rando change les règles du jeu et invite à un mode de communication plus désintéressé.
Le principe est celui de la bouteille à la mer : l’utilisateur prend une photo, l’envoie. En retour, il en reçoit une également. Terminé. Pas de like, de retweet, de réponse ou de commentaire. L’application semble au contraire s’inscrire dans le mouvement des réseaux sociaux… « anti-sociaux » – tout en ayant déjà de très nombreux randonautes.
Les utilisateurs connaissent juste la provenance de la photo qu’ils ont reçue et la destination du cliché qu’ils ont eux-mêmes envoyé. Pas question de conforter son ego sur cette application, la communication passe seulement par ces petites images rondes envoyées à tout hasard dans le monde (Rando tirant son nom de random).
Pas de fioritures non plus sur l’application qui ne propose qu’un seul cadre, le sien (cette forme ronde des photos qui peut faire penser à une longue vue) et aucun filtre ou effet possible, là où la grande majorité des réseaux sociaux sont plutôt friands de ces gadgets.
Bien sûr, toutes les photos ne sont pas systématiquement une invitation poétique au voyage, mais tout le principe de Rando est là : cette fois-ci, tomberez-vous sur un poney quelque part en Belgique, une plante en pot venue de Rio ou les transports en commun d’Izmir ?
 
Annabelle Fain
Source :
L’Express.fr
Crédits photo :
www.exposureguide.com

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Publicité et marketing

L’indécence glorifiée

 
 American Apparel a, une fois de plus, choisi la polémique comme stratégie de communication en dévoilant il y a quelques jours sa dernière publicité :

Les mots « Made in Bangladesh » ne font pas référence à quelque chirurgie esthétique mammaire ou à des vêtements, puisque le modèle n’en porte pas, mais à la jeune femme elle-même. Maks, 22 ans, est née au Bangladesh. Le message que veut faire passer la marque, c’est celui de l’authenticité. American Apparel revendique haut et fort son « Made in Los Angeles » et son commerce équitable. Cette publicité fait écho au drame survenu l’année dernière dans une usine de textile non loin de Dacca, la capitale du Bangladesh. Le fabricant dénonce l’exploitation dans l’industrie du prêt-à-porter.
Créer la controverse à travers la publicité est devenu l’apanage de la marque. American Apparel est pour ainsi dire devenue une véritable marque-média qui s’exprime sur tout et n’importe quoi.  Aucun tabou ne lui échappe. Au début de l’année, des mannequins à la pilosité pubienne développée avaient été exposés en sous-vêtements à moitié transparents à la vue des passants. En 2012, une mère de famille avait porté plainte contre des publicités « inutilement sexuelles » de la boutique en ligne et la marque avait été accusée de « sexualiser » des mannequins mineurs. Cette même année, le fondateur Dov Charney s’était tout de même octroyé une certaine sympathie des consommateurs pour avoir lancé une campagne ayant pour modèle une vieille dame prénommée Jacky – elle aussi dénudée.

Les séniors, la nudité, les poils pubiens, la situation au Bangladesh… La marque se mêle de tout et n’importe quoi. American Apparel fait circuler des contenus médiatiques polémiques qui dépassent le champ de l’industrie textile : en quoi est-ce lié à une logique marchande ? Finalement, il semblerait que la marque produise des campagnes dans le but de faire un buzz qui lui donnerait de la visibilité sur un marché extrêmement compétitif. Si les thèmes abordés dans ses publicités sont osés, la marque parvient tout de même à vendre ses produits dans vingt pays différents. En 2012, lorsque de nombreux scandales avaient éclaté autour de ses campagnes, son chiffre d’affaires avait augmenté de 13%.
American Apparel, contrairement à de nombreuses marques – on peut penser par exemple à la publicité jugée sexiste de Numéricable, qui n’a pas profité à l’entreprise – sait doser la part de polémique dans les messages qu’elle véhicule dans ses campagnes. Non sans un certain humour, American Apparel frôle l’indécence sans jamais tomber dans l’immoralité. La marque parvient à diffuser des contenus médiatiques qui, sans réel poids idéologique, sont en lien avec des problématiques contemporaines. Le fabricant proclame que « la sexualité devrait être célébrée, pas condamnée ». En 2008, lorsque les californiens avaient voté pour Prop 8, qui interdisait le mariage entre personnes de même sexe, American Apparel avait produit et offert 50 000 t-shirts portant l’inscription « Gay O.K . » aux Etats-Unis, et avait fait de même en France pour soutenir le mariage pour tous.
Néanmoins, avec cette dernière campagne, la marque passe un nouveau cap. « Made in Bangladesh » s’aventure sur un terrain glissant, celui de la religion, voire de la politique. L’islam dans ce pays est en effet religion d’Etat, et cette jeune femme ne passera pas inaperçue. A trop jouer avec les mœurs, American Apparel risquerait de se brûler.
Camille Frilley
Sources :
Huffingtonpost.fr
Lexpress.fr
epcblog.com
Americanapparel.com

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Normcore
Société

Normcore: tendance à la normale

 
Alors que les différentes collections de haute-couture ont été présentées à New York, Milan ou encore Paris au cours des dernières semaines, un nouveau mot fait trembler le monde de la mode: Normcore. Le nom est explicite, composé de « norm » et de « hardcore » : il s’agit d’une normalité exacerbée, devenue tendance. Ce terme a émergé dans un article de Fiona Duncan dans le New York Magazine du 26 février dernier, avant d’être repris partout. Le concept lui, vient du constat suivant: il est devenu impossible aux Etats-Unis de différencier des jeunes locaux du touriste américain moyen. Sandales, jean, t-shirt uni et large: ce look voit triompher des marques jugées basiques mais pas habituellement à la mode ni originales, telles que Uniqlo, Birkenstock ou en France Decathlon.

Le normcore vient donc renverser toutes les habitudes de tendances, puisqu’il s’agit d’un refus de faire du choix vestimentaire un enjeu capital. Se démarquer n’est plus une finalité, ce qui vient contrer la démarche hipster, dont le point de départ était bien de sortir du « mainstream » et d’affirmer sa singularité. Cette tendance hipster semble avoir atteint un point très paradoxal, car tous ses participants en refusent l’étiquette, devenue elle-même trop commune. Or pour le normcore, l’étiquette est salvatrice, elle permet d’être tendance, et non pas un simple touriste américain qui a privilégié l’aspect pratique de sa tenue.

Un mouvement émerge souvent avec une figure de proue. Or dans le cas du normcore, c’est Steve Jobs qui a été choisi, étant connu pour faire ses conférences Apple en col roulé et jean, alors que celles-ci étaient retransmises dans le monde entier. Il apparaît alors que le normcore émerge comme tendance à un moment où le code vestimentaire au travail se relâche. Certains domaines y sont plus propices que d’autres, mais venir travailler en basket est si fréquent que la tendance normcore peut se développer sur un public assez large. A la condition d’un cadre de travail plus décontracté s’ajoute celle d’un contexte médiatique particulier. Pour exister sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux, chacun est conduit à tenter de se démarquer en permanence. Cet effort à produire serait responsable d’une certaine lassitude, une volonté de revenir dans la norme. On refuserait donc la concurrence acharnée qui sévit sur les réseaux sociaux par le fait de se fondre dans la masse plus globale de la population occidentale. Enfin, ce style est porté par une jeune génération, qui semble vouloir retourner aux lignes épurées qui ont marqué leur enfance dans les années 1990. Entre nostalgie, code vestimentaire possible et volonté de ne plus se différencier à tout prix, le normcore répond bien à des conditions d’émergence particulière, qui justifient également le succès du terme. Cela rappelle même le thème de campagne du président François Hollande, désireux d’être un « président normal ».

Mais cette tendance n’est pas sans soulever de nombreux paradoxes. Tout d’abord, la volonté de se fondre dans la masse est bien contredite par la revendication du style. Comment être normal en se revendiquant d’un style? Or, l’étiquette est décisive pour éviter d’être confondu avec les touristes basiques. Le normcore semble de fait moins un non style qu’un style nonchalant, ne laissant pas voir la réflexion qu’il y a derrière. C’est là qu’on atteint le paradoxe le plus fort lié au normcore: il faut avoir l’air de ne pas avoir prêté attention à sa tenue, alors que c’était le cas, pour donner une impression de simplicité. Le normcore – qui était pourtant un refus de se démarquer – devient alors un moyen de communication sur sa personnalité. Beaucoup de significations peuvent ainsi être attachées aux choix vestimentaires de Steve Jobs, allant d’une volonté de se différencier des autres directeurs de grandes marques, d’apparaître plus décontracté à celle de laisser l’accent sur les visuels de la marque. Le normcore n’est donc pas une simple envie de s’habiller au plus simple. Des valeurs y sont accolées. Comme dirait l’aphorisme « less is more », cette simplicité et normalité revendiquées ne sont en fait qu’une façade pour faire croire à une personnalité décontractée. La volonté de sortir des sentiers battus en revenant à un style peu répandu n’est pas sans rappeler la démarche hipster, tant la banalité était laissée de côté par une course à l’originalité permanente. Enfin, il ne faut pas oublier que cette tendance se fonde sur la banalité occidentale, voire nord-américaine, ce qui conduit à relativiser la notion de globalité, car elle ne peut évidemment s’appliquer au monde entier. La tendance normcore est bien un style au même titre que les autres, qui dit beaucoup de choses sur ceux qui l’adoptent et sur des évolutions de société.
Cette tendance raconte aussi comment les médias peuvent mettre en lumière des faits qui n’auraient nullement attiré l’attention en temps normal. En effet, comment débusquer la normalité basique de celle qui vient d’une tendance, si ce n’est pas l’émergence d’une étiquette normcore qui fait le buzz?
 
Astrid Gay 
Sources
Slate
NYmagazine
Photo de couverture : Musemagazine